Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Dominic Giroux: President, Laurentian University
At the age of 19, Dominic Giroux became a school commissioner. When he was 29, he served as assistant deputy minister. At 33, he was appointed President of Laurentian University. He tells us about his passion for education and his early success.
Production year: 2012
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GISÈLE QUENNEVILLE rencontre des personnalités francophones et francophiles: des politiciens, des artistes, des entrepreneurs ou des scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
Fin formation à l'écran
Fin générique d'ouverture
GISÈLE QUENNEVILLE s'adresse au public de l'émission.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bienvenue à l'émission.
Cherchez le mot « précoce » dans
le dictionnaire, et y a des
chances que vous y trouverez
la photo de Dominic Giroux
et voici pourquoi.
À l'âge de 19 ans, le jeune
Dominic est élu conseiller
scolaire à Ottawa. Deux ans
plus tard, il préside
ce même conseil.
À 23 ans, il occupe des postes
de gestion dans des conseils
scolaires du sud et de l'est de
la province et, à l'âge de 29
ans, il devient sous-ministre
adjoint au ministère de
l'Éducation de l'Ontario. Mais
ce n'est pas fini. En 2009,
Dominic Giroux, à l'âge de 33
ans, est nommé recteur de
l'université Laurentienne de
Sudbury. Il gère un budget de
110 millions de dollars, il
dirige 1000 employés et 9000
étudiants. C'est un parcours
atypique qui vient avec ses
avantages et ses inconvénients.
Mais Dominic Giroux semble
toujours prêt à relever
de nouveaux défis.
(GISÈLE QUENNEVILLE et son invité, DOMINIC GIROUX, sont assis l'un face à l'autre.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Dominic Giroux, bonjour.
[DOMINIC GIROUX:] Bonjour!
GISÈLE QUENNEVILLE
On va commencer par le plus
évident, qu'à l'âge de 37 ans,
vous êtes un président
d'université chevronné. Quels
sont les avantages?
DOMINIC GIROUX
J'ai jamais cru qu'il y avait
nécessairement un avantage ou un
désavantage, pour être bien
honnête, par rapport à l'âge.
Je pense que c'est davantage
les compétences qu'on peut
amener et tout ça.
C'est certain que j'ai
peut-être une plus grande
facilité de pouvoir connecter
avec les étudiants, que ce soit
en personne ou avec l'usage
des médias sociaux. Peut-être un
petit peu plus d'énergie, parce
que c'est quand même un travail
qui est très exigeant, mais
autre que ça, j'ai jamais fait
l'argument en faveur de
l'âge comme tel!
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais est-ce qu'il y a des
inconvénients, des moments
cocasses dans votre carrière
qui vous viennent à l'esprit?
DOMINIC GIROUX
Je pense que toutes les
premières semaines dans un
nouveau rôle! J'ai toujours été
le plus jeune dans tous les
rôles que j'ai occupés, que ce
soit comme conseiller scolaire
ou président de conseil
scolaire ou sous-ministre
adjoint ou maintenant recteur.
Événement cocasse: je me
rappelle, lorsque j'avais
commencé au ministère de
l'Éducation, comme sous-ministre
adjoint - c'était à l'été
2005 - je complétais mon brevet
d'enseignement à temps partiel.
GISÈLE QUENNEVILLE
29 ans?
DOMINIC GIROUX
Oui, c'est ça, 29 ans. Et donc
j'avais fait un stage dans une
classe de 7e année et, avant de
commencer comme sous-ministre
adjoint, le sous-ministre
m'avait demandé de venir à une
retraite des sous-ministres
adjoints, deux mois avant que
je commence, pour me
familiariser avec le ministère.
Et je venais de passer deux
jours à un camp d'étudiants de
7e année, camp de fin d'année.
