Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Maureen McTeer: Lawyer and Author
In Canada, she is best known as former Prime Minister Joe Clark`s wife, the woman who didn`t take her husband`s name. But Maureen McTeer is much more than that: she comes from a family who values success, bilingualism and equal opportunities for girls and boys. Gisèle Quenneville meets with renowned Canadian lawyer and author Maureen McTeer, a brilliant woman interested in gender equality issues and policies on health, genetics and reproductive techniques.
Réalisateur: Simon Madore
Production year: 2013
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Début Générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
CARTE DE VISITE
[Fin information à l'écran]
Fin générique d'ouverture
Sur plusieurs images extraites d'archives : vidéos et photos, on voit MAUREEN McTEER, sur une brève biographie, en voix hors-champ de L'ANIMATRICE GISÈLE QUENNEVILLE
GISÈLE QUENNEVILLE
Au Canada, elle est connue
comme l'épouse de Joe Clark,
la femme de l'ancien premier ministre,
celle qui n'a pas pris le nom
de son mari. Mais Maureen
McTeer est beaucoup plus que ça.
Elle vient d'une famille où la réussite
était primordiale, où le bilinguisme
était essentiel et où les opportunités
étaient les mêmes pour les garçons
et les filles. À l'âge de 21 ans,
alors qu'elle est à l'université,
Maureen prend un travail
dans le bureau d'un jeune député
de l'Alberta, Joe Clark.
Peu de temps après,
les deux se marient et le tourbillon
que sera leur vie commence.
Une course à la direction
et une campagne électorale.
Pour Maureen, y a une grossesse
et ses études en droit.
Il faut trouver du temps
pour tout faire.
Il faut célébrer les grandes victoires
et apprivoiser les déceptions.
Petit à petit, Maureen s'intéresse
aux avancements de la science,
de leurs impacts sur nos vies
et du vide juridique qui les entoure.
Elle siège à la
Commission royale d'enquête
sur les nouvelles technologies
de reproduction et fait des études
plus poussées dans le domaine.
Aujourd'hui, au tout début
de la soixantaine,
Maureen McTeer dorlote
ses petits-enfants, et elle
constate que si le rôle de la femme
dans la société a bien changé
au cours des 30 dernières années,
il reste encore du travail à faire
pour atteindre une réelle égalité.
(GISÈLE QUENNEVILLE accueuille MAUREEN McTEER, en entrevue.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Maureen McTeer, bonjour.
MAUREEN McTEER
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Madame McTeer, que vous le vouliez
ou pas, vous êtes connue
comme étant la femme
du premier ministre qui n'a pas pris
le nom de son mari.
Vous vous êtes mariée avec
monsieur Clark, en 1973, et j'ose croire
qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes
qui ne prenaient pas le nom
de leur mari à cette époque-là.
Pourquoi vous aviez choisi de garder
le vôtre, votre nom de fille?
MAUREEN McTEER
Pour moi, ce qu'il y avait de
surprenant dans toute cette histoire,
c'était l'idée que les gens étaient surpris.
Parce que parmi mes connaissances,
les femmes de mon âge,
les femmes gardaient leur nom.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment vous avez vécu cette
période-là? Parce que veux,
veux pas, le public canadien...
vous a traitée de dominante, a traité
votre mari d'homme faible.
Comment vous avez vécu ça?
Parce que vous aviez même pas
30 ans à cette époque-là.
MAUREEN McTEER
Non. J'avais 22 ans, à l'époque.
Mais j'ai trouvé que
ce qu'il y avait d'important,
c'est d'avoir l'appui de mon mari
dans tout ça. Il était un féministe.
Il croyait à l'égalité homme-femme.
Et il voulait tout simplement
que je choisisse de faire
ce que je voulais faire. Et il savait,
comme moi je savais,
mais je pense que lui savait plus
que moi, que vraiment c'était
un moment où... les choses
changeaient pour les femmes.
Et la société changeait.
Et lorsque la société change,
le statu quo change,
y a toujours quelqu'un qui va souffrir.
