Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Former Leaders: AEFO
On the occasion of the 75th anniversary of the Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens, Gisèle Quenneville meets with former leaders of the organization.
Réalisateurs: Simon Madore, Karen Vanderborght
Production year: 2013
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GISÈLE QUENNEVILLE rencontre des personnalités francophones et francophiles: des politiciens, des artistes, des entrepreneurs ou des scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
[Fin information à l'écran]
Fin générique d'ouverture
Des photos et documents marquants de l'Association des enseignants franco-ontariens défilent pendant la narration de GISÈLE QUENNEVILLE.
GISÈLE QUENNEVILLE
(narration)
- Il y a 75 ans, l'association
qui regroupe les enseignants
francophones de la province a
vu le jour. C'était en 1939, à
peine une douzaine d'années
après l'abolition du règlement
17 qui interdisait
l'enseignement en français en
Ontario. Le but principal de
la nouvelle association: le
perfectionnement de
l'instruction des
Franco-Ontariens. Pour y
arriver, on publie pour la
première fois, en 1943, la revue
pédagogique L'École ontarienne,
dans laquelle on retrouve des
plans de leçons et des
suggestions d'activités à faire
en salle de classe. À la même
époque, l'AEFO prend en charge
le concours provincial de
français. Et quelques années
plus tard, l'association se
distingue avec ses colloques
annuels. Les thèmes abordés
portent surtout sur
l'enseignement de la langue
française et l'enseignement
religieux. L'ancienne présidente
de l'AEFO, Lise Routhier
Boudreau, nous parle des tout
débuts de l'AEFO.
(Transition)
(GISÈLE QUENNEVILLE et LISE ROUTHIER sont assises l'une en face de l'autre dans une salle de classe.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Lise Routhier Boudreau, bonjour.
LISE ROUTHIER
- Bonjour, Gisèle.
GISÈLE QUENNEVILLE
- On souligne les 75 ans de
l'AEFO. L'AEFO a donc vu le jour
en 1939. Qu'est-ce qui se
passait dans le monde
franco-ontarien en éducation
en 1939?
LISE ROUTHIER
- Écoutez, c'était la lutte pour
avoir le droit à l'enseignement
en français. Il faut savoir
que... oui, l'AEFO a été fondée
en 1939, mais le désir de se
regrouper et de se mobiliser
autour de l'éducation de langue
française est arrivé avec
l'événement du règlement 17.
On s'en souvient. Les
enseignants avaient à ce
moment-là même fait de la
désobéissance civile pour
défier le gouvernement qui avait
aboli le droit d'enseigner en
français. Alors l'AEFO a fait
partie de tous les débats, a
profité de toutes les tribunes
pour être en mesure de
revendiquer le droit à cette
éducation de langue française.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Justement, quelles étaient les
inquiétudes ou les craintes
qu'on avait par rapport à
l'éducation franco-ontarienne à
cette époque-là?
LISE ROUTHIER
- C'était une lutte continue
pour avoir accès à du matériel
pédagogique, pour avoir accès
à de l'appui, à de la formation.
Alors l'AEFO, à ce moment-là,
était en mesure d'offrir ces
services-là. Et c'est comme ça
qu'on a d'abord... commencé à
définir notre mission. C'était
beaucoup plus pédagogique
qu'axé sur les conditions de
travail. Même si l'un va pas
sans l'autre finalement, parce
qu'un enseignant compétent, qui
est bien outillé, qui est
heureux, évidemment, on aura
des élèves plus performants et
plus heureux.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Y avait L'École ontarienne.
C'était la revue de l'AEFO.
LISE ROUTHIER
- Oui. Pendant des années. Où
on faisait la promotion du
besoin d'un système d'éducation
de langue française. Et au fil
des ans, les revendications
étaient importantes, surtout
au niveau des femmes. Parce
qu'on se souvient, les femmes
à ce moment-là étaient payées
beaucoup moins que les hommes.
On hésitait à embaucher les
femmes mariées, parce que, bon,
on avait peur de porter
atteinte à la pudeur des
enfants. On voulait pas que ça
soit un empêchement à la
famille. Alors l'AEFO a mis en
place les mesures pour avoir
des congés de maternité, pour
avoir la parité salariale pour
les femmes. Et pour les
communautés religieuses aussi.
