Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Diane Pacom: Sociologist
Sociologist Diane Pacom has been studying young people for over thirty years¿their music, their clothes, their behaviour, who they are, what they like, and what they don´t like.
And working on the University of Ottawa campus, she has a privileged position from which to observe them.
In her sociology classes, in her conferences and in the media, Diane Pacom builds a bridge between generations and offers valuable insight into this sometimes confusing group of people.
Réalisateur: Linda Godin
Production year: 2015
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Titre :
Carte de visite
Différents sites du campus de l'université d'Ottawa défilent pendant que GISÈLE QUENNEVILLE fait une brève présentation de DIANE PACOM, sociologue, de l'université d'Ottawa.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Depuis plus de 30 ans, elle étudie les
jeunes, leurs musiques, leurs
vêtements, leur comportement,
qui ils sont, ce qu'ils aiment,
ce qu'ils n'aiment pas.
Et elle est bien placée pour
le faire sur le campus de
l'Université d'Ottawa où elle
est professeure de sociologie.
Dans ses cours, en conférence
ou dans les médias,
Diane Pacom fait le pont
entre les générations
et nous aide à comprendre
cette jeunesse parfois
difficile à suivre.
Dans une salle de l'université d'Ottawa, GISÈLE QUENNEVILLE rencontre DIANE PACOM.
GISÈLE QUENNEVILLE
Diane Pacom, bonjour.
DIANE PACOM
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
J'ai déjà eu le plaisir de
vous interviewer à plusieurs
reprises sur différents sujets
de société. Mais une chose m'a
frappée en lisant ma recherche,
c'est que vous, vous êtes
Égyptienne. Vous êtes née en
Égypte. Parlez-moi un peu de ça.
DIANE PACOM
Je suis née en Égypte. Au
fait, ma mère était Grecque
et du côté de sa mère, elle était Italienne.
Donc, c'est un mélange de
cultures méditerranéennes. J'ai
pas connu très bien l'Égypte
parce que quand même je suis
partie assez jeune. Et puis,
j'étais socialisée par ma mère
grecque parce que mon père est
décédé lorsque j'avais 2 ans.
Donc, j'ai toujours vécu dans
la culture grecque. J'étais dans
une école qui était gérée
par des soeurs italiennes,
catholiques, franciscaines,
missionnaires. Alors, je sais
pas si vous vous rendez compte.
Et très tôt, j'étais happée par
la culture italienne que j'ai côtoyée,
en fait, jusqu'à la fin de mon
secondaire. Donc, à cheval
entre plusieurs cultures.
Mes parents, ma mère
surtout, elle était polyglotte.
Mes voisins, mes amis d'école,
tout le monde était pris, si
vous voulez, dans cette logique
d'être... de traverser des cultures
comme si de rien n'était.
Donc, ça, c'est vraiment
quelque chose que j'ai beaucoup aimé
en Égypte, en fait. Mais je suis
quand même partie assez
jeune. Mes souvenirs sont
pas si forts que ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quels sont les souvenirs
que vous gardez de l'Égypte?
DIANE PACOM
Surtout l'école. C'était
vraiment l'école qui était la
raison d'être, si vous voulez,
de mon existence en tant
que gamine. J'ai des copines,
des copains. On jouait
beaucoup. On s'amusait.
Je me souviens, par exemple,
toute la culture populaire
américaine qui commençait
à traverser. Les dimanches,
on allait voir des bandes dessinées,
des dessins animés. Mickey Mouse.
Il y avait Metro-Goldwyn-Mayer
pendant des heures et des heures.
Les enfants, tout seuls, d'ailleurs.
Il y avait pas de parents.
On arrivait au cinéma, on
nous donnait un Coca-Cola,
un gros biscuit puis là,
on s'éclatait pendant
quelques heures.