Moi, ça m'a surprise, parce que
je m'attendais pas que c'était
pour être moi. Je pensais
que je faisais tout ce que
mes amies faisaient.
Je trouvais ça très innocent,
si vous voulez. Mais je crois,
pour lui... J'ai toujours cru
qu'il a beaucoup souffert
dans sa vie politique à cause du fait
que c'est lui qui dirigeait.
À un moment où il était vraiment
contre, en politique,
un homme qui était très macho,
qui était connu comme étant très macho,
qui ne croyait pas dans l'égalité
des femmes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Monsieur...
MAUREEN McTEER
Monsieur Trudeau.
Et ne se comportait pas d'une manière,
avec son épouse...
d'égalité homme-femme.
Et représentait, si vous voulez,
le vieux club.
Et lorsque les changements comme ça,
énormes... C'était presque...
pas une évolution,
mais lorsqu'une révolution arrive,
il y a toujours quelqu'un
qui doit aller de l'avant.
Et dans ce cas, c'était nous.
GISÈLE QUENNEVILLE
Durant tout cet épisode du nom :
McTeer, est-ce que vous avez jamais eu
envie, le goût, songé à dire:
« Bon, bien je vais le changer,
mon nom? »
[MAUREEN McTEER:] Non.
[GISÈLE QUENNEVILLE:] Non?
MAUREEN McTEER
Qu'est-ce que j'ai fait, c'est demander
à mon mari si ça affectait vraiment
sa carrière politique.
Et il a dit: « Si oui, eh bien,
nous avons choisi
la mauvaise profession, parce que
nous sommes en train de vivre
une période où tout change.
Et c'est à nous, comme leaders,
à travailler ces changements. »
Accepter que le changement
arrive au Canada dans tous les
domaines: fédéral, provincial,
etc. Tout le kit. Et c'est à nous
à jouer un rôle comme chef de file
dans une société en voie
d'évoluer vers autre chose.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous avez toujours vécu,
même dès votre jeune âge,
une égalité. Vous venez d'une
famille où c'est presque toutes
des filles. Mais votre papa
était très pro-fille, pro-égalité.
N'est-ce pas?
MAUREEN McTEER
Je dirais pas pro-égalité,
mais il voulait que ses filles
aient du succès. Mais il était
vraiment étonné - parce qu'il
avait toujours insisté pour
qu'on travaille pour être
éduquées et qu'on choisisse
des professions - que, après
avoir suivi ses conseils,
on se trouvait en train de...
si vous voulez,
changer la société.
Il pouvait pas le comprendre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais une autre grande
décision de votre papa,
c'est... l'éducation en
langue française.
Si vous parlez le français
que vous parlez aujourd'hui,
je pense qu'on peut dire
que c'est grâce à votre papa.
MAUREEN McTEER
Oui, tout à fait. Parce que
mon père a toujours cru que les
choses changeaient. À l'époque,
c'est dans les années 50,
dans l'école primaire. Et mon père,
je crois, avait raison que dans
la capitale nationale, il est
absolument obligatoire que nous,
les enfants, soyons bilingues
lorsque nous commençons
notre vie professionnelle, si vous
voulez. Alors nous avons passé
toute une...
comme je décris dans mon livre,
toute une saison...
On peut rire maintenant,
mais à l'époque, c'était très sérieux.
Nous étions catholiques anglophones,
et tous les catholiques anglophones
allaient à l'école publique,
une école anglophone.
Et papa insistait pour qu'on
aille à l'école francophone.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qui était catholique.
MAUREEN McTEER
Qui était catholique.
Alors on avait le droit.
Sauf que ma mère était protestante.
Alors papa a été obligé de montrer
son certificat de baptême, tout
le kit. Et puis enfin, il a fait
promesse que si on arrivait pas
premières dans notre classe,
qu'il nous retirerait volontiers.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez découvert une autre
bataille au niveau d'égalité
des femmes, lorsque vous avez
choisi votre profession. C'était
le droit. Pas évident pour une
femme de faire du droit et
d'étudier en droit surtout à
cette époque-là.