Parce que les enseignantes...
les religieuses étaient
nombreuses, à l'époque,
dans nos écoles.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Quel était le rôle, justement,
de la religion catholique au
sein de l'AEFO, à cette
époque-là?
LISE ROUTHIER
- C'était clair, tout ce qui
était langue française était
égal au catholicisme à l'époque.
Et bon, l'AEFO a même été
accréditée pour donner
de la formation, des cours
d'enseignement religieux.
Parce qu'à ce moment-là, ce
qu'on souhaitait, c'était que
les enseignants deviennent plus
qualifiés pour être en mesure
d'augmenter leur salaire non
seulement par l'expérience, mais
aussi par leurs qualifications
additionnelles. Parce qu'il y
avait aussi le mythe que
l'enseignement en français
était de moindre qualité.
On n'exigeait pas la même
formation pour les enseignants
qui enseignaient en français.
Alors...
GISÈLE QUENNEVILLE
- Pourquoi pas?
LISE ROUTHIER
- C'était pas reconnu. On le
tolérait. On croyait pas que ça
nécessitait des qualifications
additionnelles. On pouvait
enseigner avec une lettre de
permission seulement. Alors pour
nous, c'était important pour
l'AEFO de rehausser l'image
professionnelle des
enseignantes et des enseignants
francophones.
(GISÈLE QUENNEVILLE et LISE ROUTHIER sont maintenant debout dans un couloir d'école.)
GISÈLE QUENNEVILLE
- À quel moment est-ce que
vous vous êtes intéressée
dans le syndicalisme?
LISE ROUTHIER
- Ça, c'est... ç'a été dès ma
2e année d'enseignement. On
négociait justement la
convention collective. Et puis
on était trois nouvelles
enseignantes à Kapuskasing, à
l'école Jeanne-Mance. Et puis
on a reçu une lettre nous
disant que bon, on nous
remerciait de nos services.
Y avait une baisse
d'effectifs. Et puis qu'on
n'aurait pas besoin de nous
l'année suivante. Et puis les
enseignants et les enseignantes
ont décidé de prendre une
augmentation moins élevée pour
être en mesure de nous garder.
Alors pour moi, ça, ç'a été un
geste incroyable. Là, j'ai
vraiment vu ce que ça voulait
dire quand on prenait des
décisions collectives et quel
impact que ça pouvait avoir sur
nos vies. J'étais toute jeune.
C'était mon premier emploi,
j'aimais ça et là, je le
perdais. Et ce sont mes
collègues qui m'ont gardée avec
eux. Alors ç'a été vraiment un
tournant... dans ma carrière,
parce que par la suite, je me
suis engagée pleinement dans
les activités du syndicat.
(Transition)
(Des photos et documents marquants de l'Association des enseignants franco-ontariens défilent pendant la narration de GISÈLE QUENNEVILLE.)
GISÈLE QUENNEVILLE
(narration)
- Durant les années 70,
le milieu scolaire
franco-ontarien est en
pleine effervescence. Y a les
crises scolaires de Sturgeon
Falls, Cornwall, Windsor et
Penetanguishene. Et les
enseignants franco-ontariens
sont aux premières loges pour
obtenir des écoles secondaires
dans la province. En 1974,
l'AEFO joue un rôle-clé dans la
fondation du Centre
franco-ontarien de ressources
pédagogiques. En 1977, elle
aide à créer la Fédération des
élèves du secondaire
franco-ontariens, ainsi que les
Jeux franco-ontariens.
Peu importe l'organisme ou
l'événement, l'AEFO est là pour
guider et pour soutenir.
Jacques Shryburt a vécu ces
grandes années. Il a été
directeur général de l'AEFO
des années 70 aux années 90.
(Transition)
(GISÈLE QUENNEVILLE et JACQUES SHRYBURT sont assis l'un en face de l'autre dans un studio.)
GISÈLE QUENNEVILLE
-Vous avez fait votre entrée
à l'AEFO dans les années 70.
Faut dire que dans le monde
franco-ontarien, c'était des
années pleines d'effervescence.
Dans le monde de l'éducation,
on parlait des crises
scolaires, des luttes pour
obtenir des écoles de langue
française. Comment vous, vous
avez vécu ces années 70?
JACQUES SHRYBURT
- De façon assez effrénée, je
dois vous avouer. J'ai été
embauché à l'AEFO en 1973.