Il y avait des bons souvenirs
dans l'ensemble. Avant le départ
pour la Suisse, parce qu'après
ça, j'étais en Suisse, il y
avait quand même certains
problèmes sur le plan politique,
mais pas assez pour que je les
garde dans mes souvenirs. C'est
surtout cette jeunesse comme ça
typique de l'époque où
l'enfant était un enfant.
On nous accablait pas avec des
soucis d'adultes, je dois vous
avouer. C'était une belle vie,
en fait. On avait beaucoup
de liberté aussi. Comme dans mon
cas, j'allais à l'école à pied.
Je traversais Le Caire à pied.
Pas toute la ville, mais je veux
dire quand même une grande
promenade. Je crois que c'est là
où je suis devenue sociologue
parce que j'observais autour
de moi des scènes absolument
extraordinaires, dignes de films
et de romans, où il y avait
à chaque coin de rue quelque chose
qui retenait mon regard.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez fait une grande
carrière d'universitaire. Est-ce
que ça a toujours été dans
les cartes que vous alliez
fréquenter l'université,
obtenir un bac et aller plus loin?
DIANE PACOM
Je dois vous avouer, je viens
d'une famille de gens qui
avaient quand même étudié
beaucoup. Une famille aussi
d'entrepreneurs assez bien nantis
sur le plan financier.
Donc, il y avait autour de moi
des gens qui avaient fréquenté
l'université. C'est clair que
les femmes de ma génération,
en Méditerranée, on s'attendait
à ce qu'elles se marient,
qu'elles fassent des enfants.
Mais c'était pas non plus une
pression immense. Je veux dire,
il y avait quand même une espèce
de petite pression, mais il
y avait pas des attentes
par rapport aux femmes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez fait vos études
universitaires d'abord en
Suisse. Pourquoi la Suisse?
DIANE PACOM
Encore une fois, pour aucune
raison. C'est-à-dire qu'il y
avait rien en Suisse, sauf
ma marraine. Donc, on allait
souvent voir ma marraine.
On voyageait beaucoup avec ma
mère étant donné qu'elle était
restée veuve assez jeune et elle
s'est jamais remariée. Donc, son
plaisir, c'est de nous prendre
et de nous promener. Ma
marraine, avec sa famille,
était partie vivre en Suisse.
On allait la voir. À un certain
moment, rendue adolescente,
les choses étaient beaucoup plus
difficiles en Égypte, n'est-ce pas?
Donc, là, j'ai décidé d'y aller,
encore une fois, sans trop planifier.
Je partais. Je partais et
j'allais en Suisse parce que
c'était quand même
un lieu connu. Il y avait
ma marraine avec sa famille.
Et puis, en arrivant, je venais
à peine de finir mes études
et puis, tout d'un coup, je dis:
"Bien, qu'est-ce que je fais?"
Je dis: "Je vais aller à l'université."
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourquoi la sociologie?
DIANE PACOM
C'est ça, justement, j'étais
pas en socio. J'avais commencé
en économie. J'ai fait une année
et ça a pas marché du tout.
C'était une année justement où
je trouvais ma liberté. J'étais
seule. Ma mère était restée. Il
y avait personne. Alors, là,
c'était le party tout le temps.
C'était ardu aussi, l'économie.
Puis j'ai pris un cours de socio.
Un de ces cours qui
étaient obligatoires et là,
c'était comme si je retrouvais,
si vous voulez, le chemin du
salut parce que je me suis
sentie tout de suite très à l'aise.
Et puis, j'avais fait une espèce
de travail d'observation dans un
café, et les professeurs avaient
trouvé ça génial. Moi, je
comprenais pas parce que tout
ce que j'avais fait, j'avais
observé ce qui se passait autour
de moi. J'ai adoré ça. Je veux
dire, j'adore la socio. Pour
moi, c'est quelque chose de
magnifique. De pouvoir, en fait,
déconstruire et comprendre
nos vies. Parce qu'en fait,
c'est de nous qu'on parle tout
le temps. Et avec toutes les
expériences multiculturelles,
multiethniques, multi, multi,
j'avais quand même le regard
très, très aiguisé.
