Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Brian D. Johnson, Film Critic
For the past 25 years, Brian Johnson has been guiding Canadians in their movie choices. As a former Maclean`s film critic, he dissects movies, meets the actors and analyzes the industry…
Réalisateur: Simon Madore
Production year: 2013
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GISÈLE QUENNEVILLE rencontre des personnalités francophones et francophiles: des politiciens, des artistes, des entrepreneurs ou des scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
[Fin information à l'écran]
Fin générique fermeture
Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, des photos de BRIAN JOHNSON à différents moments de sa vie défilent à l'écran.
GISÈLE QUENNEVILLE
Depuis un quart de siècle,
Brian Johnson guide les
Canadiens dans leurs choix
de sorties au cinéma. Comme
critique du magazine
Maclean's, il décortique les
films, il rencontre les acteurs
et il analyse l'industrie.
Brian Johnson a commencé sa
carrière en 1971 comme
journaliste à Toronto. Peu de
temps après, il quitte pour
Montréal, où il travaille pour
la Gazette, mais sa passion
pour la musique s'impose et
pendant plusieurs années, il
parcourt le Canada et les
États-Unis comme
percussionniste. Brian fait un
retour au journalisme en 1982.
Il travaille pour des grands
magazines canadiens. En 1986,
il commence à signer des
critiques de cinéma pour
Maclean's. En 2006, après 25
ans d'écriture sur le cinéma,
Brian Johnson a décidé de se
lancer dans la réalisation de
films. Il compte deux courts
métrages à son actif. Brian vit
à Toronto avec son épouse,
l'auteure et journaliste
Marni Jackson.
(GISÈLE QUENNEVILLE et BRIAN JOHNSON sont maintenant assis l'un face à l'autre, dans la maison de ce dernier. L'entrevue suivante se déroule par moment à l'intérieur, par moment à l'extérieur dans les rues du quartier.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Brian Johnson, bonjour.
BRIAN JOHNSON
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je me souviens, quand j'étais
à l'école de journalisme, les
étudiants voulaient soit
devenir journalistes sportifs ou
critiques de cinéma. Très peu
d'entre eux, faut dire, ont
réalisé leur rêve. Est-ce que
pour vous, devenir critique de
cinéma, c'était un rêve?
BRIAN JOHNSON
Non, c'est ça le secret.
C'était pas mon rêve du tout.
Comme toute ma vie, c'était un
accident. Je voulais écrire
dès un âge assez jeune.
C'était toujours quelque chose
que je voulais faire. Et je
voulais être publié très vite.
Comme ça, on commence à
travailler pour des journaux.
Mais non, je savais pas quelle
sorte de journalisme je voulais
faire. Je voulais tout
simplement entrer dans le
journalisme, parce que comme
ça, on peut écrire et on peut
se faire publier. Et j'ai fait
de la politique, j'ai fait du
journalisme politique pendant
quelques années à Montréal.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est un peu comme le cinéma,
d'ailleurs.
BRIAN JOHNSON
Il y a une connexion quand
même. Parce que si on regarde
l'histoire de la critique de
cinéma, il y a des racines très
politiques là-dedans avec
Godard, Truffaut et tout ça.
La nouvelle vague, c'est un
courant intellectuel avec un
côté gauchiste, disons.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment est-ce que vous êtes
donc devenu critique de cinéma?
BRIAN JOHNSON
Où est-ce que vous
voulez commencer?
Euh... bon, j'ai travaillé dans
quelques journaux comme
Telegram, un journal à Toronto.
C'est allé en faillite, et après
ça, à la Gazette à Montréal
pendant quatre ans. Et après
ça, à la pige pour tout le
monde pendant cinq, six ans, je
sais pas quoi. Ah, j'ai oublié,
j'étais musicien pendant cinq
ans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je faisais pas de journalisme
durant ce temps-là. Il faut
avoir cette étape dans sa vie
pour une certaine maturation.
