

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.
Video transcript
Vincent Georgie : Marketing Professor
In February 2008, Vincent Georgie took the 401 heading to Windsor, a city he already knew well. He had earned his Masters of Administration at the University of Windsor, but this time it would be different – he was returning to the university as a professor.
Seven years later, one could say he made the right choice: his students appreciate his teaching, as he has been named Marketing Professor of the year five times.
In Windsor, Vincent-the-Professor is also Vincent-the-movie-lover. As soon as he arrived, he became involved with the Windsor International Film Festival team, a festival that he now directs.
Réalisateur: Joanne Belluco
Production year: 2014
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GISÈLE QUENNEVILLE rencontre des personnalités francophones et francophiles; des politiciens, des artistes, des entrepreneurs ou des scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
[Fin information à l'écran]
Fin générique d'ouverture
Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, des extraits vidéos de VINCENT GEORGIE et du théâtre Capitol de Windsor défilent à l'écran.
GISÈLE QUENNEVILLE
En février 2008, Vincent
Georgie prend la 401 en
direction de Windsor.
Il connaissait déjà la ville.
Il avait fait sa maîtrise en
administration des affaires
à l'Université de Windsor.
Mais cette fois-ci, c'est
différent. Il retournait à
l'université comme professeur.
Sept ans plus tard, on peut
dire qu'il a fait un bon choix.
Ses étudiants semblent
l'apprécier. Il a été nommé
professeur de marketing
de l'année à cinq reprises.
à Windsor, Vincent le prof
est aussi Vincent le cinéphile.
Dès son arrivée, il s'est
intégré à l'équipe du Festival
du film de Windsor. Festival
qu'il dirige aujourd'hui.
Pour lui, c'est une vie de
rêve. Il jumelle son expertise
en marketing avec sa passion
pour le cinéma.
VINCENT GEORGIE (hors champ)
Si j'ai pas ma place à quelque
part, inquiète-toi pas, je vais
juste faire ma place.
(GISÈLE QUENNEVILLE et VINCENT GEORGIE sont maintenant assis l'un face à l'autre sur la scène du théâtre Capitol de Windsor.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent Georgie, bonjour.
VINCENT GEORGIE
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent, il paraît que quand
vous étiez jeune, votre rêve,
c'était de devenir prof
d'université. Pourquoi
prof d'université?
VINCENT GEORGIE
C'était un rôle que
j'admirais. J'admirais
l'intelligence. Quand j'étais
jeune, je rêvais
d'être intelligent.
Petit garçon, j'admirais ça
beaucoup. Même quand j'étais
jeune, je voulais porter
des lunettes. Moi, je porte
toujours des lunettes.
J'ai pas besoin, mes yeux sont
parfaits.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pour vrai?
VINCENT GEORGIE
En effet. Mais quand--
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est un accessoire.
VINCENT GEORGIE
C'est un accessoire.
Parce que quand j'étais jeune,
uniquement les nerds ou
des gars et filles intelligents
et intelligentes portaient des
lunettes. Et ça, j'admirais ça.
Et c'est rendu au secondaire
que je me suis dit: quelle sorte
de rôle que j'admire? Et il y a
plein de professeurs que
j'admire, mais parmi d'autres
que je pensais qui étaient
possibles pour moi, c'était
professeur d'université,
parce que c'était la
connaissance, être expert
dans quelque chose. Et ça,
j'avais beaucoup de respect
pour ça. Puis c'était clair.
J'avais 15-16 ans puis c'était:
c'est ça que je vais faire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, votre spécialisation,
c'est le marketing.
Le marketing des arts
en particulier.
VINCENT GEORGIE
Oui, surtout le cinéma.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vendre les arts
ou le cinéma, c'est différent
que de vendre... du savon
à lessive, par exemple?