Les rituels m'intéressaient
beaucoup aussi parce que
j'allais dans une école
catholique, mais moi, étant
donné que je suis Grecque
et j'ai été socialisée comme
Grecque, j'étais orthodoxe.
Donc, j'allais à la messe chez
les soeurs parce que ma mère m'a
dit: "Faut que tu y ailles.
Tout ce que les soeurs te disent
de faire, tu vas le faire."
Je trouvais ça magnifique. Les
soeurs nous faisaient chanter
en latin des trucs. Après ça,
j'allais à l'église grecque
et là, je voyais que c'était
la même chose avec d'autres
rituels. Donc, il y avait,
je crois, dans ma socialisation,
cette espèce d'ouverture
qui est nécessaire pour
devenir une penseuse, au niveau
des sciences sociales. C'était,
si vous voulez, dans les cartes.
On visite le quartier italien d'OTTAWA avec un commentaire de DIANE PACOM.
DIANE PACOM (Narratrice)
J'aime beaucoup le quartier
italien qui est mignon, coquet,
où je retrouve un peu ma
Méditerranée, surtout au niveau
de la dégustation de bonnes
choses. Il y a une petite
boutique de biscottis
qui est extraordinaire.
Les petits cafés sentent bon,
etc. Mais c'est aussi très convivial.
C'est très relaxant, et on a
l'impression vraiment de sortir,
si vous voulez, du centre-ville
typique. La colline
parlementaire que j'aime
beaucoup aussi. Ça me coupe
le souffle à chaque fois que je
passe là. Donc, c'est vraiment
un de mes endroits préférés.
Je vais surtout corriger des
travaux là-bas quand je n'en
peux plus de mon bureau.
Je les amène dans mon sac.
Je prends un petit cappuccino et
je corrige pour quelques heures.
On retourne dans la salle de classe où GISÈLE QUENNEVILLE s'entretient avec DIANE PACOM.
GISÈLE QUENNEVILLE
Diane Pacom, en tant que
sociologue, vous vous êtes
spécialisée, entre autres,
dans les jeunes, la jeunesse.
Pourquoi cette spécialité-là?
DIANE PACOM
Pour plusieurs raisons, mais
la principale raison, c'est que
j'appartiens à cette génération
qu'on appelle les baby-boomers
qui, à mon avis, sont les
premiers jeunes de l'histoire
sociologiquement parlant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y avait pas
de jeunes avant ça?
DIANE PACOM
Il y avait des enfants et
il y avait des adultes, mais
la jeunesse en tant que telle
vraiment émerge pendant cette
période-là. Pour moi, sur
le plan existentiel, c'était
magnifique, magnifique.
Parce que, là, je suis en Suisse
et il y a les mouvements jeunes.
Donc, ma première année à
l'université suit mai 1968.
On est vraiment conscients de
notre rôle historique, vraiment.
Je sais pas si vous vous rendez
compte, c'est un peu ambitieux
ce que je dis, peut-être arrogant,
mais on est les premiers jeunes
de l'histoire, en fait.
On avait vraiment
intégré cette réalité en
se disant: Le monde nous
appartient. On tasse les
adultes. On prend notre place.
Et je participais à ces
mouvements jeunes en Suisse,
au moment où je commençais mes
études justement, au moment où
j'étais en socio. Dans cette
espèce d'explosion d'énergie
créatrice où on refaisait le
monde, en fait. Comme une chose
que je suis un peu gênée de
dire parce que je suis prof
maintenant, mais on avait décidé
que nos profs, ils devaient nous
écouter. On avait littéralement
pris un cours en charge.
On avait dit au prof: "Écoute, ce
que tu nous proposes ne nous
intéresse pas. On va donner le
cours." Alors, il y avait cette
ivresse, si vous voulez, de
cette jeunesse qui devenait
un sujet historique comme
on dit dans mon domaine.
J'ai été très proche des
mouvements contre-culturels.