MAUREEN McTEER
Oui. C'était la première classe,
en 73. C'était la première classe
où plus de huit femmes ont été
admises à l'Université d'Ottawa,
faculté de droit. Et ils ont remplacé
le doyen pour le faire, parce
qu'il refusait de recevoir plus
de huit femmes dans son école,
dans sa faculté. Alors ils
l'ont changé et ils ont admis
21 femmes sur 120.
Alors c'était la première année.
Et comme vous le savez,
maintenant, c'est à 55%.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'on est à ce point-là,
dans les cabinets d'avocats?
Est-ce que les femmes
atteignent les mêmes niveaux
que les hommes?
MAUREEN McTEER
Elles peuvent dans certaines
situations. Ça dépend un peu
de quelle pratique de droit.
Parce que le droit commercial
par exemple, le droit de sécurité,
droit bancaire, c'est très payant
et c'est... si on peut s'implanter
dans ces choix de spécialité,
oui, les femmes peuvent
avoir et de l'argent et
aussi des places importantes
dans les cabinets. Mais nous
continuons à perdre les jeunes
femmes, les femmes d'un certain
âge, peut-être la trentaine, la
quarantaine, qui se disent
complètement écoeurées,
si vous voulez, du fait que l'égalité
n'existe pas dans les grandes
études... Dans les grandes
études, c'est un peu plus
facile, parce qu'elles ont plus
de moyens. Mais dans les
médiums, c'est un peu
plus difficile.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et avez-vous une petite idée
là-dessus de comment les garder
en droit?
MAUREEN McTEER
Y en a qui ont choisi. Je pense
que celles qui ont eu du succès
ont fait ce à quoi on doit s'attendre.
Premièrement, elles ont eu les
heures plus flexibles, le temps
plus flexible. Les femmes,
elles-mêmes, ont choisi peut-être
des spécialités qui leur permettent
d'être plus flexibles. Peut-être
de quitter pendant un certain
temps pour avoir leur famille.
Aussi, certaines grosses boîtes ont
des garderies. Il faut accepter
que les femmes, peut-être
dans les... En médecine,
c'est la même chose. Lorsqu'elles
graduent, c'est le moment
qu'elles devraient commencer
leur famille. Parce que la
cause numéro un
de l'infertilité, c'est l'âge.
Alors il faut savoir que si nous
voulons que les femmes
instruites, intelligentes,
capables aient des enfants,
commencent des familles,
il faut s'organiser comme société
pour les seconder dans leurs plans.
(Entrevue avec CATHERINE CLARK et sa mère, MAUREEN McTEER.)
CATHERINE CLARK
Ma mère, elle est une femme
énormément courageuse.
Et elle m'a pas vraiment appris
des leçons. C'était en observant
ma mère que j'ai appris
quand il faut prendre des
décisions qui ne sont pas
populaires. C'est ma mère qui
m'a appris qu'il faut vivre
la vie avec courage.
Mais elle est aussi une femme
avec beaucoup de compassion
pour les autres. Et ça, c'était
très important pour moi, parce que
je crois qu'il faut traiter tout
le monde avec compassion et avec
gentillesse. Et c'est de ma mère
que j'ai appris tout ça.
MAUREEN McTEER
Sauf les chauffeurs devant
moi qui vont trop lentement.
CATHERINE CLARK
Oui. C'est ça.
MAUREEN McTEER
Pas de compassion pour eux.
CATHERINE CLARK
Je sais toujours quand mes enfants
ont conduit avec ma mère!
MAUREEN McTEER
Idiot!
(Retour à l'entrevue avec MAUREEN McTEER.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlons politique maintenant,
madame McTeer. En politique,
aux côtés de votre mari, je pense
qu'ensemble, vous avez vécu des
grands moments de satisfaction,
de victoire, d'euphorie,
mais je pense qu'on peut dire que
vous avez également vécu des
moments de déception. Quel est
selon vous le moment le plus
mémorable de votre vie
de couple politique?