On était en pleine crise de
Cornwall.
Donc les heures de travail ont
été très longues, très
énervantes et très
enrichissantes en même temps.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Quelle était la raison pour
laquelle les enseignants se
sont impliqués dans ces
luttes-là? Parce que, bon,
c'était un peu les parents, les
élèves. Quel était le rôle des
enseignants?
JACQUES SHRYBURT
- Le rôle des enseignants dans
les années 70 était beaucoup
plus que simplement faire de
l'enseignement. Les enseignants
étaient impliqués avec les
conseils scolaires. Ils
voulaient que les choses
changent. Et on les retrouvait
un peu partout dans ces
crises-là. Alors c'était une
époque où les gens étaient
engagés. Les enseignants étaient
engagés dans l'ACFO, ils étaient
engagés dans le mouvement des
Caisses populaires. Alors
c'était très agréable de les
voir un peu partout.
Ils voulaient que
les choses changent.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Hum-hum. Une des choses que
l'AEFO a aidé à mettre sur pied
durant cette époque-là, c'était
le Centre franco-ontarien de
ressources pédagogiques.
Parlez-nous du besoin qu'il y
avait pour un tel centre
à cette époque.
JACQUES SHRYBURT
- Oui. C'est intéressant, parce
qu'à cette époque-là, on se
posait beaucoup de questions
sur le professionnalisme versus
le syndicalisme. Et le Centre
franco-ontarien est un peu né
de cette controverse-là. Parce
qu'à un moment donné, autour de
la table du comité exécutif de
l'AEFO, on s'est dit: Pourquoi
est-ce que... il faut, nous
autres, développer le matériel
pédagogique dont on a besoin
pour enseigner? Dans les écoles
anglaises, on leur fournit le
matériel pédagogique. Pourquoi
est-ce qu'il faut développer
partout dans la province des
nouveaux programmes? Un
conseil scolaire développe
un programme pour la 5e année,
l'enseignement des
mathématiques puis... le garde
pour lui parce que c'est son
équipe qui l'a développé puis
c'est la perle puis on la
partage pas. Alors... de façon
importante, l'AEFO s'est engagée
à rencontrer les surintendants,
à faire des rencontres avec les
gens des conseils scolaires
pour promouvoir l'échange de...
de matériels pédagogiques qui
étaient développés à droite et à
gauche.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Je vous entends parler puis
j'entends peut-être que ç'a été
difficile d'entamer
ce partage-là?
JACQUES SHRYBURT
- Je pense que ç'a été... Non.
Ce serait pas juste de dire que
ç'a été difficile. Une fois que
les gens qui étaient
responsables du développement
des programmes se sont
rencontrés et ont réalisé
comment ils pouvaient
collaborer davantage ensemble,
ça s'est fait relativement
facilement. Mais... Non, ç'a été
un beau projet, le Centre
franco-ontarien, et c'est devenu
quelque chose de très grand
et de très utile.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Qu'est-ce que ça vous fait de
voir l'ampleur que ce
centre-là a pris, pas juste en
Ontario français, mais partout
au pays?
JACQUES SHRYBURT
- Pour moi, c'est une fierté,
parce qu'on a participé à sa
naissance et on l'a vu grandir
et enfin, les conseils
scolaires... Et après, le
gouvernement a réalisé que
c'était sa responsabilité de
fournir aux enseignantes et aux
enseignants franco-ontariens le
matériel dont ils avaient
besoin, et aux élèves
franco-ontariens le matériel
dont ils avaient besoin. Et ce
à grand prix, parce que ça coûte
plus cher.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Parlons des élèves
franco-ontariens. Parce que je
sais encore une fois que l'AEFO
a été impliquée dans la mise
sur pied de la FESFO, dans la
mise sur pied des Jeux
franco-ontariens.
JACQUES SHRYBURT
- Disons que les gens qui
étaient au conseil
d'administration de l'AEFO,
les gens qui étaient dans les
cadres supérieurs de l'AEFO, au
conseil d'administration,
voulaient que l'AEFO joue un
rôle important dans le
développement de la communauté
franco-ontarienne. Et ça, ça
voulait dire s'impliquer. Alors
c'est comme ça qu'on est devenu
un peu les parrains de la
FESFO. Et les Jeux
franco-ontariens, c'est une
idée qui nous est venue à un
moment donné, d'une de nos
unités. Je me souviens pas si
c'est celle de Cornwall ou de
Sudbury - ou si c'était en
collaboration avec la FESFO -
mais fallait organiser des
jeux. Alors on a organisé les
premiers Jeux franco-ontariens.