BRIAN JOHNSON
Ha! Ha! Ha!
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais après ça, on m'a offert
un emploi chez Maclean's du
côté artistique, pas au cinéma.
Un moment donné, le critique de
cinéma, il est parti; il
habitait à New-York. On m'a
demandé si je voulais faire ça.
J'ai dit oui. Pourquoi pas?
S'il faut se spécialiser dans
quelque chose, franchement
comme journaliste qui a fait
tout, le cinéma, c'est pas mal.
Parce que ça couvre tous les
sujets qu'on peut imaginer.
L'environnement, l'amour,
la politique... n'importe quoi,
encadré par le cinéma. C'est
pour ça que je ne me suis pas
ennuyé après plus d'une
vingtaine d'années de
couverture de cinéma.
BRIAN JOHNSON
Il faut dire que vous en avez
vu, des films dans votre
carrière. Qu'est-ce qui est,
pour vous... ou quelle est la
recette, s'il y a une recette,
pour un bon film?
GISÈLE QUENNEVILLE
Y a pas de recette, c'est
exactement pour ça que
Hollywood fait des mauvais
films d'une façon régulière,
de plus en plus. Quand on fait
ce que nous faisons tous les
jours - toutes les semaines, on
voit cinq, six films des fois
par semaine, et pendant un
festival, trois films par jour -
on devient conscient de ce
qu'il faut avoir pour un bon
film. L'élément de surprise,
c'est essentiel. Quand on va à
Cannes, par exemple, il y a une
vingtaine de films en
compétition, ce qu'on cherche,
c'est quelque chose qu'on a
jamais vu, qui est inattendu,
c'est-à-dire ça doit être un
film qui prend des risques, qui
va où une caméra n'est jamais
allée avant, qui réussit malgré
tout ça. Et nous sommes un peu
cyniques après un bout de
temps. Quelque chose qui rend
le cynisme... et nous fait...
qui nous fait croire encore
dans l'espoir, la passion du
cinéma, ça, c'est un bon film.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous avez un film
préféré ou des films préférés?
BRIAN JOHNSON
J'en ai, comme tout le monde:
Godfather, Citizen Kane...
mais généralement, quand on me
demande c'est quoi mon film
préféré, je dis toujours:
This is Spinal Tap. Parce que
je l'ai vu peut-être plus
souvent que n'importe quel
film. Ça me fait rire de plus
en plus chaque fois que je le
vois. Et ça aussi, ça reflète
mon monde. Un autre, c'est Blow
Up par Antonioni. Ce qui
compte, c'est quand on voit un
film, que ça fasse une
empreinte dans votre vie,
dans votre conscience, qui est
permanente. Peut-être que si
j'avais vu Blow Up dix ans plus
tard, ça n'aurait pas eu
d'effet. Mais un film... On ne
peut pas voir le même film deux
fois. C'est comme une rivière.
On peut pas mettre le pied dans
la même rivière deux fois. C'est
la même chose avec un film. Si
tu le vois une fois, même six
mois plus tard, tu vois le même
film encore une fois, c'est un
film un peu différent.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum, hum.
BRIAN JOHNSON
C'est pire ou c'est mieux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous nous parliez que vous
étiez parfois cynique par
rapport à des films, en
particulier, les films
hollywoodiens. C'est sûr que
c'est un monde imaginaire,
inaccessible. Euh...
Comment est-ce que vous trouvez
un peu d'authenticité dans ce
monde-là, quand vous
interviewez des célébrités,
par exemple?
BRIAN JOHNSON
Les entrevues, c'est autre
chose. Voir l'authenticité dans
un film, c'est plutôt d'oublier
qu'on est critique. Si un film
me prend comme ça et que je
peux oublier complètement ce
que je fais, là, c'est un bon
film. Mais pour faire des
entrevues sans être cynique,
c'est un jeu entre deux
personnes. Eux autres, ils sont
attrapés dans ce jeu comme
nous. Même s'ils sont riches et
ils sont célèbres, et que nous
sommes des journalistes, quand
même, c'est un peu pareil, parce
qu'on fait le même jeu.