MAUREEN McTEER
Y en a plusieurs, mais certainement...
lorsque mon mari a gagné en 76.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, c'était le leadership
à ce moment-là.
MAUREEN McTEER
Oui. Parce que c'était inattendu.
Tous les experts, si vous voulez,
ont dit que c'était pas possible.
Je pense que ça, c'était très important.
Le moment où il est devenu
premier ministre aussi,
c'était très intéressant, important.
Et le moment où il est devenu
ministre des Affaires étrangères,
parce que ça lui permettait
de partager, si vous voulez,
son expérience, tant avec le monde
qu'avec le pays.
Je pense que pour lui, c'était
important.
GISÈLE QUENNEVILLE
Revenons à 76 par exemple.
J'étais très jeune, mais j'ai
quand même des souvenirs de ça.
Et le souvenir que j'ai,
c'était le fameux Joe Who.
MAUREEN McTEER
Oui. Mais quand on est ignorant,
on connaît pas, on essaye
de cacher son ignorance
en mettant... le négatif,
si vous voulez, sur l'autre.
La personne qui a décidé
de l'appeler comme ça, c'était
quelqu'un qui avait pas fait
ses devoirs. Et c'était plus
facile pour cette personne-là
de... insulter, si vous voulez,
celui qui, contre tous les experts,
avait gagné, plutôt que d'admettre
son ignorance.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais comment est-ce qu'on
contre une manchette
comme celle-là?
MAUREEN McTEER
Presque impossible.
Et on l'entend encore.
Y a des gens qui disent:
« Oh, voilà, c'est Joe Who. »
Et puis, vous savez, puisque la vie
n'est pas juste, on doit pas penser
que certains aspects de la vie
vont être plus justes. Vous savez,
ça se fait pas. Mais des fois,
c'est décevant, parce que c'est
un manque de respect. C'était
toujours insultant. C'est ça
qui m'a toujours surprise,
pourquoi c'était si insultant.
Et peut-être c'est parce qu'il
avait pas l'allure de
monsieur Trudeau.
Joe était respectueux.
Monsieur Trudeau disait:
« Bon, allez-vous-en. »
Joe disait: « Est-ce que je peux vous
aider? » Mais il a gagné
quand même, parce que maintenant,
il a le respect du peuple.
Et je pense que c'est important.
GISÈLE QUENNEVILLE
On a parlé des grands moments
de votre carrière politique.
Un moment de déception
qui vous vient à l'esprit maintenant.
MAUREEN McTEER
J'étais un peu déçue de ne pas
gagner les élections quand
je me suis présentée en 88.
J'ai trouvé que... j'étais une bonne
candidate. J'avais beaucoup à
apporter et j'aurais aimé le défi.
Et c'était un défi complètement
différent, être candidate,
que d'être épouse de candidat.
Et j'ai beaucoup apprécié
l'expérience. Mais... c'est jamais
gai de ne pas gagner.
GISÈLE QUENNEVILLE
Non. C'est sûr. Surtout en 88,
conservatrice. Y a eu la deuxième
majorité de monsieur Mulroney,
à ce moment-là. Dans votre cas...
Bon, vous le dites, vous étiez
une bonne candidate. Qu'est-ce
qui a fait que ça a pas marché
pour vous?
MAUREEN McTEER
C'était le libre-échange.
Dans notre coin, si vous voulez.
Comme en Alberta... c'était...
à 99%, les gens appuyaient le
libre-échange.
En Ontario, c'était pas le cas.
Nous avons, dans notre région
du l'est de l'Ontario,
perdu 22 sur 24 comtés,
et nous avons perdu des députés
comme Flora McDonald,
par exemple, David Daubney...
Des gens merveilleux,
Jennifer Cossitt.
Des personnes connues, élues
depuis longtemps. Ils ont perdu
leur siège à cause du libre-échange.