Par exemple, les communes, la
musique. J'ai décidé, et je suis
pas la seule à avoir fait ça,
que mes recherches devaient
rendre compte de cette créativité,
de cette effervescence.
C'est pas mon seul domaine
de spécialisation, mais
c'est quelque chose qui
m'interpelle beaucoup depuis,
c'est de suivre les différentes
générations de jeunes à travers
le temps avec l'idée que
le point de départ, en fait,
les origines de ce mouvement
de jeunes ou ces mouvements
de jeunes, si vous voulez,
appartiennent à ma biographie.
C'est-à-dire que j'ai été parmi
les pionnières de cette réalité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais vous avez... Ça fait
quand même plusieurs années que
vous enseignez. Vous avez vu les
boomers, les X, les Y et les Z.
Est-ce que ça a beaucoup changé
entre les boomers et les Z
d'aujourd'hui?
DIANE PACOM
Énormément. Énormément.
D'ailleurs, je pense qu'il y
a beaucoup de malentendus
générationnels. On est vraiment,
en ce moment, dans une période
où il y a des générations de
jeunes très bien campés dans
leurs valeurs parce que ces
jeunes-là sont devenus citoyens.
Vous voyez, c'est un peu la
question de la citoyenneté des
jeunes. Ils ont frappé à la
porte du système et on leur a
donné une place. On leur a donné
aussi beaucoup d'importance
à cause de leur nombre, il
faut pas oublier. Le baby-boom a
changé les rapports de force
entre les générations.
Cette génération aussi, c'est
une génération de consommateurs,
n'est-ce pas? Complètement
déchaînés. Et on les cible.
On cible les jeunes pour,
effectivement, leur vendre
des trucs, les embarquer
dans des projets.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça, ça a commencé
avec les boomers?
DIANE PACOM
Ça a commencé avec les boomers
à partir du moment où
la société... Au début,
c'était comme un peu un choc,
littéralement. Vous savez,
un choc entre les générations.
Mais à partir du moment où
on a donné la place aux jeunes,
la place, je veux dire,
à l'intérieur de la société civile,
politique et économique,
ils sont devenus des agents
sociaux en tant que jeunes.
GISÈLE QUENNEVILLE
On sait que la génération X
qui a suivi les baby-boomers
en voulait beaucoup aux boomers,
à tort ou à raison?
DIANE PACOM
C'est difficile à dire.
D'après certaines études, la
génération X, c'est la dernière
génération des baby-boomers,
en fait. C'est ceux qui sortent,
si vous voulez, de la grande
explosion de natalité qu'il y a eu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais qui n'ont pas eu tous
les avantages économiques.
DIANE PACOM
C'est les petits frères
des gens de la première et
de la deuxième génération qui,
eux, n'ont pas eu de pouvoir
symbolique que leurs grands
frères ou leurs grandes soeurs
ont eu et qui n'ont jamais pu,
si vous voulez, transiter
réellement à l'âge adulte
parce que le poids de la
démesure des boomers était tel
qu'ils ont été un peu sacrifiés.
Mais ça, ça dure pas longtemps
parce qu'après ça, la génération
Y, c'est l'écho du baby-boom.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est les enfants des boomers.
DIANE PACOM
De la première cohorte des
baby-boomers. Eux n'ont plus
ce problème, je veux dire,
la dernière génération
de baby-boomers--
GISÈLE QUENNEVILLE
Les Y, on les voit comme étant
des jeunes qui sont centrés sur
eux, que tout leur appartient,
que tout leur est dû. Est-ce
que c'est une réalité?
DIANE PACOM
Je crois que oui, et c'est
l'écho du baby-boom. En fait,
je dis toujours aux baby-boomers
de ma cohorte: "On a les
enfants qu'on mérite."
Parce que dans un certain sens,
c'est la première génération
d'enfants qui a été choisie
réellement, voulue. Les enfants
de la pilule où les mères ont
dit: "OK, j'ai fait mes études,
j'ai fait mon voyage en Inde,
là, je vais avoir un enfant."