On avait fait du kayak, j'avais
le visage... j'avais des coups
de soleil, etc. Et je me pointe
à la retraite, je suis le
premier arrivé, et une de mes
futures collègues arrive, me dit
pas un mot. Elle pensait que
j'étais le technicien à
l'audiovisuel pour la
retraite! Parce que j'avais pas
l'air du sous-ministre adjoint
typique. Donc ça, c'est
peut-être l'événement le plus
cocasse. Mais autre que ça, j'ai
jamais eu de difficultés ou de
problèmes liés à ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
L'éducation, on a l'impression
que c'est quelque chose qui
vous a toujours passionné. Comme
enseignant, peut-être moins
parce que vous avez pas été en
salle de classe, mais comme
administrateur. Premier poste,
si vous voulez, c'est comme
conseiller scolaire à l'âge de
19 ans... Comment est-ce qu'on
peut, à 19 ans, savoir
qu'on veut devenir conseiller
scolaire? Qu'est-ce qui vous
passionnait dans le
monde de l'éducation?
DOMINIC GIROUX
Je pense qu'on le sait
pas qu'on veut devenir
conseiller scolaire!
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais on se présente
quand même!
DOMINIC GIROUX
On se présente parce
que j'étais impliqué
dans la communauté.
Oui, l'éducation, ça me
passionnait, la francophonie,
ça me passionnait et souvent,
l'éducation et la francophonie,
surtout en Ontario, c'est
intimement lié comme
domaines d'intérêt.
À ce moment-là, je trouvais
que les choses étaient pas
tellement innovatrices ou
avant-gardistes au niveau de
l'éducation dans la région
d'Ottawa.
GISÈLE QUENNEVILLE
On sait ça, à 19 ans?
DOMINIC GIROUX
Bien, tu le sens, ou... quand
t'as 19 ans et que t'assistes à
des réunions de conseils
scolaires et tu te rends compte
que les discussions portent sur
les circuits d'autobus et les
débentures, puis les
négociations de conventions
collectives et la distribution
de lait dans les écoles, et
qu'on parle pas de programmes ou
de l'évaluation du rendement des
élèves, ou comment le conseil
scolaire peut se positionner à
l'échelle nationale...
Tu sens qu'il y a quelque
chose qui manque!
GISÈLE QUENNEVILLE
Et comment on se rend à la
réunion de conseil scolaire
quand on a 19 ans? Moi, je me
souviens, à 19 ans, j'étais pas
dans les réunions de conseil
scolaire!
DOMINIC GIROUX
Bien, à ce moment-là, j'étais
un des conseillers scolaires
qui siégeaient au conseil.
Bernard Potvin, on s'était
côtoyé dans la communauté,
m'avait invité à assister des
réunions... Tu commences à
rencontrer des parents. Y avait
quand même des parents très
impliqués, très engagés au
conseil scolaire à Ottawa. On
rencontre les présidences de
syndicats... C'est sûr qu'au
début, les gens me regardaient
comme: Qu'est-ce qu'il fait,
lui? Puis certaines réunions
étaient très plates, j'en
conviens, mais y avait quand
même... je voyais qu'il y avait
du potentiel à faire plus et à
faire mieux. Puis je voyais
qu'il y avait quand même une
certaine connivence entre
plusieurs administrateurs et
administratrices du conseil
scolaire, qui disaient: ah!
Tiens, c'est intéressant
d'avoir un jeune qui vient.
Des conseillers scolaires
eux-mêmes, des parents, des
enseignants et donc j'ai trouvé
ça intéressant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et avant ça, quand vous étiez
plus petit, encore, est-ce que
vous étiez activiste à
vos heures?
DOMINIC GIROUX
Oui, j'étais impliqué, que ce
soit à ACFO ou dans d'autres
organismes à Ottawa. J'étais pas
impliqué seulement au sein de
mon école, pour aucune raison
en particulier. J'avais beaucoup
d'admiration pour les autres
étudiants qui s'impliquaient
dans le conseil étudiant, ou qui
étaient très actifs au sein de
l'école mais pour une raison ou
une autre, moi, ç'a plutôt été à
l'extérieur de l'école où je me
suis impliqué.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vos parents étaient
ou sont enseignants?!
DOMINIC GIROUX
Oui, les deux ont commencé
leur carrière en enseignement.