VINCENT GEORGIE
Oui, certain. Y a beaucoup
de principes qui sont pas
les mêmes. Premièrement,
avec, si on peut se permettre
de les appeler des produits
culturels, ils sont créés
et par après, c'est qui les
consommateurs. Tandis
qu'avec d'autres produits,
on va pas fabriquer ou créer
un nouveau savon ou une
nouvelle voiture sans déjà
penser... On va même pas
fabriquer ça avant d'avoir bien
ciblé notre marché. Tandis que
des produits culturels, on veut
créer, on veut contribuer
quelque chose, puis par après,
qu'est-ce qu'on fait avec ça.
Maintenant, surtout dans
l'industrie du cinéma, on s'en
va certainement dans l'autre
direction, parce que c'est
tellement commercial, il y a
tellement d'argent et de risques
impliqués. Mais globalement,
les produits culturels sont
différents. L'approche est très
différente. Mais pour faire
le retour, en revanche, j'avais
pas fait le lien nécessairement
que j'allais faire professeur
marketing cinéma avant d'être
à la maîtrise. C'est là où
j'ai tout mis ensemble.
J'étais comme: ah, OK,
je vais toutes les brasser
ensemble, ça sera ça
ma carrière.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est une job de rêve.
VINCENT GEORGIE
Oui. Ça l'est.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes le directeur
d'un programme de maîtrise
de l'administration des
affaires, un MBA. Moi,
je me souviens, il y avait
une époque où des MBA,
c'était quelque chose de rare,
c'était quelque chose de prisé,
c'était quelque chose d'unique.
De nos jours, des MBA--
VINCENT GEORGIE
Y en a plein.
GISÈLE QUENNEVILLE
...il y en a à peu près
partout. Est-ce que c'est aussi
prisé de la part des
employeurs? Est-ce que c'est
aussi en demande? Et est-ce que
les étudiants ont autant
de succès avec un MBA
qu'ils avaient peut-être il y a
une quinzaine ou une
vingtaine d'années?
VINCENT GEORGIE
Certainement, le marché
des années 80 où t'as un MBA
puis tu veux rentrer aller
chercher un salaire à six
chiffres et plein d'affaires,
ça, c'est fini depuis comme
très longtemps. C'est vraiment
vieux. Les MBA d'aujourd'hui,
c'est s'assurer qu'il y a
une certaine distinction, que
c'est pas un programme qui est
commun à tous les autres.
Dans notre MBA par exemple,
c'est un programme qui est très
accéléré, très exigeant côté
académique et de temps.
Mais y a aussi beaucoup,
beaucoup d'emphase sur la
communication, sur l'écriture,
sur la présentation et sur
le travail d'équipe, mais
beaucoup, beaucoup plus.
Et le travail avec nos
partenaires en affaires,
c'est beaucoup plus intensif.
Ils vont travailler avec des
partenaires comme Crayola,
comme Chrysler, comme
les Maple Leafs de Toronto
pendant un an. Et c'est trois
projets pendant l'année.
Alors c'est vraiment plus
à longue haleine. Alors
comme ça, les MBA ont changé,
si on change vraiment l'emphase
des programmes. Et oui,
dans le monde d'affaires,
on cherche ces compétences-là.
C'est pas juste que t'aies
le MBA, mais que t'aies quelque
chose d'unique dans ce MBA-là
qui rend les candidats encore
plus intéressants et actuels
à aujourd'hui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes un jeune professeur
d'université.
VINCENT GEORGIE
Merci.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand vous êtes arrivé en tout
cas, vous étiez très, très
jeune. Quels sont les défis
d'être un jeune professeur
d'université de nos jours,
dans le climat académique
de nos jours?
VINCENT GEORGIE
J'ai toujours été le plus
jeune dans tout. J'ai
vraiment grandi comme
le jeune à la table, le jeune
dans l'organisation, etc.
Alors, j'étais quand même
habitué à ça, mais c'était
quand même gênant. Écoute,
je suis rentré ici comme
professeur à 27 ans. J'ai
commencé à enseigner à HEC
Montréal, j'avais 23 ans.
Mes étudiants avaient
le même âge, sinon, dans
certains cas plus vieux que moi.
Alors ça, y a un aspect de
crédibilité, mais ça, c'est
quelque chose que j'ai très peu
de tolérance autant de
collègues que d'étudiants.