Et c'était 48%.
On dit que c'était la seule question
qui les intéressait. Et le comté
que j'avais, beaucoup d'agriculture.
Ils avaient peur, les laitiers,
de perdre leurs quotas.
Toutes sortes de questions.
Mais c'était le libre-échange.
Décevant, mais en tout cas...
GISÈLE QUENNEVILLE
On arrive pas au Canada à
atteindre ou à augmenter
nos ratios, au niveau des femmes
en politique, surtout au niveau
fédéral. Pourquoi, vous pensez?
MAUREEN McTEER
C'est absolument essentiel d'avoir
des femmes autour de la table
du cabinet, mais aussi des femmes
qui ont quelque chose à dire
et des femmes qui peuvent le dire.
Et je pense que, de plus en plus,
on voit les priorités qui changent.
Tout l'aspect égalité est
moins important, les questions
sociales. Plus, si vous voulez...
je veux pas dire le mot
conservateur, parce que c'est aussi
l'adjectif d'un parti politique,
mais c'est moins important,
si vous voulez, sur le plan finance.
Et tout ce qui concerne les
compagnies devient de plus en
plus... et le commerce,
c'est favorisé.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez été membre du Parti
progressiste-conservateur, vous
l'avez mentionné. C'est le
Parti conservateur aujourd'hui
qui est au pouvoir.
Est-ce que ces partis sont différents?
Quels sont les parallèles que
vous faites entre ces deux
partis-là?
MAUREEN McTEER
Ils sont complètement différents.
Mais le Parti progressiste-conservateur
avait... C'était un parti qui était
conservateur dans les questions
de finance, pour s'assurer
que l'argent était bien dépensé,
des contribuables. Mais aussi,
pas comme fin en soi-même,
mais pour se permettre de se
doter de programmes sociaux,
d'égalité, de possibilités
qu'on vive ensemble avec...
une certaine, si vous voulez,
base au niveau économique.
Alors c'était un parti ouvert,
grand et national. Vraiment national
dans sa pensée.
Et c'est une des raisons,
c'était pas toujours facile
de gouverner, parce que le Canada,
c'est pas un pays facile à gouverner.
Mais je pense que c'est absolument
essentiel qu'on retourne,
si vous voulez, à cette idée
que les partis nationaux sont
les partis de tout le pays
et non seulement d'une
ou deux régions.
(Entrevue avec CATHERINE CLARK et sa mère, MAUREEN McTEER.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Avec un peu de recul et voyant
ce que tes parents ont vécu,
est-ce que tu voudrais avoir
une vie comme ça, aujourd'hui?
CATHERINE CLARK
Probablement non. Mais je dis
toujours : « Probablement non. »
Parce que je crois que c'est une
vie très importante.
Et je crois que les gens
qui s'impliquent dans la vie
politique le font pour de
bonnes raisons.
Mais aussi, j'aime ce que je fais.
Je travaille dans les médias.
J'aime la balance que ça me
donne. Je peux être mère
et professionnelle.
Si on entre dans la vie publique,
c'est très difficile d'être mère et
professionnelle. C'est plutôt
professionnelle, et mère quand
on peut. C'est pas pour moi.
(Toujours en compagnie de CATHERINE CLARK et sa mère, MAUREEN McTEER.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment est-ce que vous avez
réussi à concilier votre vie
politique, comme épouse de
politicien, et votre vie de
maman?
MAUREEN McTEER
à l'époque, c'était vraiment
le début, si vous voulez,
des femmes dans les professions.
Et on avait deux débats, si vous
voulez, ou deux batailles, je
veux dire. Et un, c'était le fait
de pouvoir s'implanter non
seulement dans les écoles
professionnelles, comme le
droit pour moi, mais aussi
lorsque nous avons gradué,
de pouvoir chercher des emplois.
Parce que la question qui nous
était toujours demandée,
c'était: « Êtes-vous mariée?
Et si oui, avez-vous l'intention
de devenir enceinte?
Et allez-vous avoir des enfants?
