Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Carte de visite: Phyllis Lambert
In Montreal, the name Phyllis Lambert is synonymous with architecture. Phyllis Lambert founded the Canadian Centre for Architecture. She has saved a great number of heritage buildings from demolition.
Réalisateurs: Francis Lussier, Marie Léveillé, Mark Rosario
Production year: 2012
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GISÈLE QUENNEVILLE rencontre des personnalités francophones et francophiles: des politiciens, des artistes, des entrepreneurs ou des scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
[Fin information à l'écran]
Fin générique d'ouverture
GISÈLE QUENNEVILLE
Bienvenue à Carte de visite.
Le nom Phyllis Lambert est
synonyme d'architecture à
Montréal. C'est elle qui a lancé
l'idée, en 1979, de créer le
Centre canadien de
l'Architecture, un centre de
recherche et d'exposition connu
dans le monde entier. C'est elle
qui a sauvé plusieurs édifices
patrimoniaux des démolisseurs et
c'est elle qui, même à l'âge de
86 ans, est prête à se battre
contre entrepreneurs et
politiciens pour s'opposer à un
projet qui, à son avis, détruit
le patrimoine de sa ville.
Phyllis Lambert est née à
Montréal dans la richissime
famille des Bronfman, mais elle
ne voulait pas suivre le trajet
imposé par ses parents. Au
contraire, cette femme s'est
frayé un chemin peu commun pour
son époque et a fini par laisser
sa marque comme elle l'a bien
voulu.
(GISÈLE QUENNEVILLE et PHYLLIS LAMBERT sont assises l'une face à l'autre dans une pièce du Centre canadien de l'Architecture.)
(À quelques reprises pendant l'entrevue, des photos de l'invité ou de certains bâtiments et lieux sont présentées à l'écran.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Madame Lambert, bonjour.
PHYLLIS LAMBERT
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je pense que la première fois
que je suis venue dans ce
magnifique édifice, c'était soit
en 89 ou 90, ça venait d'ouvrir
les portes, et je pense qu'à
l'époque, je ne saisissais pas
l'importance du Centre canadien
de l'Architecture. Parlez-moi de
l'importance de ce centre-ci
pour le monde de l'architecture.
PHYLLIS LAMBERT
Alors ce n'est pas uniquement
le bâtiment. Ça, c'est... Nous
sommes dans l'ancien bâtiment...
qui existait sur le site et qui
était en mauvais état et tout ça
et nous avons ajouté un grand
musée et centre de recherche.
Et l'importance... Vous savez,
l'architecture n'a pas une
grande importance dans notre
société. Les gens prennent pour
acquis. Il y a des choses
magnifiques à Montréal. Surtout
du 18e et 19e siècle, et même
certaines choses du début du 20e
siècle, mais après la guerre,
les gens ne faisaient plus
attention à l'architecture.
C'était, je sais pas quoi,
quelque chose de commercial.
Alors, je trouve que
l'endroit... Et c'était toujours
une question de technique et
tout ça. D'avoir un endroit qui
pose des questions sur comment
nous vivons dans nos villes.
Comment, comment... Où on a des
documents qui montrent comment
on faisait faire, ou on faisait
face à ces questions à notre
époque, alors ça, c'est
important. Très important.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Vous savez, les gens
connaissent... Ils ont une
certaine formation en regardant
les tableaux.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Les œuvres d'art. Mais ils
savent rien, au fond, sur
l'architecture, et ils
connaissent même pas le nom des
parties des bâtiments.
Alors, alors ça, c'est juste une
petite chose dans tout.
C'est vraiment comment on habite
dans une ville et comment les
gens s'approprient leur espace
et comment ils peuvent penser un
espace qui rend la vie
magnifique, qui rend la vie...
Pour tout le monde, pas juste
pour les riches. Pour tout le
monde dans la ville.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez dit que les gens ne
connaissent pas l'architecture.
Qu'est-ce qu'on voit ou qu'est-
ce qu'on doit regarder quand on
voit un building?
Qu'est-ce qu'on doit remarquer
quand on voit un building?
PHYLLIS LAMBERT
On doit remarquer comment il
s'assoit dans la ville, comment
il est... Le site sur lequel il
est, comment il est mis sur le
site. Quand on part marcher en
face ou à travers la ville, est-
ce que le bâtiment résonne? Et
comment, est-ce qu'il y a des
jardins? Est-ce qu'il y a des
arbres? Est-ce que c'est quelque
chose qui améliore le quartier
dans lequel on est?