J'ai demandé à Harold Morris, le
cinéaste documentaire, j'ai
dit: « C'est quoi, le secret
d'une bonne entrevue? » Il m'a
dit: « Le silence. »
GISÈLE QUENNEVILLE
Voilà.
BRIAN JOHNSON
Le silence. D'être écouté. Et
comme ça, après ça, j'ai rien
dit. Ha! Ha! Ha!
GISÈLE QUENNEVILLE
De plus en plus de gens ont
des opinions sur le cinéma et
véhiculent ces opinions-là par
Twitter, par Facebook, par des
blogues, par exemple. Tout le
monde est devenu critique de
cinéma, tout le monde a son
opinion et tout le monde partage
maintenant. Est-ce qu'il y a
encore un rôle pour vous, pour
le genre de travail que vous
faites, en ce moment?
BRIAN JOHNSON
Tout le monde peut écrire,
tout le monde peut prendre des
photos, tout le monde peut
parler. Mais quand même, il y a
des spécialistes avec un peu de
connaissances. Le fait que je
fais ça comme travail. Et aussi,
je me sens pas comme un expert.
J'ai jamais étudié le film,
avant que j'aie commencé à être
critique de film. Pour moi,
c'est un défi d'écriture.
C'est-à-dire que c'est comme
d'écrire n'importe quoi. Tu vois
quelque chose, il faut savoir
comment observer, comment
choisir, comment trouver quelque
chose qui est important,
essentiel, quelque chose qu'on a
jamais vu dans ce film, quelque
chose qui va intéresser le monde
qui n'est même pas intéressé par
le cinéma. C'est ça pour moi.
Peut-être parce que je travaille
pour un magazine qui n'est pas
un magazine de cinéma, mais plus
général, je trouve que ça doit
toujours être un article que
n'importe qui peut lire et en
profiter. Comme Al Purdy
a dit, le grand poète canadien,
il a dit: « How do I write a
poem? » Comment est-ce que
j'écris un poème?
Je ne sais pas. On ne
peut pas dire comment écrire un
poème, c'est impossible.
Je pense qu'il faut toujours,
dans l'art, dans le journalisme,
dans tout ça, il faut respecter
l'accident.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez appris votre
français au Québec? Vous
mentionniez que vous êtes né en
Angleterre et que vous avez
grandi à Toronto.
BRIAN JOHNSON
Oui, j'ai étudié à
l'université un petit peu et à
l'école avant ça, mais ça a été
plutôt d'aller au Québec,
travailler en français.
Particulièrement, parce que je
faisais la chronique syndicale
à un moment donné et c'était
tout en français. C'est-à-dire,
je passais mes journées en
français et j'écrivais en
anglais. C'était une double vie.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ha! Ha! Ha!
BRIAN JOHNSON
On dirait que je suis marié
à la langue anglaise, mais le
français, c'est comme une
maîtresse que je vois pas
tellement souvent.
Pas assez souvent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlons de cinéma canadien,
maintenant. Vous suivez le
cinéma canadien depuis un bon
bout de temps. Est-ce qu'on peut
dire que ce cinéma est un cinéma
qui a évolué au fil
des décennies?
BRIAN JOHNSON
Définitivement. Au début,
quand j'ai commencé à couvrir le
cinéma canadien, c'était facile
de voir tous les films
canadiens, parce qu'il n'y
avait pas autant de longs
métrages que ça.
Maintenant, il y a beaucoup plus
de films, peut-être trop de
films, si je peux oser dire ça.