Parce que nous, on veut pas
vraiment des femmes qui vont
avoir des enfants. »
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce que tu dirais à ton
employeur si on te posait
cette question?
CATHERINE CLARK
C'est incroyable. Et c'est un
monde complètement différent.
(De retour à l'entrevue avec MAUREEN McTEER.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Comme avocate, madame McTeer,
votre domaine d'expertise
est devenu le droit de la santé,
mais le droit des nouvelles
technologies de reproduction.
Vous avez siégé à une
Commission royale sur les
nouvelles technologies de
reproduction. Vous avez par la
suite écrit un livre là-dessus.
Où on demandait finalement une
certaine législation de ces
nouvelles techniques-là.
Vingt ans plus tard, est-ce que
vous êtes satisfaite de là
où on est rendus au niveau
du cadre juridique?
MAUREEN McTEER
Non. Je vais répondre
simplement non. C'est...
C'est vraiment... pour moi,
une défaite nationale,
le fait que nous avons
si peu d'intérêt et si peu
de réglementation sur
toutes les questions de...
les techniques de reproduction
et la génétique.
Je pense que l'idée dans le
rapport et dans le travail que
nous avons fait, c'était d'encadrer,
comme a fait d'ailleurs le Royaume-Uni,
d'encadrer ces technologies.
Sachant que nous étions en
train de créer... l'être humain.
Que nous avons à ce moment-là,
et nous avons maintenant
de plus en plus, des technologies
qui nous permettent de manipuler,
de créer et de changer la vie in vitro.
Alors en laboratoire, où nous avons
toutes possibilités presque,
c'est absolument essentiel que nous
ayons des moyens d'encadrer,
si vous voulez, ce genre et de
recherche et de traitement...
Pour l'infertilité. Et savoir
où sont ces enfants.
Combien sont nés. Tout ce genre
d'informations qui est obligatoire,
parce que nous avons aussi permis
la création d'êtres humains
qui ne sauront jamais
leur héritage génétique et personnel.
Et de plus en plus, le désir de l'enfant
est toujours la garantie de pouvoir
avoir accès à ces traitements
de fertilité. Et nous savons
que ces technologies travaillent
ensemble. La génétique, le FIV,
la fertilisation in vitro, nous
permettent de créer les embryons
dans un laboratoire.
La génétique, au niveau
préimplantoire, nous permet
d'analyser. Et nous sommes
arrivés, mais pas au Canada,
à changer, si vous voulez,
l'identité génétique des embryons,
en laboratoire. Alors ce sont
des grandes questions de
société. C'est absolument
essentiel qu'on se penche comme
société sur ces questions et,
pas parce que je suis juriste,
mais la manière de le faire,
c'est non seulement en parlant
de ces questions, mais de se doter
d'un système de réglementation
qui nous permet de vraiment
contrôler, si vous voulez,
toutes ces pratiques.
GISÈLE QUENNEVILLE
Les Canadiens vont être face
à un autre questionnement de
société sans doute dans les
prochains mois.
Le Québec récemment a...
introduit un projet de loi
sur le suicide assisté.
Est-ce que le fait que le Québec
ait introduit ce projet de loi,
est-ce que ça vous a surprise,
d'une part?
MAUREEN McTEER
Non. Le Québec a toujours pris
de l'avance dans ces questions,
les grandes questions de société.
Je sais pas exactement pourquoi,
mais ils sont toujours
à l'avance dans toutes ces
questions-là. L'aide à mourir
serait pour moi une des grandes
questions de la décennie,
les deux décennies à venir.
Je vois ça sous l'angle de
l'autonomie de l'individu.
Et je pense que le projet qui a été
proposé est un bon projet. Je
pense que tout ce qu'il y a de
questions qui préoccupent
les gens, qu'on va commencer
à mettre à mort, si vous voulez,
les malades, ou les vieux, les
vieilles, les... Je pense que
la loi adresse ces questions.
