Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Félix Saint-Denis
Félix St-Denis is the man behind the megaproduction “L’écho d´un peuple”. An ambitious project, never beforeseen in French Ontario. A huge show, outdoors, in Eastern Ontario.
It involved building sets, making costumes and composing a soundtrack, all to tell the story of 400 years of French presence in North America.
From the very beginning of the adventure, Félix St-Denis was on location as Art Director and Co-Author of the production.
Réalisateur: Linda Godin
Production year: 2015
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Générique d'ouverture
Titre :
Carte de visite
Pendant que GISÈLE QUENEVILLE présente son invité, le directeur artistique FÉLIX SAINT-DENIS, on montre des images du spectacle « L'Écho d'un peuple ».
GISÈLE QUENEVILLE
C'était
un projet ambitieux. Du jamais
vu en Ontario français. Un
spectacle à grand déploiement en
plein air dans l'Est ontarien.
On a construit des décors,
fabriqué des costumes et
composé une trame sonore.
Tout ça pour raconter 400 ans
de culture française en Amérique
du Nord et en Ontario. Dès
les premières heures de cette
aventure, Félix Saint-Denis
était au rendez-vous comme
directeur artistique et
coauteur de
L'écho d'un peuple.
Un défi de taille pour
ce Franco-Ontarien de l'Est,
qui avait passé sa vie à
travailler auprès des jeunes de
la province. Le grand spectacle
a roulé pendant cinq ans. Mais
pour Félix, il fallait en faire
plus. Depuis quelques années, la
troupe se promène partout dans
la province pour faire connaître
l'histoire franco-ontarienne.
L'entrevue suivante se déroule dans la demeure de FÉLIX SAINT-DENIS.
GISÈLE QUENEVILLE
Félix Saint-Denis, bonjour.
FÉLIX SAINT-DENIS
Bonjour, Gisèle.
GISÈLE QUENEVILLE
Félix Saint-Denis,
L'écho
d'un peuple, une grosse partie
de ta vie depuis un bout de
temps maintenant. Qu'est-ce que
ça représente pour toi?
FÉLIX SAINT-DENIS
L'écho d'un peuple,
c'est peut-être mon plus grand
projet, que j'ai eu la chance,
le plaisir puis le privilège
de pouvoir créer. Un grand,
grand projet collectif.
Je trouve que ça porte bien
son nom. Quand on parle de
peuple, on parle de gens qui ont
travaillé ensemble. Pour moi,
ça représente non seulement
l'histoire qu'on raconte,
celle de 400 ans de gens qui ont
su travailler fort, oui, lutter,
mais surtout fêter ensemble,
de génération en génération.
Mais aussi, ça représente,
si je pense entre autres au
méga spectacle, à l'immense
rencontre de tellement de gens
de différentes générations, de
différents coins de la région de
l'Est ontarien, même de partout
en Ontario, qui ont voulu créer
quelque chose de plus grand
que... qui ont rêvé, dans
le fond, de créer cet immense
spectacle-là pour raconter
une histoire qu'on connaissait
peut-être pas autant qu'on
pouvait la connaître.
Puis il y a une histoire qui est
extraordinaire, qui est remplie,
comme je disais, oui, de lutte,
de difficultés et de défis, mais
de tellement de victoires, de
célébrations puis d'inspiration.
GISÈLE QUENEVILLE
Comment t'es arrivé, toi,
à ce projet-là? Et pourquoi
tu voulais raconter
cette histoire-là?
FÉLIX SAINT-DENIS
En fait, moi, je travaillais
avant avec la FESFO, avec
la Fédération de la jeunesse
franco-ontarienne. On s'était
rendu compte au fil des ans, les
jeunes, quand on a créé les jeux
franco-ontariens, ils nous
ont dit: "On sait qu'on a une
histoire, on a des écoles qui
portent des noms, que ce soit
Jeanne Lajoie, Étienne Brûlé,
mais on les connaît pas
vraiment, ces personnages-là."
En faisant un peu de recherche
pour la FESFO, on a créé
une publication qui s'appelait
Nous. C'était 100 faits
historiques. Et de là,
ça m'a vraiment donné le goût
de plonger dans l'histoire.