Euh... Et aussi, les niveaux
technique et artistique sont
vraiment développés. Il y a eu
certains grands réalisateurs qui
ont fait des bons films, mais
aussi qui ont influencé d'autres
réalisateurs. Évidemment, David
Cronenberg, Atom Egoyan,
Bruce McDonald... David
Cronenberg, je pense, ce qu'il
a fait, c'est incroyable, parce
qu'il a fait des films sur une
certaine échelle, avec une
réputation internationale, des
films difficiles, mais quand
même des fois commerciaux. Mais
il n'a jamais fait de compromis
quelconque.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc, il y a des bons films.
Et pourtant, au Canada anglais
en tout cas, on va pas voir
nos films. Et souvent, on blâme
ça sur le marketing, sur la
distribution. Est-ce que c'est
les réels problèmes du cinéma
du Canada anglais en ce moment?
BRIAN JOHNSON
Je pense qu'il y a plusieurs
problèmes ici. D'abord, il y a
le problème culturel, le fait
que nous sommes vraiment dans
l'ombre de la culture
américaine, à la télévision, au
cinéma, plus que les autres
pays, plus que le Québec,
à cause de la langue.
Et à la fois, notre
distribution, vraiment, n'appuie
pas le cinéma canadien.
Le problème, c'est que,
traditionnellement, on pouvait
au moins mettre nos films à la
télévision, Radio-Canada, CBC
au Canada anglais. Ça n'existe
pas. La production pour la
télévision, vraiment c'est
fini. C'est-à-dire que notre
cinéma est un peu euh...
il se cherche... it's homeless.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous y voyez
un avenir? Je vous entends et
ça fait un peu pessimiste.
Est-ce qu'il y a de l'avenir?
BRIAN JOHNSON
On a toujours de l'avenir,
mais je pense que peut-être que
le cinéma national est mort
d'une certaine façon. Au
Québec, pas autant, parce qu'il
y a toujours un public
domestique pour les films
québécois. Il y a un système de
vedettes québécois. Mais pour
le Canada anglais, c'est pas
tout simplement nous autres, je
pense que c'est la même chose
avec d'autres pays, il faut
prendre conscience que le cinéma
est un médium international,
c'est un genre international.
Même Hollywood, ces jours-ci,
fait des films pour des Chinois
et des Russes.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum, hum.
BRIAN JOHNSON
C'est-à-dire, même la culture
du cinéma américain est en
danger. Des gens comme
Alexander Payne ou les frères
Coen, ils vont en Europe ou à
la télévision. Le nouveau film
des frères Coen, c'est tout à
fait financé par la France,
par la télévision en France.
C'est ça, le cinéma américain
maintenant. C'est-à-dire que le
problème canadien n'est plus
uniquement un problème
canadien. Je pense que
ça a grandi jusqu'au point
où nos problèmes sont un
peu comme les problèmes du
reste du monde.
Mais quand même...
il y a un autre problème et
c'est que l'histoire
canadienne, le drame canadien,
c'est très intérieur. Si on
regarde notre littérature, c'est
une voix qui n'est pas vraiment
comme les Australiens, ou les
Québecois, ou les Américains.
C'est pas extroverti, c'est
vraiment intérieur. C'est comme
ça qu'on a des Egoyan, des
films psychologiques. On fait
pas très bien les films...
les spectacles.
Ha! Ha! Ha!
GISÈLE QUENNEVILLE
Là où on se distingue et on
fait des spectacles, par
exemple, c'est avec notre
festival du film, le Toronto
International Film Festival,
qui existe depuis un quart de
siècle maintenant. Vous couvrez
ce festival depuis un quart de
siècle. Parlez-moi des tout
débuts de ce festival-là.
Qu'est-ce que vous avez vu
il y a 25 ans?
BRIAN JOHNSON
C'était un party, d'abord.
Il y a 25 ans, c'était un party.
Il n'y avait pas tout ce niveau
de publicistes et tout ça.
C'était vraiment improvisé.
C'était la drogue, c'était
euh... En ce temps-là, les bars
à Toronto fermaient à 1 h.