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Ou est-ce que c'est quelque
chose qui est... Vous passez
sans intérêt?
GISÈLE QUENNEVILLE
J'aimerais qu'on parle d'un
autre building qui a été très
important pour vous. On est en
1954, on est à New York, c'est
l'édifice Seagram, qui est sur
le point de voir le jour.
L'édifice de la compagnie de
votre père à New York. Comment
vous vous êtes intéressée à ce
building-là en particulier.
PHYLLIS LAMBERT
Je savais que mon père voulait
finalement construire un
bâtiment à New York.
Et ça m'a passionnée.
Ça m'a passionnée parce que vous
savez, le moment que vous
décidez de construire quelque
chose, de construire dans une
ville, vous changez les choses.
Et vous pouvez le faire pour le
mieux, pour le pire. Et pourquoi
est-ce qu'on ferait pas toujours
pour le mieux?
Pour améliorer les choses, pour
avoir un endroit... Un endroit
où on se sent vraiment bien et
un endroit qui ajoute à tout ce
qu'il y est autour, un peu tout
ce que je viens de dire.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Alors, évidemment... Enfant,
j'étais sculpteur. À partir de
l'âge de onze ans, je crois que
je faisais... J'ai rentrée dans
les expositions avec des jurys
pour le Canadian je sais pas
quoi. Canadian Academy des Arts,
il y avait des expositions au
printemps et à l'automne. Alors
j'étais sculpteur et puis je
marchais de chez la maison à
l'école. Alors, je passais des
bâtiments en pierre grise que
j'ai toujours trouvés très
intéressants. Alors je dois
regarder beaucoup la ville, et
puis, ça, c'est quelque chose
qui m'impressionnait beaucoup.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Alors quand cette question...
Évidemment je suis allée à
l'Université, l'art
m'intéressait évidemment, étant
sculpteur et puis peintre aussi,
et je connaissais dans
l'histoire comment ça a eu une
influence énorme dans les villes,
dans la mentalité des gens.
Alors, évidemment, le fait qu'on
allait construire un bâtiment et
que c'était mon père, ça me
donnait une entrée.
(GISÈLE QUENNEVILLE rit.)
PHYLLIS LAMBERT
Alors c'est pour ça que j'étais
passionnée sur cette question,
ce qu'on peut faire avec un
bâtiment, et c'était une époque
où il y avait de très grands
architectes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum hum. Est-ce que la vision
que vous aviez pour cet édifice-
là ressemblait à la vision que
votre père avait.
PHYLLIS LAMBERT
Évidemment pas!
GISÈLE QUENNEVILLE
Non, hein?
PHYLLIS LAMBERT
Évidemment pas. Pourquoi vous
voulez que les visions soient
pareilles? C'était un homme
d'affaires et il ne connaissait
rien de l'architecture.
Il avait construit un petit
bâtiment ici à Montréal. Un
petit bâtiment assez précieux,
d'ailleurs, en pierres grises.
Il était influencé par les
bâtiments en Écosse.
Alors c'est pour ça qu'on va
faire sur Park Avenue, n'est-ce
pas? Mais autrement, il n'était
pas formé. Je n'aurais pas pu
gérer son affaire en business,
et il n'aurait pas pu gérer
l'idée d'un bâtiment aussi.
Pourquoi vous voulez que les
hommes d'affaires comprennent
s'ils ont pas eu... Mais
finalement, je crois que j'ai pu
le comprendre, que c'était
quelque chose qui allait durer
et que ça allait influer...
Avoir une influence sur lui et
sur sa compagnie.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
Vous avez parlé de grands
architectes de l'époque. À ce
moment-là a commencé votre
collaboration avec Ludwig Mies
van der Rohe. Une grande
collaboration qui allait durer
quand même pendant un bout de
temps. Parlez-moi de cette
collaboration.
PHYLLIS LAMBERT
C'est-à-dire, moi, j'ai fait
les recherches sur les architectes
à cette époque-là. Il y avait les grands
architectes comme Mies, Le
Corbusier, Frank Lloyd Wright.