Je connais très, très peu
dans la vie, c'est clair.
Le marketing, le cinéma,
j'en connais un peu. Puis
vous me permettez cinq minutes
puis tout le monde va être
très à l'aise.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais si vous avez commencé
votre carrière universitaire
à l'âge de 23 ans, évidemment,
vous aviez pas une grande
expérience, n'est-ce pas,
dans le monde des affaires.
En parlant de cette
crédibilité-là, comment
est-ce que vous l'affichez à
l'âge de 23 ans, dans un
programme de MBA, par exemple?
VINCENT GEORGIE
Oui, oui. Bien, c'était
difficile, mais en même temps,
j'avais toujours travaillé à
temps plein durant toutes
mes études. Alors j'avais
travaillé pour une épicerie
privée dans le GTA Longos.
J'avais fait des projets pour
le bureau chef. J'avais
travaillé pour Radio-Canada,
j'avais travaillé pour GE.
J'avais travaillé deux ans
pour la Banque de Montréal.
Alors comme ça, je suis allé
chercher le maximum qui était
vraiment possible dans ces
années-là. Mais j'avoue,
quand j'ai commencé à enseigner
à HEC Montréal, j'avais pas
l'intention de commencer
à enseigner. J'avais
l'intention de commencer
mon doctorat puis enseigner
à la toute fin. Et en revanche,
c'était eux, à cause que
j'avais tellement travaillé
pour mon âge. Mais aussi,
j'avais fait beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'animation
avec la FESFO, j'avais
un très grand profil
d'animateur. C'est eux qui ont
insisté. Ils ont dit: "On est
vraiment intéressés par ce que
vous pouvez amener." Et
en revanche, peut-être mon
profil et ma personnalité,
que j'étais capable de des fois
rendre des concepts ou
des thématiques plates ou
difficiles, simples et assez
intéressants.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent, on est ici au
théâtre Capitol de Windsor.
C'est ici qu'a lieu le Festival
des films de Windsor.
Parlez-nous de cette magnifique
salle finalement.
VINCENT GEORGIE
Oui. La salle est vraiment
formidable. Il y a de la place
pour environ 650 personnes.
Le balcon, évidemment, c'est
vraiment le fun. Côté
architecture, c'est vraiment
intéressant, c'est presque vieux
de 100 ans. Et c'est vraiment
fun aussi durant notre festival
que des gens qui ont peut-être
jamais eu la chance de voir
des films dans une salle comme
ça, qui vraiment ont grandi
dans des gros cinéplex,
de vivre quelque chose ici.
Ça ajoute beaucoup d'ambiance.
C'est vraiment... il manque pas
d'atmosphère, ça, c'est sûr.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quels sont vos goûts
en cinéma? Vous avez
un film préféré, un type
de cinéma que vous aimez?
VINCENT GEORGIE
Oui, mon film préféré de tous
les temps surprend les gens,
parce que c'est un choix
commun. C'est pas aussi
novateur qu'on penserait.
Mon film préféré de tous les
temps, c'est Goodfellas
de Martin Scorsese. Juste
parce que je l'ai vu peut-être
une trentaine de fois. Pour
moi, c'est un film parfait.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent Georgie, on sent que
vous êtes très passionné
par le marketing, mais je sais
également que vous êtes
tout aussi passionné par
le cinéma, d'où est venu
cet amour du cinéma?
VINCENT GEORGIE
Je me souviens de la journée.
GISÈLE QUENNEVILLE
La journée?
VINCENT GEORGIE
La journée comme telle.
C'était pas long après le décès
de mon grand-père. Et ça
m'avait beaucoup marqué.
Pour une raison ou une autre,
je regardais le journal qui
était livré à la maison et je
regardais dans la section
des arts, que je regardais
peu souvent.
Puis j'avais vu une affiche
d'un film. C'était le film
Les liaisons dangereuses
avec Glenn Close.
Je trouvais l'image
intéressante, puis il y avait
une grosse annonce, l'écriture
sur l'affiche qui disait: "En
nomination pour sept Oscars."