Parallèlement, j'étais allé voir
au Saguenay un spectacle
qui est toujours là, qui est
La Fabuleuse Histoire
d'un Royaume. Puis il y a
des gens de la région,
dont Alain Dagenais qui est
le grand instigateur du projet
de
L'écho d'un peuple.
Il est allé voir en France un
spectacle magnifique, qui est
le plus gros spectacle au monde,
ça s'appelle
Le Puy du Fou.
Ça, c'est en Vendée, c'est
hallucinant. On parle de
1000 comédiens sur scène,
150 cavaliers, la moyenne
de spectateurs par soir,
c'est 16 000 puis il y a
14 000 places dans les gradins.
C'est hallucinant. Donc, il y a
un paquet de gens qui se sont
mis ensemble, réunis par Alain
Dagenais, pour créer et rêver.
À partir de l'an 2000, on s'est
assis ensemble les premières
fois, en disant: "Est-ce qu'on
peut créer un grand spectacle
ici, dans l'Est ontarien,
devenir une espèce de pôle
touristique, une porte
d'entrée au niveau de la culture
franco-ontarienne, pour que
ce soit les gens du Québec
ou d'ailleurs, pour découvrir
un petit peu notre histoire?"
Bien, de là, tranquillement,
l'idée a fait son chemin.
GISÈLE QUENEVILLE
Très ambitieux comme projet.
Au tout début, qu'est-ce que
tu avais à ta disposition
pour réaliser ce rêve-là?
FÉLIX SAINT-DENIS
Bien, on a eu... Au point de
départ, il faut dire que toute
l'approche, c'était une approche
de bénévolat comme ça s'est
jamais fait auparavant.
On a bâti à la Ferme Drouin.
Premièrement, c'est une scène
extérieure qui est gigantesque.
La Ferme Drouin, c'est à
Casselman.
On montre des images de la scène extérieure. Il s'agit d'une enceinte ressemblant à un ancien fort. Autour de la scène s'élèvent des gradins.
FÉLIX SAINT-DENIS
Petit village de 3000
personnes dans l'Est ontarien,
un petit peu au coeur des comtés
unis de Prescott-Russell.
Donc, dans le fond, il fallait
aménager ce qui va devenir la
plus grande scène extérieure au
pays. Il a fallu qu'on bâtisse
des gradins pour 1500 personnes.
Il y a 22 000 vis et boulons
là-dedans. Des grandes,
grandes corvées de bénévoles,
c'est extraordinaire. On avait
quand même certains fonds, mais
beaucoup de commandites de dons
et de services. Je vais prendre
un exemple extraordinaire,
le punch d'ouverture du méga
spectacle de
L'écho d'un
peuple, c'est l'arrivée du
navire de Champlain, qui est
nommé le Don de Dieu.
On montre des images de l'imposant navire qui entre sur scène avec des comédiens à son bord lors du spectacle.
FÉLIX SAINT-DENIS
Eh bien,
ça, c'est un gars qui s'appelle
Marc Brisson, un ingénieur...
Pas un ingénieur, plutôt...
Il l'est à sa façon. Un génie
créatif, un génie patenteux,
comme on appelle, qui a donné
trois mois de son temps. Il n'a
pas eu une cent. Trois mois
de son temps, à temps plein.
Il était entre deux entreprises.
Et ils rebâtissent une carcasse
d'autobus, ce navire-là qui est
absolument flamboyant, qui est
peut-être le plus grand décor
mobile au pays. Donc, un paquet
de gens de la région ont
travaillé ensemble, ont eu
des immenses corvées. Quarante
couturières qui sont devenues
des costumières. Alors, ça,
ça a été vraiment la générosité
des gens d'ici à son meilleur.
GISÈLE QUENEVILLE
Comment organiser toutes
ces personnes-là? Parce que bon,
derrière la scène et sur
la scène également, parce que
les comédiens, les centaines
de comédiens, c'est des gens
d'ici, c'est des bénévoles.
FÉLIX SAINT-DENIS
Bien, dans
L'écho d'un
peuple, on a toujours des gens
d'équipe extraordinaires.