Mais... Et puis, il y en avait
d'autres, plus jeunes. Alors,
c'était vraiment une question,
essayons de voir avec la
personne qui était déjà connue,
ou moins connue, en tous les
cas, Mies était à peine connu
dans ce pays, tandis qu'il était
très connu comme grand artiste
en Europe. Et cette
collaboration, pour moi, c'était
formidable. Pour moi, je voulais
qu'il construise le bâtiment
comme il le concevait.
Alors, je faisais tout pour que
ça se fasse.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais là, madame Lambert, on
est en 1954 et je crois que vous
avez à peine 27 ans. Vous êtes
une femme, et je le répète, on
est en 1954. Comment est-ce que
vous avez pu vous imposer dans
ce projet-là?
PHYLLIS LAMBERT
Évidemment, vous savez, dans
les compagnies, si quelqu'un a
une position... C'est-à-dire, il
fallait que je rentre, il
fallait que je m'impose pour
commencer. Ça, c'est vrai.
Alors j'étais tellement
convaincue... que j'ai pu faire
falloir mon point de vue.
Alors j'ai assisté sur le comité
de construction et comme je dis,
dans les compagnies, si vous
avez une haute position, ce que
vous dites, les gens suivent.
C'était pas toujours.
Il y avait des discussions sur
certaines choses.
On voulait, par exemple, à une
époque donnée, mettre... Vous
savez, le bâtiment était en
retraite de 90 pieds, alors ça
fait un demi-acre devant le
bâtiment. Superbe et qui donne,
d'ailleurs, qui donne un
environnement tellement
magnifique que la ville a changé
les règlements de zonage à New
York pour inciter les gens qui
construisaient de donner du
terrain libre et ouvert dans la
ville, alors les gens... Et les
conditions étaient telles que...
on construisait des tas et des
tas et des tas de plazas partout
à New York.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Ça a changé la face de la
ville.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Comme j'ai dit, une fois que
vous avez une position, on
écoute ce que vous dites, et
puis, j'ai dit que j'étais
convaincue et mon argumentation
était... écoutée.
GISÈLE QUENNEVILLE
Madame Lambert, vous avez
toujours été artiste. D'un très
jeune âge. À quel moment vous
vous êtes dit: « Moi, je veux
être artiste »?
PHYLLIS LAMBERT
Jeune.
Écoutez, j'ai commencé à faire
de la sculpture à neuf ans et je
rêvais d'être artiste, je rêvais
d'avoir... mon autonomie à moi.
Et je rêvais d'être artiste et
puis être autonome.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu'est-ce que vous
sculptiez quand vous aviez neuf
ans?
PHYLLIS LAMBERT
Oh, j'avais un sculpteur, un
professeur de sculpture qui
était formidable avec moi, et
puis je faisais principalement
des copies sur des plâtres.
Et puis des petits écureuils, et
puis je faisais des petits
garçons qui descendaient dans un
toboggan, et puis après ça, je
commençais à faire des portraits
et faire des nus et tout ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et à quel moment est-ce que
vous avez... vous vous êtes dit:
« La sculpture m'intéresse, mais
l'architecture m'intéresse
aussi. »
PHYLLIS LAMBERT
Je crois que la grande
différence dans la question que
vous posez, je crois que la
seule façon de poser c'est à
quel moment j'ai décidé d'être
professionnelle.
Alors, je crois que...
L'événement de Seagram m'a donné
cette chance.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous étiez à Chicago pour
étudier en architecture. Ça,
c'est une grande ville au niveau
de l'architecture. À quel point
est-ce que ça vous a marqué, ça?
PHYLLIS LAMBERT
J'étais... avant à Yale, je
suis allée à Yale, l'Université
de Yale, à New Haven, pendant
deux années.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Et il y avait une façon de
penser... J'apprenais pas ce que
je voulais, alors je suis allée
travailler un été dans le bureau
de Mies, à Chicago.
Alors nous renversons nos rôles,
n'est-ce pas? Parce que j'étais
sa cliente avant...
(GISÈLE QUENNEVILLE rit.)
PHYLLIS LAMBERT
Je voyais ce qu'il faisait à
l'école et puis ça m'intéressait
beaucoup. Et à Chicago, j'étais
complètement engluée dans le
domaine de l'architecture
là-bas.