Mais c'était à ce moment-là
seulement des jeux sportifs.
Je me souviens, je pense que
les premiers étaient dans la
région de Plantagenet puis les
deuxièmes étaient à Cornwall.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Est-ce que ça arrivait souvent
qu'un membre du personnel était
affecté à des tâches qui étaient
pas du tout dans ses... dans
ses cordes, dans son arc?
JACQUES SHRYBURT
- Ah oui. Y a eu plusieurs
circonstances où tout le monde
a dû mettre la main à la pâte
pour faire des choses pour
lesquelles on avait pas vraiment
été embauchés. Je me souviens,
en 75 entre autres, quand on
avait dû faire une collecte
additionnelle de fonds pour
soutenir les enseignants de...
d'Ottawa qui étaient en grève.
Alors on avait fait le tour de
la province pour recueillir 15$
par personne. C'était énorme
dans ce temps-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Pensez-vous que tout ça, cet
engagement-là, se ferait
aujourd'hui?
JACQUES SHRYBURT
- Je pense que ce serait
difficile de retrouver
ce même dynamisme-là,
mais je pense que l'AEFO
continue à avoir une...
une vocation un peu de
développement de la communauté
franco-ontarienne.
Mieux la communauté
franco-ontarienne va se sentir,
plus nos écoles vont être
vibrantes, plus elles vont
grandir. Et maintenant que
l'association représente aussi
du personnel syndiqué autre que
dans la salle de classe,
c'est... ce serait avantageux
pour elle d'être plus engagée,
se faire mieux connaître et
encourager d'autres groupes à
venir se joindre à elle.
(Transition)
(Des photos et documents marquants de l'Association des enseignants franco-ontariens défilent pendant la narration de GISÈLE QUENNEVILLE.)
GISÈLE QUENNEVILLE
(narration)
- Au moment de sa création,
l'AEFO était une association
professionnelle créée pour
donner aux enseignants les
outils pour faire leur travail.
Mais petit à petit, cette
vocation change. L'AEFO devient
plus politique, plus militante,
plus syndicaliste. En 1982, un
événement changera l'éducation
de langue française au pays pour
toujours. La charte des droits
et libertés garantit à
l'instruction dans la langue de
la minorité officielle. En
Ontario, les enseignants
commencent un long combat pour
la gestion scolaire par et pour
les francophones de la
province. Guy Matte a été non
seulement président de l'AEFO,
mais directeur général aussi
durant les années 80 et 90.
(GISÈLE QUENNEVILLE et GUY MATTE sont assis l'un en face de l'autre dans une bibliothèque.)
GUY MATTE
- Ç'a été une période
absolument incroyable. Vous
savez, nous avions demandé au
gouvernement de l'Ontario de
s'assurer qu'il y ait des
conseils scolaires de langue
française. On en parlait
d'ailleurs à Ottawa depuis ce
qu'on appelait le rapport
Mailhot.
Y avait un conseil
scolaire homogène. Lui, il avait
fait un rapport. Un conseil
scolaire homogène de langue
française à Ottawa-Carleton!
Première fois qu'un
anglophone, dans un rapport
officiel, disait: "Quelque chose
comme ça devrait arriver."
Alors c'est ce qu'on a pris.
C'est ce qu'on a utilisé comme
base. Et on a décidé de
poursuivre le gouvernement. On
va vous poursuivre si jamais
vous nous donnez pas les écoles
de langue française--
GISÈLE QUENNEVILLE
- Ça, c'est les enseignants?
GUY MATTE
- Les enseignants. Et le
gouvernement de l'Ontario s'est
dit: OK, là, ce qu'on va faire,
on va faire plutôt une
référence à la cour d'appel.
Alors l'AEFO, d'abord, avec
l'ACFO et quatre parents, nous
sommes allés en référence à la
cour d'appel contre le
gouvernement de l'Ontario et
c'est là que la cour d'appel a
unanimement dit: "Les écoles de
la minorité, ce sont des écoles
qui doivent être gérées par la
minorité, et non pas être des
écoles où y a de la minorité."