Puis je trouvais ça excitant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça doit être bon.
VINCENT GEORGIE
Ça doit être bon. Écoute,
j'avais sept ans. Je pouvais
même pas voir le film.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est ce que j'allais dire:
vous aviez pas l'âge.
VINCENT GEORGIE
Mais c'était juste: wow,
l'image est attrayante.
Des Oscars, OK, ça, c'est
excitant. Je vais regarder
les affiches demain dans
le journal aussi. Et ça a
commencé comme ça.
Je viens pas du tout d'une
famille qui a un grand
intérêt dans les arts. On a pas
écouté plus de films que
d'habitude dans la famille,
du tout.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alliez-vous au cinéma petit?
VINCENT GEORGIE
Rarement. De temps en temps.
Mon premier film, c'était
Les 101 dalmatiens. Ça,
je me souviens très bien.
Mais à part de ça, non,
vraiment pas, c'est complètement
un autre intérêt, mais je me
souviens de la journée.
GISÈLE QUENNEVILLE
Lorsque vous êtes arrivé
à Windsor, vous vous êtes
rapidement intégré au sein
de l'organisation du Festival
des films de Windsor.
Aujourd'hui, vous dirigez ce
festival-là dans vos temps
libres, n'est-ce pas?
Parlez-moi de ce festival-là.
Il est assez unique, n'est-ce
pas, en Ontario?
VINCENT GEORGIE
Oui, il est très unique.
On est très, très fier du
festival, c'est présentement
un festival en pleine
croissance. Quand je suis
arrivé avec le festival,
le festival durait quatre
journées puis on vendait
environ 2000-2500 billets.
Cette année, c'était notre 10e
anniversaire, on a vendu plus
de 15 000 billets. C'est
un festival de neuf jours,
111 films, long métrage
et 186 représentations
des films de 26 pays.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais là, si je fais un petit
calcul rapide, vous montrez
des films presque 24 heures
sur 24, là.
VINCENT GEORGIE
Pas loin. C'est vraiment,
vraiment le fun, parce que côté
statistiques, Windsor, c'est
la plus grande région de
consommation de films, à part
de Toronto, pour la province
de l'Ontario.
GISÈLE QUENNEVILLE
Wow!
VINCENT GEORGIE
Les gens ici écoutent
des films, point. Puis à cause
qu'on a uniquement des grands
cinémas ici dans la ville--
GISÈLE QUENNEVILLE
Avec des films américains.
VINCENT GEORGIE
Avec des films américains,
il y a tellement pas d'autres
films qu'on va pas montrer ici.
Alors comme ça, le mandat
du festival, pour nous, est très
clair. Et à chaque année,
je suis très heureux avec
notre équipe qui travaille
extrêmement fort. À chaque
année, c'est une croissance
et chaque année, on rajoute
une journée puis des titres,
parce que l'auditoire nous dit:
"On aime ça, merci, on s'amuse"
puis c'est très valorisant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes professeur de
marketing, c'est votre grande
spécialité. Alors comment
est-ce qu'on arrive... Bon,
vous avez réussi, évidemment,
mais comment vous êtes arrivé
à vendre ce festival aux gens
de Winsdor et de la région?
VINCENT GEORGIE
Je reviendrai à la
programmation. La première
chose était vraiment de bien
calibrer sa programmation,
parce qu'en termes marketing,
la programmation, c'est le
produit. Alors si les titres ne
sont pas bien choisis et
correspondent aux besoins de
votre marché, sans avoir
des choses d'intérêt ou des
choses qui vont plus avoir
un défi, mais quelque chose qui
correspond, tu peux pas vendre
ça à la communauté. Alors,
c'était vraiment s'assurer
une programmation qui était en
ligne et bâtir un environnement
dans le festival qui était
excitant, qui était pas
exclusif. C'est pas pour
des snobs du cinéma ou
des cinéphiles. OK? C'est
pour des gens qui aiment
des bons films.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous avez quand même assez
de films en français dans ce
festival ici. Est-ce que c'est
à cause de vous, Vincent
Georgie, programmateur,
qui êtes francophone? Est-ce
que c'est à cause de la
communauté francophone?