Est-ce que ça m'a changée? En
quoi? Non. Ça a ajouté, comme
toujours. Les choses s'ajoutent,
et puis, évidemment, là-bas,
c'était intéressant parce qu'à
l'école Illinois Institute of
Technology, je faisais des
programmes avec un étudiant
grec, qui était... On faisait
des cours d'urbanisme ensemble,
de planification, et puis, on a
fait une étude sur cette... une
partie de ce quartier, qui
devait être... Il y avait
beaucoup de bâtiments qui
manquaient, et tout ça, et nous
avons fait cette étude, et c'est
là où j'ai commencé à
m'impliquer vraiment dans les
quartiers de la ville, et
c'était très important pour moi
quand je suis revenue à
Montréal. Hamilton Park par
exemple.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais justement, à un moment
donné, il y a eu l'architecture,
et il y a eu également la
sauvegarde du patrimoine, et ça,
c'est devenu pour vous un
élément très important de qui
vous êtes, également, c'est de
sauver le patrimoine.
PHYLLIS LAMBERT
Oui! Le patrimoine, c'est
l'architecture. C'est uniquement
l'architecture qu'on finit de
construire. C'est devenu
patrimoine. Si c'est bien.
Alors c'est la même chose. Les
bâtiments, que ce soit...
Qu'ils ont quelques centaines
d'années ou dix années, c'est la
même chose, c'est de
l'architecture, n'est-ce pas?
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais comment est-ce qu'on
arrive à intégrer la
préservation du patrimoine avec
l'aspect innovation de
l'architecture.
PHYLLIS LAMBERT
Il faut des choses de qualité,
OK? Il faut des choses qui font
une différence dans la ville au
point de vue de ce qui est sur
la rue.
S'il y a dix portes ou une porte
sur la ville... Euh, dans un
bâtiment. S'il y a des jardins,
s'il y a des arbres, s'il y a
toutes ces choses, et puis...
Il faut planifier les éléments
nouveaux pour qu'ils puissent
être en accord et puis améliorer
le quartier. Par exemple, à New
York, il y a le bâtiment de
Frank Lloyd Wright, qui est un
bâtiment rond comme ça et pas
très haut. Parmi tous ces
bâtiments verticaux, alors c'est
tout à fait différent.
C'est du neuf entre des
bâtiments qui ont quelques
années de plus, mais ça ajoute
quelque chose d'important, cet
élément d'avoir un bâtiment de
culture, un endroit où les gens
peuvent entrer.
C'est ça, la ville. Il n'y a pas
de bâtiments. C'est la ville et
c'est la façon dont on poursuit
une course d'auto, ou à pied, ou
à bicyclette.
Comment vous vivez dans un
quartier, et c'est ça, la ville.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que vous trouvez
que, règle générale, on arrive à
jumeler l'ancien et le nouveau.
PHYLLIS LAMBERT
Y a pas de règle générale. Et
je crois qu'on fait ça beaucoup
plus maintenant qu'on le faisait
auparavant.
Auparavant, quand je suis
revenue à Montréal en 73-75,
j'étais revenue un peu avant
parce que j'étais en train de
construire le Centre Saidye
Bronfman, ici. Mais à cette
époque-là, on trouvait que les
bâtiments anciens étaient
désuets et qu'il fallait les
démolir et tout ça entièrement.
C'était un manque de
compréhension de l'histoire, de
la qualité et le caractère de la
ville, de comment vivre en
ville...
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
C'était... C'était financier.
C'était une question d'argent.
Parce que, s'il y avait un petit
bâtiment et puis si on ajoutait
un bâtiment qui avait plus
d'étages, on faisait plus
d'argent. C'était des choses
comme ça. C'était pas la
culture. C'était pas l'idée de
voir comment est-ce que vous
pouvez faire une ville où les
gens sont fiers d'eux-mêmes.
C'est ça qu'on recherche, non?
Une ville où vous donnez à des
gens des possibilités de... de
s'ouvrir sur le monde et de voir
ce qui est autour de soi.
Je m'occupe d'un organisme qui
s'appelle le Fonds
d'Investissement de Montréal.
C'est le FIM, et au FIM, nous
nous occupons des bâtiments dans
les quartiers dépourvus de tout,
et puis nous essayons... Nous
achetons des bâtiments. Quand
même, il faut une certaine...