Donc pour avoir des partys après
les films, il fallait avoir des
bars illégaux et tout ça.
Il y a toutes sortes
d'histoires. J'ai écrit un
livre un peu sur l'histoire du
festival: Brave Films Wild
Nights. C'est une histoire
sociale, culturelle, pas tout
simplement artistique. Mais
c'est intéressant, parce que
Toronto est devenu un carrefour
pour le cinéma, maintenant le
carrefour le plus important,
à part Cannes, et le plus
important en Amérique du Nord.
Et même si notre cinéma a des
faiblesses, c'est comme si
notre ville est un critique de
cinéma, un grand critique de
cinéma. C'est-à-dire TIFF fait
ce que je fais à toutes sortes
de niveaux. C'est incroyable ce
que TIFF fait. C'est un peu
comme... C'est la ville qui a
produit Marshall McLuhan,
l'observation et les médias,
c'est vraiment ça que Toronto
fait très, très bien.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que le TIFF aide le
cinéma canadien?
BRIAN JOHNSON
Définitivement, oui, mais pas
comme dans le bon vieux temps.
C'est-à-dire, c'était une règle
pas écrite qu'on ouvre toujours
avec un film canadien. Ça
devient de plus en plus
difficile de trouver un film
qui est canadien et qui est
correct pour la sorte de monde
qui vient au gala d'ouverture
et qui va payer pour le party
et tout ça. On a abandonné cette
politique-la. Et aussi, les
films canadiens maintenant sont
dissous dans le corps d'un
programme général. On peut dire
qu'on veut pas que les films
canadiens soient dans un
ghetto, mais quand même, ils
deviennent de plus en plus
perdus, je pense. Le problème,
c'est qu'il y a tellement de
vedettes maintenant à Toronto
et un certain montant d'espace
dans les médias. Les vedettes
vont prendre toujours l'espace.
Et aussi, pour faire les films
canadiens, il faut avoir les
vedettes internationales. Mais
ça, c'est le cas avec les films
indépendants un peu partout.
Comme ça, les coproductions
maintenant, la plupart des
films majeurs canadiens,
anglais au moins, sont des
coproductions avec d'autres
pays.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum, hum.
(BRIAN JOHNSON est maintenant entouré de ses instruments de percussion et présente un djembé.)
BRIAN JOHNSON
Ça, c'est un djembé, le
premier tam-tam que j'ai
acheté. Ça a été fabriqué pour
moi par Michel Séguin, qui
faisait partie d'un groupe:
Toubabou. C'était un groupe
dominé par les tambours
africains. Lui et Georges
Rodriguez qui venait de Haïti,
qui était un maître batteur de
Haïti. Je voyais ces tambours,
et même avant que je les aie
entendus, juste les regarder,
ils avaient une magie qui
m'attirait. Un moment donné,
j'ai demandé à Michel de me
fabriquer un tambour; c'est ça
qu'il a fabriqué. C'est fait
d'un arbre de pin qui a été
sculpté à l'intérieur. C'est la
sorte d'instrument... c'est
rien, la musique; tu peux
commencer comme ça.
(BRIAN JOHNSON claque des doigts pour illustrer l'instantanéité eu peuvent avoir les débuts musicaux.)
BRIAN JOHNSON
Et avec l'intuition, c'est...
C'est facile
(BRIAN JOHNSON joue du djembé.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Bravo!
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand vous travaillez, vous
regardez des films, vous vous
amusez en faisant de la
musique. Est-ce que vous faites
des choses sérieuses
dans la vie?
BRIAN JOHNSON
Le film, c'est sérieux;
la musique, c'est sérieux.
La musique est plus sérieuse que
n'importe quoi. Quand tu
joues... Le luxe de trouver
quelque chose vrai et honnête,
c'est plus difficile dans la
musique que n'importe où.