Pourquoi autant de films?
Parce qu'il y en a beaucoup.
VINCENT GEORGIE
Il y en a beaucoup. C'est
toujours, à part l'anglais,
c'est la langue qui est le plus
représentée à chaque année.
Ça, c'est clair. Et c'est
vraiment pour, je dirais, deux
raisons. Premièrement, à la
base, historiquement, Windsor,
c'est une ville qui est très
francophone, c'est sûr. Il y a
beaucoup de francophones
et beaucoup de francophiles
dans la ville. Et ça, c'est
l'élément qui est clé. C'est
que les gens ici apprécient
la culture francophone et
apprécient les films
francophones, point. Alors ça,
c'était déjà installé. Les gens
ici sont ouverts à écouter
des films arabes, des films
en mandarin, des films hongrois,
et aussi clairement des films
francophones avec grande
appréciation. De plus, à cause
que je suis franco-ontarien,
à cause que j'ai quand même
une bonne connaissance du
cinéma, surtout le cinéma
francophone, c'est sûr que je
peux avancer des titres là
aussi et faire des partenariats
avec nos partenaires
francophones dans la région
et assurer une bonne
programmation. Je suis très fier
ici, dans une ville comme
Windsor, que souvent, notre
film d'ouverture ou de clôture,
c'est un film francophone,
et ce n'est jamais une question
de débat, est-ce qu'on peut
ouvrir avec un film
francophone? Cette année,
notre film de clôture, c'était
un film qui venait de
l'Argentine. On a jamais posé
la question: mais mon Dieu,
c'est en espagnol! On a pas
besoin. Et c'est ça que les
gens qui ne viennent pas d'ici
sous-estiment Windsor.
Ils sous-estiment beaucoup
jusqu'à quel point les goûts
sont raffinés ici et que les
gens apprécient des films
étrangers, des films de qualité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je sais que vous passez aussi
un certain temps à Los Angeles.
Je sais que vous allez aux
Oscars. Comment est-ce que
vous avez créé ce lien avec
ce festival-là, cette grande
cérémonie et cette ville du
cinéma américain?
VINCENT GEORGIE
Premièrement, l'affaire que
je pense que les gens
comprennent pas en général
avec l'industrie du cinéma,
c'est que c'est finalement très
petit. Les gens se connaissent,
et les gens qui ont quand même
un standing, ou vont avoir
une carrière impliquée d'une
façon ou d'une autre dans
le cinéma, c'est des gens qui
vont simplement foncer
et faire le travail. Il y a
toujours une surcharge de gens
qui sont là pour le party, le
glamour, whatever. Ces gens-là
ne vont jamais durer, ne vont
pas faire carrière. Ces gens-là
se font remplacer à tous les
six mois. Des gens qui ont
une certaine crédibilité
arrivent à simplement endurer
cette industrie qui est une
industrie très, très difficile.
Avec la recherche que j'ai
faite, avec la recherche que
j'ai faite dans ma maîtrise,
dans mon doctorat, avec tout
mon travail, c'était toujours
relié au cinéma. C'était quand
même allé chercher un certain
niveau d'attention. J'avais été
approché par un groupe à Los
Angeles, Film Independent,
qui m'avait demandé d'offrir
un peu de consultation avec
eux, de travailler avec leurs
membres. J'ai commencé
à faire ça. Mais après ça,
j'ai été invité à voter pour
leurs prix et tout ça. Après,
c'était la couverture
médiatique. J'ai travaillé avec
Postmedia, j'ai travaillé avec
Radio-Can, etc. Après,
c'était... Là, ça va faire cinq
ans, c'était simplement: bon,
bien, c'est le temps que tu
viennes aux Oscars. Puis c'est
juste... c'est des choses qui
sont... C'est très interne puis
hermétique. Il y a un processus
d'application. C'est juste
à un moment donné: c'est
le temps de. Et c'est génial
de le faire et c'est génial de
le faire, de voir vraiment
l'industrie dans toute sa
gloire et avec tous ces
problèmes aussi en même
temps. Et aussi, j'ai le
privilège à chaque année,
j'insiste, mon invité, j'amène
toujours un étudiant
de notre MBA. Et ça,
je trouve ça génial.