Ma mère à l'élémentaire,
mon père au secondaire. Les deux
enseignent aux adultes aussi.
Par après, ma mère a changé de
carrière pour aller travailler
au fédéral, mais y a toujours
eu cet intérêt-là, mais à
aucun moment ils ne m'ont dit:
« Tu dois absolument aller en
enseignement », ou « Tu dois
absolument aller en éducation ».
En fait, je soupçonne qu'à
chaque moment ou à chaque étape
de ma carrière, ils ont toujours
été surpris.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et fiers!
DOMINIC GIROUX
Fiers, je présume, mais je me
rappelle quand j'avais annoncé
que je devenais sous-ministre
adjoint, évidemment, le
déménagement à Toronto... alors
qu'on venait d'avoir Simon,
notre plus vieux, c'était pas
une nouvelle intéressante! Et je
me rappelle, quand j'ai dit à
ma mère: bon, je deviens
recteur de l'université
Laurentienne. Elle comprenait
pas que recteur, c'était le
président, puis elle se
demandait: pourquoi tu t'en vas
recteur d'université, donc?!
Elle voyait ça comme un rôle de
directeur ou de doyen. Quand je
lui ai expliqué c'était quoi le
rôle, c'était: OK, là, tu
vas être encore plus loin!
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous vous êtes dirigé dans
l'administration scolaire.
Et un de vos premiers postes,
c'était comme administrateur une
fois qu'il y a eu la nouvelle
gestion scolaire en Ontario,
donc un peu à Toronto, après
ça, à Ottawa. Quels étaient les
défis, jeune, encore une fois,
début de la vingtaine, de
refaire ce monde de l'éducation
en Ontario français?
DOMINIC GIROUX
Bien, le plus gros défi, je
pense, c'était au conseil de
district catholique centre-sud.
Je vois le conseil aujourd'hui,
et ce qu'il était en 98, c'est
incroyable de voir l'évolution.
En 98, bon, pour donner du
contexte, il y avait une
quarantaine d'écoles
transférées de 13
conseils scolaires catholiques
de langue anglaise... Je crois
qu'il y avait seulement une
employée de l'administration
qui avait transféré des
conseils anglophones: la
secrétaire de séances du
conseil. Donc fallait embaucher
tout le personnel.
L'administratif avait été fait
quelques semaines, mois, avant
que j'arrive, donc pour donner
le crédit aux gens qui étaient
là à l'époque. Mais c'était,
comme on dirait en anglais,
un « start-up »! Ouverture du compte
de banque, embauche du
personnel. Ç'a été des années
folles! On travaillait
22 heures par jour, l'équipe de
surintendance, on se relayait
à 3 h du matin. Un se couchait à
3 h du matin, envoyait des
courriels, l'autre arrivait au
bureau à 3 h du matin et
répondait en même temps.
Évidemment, on pouvait pas faire
ça pendant une très longue
période, mais ç'a été trois
années très, très intenses.
Et je pense qu'en rétrospective,
plusieurs croyaient ou
anticipaient que ce conseil
scolaire-là allait échouer à
cause de la complexité de la
création du conseil, puis au
contraire, c'est un des
conseils qui réussit très bien.
Donc ça, ç'a été des années
folles. Mais je suis très
heureux de l'avoir fait: j'ai
tellement appris! Puis c'était
important aussi pour moi...
ç'a été une belle occasion pour
moi de voir la différence entre
la francophonie d'Ottawa et la
francophonie du centre-sud de la
province. Y a souvent, toujours,
une jalousie envers Ottawa, ou
même des fois un complexe
d'infériorité, puis dans le
fond, je voyais dans
le centre-sud beaucoup de
dynamisme et beaucoup
d'innovation. Il suffisait
de mettre la lumière,
dans le fond, sur les succès
qui étaient en place au
centre-sud.
GISÈLE QUENNEVILLE
À l'âge de 29 ans, on vient
cogner à votre porte pour
devenir sous-ministre adjoint à
l'Éducation. Est-ce que ça vous
a surpris, ça?