De toutes les petites carrières
que j'ai eues, d'être musicien
professionnel à plein temps,
ça me semble être plus utile
socialement que n'importe quoi
que j'ai fait.
À la fin, quand je dis:
je n'exploite personne,
je suis pas trop payé...
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes critique de cinéma,
mais vous êtes également
artiste par moments. On a parlé
de musique tout à l'heure. La
musique a toujours occupé une
place importante dans votre vie?
BRIAN JOHNSON
Non, pas toujours. Il y a eu
une rupture dans ma vie qui
s'est passée au Québec, à
Montréal. J'étais chroniqueur
syndical pour la Gazette
pendant quelques années,
et j'étais gauchiste.
Et c'était un peu comme si
j'étais espion. C'est-à-dire que
je travaillais pour un groupe
révolutionnaire et je couvrais
les nouvelles syndicales,
qui dans ce temps-là étaient
vraiment importantes.
GISÈLE QUENNEVILLE
(acquiesçant)
Hum, hum.
BRIAN JOHNSON
La grève du Front commun et
tout ça. Je voulais aller de
l'autre côté. C'est-à-dire que
je voulais me déclarer, je ne
pouvais plus être ce bonhomme
qui est né en Angleterre, qui
a été élevé à Toronto, famille
bourgeoise... J'ai démissionné
de la Gazette en 1974,
en plein milieu de la crise du
saccage de la baie James, parce
que je n'aimais pas comment
mon journal l'a couverte.
Le saccage de la baie James,
c'était un grand événement dans
la construction, qui a amené à
la démolition du mouvement
syndical.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça a pris du courage,
faire ça.
BRIAN JOHNSON
Oui, j'ai fait une conférence
de presse; tout le monde est
venu. J'ai dénoncé le journal,
j'ai démissionné. Et j'ai pensé
que c'était un geste politique
à la fois, mais je ne savais
pas en ce temps-là que j'allais
de l'autre côté, mais que
c'était pas de l'autre côté
de... d'un côté politique à un
autre. Je suis devenu un peu
fou, c'était une dépression
nerveuse. Mais avec des
résultats vraiment positifs.
J'ai découvert la poésie,
j'ai découvert la musique.
C'est-à-dire que je suis allé du
côté politique à l'art. J'aime
dire que je suis né en
Angleterre, mais culturellement,
comme adulte, je suis né au
Québec, avec cette rupture-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlez-moi de votre musique.
BRIAN JOHNSON
La musique, c'était un
accident comme n'importe quoi
de bon qui s'est passé dans ma
vie. Il y avait Michel Séguin
qui jouait avec Charlebois dans
le bon vieux temps. Il est une
des premières personnes qui
aient amené le djembé de
l'Afrique de l'Ouest en Amérique
du Nord. Il a commencé à
fabriquer à Gatineau des bois
natifs comme bouleau et pin et
tout ça. Il jouait dans la rue.
Et je suis devenu complètement
ensorcelé par cette musique-là.
Je pense que la drogue a joué un
rôle là-dedans. Mais quand même,
ça a collé. J'étais ravi de la
musique et c'était... j'avais
pas le choix, ça m'a pris comme
ça. C'est comme si j'avais été
vraiment kidnappé, attrapé par
la musique. Et je suis devenu
un musicien à plein temps pour
un bon cinq ans. Et après ça,
écrire, c'était beaucoup plus
facile. Parce que la
performance à ce niveau-là,
c'est vraiment quelque chose.
C'est une expérience qu'il faut
avoir, dans mon cas.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous faites encore
de la musique aujourd'hui?
BRIAN JOHNSON
Oui, toujours, toujours. Pas
aussi souvent que j'aimerais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez également tâté
votre chance, tâté le terrain
comme réalisateur. Vous avez
réalisé deux courts métrages
récemment. Comment ça a été,
ça, comme expérience pour vous,
en étant critique de cinéma,
de faire un film?