Et ça a donné deux choses
extraordinaires. Un, le droit
à l'éducation en langue
française pour tous les élèves.
Parce qu'en même temps, y avait
cet autre sujet--
GISÈLE QUENNEVILLE
- "Là où le nombre le justifie."
GUY MATTE
- Et le gouvernement voulait
justifier par un certain
nombre. On va devant la cour.
La cour a dit: "Écoutez,
justifiez-le, mais le nombre que
vous utilisez, c'est pas
justifiable à l'heure
actuelle." Alors la ministre
Stevenson, du temps, a dit:
"Écoutez, si on est pas capable
de justifier rien, un élève de
langue française a droit à
l'éducation." Peut-être pas
exactement là où il est, mais
au moins, il a droit à
l'éducation en langue française,
peu importe sur le territoire.
Et ça a donné au niveau de la
gestion l'idée... ça a commencé
l'idée que les écoles doivent
maintenant appartenir à la
minorité.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Ça a commencé, mais ça a pris
du temps.
GUY MATTE
- Ça a pris du temps, mais c'est
une évolution. Au départ, y
avait des sections de langue
française, après, on a crée dans
Ottawa-Carleton un conseil
scolaire homogène. Et ç'a été
jusque dans les années 97, si
je me rappelle bien, sous le
gouvernement Harris. Pas qu'il
voulait nous faire une fleur,
mais c'est parce qu'à ce
moment-là, il avait fait
l'amalgamation des conseils
scolaires de langue anglaise.
Alors il s'est dit: Aussi bien
de créer des conseils scolaires
de langue française en même
temps. Ça va passer sous le
radar, personne va s'en
apercevoir. Y a eu plusieurs
cas de cour entre-temps chez
nous, comme en Alberta, comme
ailleurs. Mais ça, ça a
contribué. Vous savez, ça a
pris 15 ans. Et dans l'histoire
du monde, 15 ans, c'est une
virgule.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Je pense qu'il y a eu, à cette
époque-là, un questionnement
par rapport à l'AEFO et ce que
c'était. Une association
professionnelle d'une part, un
syndicat d'enseignants de
l'autre part. Pourquoi ce
tiraillement?
GUY MATTE
- Il faut voir qu'au départ,
l'AEFO, c'était une association
qui était vue comme une
association professionnelle. On
met ensemble des enseignants
pour s'assurer qu'on va avoir
une meilleure formation, qu'on
va avoir de meilleurs outils
pédagogiques, etc. C'est le
développement de la
profession. Parce que c'était
pas reconnu comme une
profession. On était des
individus peu organisés. Alors
c'est cette organisation que
nous avons mis ensemble. Puis
à partir des années 70, là,
c'était le grand
questionnement. L'AEFO,
syndicat ou association
professionnelle? C'était comme
un déchirement entre celles et
ceux qui avaient vécu cette
partie de création d'une
association de professionnels,
qui se voyaient comme des
médecins, comme... comme des
avocats. Mais si on devient
comme un syndicat, on va être
comme des cols bleus. Je sais
pas. On va être comme des
mineurs. Est-ce que c'est ça
qu'on veut être? Et y avait pas
cette compréhension du
syndicalisme tel qu'on la
voit aujourd'hui. Et c'est dans
les années 70 que ça a changé.
Et savez-vous grâce à qui?
Beaucoup grâce aux gouvernements
qui ont commencé à faire des
folies au niveau de vouloir
gérer la profession
enseignante, à vouloir imposer
des conditions, changer les
conditions de travail de façon
aléatoire, qui a mené à une
meilleure bagarre. Ils ont dit:
"Bon, alors ça suffit.
Association professionnelle,
oui. Association
professionnelle, mais d'abord
et avant tout un syndicat."
Jusqu'à ce qu'on voie
aujourd'hui... c'est très
clairement un syndicat. Surtout
aussi grâce à Mike Harris, qui
à un moment donné a décidé:
"Vous voulez des syndicats? Vous
serez des syndicats. On retire
les directeurs d'école et
directrices d'école de votre
syndicat. Maintenant, vous êtes
vraiment des gens qui êtes
syndicalistes." Alors c'est
parfait. Et je pense que c'est
une évolution tout à fait
normale et qui a fait grandir
les écoles de langue française.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Et diriez-vous que les
enseignants se voient comme ça?