DOMINIC GIROUX
Oui. Par après, j'ai peut-être
compris, parce que le
sous-ministre de l'époque, Ben
Levin, lui-même avait été
conseiller scolaire à 19 ans!
Et sa philosophie, souvent, sa
philosophie de leadership,
c'était de recruter... à
l'occasion, de recruter des
jeunes, entre guillemets, et de
les placer dans des positions
de responsabilités
où les gens pensaient qu'ils
allaient échouer, et juste les
voir grandir. C'est ce qu'il
m'a confié par après!
Il a raconté ça
à mon party de départ, quand
j'ai quitté la fonction
publique provinciale, mais
certainement, ça m'a surpris,
mais c'était quand même un
sous-ministre qui voulait
changer les choses, il avait
quand même un agenda très
ambitieux de la part du ministre
Kennedy, à l'époque, avec le
gouvernement de McGuinty et
c'était une division qui était
quand même assez complexe.
Non seulement il y avait
l'éducation de langue
française, mais il y avait
également tous les bureaux
régionaux, donc... il cherchait
quelqu'un qui avait été dans
l'administration de conseil.
J'avais été dans deux conseils
différents et j'ai beaucoup
appris, évidemment, sur le tas,
avec... le dossier des relations
de travail, quoique je l'avais
fait auparavant... ou la
création du Bureau de
l'éducation autochtone. Donc
ça, ç'a été vraiment une
expérience inégalée avec une
équipe extraordinaire. Je
considère que c'étaient les
années... « the golden years », pour
l'éducation élémentaire et
secondaire, et plus tard,
postsecondaire en Ontario.
GISÈLE QUENNEVILLE
Petite parenthèse: pourquoi
faire votre bac en éducation?
Parce que vous aviez déjà une
formation en administration des
affaires? Pourquoi c'était
important pour vous de faire ce
bac-là? Parce que finalement,
c'était pas nécessaire pour
votre carrière.
DOMINIC GIROUX
Non, c'était pas nécessaire,
mais c'était par intérêt
personnel et parce qu'il y
avait la composante des
stages... j'aimais l'idée
d'aller passer trois mois en
salle de classe, alors que
j'étais administrateur de
conseil scolaire. Donc j'ai
enseigné dans une classe de
sixième année à l'école Des Pins
à Ottawa et en septième
année après, au Collègue
catholique Samuel-Genest. J'ai
adoré l'expérience. Ça met
certainement les choses en
perspective, quand vous êtes là
le jour puis qu'après ça, le
soir, vous allez compléter
votre job de jour! Et ce qui
était bien, surtout dans le
premier cas, dans le cas du
stage en sixième année... les
élèves et la plupart du
personnel savaient pas vraiment
quel rôle je jouais au conseil.
Donc j'ai vraiment senti que
j'ai pu profiter d'une
expérience de stage comme
n'importe quel autre étudiant.
Rendu pour le stage de septième
année, c'était différent,
parce que l'annonce de mes
nominations avait été faite!
Donc là, c'était vraiment... le
futur sous-ministre adjoint qui
vient compléter son stage
d'enseignement. La dynamique
était différente dans
ce sens-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Revenons au ministère de
l'Éducation. Quelles sont les
réalisations ou la réalisation
dont vous êtes le plus fier
de vos années comme
sous-ministre adjoint?
DOMINIC GIROUX
C'est dur d'en choisir une.
C'est certain que l'autonomie
de TFO, j'en suis très fier. Et
souvent, je dis: dans dix ans
ou dans 15 ans, j'écrirai un
chapitre ou un livre sur la
véritable histoire... la petite
histoire de l'autonomie de TFO!