D'autres bâtiments qui vont
faire la même chose, et puis
qu'il y a des écoles et puis des
sources de culture autour. Ce
sont des bâtiments qui ne sont
pas des trésors, qui ne seront
jamais enregistrés sur le...
dans le patrimoine, mais c'est
très important pour la vie des
gens, d'habiter dans des
quartiers où les bâtiments sont
sains et propres et où les
enfants ont assez d'espace pour
travailler et... où il n'y a pas
des voyous dans la rue et tout
ça.
Ça, c'est très important.
GISÈLE QUENNEVILLE
Madame Lambert, on dit de vous
que vous n'aimez pas les
compromis. Qu'est-ce que ça veut
dire et comment ça se manifeste
chez vous?
PHYLLIS LAMBERT
Je crois qu'on ne peut pas
toujours faire tout ce qu'on
veut ou qu'on ne peut pas faire
tout au même niveau de
perfection et tout ça, alors...
Je crois que les gens disent, il
faut qu'on se compromette, mais
pour moi, ce n'est pas une
question de compromis. C'est
d'évaluer ce qu'on perd et quels
sont les éléments les plus
importants, les plus
structurants, les plus
stratégiques. Et puis, les
autres qui sont moins
stratégiques, il faut peut-être
les laisser...
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum hum.
PHYLLIS LAMBERT
Pas nécessairement périr, mais
avec moins de soin, moins de...
Pour moi, c'est n'est jamais une
question de compromis, c'est une
question de peser les avantages
et les désavantages.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez eu une grande
carrière. Vous avez fait des
choses incroyables, ici à
Montréal avec ce centre.
L'édifice Seagram à New York,
des édifices à Toronto et au
niveau de la sauvegarde du
patrimoine. Est-ce que,
aujourd'hui, il y a des choses
que vous auriez aimé faire que
vous n'avez pas pu faire, ou des
choses que vous auriez faites
différemment?
PHYLLIS LAMBERT
Oh, j'ai pensé à faire toute
sorte de choses. Vous savez, à
une époque donnée, je pensais
habiter dans une espèce de ranch
dans l'ouest avec des chevaux et
tout ça. Ou, quand j'étais à
l'école, être une...
Faire du ski. Mais pas vraiment,
parce que je l'aurais fait si je
voulais vraiment le faire.
Je crois que... Vous savez, vous
avez une espèce de but là-bas,
vous ne savez pas exactement ce
que c'est, mais plus ou moins,
et puis, la façon d'y arriver,
c'est un peu comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
J'ai une spécialiste de
l'architecture et de l'urbanisme
ici devant moi.
C'est vous. Alors, je vais vous
poser quelques questions sur des
phénomènes de la ville et je
vais voir comment vous répondez.
Vous savez, ici à Montréal,
comme chez moi, à Toronto, ces
dernières années, il s'est
construit beaucoup beaucoup de
condominiums.
Ça semble être la nouvelle mode,
on parle de la densification de
la ville. Selon vous, est-ce que
c'est une bonne chose ou une
mauvaise chose?
PHYLLIS LAMBERT
C'est une chose essentielle.
Essentielle parce qu'il y a de
plus en plus de gens dans le
monde, et si vous couvrez tout
le terrain autour de vous avec
des petites maisons, c'est
impossible. Il faut la
densification des villes.
Et il n'y a pas juste une seule
façon de le faire, parce qu’à
Paris, c'est très dense et les
bâtiments ont six étages, mais
ils sont tous... Mais il y a des
grands parcs, et tout ça.
Non. C'est essentiel.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et la façon qu'on le fait en
Amérique du Nord, est-ce que
c'est la bonne façon avec les
tours les unes à côté des
autres?
PHYLLIS LAMBERT
La seule chose que je trouve
dommage, c'est que vous avez un
site, vous avez... vous êtes
dans un bâtiment en hauteur,
vous regardez par la fenêtre, et
quelqu'un vient se mettre à côté
de vous et puis comme ça, bloque
votre vue. J'ai jamais compris
ça. Dans les vieux...
lois sur l'aménagement, 17e
siècle, 16e siècle et 15e
siècle, il y avait toujours la
question de droit de voir, droit
de vue, et tout ça, mais c'est
pour que les gens ne voient pas
dans votre maison.
GISÈLE QUENNEVILLE
Autre phénomène de
l'architecture de nos jours,
c'est la notion d'architecte
vedette. On sent que chaque
ville veut avoir son édifice
signé Frank Gehry, son édifice
signé Daniel Libeskind.