GISÈLE QUENNEVILLE
Y a pas de film canadien
en nomination cette année
pour les Oscars. Une déception
pour vous?
VINCENT GEORGIE
Y a un court métrage
qui l'est--
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais pas dans la catégorie
meilleur film étranger.
VINCENT GEORGIE
Non, puis on s'attendait pas.
Je savais que Mommy serait pas
retenu, même dans le top 9.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourquoi pas?
VINCENT GEORGIE
C'est pas le genre de film
que ce groupe-là voterait pour.
Encore, j'ai le privilège, je
vois physiquement c'est qui
les voteurs de cette
catégorie-là et je connais ce
clan-là. C'est pas un groupe
qui aurait choisi ce film, même
si c'est un film exceptionnel,
c'est sûr. Le défi chaque année,
c'est que: est-ce qu'un pays
remet son meilleur film - et
cette année, je serais
entièrement d'accord, ce serait
Mommy -, ou le film qui aurait
le plus de chance d'être nommé.
Par exemple, pour moi,
Laurence anyways voilà deux ans
était clairement le meilleur
film canadien de haut et de
loin. Rebelle était aussi
excellent. Le Canada a remis
Rebelle. Mais Rebelle aurait
eu plus de chance, puis en
effet, a été nommé comme
ç'aurait dû l'être. Mais pour
moi, le meilleur film canadien,
c'était Laurence anyways.
Cette année, le meilleur film
était Mommy. Est-ce qu'il y
aurait d'autres films qui
auraient peut-être eu plus de
chances d'avoir une nomination
finalement, je suis pas
certain. Mais moi, j'ai pas été
surpris par ça, parce que
je connais le processus de
sélection et c'est pas un film
qui irait chercher ce bloc de
voteurs-là. Ça m'a pas surpris.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent, on est à Windsor,
votre ville d'adoption. J'ai
l'impression que vous vous êtes
bien intégré à cette ville-ci.
VINCENT GEORGIE
Très bien. Ça m'appartient.
Je suis heureux d'être ici.
C'est vraiment une ville qui
m'interpelle beaucoup puis
je pense que c'est le caractère
tellement terre-à-terre et
gentil des gens ici que j'aime
tellement faire des belles
choses dans la ville, parce que
je suis bien entouré.
GISÈLE QUENNEVILLE
Votre endroit préféré
à Windsor?
VINCENT GEORGIE
Ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ici?
VINCENT GEORGIE
Ici, au théâtre Capitol.
L'ambiance est formidable puis
le fait que le Festival de film
international de Windsor se
passe ici, j'ai quand même
passé plus qu'un petit moment
dans ce théâtre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent, vous, vous êtes
d'origine irakienne. Votre père
est irakien. Comment est-ce
qu'il s'est retrouvé au Canada?
VINCENT GEORGIE
Ça ferait un bon film comme
histoire. Mon père était le fils
d'un politicien. Mon grand-père
était comme le ministre de
l'Économie en Bassora,
province de l'Irak.
Un homme très au pouvoir
et tout ça. En Irak, dans ces
temps-là, soit t'as beaucoup
de pouvoir ou t'en as pas
du tout. Il y a aucun
entre-deux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous l'avez connu
votre grand-père?
VINCENT GEORGIE
Oui, oui, certainement.
À cause de ça, puis mon père
était enfant unique, il aurait
été kidnappé comme jeune.
OK? Alors comme ça, il a pas
été élevé là-bas. Durant
sa jeunesse, il est parti en
Angleterre. Il a été élevé
dans des écoles privées puis
avec son oncle et sa tante.
Puis après ça, pour venir faire
son bac, il est venu au Québec.
Il est allé à Concordia faire
deux bacs. Et quelques années
après, ses parents ont suivi.
Je me souviendrai toujours,
mon grand-père m'avait raconté
que dans les bons vieux temps
en Irak, c'était pas du tout
comme on pense maintenant.