Ça, j'en suis très fier. Y a
quand même eu beaucoup
d'approbations de projets en
immobilisation. Près de
300 millions de dollars de
nouvelles écoles élémentaires,
secondaires. Le campus de
Timmins du Collège Boréal,
l'expansion du campus Glendon,
la nouvelle école de médecine à
Cité collégiale, donc y a quand
même... derrière chacune de ces
approbations-là, y a évidemment
beaucoup de travail de
plusieurs personnes au sein de
la fonction publique, et, je
dirais, la création du Bureau
de l'éducation des autochtones,
parce que... c'est un dossier
où, premièrement, y avait
seulement une personne qui avait
de l'expertise au sein du
ministère, son nom était Keith
Lickers. Ça faisait 32 ans qu'il
était au ministère de
l'Éducation et ça faisait six
ans qu'il était éligible à la
retraite, et il prenait pas sa
retraite parce qu'on lui
disait qu'il ne serait pas
remplacé! Et le sous-ministre
m'a donné carte blanche, et on a
recruté une quinzaine
d'éducateurs d'expérience, tous
autochtones, et les gens
croyaient que c'était pas
possible. Et je pense
qu'en dedans d'un an ou deux,
on a pu faire énormément de
progrès. Je regarde
aujourd'hui, maintenant, la
plupart des conseils scolaires
anglophones offrent des
programmes de langue
autochtone, d'études
autochtones, pleinement
financés par la province, ce qui
crée même un problème financier
pour la province, mais un bon
problème. Donc ça, j'en suis pas
mal fier parce que les gens
pensaient qu'on allait échouer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Y a quatre ans environ, on est
venu cogner à votre porte une
autre fois, cette fois-ci pour
vous proposer de devenir
recteur de l'université
Laurentienne. Est-ce que ça,
ç'a été une surprise?
DOMINIC GIROUX
Tout à fait. D'autant plus que
j'étais en transition vers un
autre poste, parce qu'on venait
de compléter les négociations
pour les conventions
collectives, en 2008. Et j'étais
en transition pour devenir
sous-ministre associé aux
Finances deux mois plus tard. Et
sur l'entrefait, on m'approche
pour aller à la Laurentienne.
Moi, je me voyais dans la
fonction publique pour une
vingtaine d'années; on venait de
déménager dans l'est de
Toronto... Et tout ça, et j'ai
dit à mon épouse, qui est une
diplômée de la Laurentienne:
qu'est-ce que tu dis de Sudbury?
Puis on refait nos boîtes et on
y va! Et d'ailleurs, ce qui
était curieux, c'est qu'à chaque
fois qu'on allait visiter nos
beaux-parents à New Liskeard,
pour se tenir réveillés au
volant, on se posait des
questions existentielles comme:
« Dans quelle autre ville on
voudrait demeurer? »
Et la seule ville où et
Barbara et moi, on voulait
demeurer, seule autre ville,
c'était Sudbury.
À cause de la francophonie, à
cause de la qualité de vie, à
cause de la proximité des
beaux-parents. Donc ç'a été une
décision très facile à prendre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, vous êtes recteur
d'université, votre épouse est
directrice d'école. Vous avez
deux jeunes enfants: première
année, troisième année. Comment
est-ce que vous trouvez
l'équilibre, finalement, d'un
poste si prenant avec les
exigences d'une jeune famille,
quand même?
DOMINIC GIROUX
Bien, c'est difficile et c'est
certain que Barbara est très
patiente. Très, très patiente.
Très conciliante, mais le fait
d'être à Sudbury a énormément
d'avantages. Je suis à cinq
minutes de l'université.
Lorsque je suis à Sudbury, je
suis capable d'amener les
enfants le soir, d'aller les
chercher à l'école à la fin de
la journée. Ce que je pouvais
pas faire à Toronto... Donc en
ce sens-là, c'est moins prenant
dans un sens qu'être
sous-ministre adjoint, parce
qu'au moins, quand vous êtes
sous-ministre adjoint, si le
bureau du premier ministre ou le
bureau du ministre vous appelle,
en dedans de cinq secondes,
vous lâchez tout.
GISÈLE QUENNEVILLE
Là, c'est vous qui faites
les appels!
[DOMINIC GIROUX:] C'est ça!
GISÈLE QUENNEVILLE
Pour que les autres
lâchent tout!