Pas toujours des gens de métier,
mais beaucoup des gens qui
étaient tout d'abord animés
d'une immense volonté de
rassembler, raconter puis
de partager. Mais je pense
que c'est à travers des chefs
d'équipe qu'on a bâti, au fil
des ans, des habitudes de
participation. On a beaucoup
recruté, parce que
L'écho d'un
peuple, quand on parle du méga
spectacle, on parle toujours
entre 200 et 300 comédiens,
danseurs, jongleurs sur scène.
Ce sont beaucoup des familles
entre autres qu'on a recrutées.
En faisant le tour des écoles,
par exemple. Puis ça devient une
espèce de gros camp d'été, une
espèce de grand loisir, parce
qu'évidemment, on commençait nos
répétitions, dans le temps du
méga spectacle, on commençait
au mois de février. Deux fois
par semaine, ces gens-là,
ils avaient un engagement
extraordinaire. Ils arrivaient
soit le mardi soir ou le
mercredi soir, ils avaient trois
heures de répétition plus une
journée le dimanche. Donc,
c'était important que le jeu
soit bien fait. Autant que c'est
des amateurs, ils sont devenus,
dans le jeu de scène, dans le
jeu de foule, si on veut, quand
on recrée des scènes de village,
des professionnels. Après tant
de nombre d'heures, ils savaient
vraiment comment camper leurs
personnages, qu'ils se sont
créés pour chacune des scènes.
On allait chercher toutes sortes
d'experts, mais encore une fois,
qui étaient surtout experts
du coeur, des passionnés
dans chaque domaine.
GISÈLE QUENEVILLE
Sur scène, on sait ce que ça
a donné. Ça a été un magnifique
spectacle. Quelles ont été
les retombées pour les gens
de la communauté qui ont
participé au spectacle?
FÉLIX SAINT-DENIS
L'écho d'un peuple, ça
a tout d'abord le mérite d'avoir
rapproché comme jamais toutes
les communautés dans l'Est
ontarien. C'est-à-dire qu'ici,
il y a beaucoup de fierté de
village, hein. On appelle ça de
l'esprit de clocher. On a réussi
à réunir tous les clochers
ensemble et emmener les gens
à travailler puis à partager, au
lieu d'être des compétiteurs, si
on veut. Ça a donné une immense
estime de soi, c'est sûr,
à des générations de jeunes.
De jeunes et moins jeunes.
Ce que ça a donné aussi,
L'écho d'un peuple,
ça a démontré que les
Franco-Ontariens, on était
capables de créer un immense
produit touristique pour
accueillir les gens du Québec
et d'ailleurs. Quand on avait
des gens qui venaient soit
du Québec, de la France ou de
partout, qui étaient de passage
souvent dans la capitale,
soit des amis ou qui en avaient
entendu parler, ils venaient
voir le spectacle,
le méga spectacle,
ils ressortaient de là
en disant: "Mon Dieu que
j'aimerais donc ça avoir ça chez
nous." Non seulement on avait
l'admiration des gens, mais
aussi même l'envie, si on veut.
Puis on a reçu souvent
des gens du Québec,
de spectateurs du Québec, le
commentaire comme quoi ça prend
bien des Franco-Ontariens
pour nous donner non seulement
une belle leçon d'histoire, mais
surtout une si belle inspiration
au niveau de la fierté, de vous
voir travailler ensemble.
GISÈLE QUENEVILLE
Le spectacle, je pense
que ça a duré quatre ans
à la Ferme Drouin.
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui, cinq ans. Cinq saisons.
GISÈLE QUENEVILLE
Donc après ça, il y a eu
des problèmes financiers avec
Francoscénie. Francoscénie
a été obligé de faire faillite
à un moment donné. Après tout
le travail que vous aviez mis
là-dedans, comment vous
avez vécu cet épisode-là?
FÉLIX SAINT-DENIS
C'était très difficile. Il
faut dire qu'au point de départ,
il y avait eu des octrois pour
les deux premières années, des
fonds de démarrage pour
L'écho
d'un peuple. Puis ce qui est
arrivé par la suite, c'est
que c'est dans l'opération...
Le spectacle pouvait
s'autofinancer, mais il y avait
encore des investissements.