Mais je pense que c'était
en 71, il a dit: "J'ai rencontré
un homme qui m'a beaucoup
inquiété et je savais qu'il
fallait partir. J'ai rencontré
un homme qui s'appelait
Saddam Hussein." Puis il a dit:
"Je savais, mais je savais,
c'est la fin pour ici." Puis
dans pas long, tout
le gouvernement de mon
grand-père a été botté du
pouvoir. Puis tout le monde
qui portait mon nom de famille
devait être assassiné sur site.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le même nom, Georgie.
C'était Jurjhi, puis finalement
au Canada, c'est devenu
Georgie. je pense que c'était
J-U-R-J-H-I, quelque chose
du genre. Je me souviens
vraiment pas. Et mes
grands-parents ont perdu
la maison, les serveurs puis
tout, bla-bla-bla. Puis ils ont
offert en «bribe», si on veut,
une caisse d'alcool à un pilote
musulman pour les aider
à quitter l'Irak. Ils sont
partis déguisés avec des
chapeaux puis des lunettes,
parce qu'ils devaient être
assassinés sur site. Puis
ils ont émigré au Québec.
Mon grand-père a ouvert
un concessionnaire d'autos
usagées. Et ma mère et
son père sont venus sur le lot
pour acheter une voiture
à ma mère, et mon père visitait
son père sur le lot. Puis
on s'entend que le lot,
c'était une petite affaire avec
des lumières de Noël autour.
Ça avait comme quatre voitures.
Puis mes parents se sont
rencontrés comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous avez vécu
la culture irakienne chez vous?
VINCENT GEORGIE
Du tout.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pas du tout, hein?
VINCENT GEORGIE
Vraiment pas, et je dis pas ça
négativement ou positivement.
Mon père, c'est quelqu'un qui
est très fièrement canadien.
Pour lui, absolument, quand
on est à Rome, on est romain,
point final. C'est la raison.
Et je donne tout le crédit
à mon père autant que ma mère
et elle l'a appuyé à 100%.
Mon père a dit: "Écoute, au
Canada, on a deux langues
officielles, on va absolument
apprendre le français, vous
allez être éduqués en français.
On apprend le français ici,
point final." Y avait même pas
de discussion autour de ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Maintenant, vous, vous avez
grandi à Mississauga. Vous êtes
arrivé à Mississauga, vous
étiez quand même assez jeune.
VINCENT GEORGIE
Oui, j'étais assez jeune,
exactement, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous parliez
français à la maison?
VINCENT GEORGIE
Du tout, pas du tout. C'était
uniquement en anglais à la
maison. On allait à l'école
uniquement en français.
Mes parents embauchaient
nos enseignants l'été pour
nous donner des tutorats
privés tout l'été. Des fois,
on prenait des cours le samedi.
C'était vraiment un appui total.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était une bonne chose, ça.
J'essaie de me mettre à votre
place, l'école l'été--
VINCENT GEORGIE
Ça, c'était quelque chose
dont je pense que c'était
impossible que je sois aussi
bon parent que mes parents
l'ont été pour nous. Vraiment.
Puis chez nous, peu importe
les finances, peu importe
les contraintes, mon père
avait toujours dit: "En
quantité illimitée, des fruits
et des légumes et des livres
en français."
GISÈLE QUENNEVILLE
Difficiles à trouver,
parfois, les livres en français.
VINCENT GEORGIE
Souvent, souvent, mes parents
s'arrangeaient. Puis tout ce
qui était francophone, ils
avaient un appui inconditionnel
envers ça. Et mes parents sont
de vrais, vrais francophiles.
Et ça, c'était quelque chose
de génial et d'important.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je sais que vous, vous avez
été très impliqué à l'école,
dans votre école secondaire,
avec la FESFO et tout ça.
Est-ce que c'était difficile
pour un jeune homme,
un garçon de Mississauga
de famille anglophone de
s'impliquer avec la FESFO
à l'échelle provinciale?