Donc, c'est vraiment l'enfant
choisi et l'enfant-roi, c'est
ça. C'est qu'on a tellement
regardé ces jeunes-là...
un peu comme un projet. C'est
l'enfant-projet, c'est-à-dire
que cet enfant-là va être le
plus beau, le plus fin, le mieux
éduqué, le mieux nourri.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est beaucoup de pression
pour un enfant.
DIANE PACOM
C'est beaucoup de pression
et pour les parents aussi; c'est
qu'on les a tellement choyés,
tellement... souhaités,
on les a tellement bien encadrés
qu'ils ont de la misère
à partir, n'est-ce pas?
Donc, c'est les jeunes qu'on
appelle l'enfant boomerang.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il part et il revient!
DIANE PACOM
Il revient.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais là, il y a les Z.
J'aimerais parler de cette
génération Z parce qu'eux sont
les enfants qui deviennent
adultes aujourd'hui et qui sont
nés et ont grandi dans l'ère de
l'Internet. On doit s'attendre
à quoi de cette génération-là?
DIANE PACOM
Ils sont beaucoup plus
autonomes dans un certain sens
étant donné justement qu'ils ont
à leur disposition tous ces
appareils extraordinaires
qui leur permettent...
GISÈLE QUENNEVILLE
Et beaucoup d'informations.
DIANE PACOM
Énormément d'informations.
Il y a une nouvelle réalité,
qui est en train de se dessiner
devant nous, qu'on n’a pas
complètement encore saisie.
Cette réalité du jeune qui n'est
pas socialisé uniquement par
ses parents ni ses enseignants.
Donc, c'est ça qui fait d'eux
une génération tout à fait
particulière parce que c'est
la première génération qui est
rentrée massivement dans
ce monde virtuel où les adultes
ne rentrent pas nécessairement
avec autant d'aisance.
Donc, c'est la première
génération de jeunes qui a plus
d'informations que les adultes.
Alors, c'est tout à fait
extraordinaire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait des drôles de
relations de pouvoir, ça.
DIANE PACOM
Tout à fait, tout à fait, et
aussi beaucoup d'inquiétude.
Je crois que... à juste titre,
par ailleurs. Parce qu'il y a
le côté sombre de cette réalité,
comme le dénigrement,
les suicides en ligne,
l'hypersexualisation des jeunes,
tout ça que l'adulte ne
peut pas réellement capter.
Le jeune, il est tout seul dans
ce monde-là avec ses pairs parce
que ça fait aussi une réalité
très tribale. Des complicités
très fortes comme ils se parlent
tout le temps. Ils sont
toujours en communication.
C'est très, très, très unique
dans l'histoire, si vous voulez,
récente de voir un monde
d'incompatibilité parce qu'on ne
vit plus sur la même longueur
d'onde, dans le sens propre
et figuré.
GISÈLE QUENNEVILLE
Avoir à choisir, vous voudriez
être jeune à l'époque
des boomers, des X,
des Y, des millénaires?
DIANE PACOM
Baby-boomers. Moi, je pense
qu'on a eu une vie de rêve,
extraordinaire. Franchement,
quel thrill, quelle chose
excitante que d'être né à une
période où les jeunes avaient
acquis cette puissance
politique, symbolique,
culturelle. La naissance
des mouvements sociaux, le
féminisme, les contre-cultures,
la créativité de cette époque
aussi. Je suis toujours
émue de voir la richesse
et la qualité, si vous voulez,
de cette époque sur le plan
artistique, culturel, politique.
Donc, je suis campée
dans le baby-boom.
DIANE PACOM et GISÈLE QUENNEVILLE discutent dans un espace public de l'université.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mme Pacom, vous êtes à
l'Université d'Ottawa depuis
1978. Ça fait un bail
que vous êtes là.
DIANE PACOM
Oui, en effet.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que l'université a
beaucoup changé au cours
des 30-35 dernières années?