DOMINIC GIROUX
Les gens me demandaient
souvent: c'est quoi la
différence entre être un
sous-ministre adjoint et être
recteur? Je disais: d'abord,
quand vous êtes recteur, ce qui
est à votre agenda le lendemain,
ça va vraiment se passer.
Tandis qu'un sous-ministre
adjoint, si Louise Brown du
Toronto Star écrit un article,
votre journée vient d'y passer!
Et l'autre différence, c'est
que, comme sous-ministre
adjoint, si le bureau du
premier ministre voulait avoir
une note de breffage ou une
note de décision, bien, vous
faisiez venir votre équipe et,
30 minutes plus tard, c'était
rédigé. Quand vous êtes recteur,
si vous avez à pondre quelque
chose, bien, vous demandez à
quelqu'un puis... ça va passer à
travers plusieurs instances,
puis on va convoquer le comité,
etc., etc. et peut-être que
quelques jours plus tard, vous
allez avoir votre note!
Donc ça, c'est les deux
différences fondamentales
entre les deux rôles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlons un peu de l'université
Laurentienne. Y a pas si
longtemps, c'était peut-être
pas l'université de
prédilection de bon nombre
d'étudiants de l'Ontario.
Je pense que c'est en train
de changer.
DOMINIC GIROUX
C'est vrai que l'université a
connu énormément de croissance.
On est l'université qui a connu
le plus de croissance au pays
dans la dernière décennie.
On est passé de 6000
à 10 000 étudiants.
Beaucoup d'investissements au
niveau des immobilisations, sur
le campus, nouvelle école
d'éducation, nouvelle école de
médecine, nouveau centre
d'athlétisme, deux nouvelles
résidences dont une qu'on vient
d'ouvrir, nouvelle école
d'architecture qui va ouvrir
l'année prochaine, au
centre-ville de Sudbury. Une des
choses que l'université a bien
faites, ç'a été de cerner
certains créneaux de
recherche. Le défi, dans le
milieu universitaire, c'est de
plaire à tout le monde. Et
donc, on a quand même ciblé
cinq ou six domaines de
priorité et c'est là qu'il y a
eu l'expansion de programmes
d'études supérieures, création
de chaires de recherche dans ces
cinq ou six domaines-là.
Et ça, ç'a été porteur, ç'a
porté fruit. L'université se
classe maintenant numéro un
parmi les universités
principalement de premier cycle
en termes de volume d'activité
de recherche. Et donc, ce que je
dis aux étudiants qui viennent
chez nous, c'est non seulement
qu'ils ont l'avantage de
fréquenter l'université avec la
taille des classes la plus
favorable, en plus, ils ont le
taux d'employabilité parmi les
plus élevés des universités
ontariennes, mais s'ils sont
intéressés à des études
supérieures, l'avantage d'être
à la Laurentienne, c'est qu'ils
peuvent généralement participer
à des activités de recherche en
troisième et quatrième année, ce
qui, généralement, est réservé
aux étudiants d'études
supérieures dans de plus
grandes universités.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et je pense qu'on peut dire
que la Laurentienne n'est plus
une université de Sudbury, ou
du nord-est de l'Ontario, dans
le sens où y a une grande
population étudiante qui vient
d'ailleurs. Et j'ai lu quelque
part qu'une façon que vous les
avez attirés, en plus des bons
programmes et tout ça, c'était
de leur offrir des billets de
retour pour aller dans leur
famille pendant l'année
scolaire!?
DOMINIC GIROUX
55% de nos étudiants viennent
de l'extérieur du nord-est,
donc beaucoup du sud de la
province, de l'est de la
province. Notre moyenne
d'admission est au-delà de 81%
donc comparable aux autres
universités. Mais c'est un de
nos diplômés qui est à Timmins,
école secondaire Thériault...
Quand j'ai commencé ma tournée
comme recteur, puis je
demandais: qu'est-ce qu'on
pourrait faire pour continuer
à être concurrentiel comme
université, il m'a fait
remarquer: Timmins à Sudbury,
la 144 l'hiver, c'est pas
évident!