GUY MATTE
- Je pense que maintenant, oui.
De nos jours, oui. Y a peu de
profs qui vont maintenant se
questionner sur l'histoire
d'être un syndicat. Parce que
c'était... Il faut voir que
c'était une vieille tradition
judéo-chrétienne, que les
syndicats, c'est peut-être pas
tellement bon.
Ça doit être communiste un peu.
Faut penser les années 40-50.
Toute cette mentalité qu'on
donnait aux syndicats.
Alors que maintenant, on voit
que c'est vraiment des
instruments de changement
social. Et l'AEFO est un de ces
instruments de changement
social dans la communauté
franco-ontarienne. Et ce
syndicat, je pense, a une grande
portée, une grande portée dans
le futur.
(Transition)
(GISÈLE QUENNEVILLE et GUY MATTE sont maintenant debout dans une salle de classe.)
GUY MATTE
-L'AEFO développe un leadership.
Puis c'est un leadership qui
est double. Un leadership à
l'intérieur de la profession
enseignante, donc pour assurer
le développement de la
profession et de l'enseignement
en Ontario, mais aussi un
leadership social. Parce que ce
que nous créons, ce sont des
cellules de personnes qui
savent comment organiser et
s'organiser. Et ces gens-là
ensuite, tous ces
enseignants-là, vous les
retrouvez dans les équipes
de hockey, dans les équipes
de soccer, dans des arts, dans
des groupes de théâtre, etc. Et
d'ailleurs, l'AEFO a toujours
encouragé ses membres à
participer fortement dans son
milieu social. Pas simplement
être des consommateurs en étant
des travailleurs dans le
domaine de l'éducation, mais à
contribuer au développement de
leur communauté.
(Transition)
(Des photos et documents marquants de l'Association des enseignants franco-ontariens défilent pendant la narration de GISÈLE QUENNEVILLE.)
GISÈLE QUENNEVILLE
(narration)
- Les 25 dernières années ont
été des années difficiles pour
les enseignants de l'Ontario,
peu importe qu'ils soient
francophones ou anglophones. Au
début des années 90, les
néo-démocrates de Bob Rae leur
imposent un gel de salaire et
12 journées de travail sans
paie pour lutter contre le
déficit. Quelques années plus
tard, le gouvernement
conservateur de Mike Harris
coupe deux milliards de dollars
dans le secteur de l'éducation
et démantèle la loi qui régit
les relations de travail entre
les conseils scolaires et les
enseignants. Des actions qui
déclenchent d'importantes
manifestations en Ontario. Ces
années tumultueuses ont
fortement marqué les
associations d'enseignants, y
compris l'AEFO. Le président
actuel de l'AEFO est Carol
Jolin.
(GISÈLE QUENNEVILLE et CAROL JOLIN sont assis l'un en face de l'autre dans un studio.)
GISÈLE QUENNEVILLE
-Je pense qu'on peut dire que les
dernières années, même les
dernières 20 années, ont été
assez difficiles pour les
enseignants d'un point de vue
politique. On dirait que peu
importe le gouvernement au
pouvoir, on s'en prenait aux
enseignants.
Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça et pourquoi on s'en
prend aux enseignants?
CAROL JOLIN
- En bonne partie, Si on
recule par exemple quand j'ai
commencé à m'impliquer sur le
plan syndical, début des années
1990.
Le NPD venait de gagner ses
élections avec Bob Rae en tête.
Et puis on a connu le contrat
social. Donc situation
extrêmement difficile pour les
enseignants. Gel de salaire. On
se souviendra des Rae Days à
cette époque-là. Donc ça, ça
avait pas été facile. Élection
suivante, les conservateurs
entrent. Mike Harris au
pouvoir. Là, j'étais un petit
peu plus impliqué à ce
moment-là. Et puis je pense que
l'AEFO s'est impliqué encore
davantage sur le plan politique
qu'elle ne l'avait fait
jusque-là, justement par rapport
au dossier comme tel. C'était
extrêmement important. On a
connu des coupures de quelque
un milliard de dollars en
éducation. Et puis la goutte
qui a fait déborder le vase,
c'était la fameuse loi 160, à
l'époque, qui donnait
énormément de pouvoir au
gouvernement. Et les enseignants
et les enseignantes à ce
moment-là ont exercé
énormément de pression. Y a eu
une protestation politique qui
a duré pendant deux semaines,
en 1997, où les membres ont
manifesté leur désaccord à
toutes les décisions que le
gouvernement prenait. Donc les
années 90 ont été extrêmement
difficiles et ont généré un
vrai mouvement de solidarité au
sein de l'AEFO. Justement pour
faire valoir nos droits et puis
être capable de défendre
l'éducation de langue française.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Pourquoi pensez-vous que les
gouvernements s'en prennent
aux enseignants?