Différents sites de l'université d'Ottawa sont présentés pendant cette portion de l'entrevue.
DIANE PACOM (Narratrice)
Énormément, énormément.
C'est pas du tout le même
endroit. Quand je suis arrivée,
il y avait beaucoup plus
d'étudiants francophones
qu'anglophones. Donc, il y
avait, si vous voulez, un souci
par rapport à la francité,
par rapport à la communauté
francophone. Je veux pas dire
que le souci est pas là.
Mais c'est beaucoup plus
international aussi. On a
beaucoup plus d'étudiants
qui viennent d'ailleurs.
Le nombre d'étudiants a grandi
beaucoup. Le rapport aussi
des étudiants par rapport
à l'université parce que,
maintenant, c'est un
passage obligé presque.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Vous êtes là depuis 1978. Si
vous êtes encore là aujourd'hui,
en 2015, c'est parce
que vous aimez ça ici.
DIANE PACOM (Narratrice)
J'adore. J'adore. Vraiment,
c'est chez moi. Il y a aucun
endroit où je me sens aussi
à l'aise que sur ce campus.
On revient à l'espace public où GISÈLE QUENNEVILLE et DIANE PACOM discutent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous pensez
partir un jour?
Au cours du témoignage, on présente DIANE PACOM qui donne un cours, dans une salle de classe.
DIANE PACOM
Il faudra à un certain moment!
Je partirai quand je n'aurai
plus le feu sacré, quand
je n'aurai plus ce sentiment
que j'accomplis quelque chose.
Les étudiants, je les trouve
tellement émouvants. C'est des
braves. C'est des braves. Ils
sont patients. Ils sont ouverts
d'esprit. J'adore. Ça a été
vraiment une partie
de ma vie que je chéris.
Mais même avant de venir ici
comme enseignante, l'université,
c'est mon univers naturel. C'est
là où je me sens vivre vraiment.
On retourne dans la salle de classe où GISÈLE QUENNEVILLE s'entretient avec DIANE PACOM.
GISÈLE QUENNEVILLE
Diane Pacom, vous avez
un parcours d'immigrante. En
Égypte, vous êtes née là, mais
votre maman était immigrante, je
crois, en Égypte. Après ça, la
Suisse, le Canada.
Comment cela change
votre façon de voir les choses?
DIANE PACOM
Totalement. Je veux dire, on est
quelque part des déracinés.
On est dans un espace d'exilés
tout le temps, n'est-ce pas?
Moi, je sais même pas c'est quoi
la vie de quelqu'un qui est né
et ses parents sont nés
dans le même pays, et ses
grands-parents. Ma mère était
née en Égypte, d'ailleurs. Elle
était pas immigrante. Donc, moi,
je suis vraiment la première
immigrante de ma famille.
C'est pas facile. C'est pas
facile parce qu'on est toujours
un peu à l'extérieur. On est
toujours un peu voyeur, n'est-ce
pas? On n’est pas "dans",
on est dedans et dehors.
Ça n'empêche pas qu'il y a
quelque chose d'extraordinaire
quand même dans tout ça parce
qu'on vit dans un monde beaucoup
plus riche, je trouve.
Je suis toujours en train
d'emprunter à toutes ces
influences. Donc, c'est très
complexe, n'est-ce pas? Parce
qu'il y a ce côté qui est sombre
où on se sent toujours un peu
à l'écart. On est jamais à 100%
intégré quelque part. Mais ce
manque d'intégration nous donne
beaucoup plus de liberté aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais ça, vous avez retrouvé ça
au Canada, forcément? Est-ce
que ce que vous décrivez, vous
pourriez le faire ailleurs?
DIANE PACOM
Euh... Partout, partout.
Je veux dire, on sait qu'on est
toujours à l'écart, surtout
les immigrants de la première
génération, n'est-ce pas? Après
ça, ça change. La dynamique
n'est plus la même. Donc, il
faut toujours se trouver
une niche. Le Canada, ça a
été beaucoup plus facile
qu'ailleurs. Par exemple,
je trouvais la société suisse
beaucoup plus difficile d'accès.