GISÈLE QUENNEVILLE
Non!
DOMINIC GIROUX
Alors... service d'autobus
quatre ou cinq fois pendant
l'année, autour des longues fins
de semaine... du congé d'étude
ou la période des Fêtes, ça
pourrait être utile. Donc on a
lancé ça comme premier... projet
pilote en 2010 et ç'a fait
fureur. Lorsque les étudiants
déménagent, la première fin de
semaine, au début de l'année
scolaire, les parents se
mettent en ligne pour acheter
le billet. Je pense que ça
coûte 40 ou 50 dollars, donc
c'est beaucoup plus abordable
que le Greyhound ou autre. Et
les parents savent, à ce
moment-là, que les étudiants
vont revenir en sécurité,
4 ou 5 fois dans l'année,
évidemment, vont rapporter leur
lavage à la maison, si c'est le
cas. C'est très populaire! Je
dirais pas que ç'a été un
facteur déterminant au niveau
du recrutement, là...
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlons des universités au
sens plus large, maintenant.
Quels sont les défis les plus
grands qui attendent
ce secteur en Ontario?
DOMINIC GIROUX
Je pense que la réponse que
vous anticipez peut-être, c'est
le défi financier, mais je
pense pas que c'est le défi
financier qui est le plus
important. Je pense qu'il y a un
défi de focus. Dans un
contexte économique plus
difficile, les institutions
doivent faire des choix, puis
se démarquer. Alors je donne
l'exemple: on a déjà une
vingtaine de programmes
de maîtrise, six ou sept
programmes de doctorat.
à l'interne, souvent, les gens
nous disaient: mais pourquoi on
démarre pas une maîtrise dans
la discipline X, Y ou Z?
Bien, si ces disciplines-là sont
offertes dans d'autres
universités dans le nord ou
sont offertes en français
ailleurs, c'est pas là qu'on
devrait chercher à se
différencier, mais plutôt
développer des nouveaux
créneaux, comme l'école
d'architecture, par exemple, qui
était pas disponible dans la
région, même en français à
l'extérieur du Québec. Donc je
pense que de plus en plus, les
collèges et universités doivent
se différencier pour se
démarquer et rendre les choix
plus clairs pour les étudiants.
Deuxième défi, c'est au niveau
de l'innovation. Je pense qu'il
y a des attentes très élevées
des étudiants, surtout dans un
contexte de mobilité étudiante,
dans un contexte d'ère
technologique, d'offrir un plus
grand nombre d'options à
distance, en ligne, différents
formats d'apprentissage, pas
simplement le concept typique
d'une année de 30 crédits, etc.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
DOMINIC GIROUX
Donc il faut être plus
flexible à cet égard-là pour
répondre aux attentes
des étudiants.
GISÈLE QUENNEVILLE
Y a des étudiants qui vont
vous dire, peut-être pas
forcément ceux de la
Laurentienne, mais surtout ceux
du premier cycle ailleurs en
Ontario, qu'il y a un gros
problème au niveau de...
la taille, finalement, des
classes, dans certaines
universités. On peut être en
première année et être avec
400, 500, 1000 autres
étudiants. Est-ce qu'il y a une
façon d'améliorer cette
expérience étudiante, surtout
pour les étudiants du premier
cycle?
DOMINIC GIROUX
Bien nous, évidemment, à la
Laurentienne, on a la taille des
classes la plus favorable...
GISÈLE QUENNEVILLE
Bien sûr!
DOMINIC GIROUX
…des universités en Ontario.