VINCENT GEORGIE
Non. Pas du tout. Il y a
aucune autre organisation
qui a eu plus d'impact sur moi
que la FESFO. Ça, c'est clair.
Ils m'ont beaucoup beaucoup
formé. Je suis beaucoup
la personne que je suis
aujourd'hui à cause de ce que
j'ai vécu durant ma jeunesse
avec eux. Ils m'ont beaucoup
formé à aider. C'était très
facile, parce que c'était des
gens qui venaient de partout.
C'était un partage d'idées,
c'était vivre en français, ça,
je trouvais ça intéressant.
C'était s'amuser en français.
Non, j'ai trouvé ça vraiment
facile. Et aussi, je dirais
peut-être en revanche, si
j'ai pas ma place quelque part,
inquiète-toi pas, je vais juste
faire ma place.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous faites encore du travail
pour la FESFO aujourd'hui,
je pense?
VINCENT GEORGIE
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Toutes ces années plus tard.
VINCENT GEORGIE
Oui. Écoute, là, j'anime
pour la FESFO, ça fait 16 ans
puis c'est génial. J'ai siégé
sur le CA pendant un bout.
Je fais encore dans projets
pour eux. Ça me rend juste
heureux de contribuer dans
les façons que c'est logique et
que je peux. Ça fait toujours
plaisir de la faire, parce que
c'est une organisation que je
valorise beaucoup, leur mandat
puis qu'est-ce qu'ils font.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que ça a changé
beaucoup en 16 ans?
VINCENT GEORGIE
Oui, ça a changé. Quand
j'étais participant, je dirais
l'orientation était vraiment
plus envers le français puis
la lutte pour le français. Puis
je pense que ça a évolué,
puis je pense vraiment de la
bonne façon envers justice
sociale puis plus avancé
le bien-être de la société en
français, et pas uniquement
à propos de la langue,
mais vraiment à propos de ce
serait quoi la vie francophone
en Ontario. Ça, j'ai trouvé
ça intelligent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum. Aujourd'hui,
vous êtes à Windsor, une ville
qui est majoritairement
anglophone, vous travaillez
en anglais à l'université.
Est-ce qu'il est difficile pour
vous de maintenir
votre français ici?
VINCENT GEORGIE
Je trouve pas nécessairement,
parce que chaque fois que je
rencontre des francophones,
c'est sûr qu'on va partir en
français. Il y a beaucoup de
gens ici qui parlent français,
mais ils parlent tellement bien
anglais qu'on pense pas
qu'ils parlent en français.
J'ai encore beaucoup de mes
amis francophones ici et aussi
à Montréal. Pas
nécessairement. Écoute,
j'ai enseigné en français,
je passais toute ma vie tout
le temps en français. Pas
nécessairement. C'est aussi
l'effort de le faire puis de
garder ces liens-là. Mais en
même temps, je trouve que
ce qui est très important,
c'est... par exemple,
à l'université de Windsor,
qui est une institution
anglophone, je suis bien connu
comme un des membres
qui est francophone. Et ils me
voient comme ça et je
représente la francophonie
dans un milieu anglophone.
Et je pense que ça, c'est très
important, d'avoir cette
présence-là à l'extérieur
de la communauté francophone.
Je trouve ça en effet, c'est
quelque chose que, je pense,
la communauté franco-ontarienne
a vraiment encore pas pu
développer, de bien savoir
comment sortir de sa bulle
et de vraiment s'intégrer et
comme ça, en effet, aller
chercher plus de force.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes ici depuis presque
dix ans maintenant. Vous êtes
très bien intégré à la vie
de Windsor. Vous êtes là
pour rester?
VINCENT GEORGIE
J'espère. J'adore. On sait
jamais, mais certainement,
j'ai des plans pour ici. Et
je sais que quand on m'a
embauché ici, c'était avec
plusieurs projets et plusieurs
idées en tête. J'ai pas été
amené à Windsor pour le court
terme, ça, je me suis fait
partager ça très rapidement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vincent Georgie,
merci beaucoup.
VINCENT GEORGIE
Merci.
(Générique de fermeture)
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