Mais j'étais beaucoup plus jeune
aussi, il faut dire. Ça me
touche beaucoup, l'accueil.
Est-ce qu'il y a eu des obstacles?
Oui. Est-ce qu'il y a
des gens xénophobes?
Beaucoup. Jusqu'aujourd'hui,
je rencontre beaucoup de
xénophobie. Mais je dirais
que, dans l'ensemble,
je trouve ça magnifique ici,
l'accueil. L'accueil est extraordinaire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le visage de l'université
au Canada a changé au cours des
dernières années. Beaucoup plus
d'étrangers. Minorités visibles
aussi sur les campus. Pas tous
des immigrants, bien sûr. Mais
des jeunes qui ont sans doute
vécu ce que vous, vous avez
vécu. Comment vous les voyez,
ces jeunes-là, aujourd'hui?
DIANE PACOM
C'est une nouvelle génération
de personnes qui ont vécu
des enjeux différents ce que,
moi, j'ai vécu. Il y a,
évidemment, si vous voulez,
des atomes crochus,
mais pas plus que ça non plus
parce que les gens viennent
de différents endroits.
Les jeunes immigrants, c'est sûr
que j'ai toujours peut-être un
souci plus grand pour eux et
elles. J'ai une jeune Chinoise
dans mon cours que j'ai donné,
aujourd'hui, et elle est
complètement perdue.
Je prends le temps de passer
quelques minutes de plus avec
elle. Donc, j'ai le souci de ces
jeunes-là, mais, je veux dire...
pour la classe au complet.
Je sens chez tous les jeunes,
toutes catégories confondues,
une fragilité surtout de cette
génération que j'ai pas sentie
avant. Des insécurités par rapport
à l'avenir. Beaucoup de problèmes
de santé mentale.
On a des jeunes qui arrivent
avec des problèmes de dépendance.
Vous voyez, avant, c'était pas
comme ça. On était presque tous
de la même classe sociale.
C'était plus uniforme.
Ça me déplait pas du tout,
mais ça rend la tâche
beaucoup plus complexe.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait, quoi, 35 ans...
DIANE PACOM
Plus.
GISÈLE QUENNEVILLE
... que vous êtes ici à
l'Université d'Ottawa, que vous
enseignez la sociologie, que
vous étudiez les jeunes. Comment
faites-vous pour rester à leur
niveau, pour les comprendre,
pour savoir ce qu'ils pensent,
ce qu'ils vivent, pour ne pas
vous sentir comme une
vieille dans leur monde?
DIANE PACOM
C'est pas compliqué parce que
je crois que la passion que j'ai
pour la culture, pour la société,
pour la place que les
jeunes occupent dans la société
spécifiquement, me met dans
une situation qui est beaucoup
plus facile probablement que
pour quelqu'un, parmi mes
collègues, qui travaille sur le
vieillissement de la population,
n'est-ce pas? Donc, je suis
au même diapason, je veux
dire, en termes de culture.
C'est sûr que ça va vite. Ça
change beaucoup plus vite parce
qu'on vit beaucoup plus dans
l'éphémère. Je consomme autant
que possible les objets
culturels et les réalités
culturelles que mes étudiants
consomment. Je veux dire, je
me tiens au courant de qu'est-ce
qui se dit, de qu'est-ce qui
se fait. C'est vraiment pas
un problème. Moi, je vois
pas de différence, bien que,
effectivement, quand j'ai
commencé, j'avais cinq ans
de plus que mes étudiants.
Maintenant, franchement, je veux
dire, on compte même pas!
Mais je sens pas chez eux
cette espèce de rupture,
si vous voulez, chronologique
comme avant ça l'était
pour ma génération.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Diane Pacom,
toujours très intéressant.
Merci beaucoup.
DIANE PACOM
C'est gentil. Merci
à vous. C'est un plaisir.
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