BRIAN JOHNSON
Ça a été une expérience
amateur et naïve au début.
C'est-à-dire que c'était un
autre accident dans ma vie.
Quelqu'un m'a demandé si je
voulais faire des critiques de
nouveaux appareils de vidéo et
tout ça. J'avais jamais utilisé
ça avant. J'ai commencé à jouer
avec ça et j'étais ravi de ça.
Et faire le montage, c'était
vraiment excitant, parce que
c'est comme écrire, mais votre
ego n'est pas investi là-dedans
de la même façon, parce que
le matériau n'appartient pas à
toi, c'est quelque chose qui
est objectif. Mais aussi, c'est
une combinaison intéressante,
parce qu'on est critique de
cinéma, c'est-à-dire, on a un
oeil quelconque, on va vu
beaucoup de choses et aussi, je
suis toujours visuel, même quand
j'écris, j'écris en scènes
et en scénarios. Il faut que je
voie ce que j'écris. Je suis
complètement comme un enfant,
primitif, naïf, en termes de ce
qu'il faut savoir pour faire le
montage, pour faire le tournage
et tout ça. J'aime découvrir
des choses. C'est pas assez,
d'être bon à quelque chose et
ne faire que ça. Il faut
toujours apprendre, même quand
on est vieux, comme je suis
vieux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Êtes-vous un cinéaste manqué?
BRIAN JOHNSON
Je suis cinéaste manqué,
je suis musicien manqué,
je suis... probablement que je
suis écrivain manqué aussi.
Parce que faire du journalisme,
c'est pas comme écrire des
romans. J'ai écrit un roman,
mais on a toujours des rêves.
Et quand on est plus vieux, les
rêves commencent à... l'horizon
commence à devenir de plus en
plus proche. On commence à se
rendre compte qu'on ne peut
pas faire tout, il faut se
spécialiser, il faut savoir ce
qu'on fait de bien. Mais à la
fois, il faut jouer. Et même
dans le métier d'écrire, il
faut... continuer à jouer avec
les mots et avec les idées. Je
veux me surprendre avec ce que
je fais. Il faut toujours avoir
des accidents quand on écrit
quelque chose. Et quand j'ai
fait du cinéma, ça a commencé
comme un documentaire surréel,
c'est-à-dire regarder des
choses comme... J'ai fait un
court métrage sur les mains
au travail. Et la règle pour
moi, c'est chaque fois, il faut
que les mains n'aient pas l'air
de faire ce qu'elles font.
C'est-à-dire qu'il faut avoir un
niveau abstrait, métaphorique.
C'est-à-dire un saut conceptuel
avec chaque image. Ça,
c'était... I was the conceit.
Et je m'amuse toujours avec ça.
J'ai fait deux films
professionnels avec des
budgets. Je sais ce que vous
voulez dire, c'est comment...
qu'est-ce que le monde va dire,
quand un critique de cinéma
essaie de faire un film?
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que ça vous inquiétait?
BRIAN JOHNSON
Pas du tout. Parce que c'était
un court métrage, c'est de la
poésie. C'est pas la même chose
que... Pour moi, j'ai fait les
courts métrages comme des
poèmes visuels. Si je faisais un
long métrage, ça, c'est autre
chose. Ça, c'est le même médium
dans lequel je travaille de
l'autre côté du miroir.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que ça,
ça vous intéresse?
BRIAN JOHNSON
Pas lorsque j'ai un emploi,
non. Mais si j'étais à la
retraite, peut-être que
j'essaierais quelque chose,
peut-être un documentaire. Je
pense que je suis plutôt
intéressé par les
documentaires. Je sais pas si
je pourrais travailler
avec des acteurs.
GISÈLE QUENNEVILLE
Brian Johnson, merci beaucoup.
BRIAN JOHNSON
Merci.
(BRIAN JOHNSON joue du tam-tam.)
(Générique de fermeture)
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