Mais c'est un choix délibéré que
nous avons fait. Parce qu'on
aurait pu, au cours des
dernières années, accroître de
manière substantielle la taille
des classes. On a dû le faire
un peu,
mais une des raisons
pour lesquelles on a connu la
plus forte croissance de toutes
les universités au Canada, dans
le classement McLeans, par
exemple, depuis trois ans, c'est
qu'on a fait un meilleur
travail de protéger la taille
des classes relativement aux
autres universités ontariennes
ou canadiennes. Alors c'est un
choix. Si certaines universités
ont investi beaucoup au niveau
de leur marketing, d'autres ont
investi beaucoup au niveau de
leurs immobilisations, d'autres
beaucoup au niveau des services
d'appui, nous, on a fait le
choix d'investir pour protéger
la taille des classes, la gamme
de programmes, etc. Donc c'est
un choix qui est fait par chaque
institution. On a très peu
investi au niveau du marketing,
mais on est une des universités
qui ont le connu la plus forte
croissance. Certaines
institutions ont investi
massivement et ont presque pas
connu de croissance. Alors...
ultimement, ce qui attire les
étudiants, ce sont les
programmes. La qualité des
programmes, l'interaction avec
les étudiants et la valeur
ajoutée qu'ils peuvent obtenir
après leur baccalauréat, leur
maîtrise ou leur doctorat.
GISÈLE QUENNEVILLE
Dernière question: vous êtes
francophone, et je sais que
vous êtes très, très attaché à
la francophonie ontarienne.
Vous dirigez aujourd'hui une
université bilingue où vous
devez répondre aux besoins de
la communauté francophone, de
la communauté anglophone et
même, dans le cas de la
Laurentienne, de la communauté
autochtone. Comment vous
arrivez à... à jumeler ou à
concilier ces trois
besoins avec votre façon
d'être, finalement?
DOMINIC GIROUX
Ça se fait très bien. Moi,
c'est la raison pour laquelle
j'adore la Laurentienne, c'est
que c'est vraiment, à mon point
de vue, au niveau
postsecondaire, c'est le
meilleur exemple de la mosaïque
canadienne.
DOMINIC GIROUX
Avec la diversité,
la clientèle francophone,
anglophone, Premières Nations,
avec la clientèle
internationale. Maintenant, on
est rendu à presque 7% de
clientèle internationale. C'est
sûr qu'il y a toujours une
médiation à faire...
mais ce qui m'étonne souvent, je
vous donne l'exemple de la
désignation pour la loi 8 sur
les services en français.
Certaines des personnes qui ont
fait le meilleur plaidoyer pour
la désignation, c'étaient des
anglophones!
Et certains qui étaient allés à
l'université, leur réaction
était: bien, on a toujours pris
pour acquis qu'on avait eu
la désignation. Ça allait de
soi. On est une université
bilingue! Alors que même
certains francophones disaient:
hum, est-ce qu'on veut vraiment
ça? Est-ce que ça va créer...
la controverse et autre...?
Donc faut jamais sous-estimer
quand les... Ça revient aux
valeurs, dans le fond. Si les
gens ont des valeurs communes,
qui sont éprouvées, on peut être
surpris de qui se porte
défenseur des droits ou des...
ressources qui peuvent être
dévolues à un autre groupe.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et votre rôle dans tout ça?
DOMINIC GIROUX
C'est de... c'est un peu
comme le rôle du berger!
Donc c'est un rôle de
facilitation, un rôle de poser
les bonnes questions, de
pouvoir faire la promotion,
évidemment, de tous les
avantages que la Laurentienne
offre, par exemple, autant pour
les francophones, les
anglophones, Premières Nations
ou la clientèle internationale.
Ultimement, ce qui compte,
c'est le succès des diplômés. Et
je dis souvent à nos étudiants
de première année, par exemple,
qui commencent: Nous, ce qui
nous motive, c'est ce que vous
allez dire quand vous allez
obtenir votre diplôme de la
chancelière, ou du chancelier
à la fin de vos études, et
est-ce que vous allez compléter
le sondage qui dit que: si vous
aviez à revenir à la
Laurentienne, vous y
reviendriez absolument.
Et depuis trois ans, notre
pourcentage a augmenté à cet
égard-là, alors qu'il est en
baisse dans les universités
ontariennes. Donc... je pense
que le corps professoral et le
personnel de la Laurentienne
font un travail exceptionnel à
cet égard-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
On s'arrête là-dessus.
Merci beaucoup.
DOMINIC GIROUX
Merci.
(Générique de fermeture)
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