Il faut absolument commencer
à accepter notre responsabilité
comme membre d'une société,
ce sont des questions sur
lesquelles on doit réfléchir et
prendre acte que c'est le moment
de le faire.
Et le discours stérile
des deux côtés, le côté qui dit:
« Bon, alors, c'est à Dieu
et seulement à Dieu », et
l'autre qui dit: « Y a pas de Dieu,
fait qu'on fait qu'est-ce
qu'on veut », je pense qu'il
faut arriver à un moment où,
comme société, nous voyons
ce que d'autres juridictions
dans d'autres pays ont fait.
La Belgique, la Hollande,
le Vermont, vous savez, l'Oregon,
et d'autres pays qui ont déjà
légiféré sur ces questions.
Parce que ce qui arrive maintenant,
faut pas se faire d'illusions, les gens
sont aidés à mourir déjà.
Mais c'est... avoir une structure,
ou quelque chose, une
réglementation qui s'assure
qu'il y a pas de dérives. Je
pense que c'est absolument
essentiel. Parce que la
recherche est très claire.
Les gens ne cherchent pas à se tuer.
Les gens cherchent, dans des
situations intolérables, à finir
de leur douleur. Et c'est des
situations où... la fin...
Écoute, je sais pas, peut-être
vous en connaissez, mais moi,
je ne connais personne qui est
sorti de cette vie en vie.
Alors il faut accepter que la
mort, c'est le sort qui nous
attend. Et de dire à quelqu'un:
« Il faut souffrir, et souffrir,
et souffrir parce que Dieu le
veut. » Ou souffrir parce que
nous sommes... quoi, pas
incapables, nous savons que
nous sommes capables.
Ou dire au médecin:
« S'il vous plaît, faites-le
pour moi. Mettez-vous
dans une situation de perdre
votre licence, d'aller en
prison, payer des amendes, etc.,
parce que moi, j'ai pas le
courage de le faire. »
Donc c'est pas acceptable.
Et moi, je crois pas
que c'est possible de dire
oui ou non. Il faut y réfléchir
et savoir que l'autonomie de
l'individu est quelque chose
que nous respectons. Et si nous
respectons l'autonomie dans la
vie, il faut aussi accepter
l'autonomie à choisir la mort,
si c'est quelque chose... dans
des situations très spécifiques.
C'est ça qui est intéressant
avec le projet du Québec.
Parce que c'est très spécifique.
C'est pas n'importe qui, c'est pas
n'importe quand. Les règles
sont très claires. Et c'est ça
que nous cherchons dans toutes
les juridictions.
C'est ça qui est établi.
Et alors, à ce moment-là,
s'il y a des choses qui
ne marchent pas, il faut
absolument les corriger.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que comme Canadiens,
vous pensez qu'on est prêts à
avoir ce débat-là?
MAUREEN McTEER
Oui. Je pense qu'on est prêts.
Le dilemme, c'est comment
avoir ce débat. Et c'est pour ça,
quand vous demandez quoi
faire, les provinces, je pense
que comme chef de file, le
Québec l'a fait. Il a démontré
que tous les points de vue ont
été présentés et respectés. Et
ce n'est pas juste la majorité
qui a dit: « Il faut avoir un
régime qui nous permet l'aide
à mourir. » Mais aussi, il faut
savoir que nous avons...
c'est parce que nous avons un respect
complet, non seulement de
l'autonomie, mais de la personne
qui a cette autonomie, que c'est
pas l'État ou l'Église ou ces
institutions qui doivent leur
dire quoi faire, que nous devons
les laisser à leur choix,
encadrés si vous voulez.
Et toute la recherche démontre
que la plupart des gens vont
dire: « Non, je préfère... ».
Parce que l'instinct de survie
est très fort chez l'humain.
Mais dans des situations
intolérables, il faut absolument
avoir des options, sauf souffrir.
GISÈLE QUENNEVILLE
Madame McTeer, merci beaucoup.
MAUREEN McTEER
Merci. Le plaisir est à moi.
(Générique de fermeture)
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