Qu'est-ce que vous pensez de ce
phénomène-là?
PHYLLIS LAMBERT
Je crois qu'il faut faire
beaucoup de très bons bâtiments
dans la ville, et si, de temps
en temps, un bâtiment de Frank
Gehry ou de Rem Koolhaas ou de
Diller Scofidio ou Peter
Eisenman, tant mieux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce qu'un architecte
devrait devenir vedette?
PHYLLIS LAMBERT
On ne devient pas vedette.
Les vedettes, c'était les
Michel-Ange d'une autre époque,
les Léonard d'une autre époque.
Les Mies van der Rohe d'une
autre époque, sauf qu'on ne
disait pas qu'ils étaient des
stars architectes, n'est-ce pas?
Mais c'était les gens à qui on
faisait attention et qui
mettaient des idées en réalité,
des idées intéressantes pour les
autres, n'est-ce pas? Alors, on
ne décide pas. Je me souviens,
une fois, un architecte me
disait: « J'espère un jour faire
un bon bâtiment ». J'ai dit: « Ça
n'existe pas ». Vous savez? Vous
faites soit toujours des bons
bâtiments, ou jamais.
(GISÈLE QUENNEVILLE rit)
PHYLLIS LAMBERT
Alors, c'est parce que les
gens... Les gens qui sont les
vedettes en architecture sont
des gens très... Ils
s'intéressent à beaucoup
d'autres choses. Ils
s'intéressent au monde, à
qu'est-ce que c'est la vie
autour de nous, l'international,
qu'est-ce que c'est le but de ce
qu'on recherche? Ils sont très
intéressés dans l'art, dans la
philosophie et toutes ces autres
choses. Alors ça, si on veut
être un bon architecte, il faut
suivre cette piste.
GISÈLE QUENNEVILLE
S'il y avait une ou des villes
modèles, selon vous, dans le
monde ou en Amérique du Nord,
sur le plan architectural, sur
le plan de l'urbanisme, quelles
seraient ces villes-là?
PHYLLIS LAMBERT
Ah, mais je crois que ce sont
des villes où on pourrait sentir
le printemps, sentir les
fleurs... écouter les arbres,
écouter les oiseaux, et des
villes qui ont des quartiers
denses et des endroits ouverts.
C'est toujours ce contraste.
C'est un peu comme Frederick Law
Olmsted faisait ses parcs, comme
le parc Mont-Royal.
C'est-à-dire, il y a des
endroits qui sont très...
Il y a beaucoup d'arbres,
beaucoup de bâtiments en
hauteur, et puis, après ça, il y
a certains bâtiments qui font
une espèce de transition à un
autre, et puis vous tombez
soudainement sur une grande
plaine ouverte. C'est ce
contraste de formes qui fait un
contraste de vie et de
pouvoir...
avoir une ville excitante et
intéressante et avoir des
endroits où vous pouvez être
seul et des endroits achalandés.
C'est tous ces contrastes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce qu'il y a une ville
qui vous vient à l'esprit, ayant
particulièrement réussi de ce
côté-là?
PHYLLIS LAMBERT
Vous savez, les villes se
construisent pendant des
milliers d'années... Des
centaines d'années. Paris,
évidemment, je crois que c'est
invraisemblable. À ce point de
vue là. La rivière, les arbres
et tout ça. C'est magnifique.
Il y a des endroits comme ça
tout à fait intéressants à
Berlin. Londres, aussi, tout à
fait une autre forme, parce que
Londres s'est développée d'une
autre façon. Le processus
développant influe beaucoup la
forme de la ville. À Londres,
c'était des petits quartiers.
Des quartiers où c'était des
grandes propriétés, des ducs, et
tout ça, qui sont... Tout le
monde est mort, ou il n'avait
plus d'argent, ou quoi, et puis
le terrain était vendu, et puis
on faisait l'église, le marché,
et l'école, et les autres
bâtiments autour. C'est toujours
un peu comme ça. Il y a des
influences différentes.
Alors, c'est pas la peine de
dire que c'est toujours pareil,
parce que c'est pas pareil.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum hum. Madame Lambert, merci
beaucoup.
PHYLLIS LAMBERT
Merci beaucoup à vous.
(Générique de fermeture)
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