CAROL JOLIN
- Dans toute l'enveloppe
budgétaire, le budget de
l'éducation est très important
et les gouvernements, dans
différentes situations, ont
voulu équilibrer les budgets.
Et l'éducation était à cette
époque-là... a été un des
secteurs qui a été durement
touché. Mais on se rappellera
que les conservateurs du
gouvernement Harris avaient
touché à peu près tous les
secteurs. Tous les secteurs
avaient été affectés de façon
drastique par des coupures
budgétaires.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Quelles sont, selon vous, les
grandes batailles à venir dans
le monde de l'éducation?
CAROL JOLIN
- Au niveau de l'éducation
francophone, l'AEFO s'est
toujours impliquée dans tout ce
qui touche la francophonie. Donc
c'est pas simplement pour
l'éducation, mais vraiment tous
les droits des francophones à
tous les niveaux. Donc on est
impliqués dans différents
dossiers. L'éducation en est un,
évidemment, mais par exemple
je veux parler dans le dossier
des radios communautaires. On
va être impliqués de ce
côté-là. On travaille avec...
On a des membres qui sont non
enseignants. Par exemple le
Centre psychosocial à Ottawa.
Donc on est impliqués dans le
dossier de la maladie mentale
des enfants. Donc ce sont des
dossiers en français qu'on veut
faire fonctionner, justement
pour améliorer la qualité des
services pour nos jeunes
francophones et nos communautés
francophones en général. Donc
on a une mission sociale qui
déborde du cadre pédagogique ou
de la représentation et de la
défense de nos membres.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Et dans la salle de classe?
CAROL JOLIN
- Dans la salle de classe, je
dirais, le défi principal dans
le moment, c'est la lourdeur de
la tâche. Je discutais
récemment avec des présidences
locales et on m'a dit: "Il y a
énormément d'initiatives qui
ont été amenées au cours des
dernières années." Initiatives
qui ont été amenées parfois
trop rapidement. Ou on a pas le
temps d'en assimiler une qu'il
y en a une autre puis une autre
qui arrivent. C'est extrêmement
lourd sur la tâche des
enseignants et des
enseignantes. On s'en va vers un
enseignement qui est de plus en
plus individualisé et c'est
important à un moment donné
qu'on se penche sur la santé,
je dirais, de nos membres par
rapport à tout l'aspect
de la tâche.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Parlons de votre tâche. Ça
fait deux ans maintenant que
vous êtes président de l'AEFO.
Qu'est-ce que ça représente
comme tâche, ça?
CAROL JOLIN
- C'est un travail... je veux
dire, c'est très intéressant.
Le mot, c'est vraiment intense.
On est impliqué... Ce qui m'a
surpris quand j'ai commencé,
c'est de voir la multitude de
dossiers dans lesquels on est
impliqué. Autant sur le plan des
relations de travail, sur le
plan pédagogique, en
consultation avec le ministère,
sur le plan politique,
évidemment.
Puisqu'une bonne partie de mon
travail, c'est d'amener des
préoccupations, amener nos
positions sur des dossiers à
toute la partie politique.
Autant sur le plan provincial.
Et on suit également des
dossiers au niveau fédéral à
travers la Fédération
canadienne des enseignants et
des enseignantes. Donc y a pas
de temps mort ou y en a très
peu. C'est vraiment intéressant.
On rencontre beaucoup de gens
intéressants. Des gens qui ont
le pouvoir de changer des
choses, de faire progresser des
dossiers. Et une bonne partie
de mon travail, c'est de leur
amener ces dossiers-là et de
leur faire comprendre notre
position et pourquoi c'est
important, autant pour
l'éducation que pour la
francophonie.
GISÈLE QUENNEVILLE
- Carol Jolin, merci beaucoup.
CAROL JOLIN
- Ça m'a fait plaisir.
(Générique de fermeture)
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