C'est ce qui a rattrapé, c'est
ce qui a causé la faillite
du premier groupe qui était
Francoscénie, malheureusement.
Mais ceci dit, quand il y a eu
la dernière tombée de rideaux,
on s'est dit: Bon, c'est sûr que
ça ne s'arrête pas là. Il faut
trouver des façons de continuer
de raconter les choses. Donc,
c'est sûr que ça a été un coup
très, très difficile pour toute
la communauté. Par contre,
on s'est dit: Bien, regarde,
entre-temps, on veut relancer le
méga spectacle, on continue sur
la route dans d'autres formules.
Et là, on a eu des gens de
partout en province qui ont dit:
"Non, non,
L'écho d'un peuple
peut pas s'arrêter. On va
vous aider à relancer
le méga spectacle. Mais en
attendant, venez chez nous.
Êtes-vous capables de faire
un grand spectacle régional, une
formule intérieure?" Puis de là,
entre autres, des gens de...
Notre premier spectacle, c'était
à Welland, c'est l'histoire
du Niagara. Par la suite, on est
allés à Timmins, qui ont dit:
"Regarde, il faut qu'elle
devienne même une levée de fonds
pour créer un fonds du retour."
Et d'ailleurs, on a un fonds
du retour qui est accumulé
pour le retour du méga spectacle
grâce aux gens de partout.
On a célébré l'histoire d'une
trentaine de communautés depuis
2008 où on a finalement recréé,
réécrit l'histoire locale,
régionale, dans le fond,
avec le même voyage
dans le temps de 400 ans.
Une partie de l'entrevue se déroule à l'extérieur.
GISÈLE QUENEVILLE
Félix, est-ce qu'il y a
un endroit dans le coin, dans
la région, où t'aimes amener
des amis, un endroit où tu veux
faire découvrir à tes amis
quand ils sont dans le coin?
FÉLIX SAINT-DENIS
Quand j'ai de la visite des
amis qui viennent se promener,
un endroit que j'aime leur faire
découvrir, entre autres,
c'est la fameuse école Guigues.
On montre des images de l'école Guigues. Il s'agit d'un grand édifice de briques dont le balcon à l'avant est décoré de hautes colonnes.
FÉLIX SAINT-DENIS
On sait que l'école Guiges c'est
une immense école qui est sur
la rue Murray, en plein coeur du
marché. Dans la Basse-Ville, en
fait, à Ottawa. C'est devenu le
symbole de la résistance pendant
le fameux Règlement 17. On sait,
en 1912, le gouvernement de
l'Ontario voulait interdire
qu'on enseigne, même qu'on parle
en français dans nos écoles.
Et ce qui est arrivé, c'est que
dans cette école-là, au mois
de janvier 1916, il y a 19 mères
de famille qui se sont enfermées
avec deux enseignantes, Diane
et Béatrice Desloges, avec
une poignée d'élèves, c'était
des jeunes garçons, c'était
une école de jeunes garçons
à l'époque, et ils ont occupé
l'école. Ils se sont enfermés,
ils l'ont occupée pendant
deux mois. Les femmes
montaient la garde.
Dans ce temps-là, on portait
des grands chapeaux. Pour tenir
les chapeaux, il y avait les
fameuses épingles à chapeaux.
Donc, munies de leurs épingles
à chapeaux, elles montaient la
garde. Le gouvernement envoyait
des inspecteurs pour essayer
d'intimider, finalement, les
gardiennes de l'école Guigues
à sortir de l'école, parce qu'on
continue à enseigner en français
illégalement, des dangereuses
criminelles, on s'entend. Donc,
ça a été une victoire, parce
qu'au début du mois de mars,
après deux mois d'occupation,
on sait qu'une trentaine de
policiers qui ont chargé,
qui ont ouvert les portes,
et finalement, il y a eu une
confrontation plutôt morale,
si on veut, que physique.
L'entrevue reprend dans la demeure de FÉLIX SAINT-DENIS.
GISÈLE QUENEVILLE
Félix, toi, tu viens de
l'Est ontarien, d'une famille
francophone. Ton père Yves était
président de l'ACFO puis je sais
que c'est un homme qui n'a pas
la langue dans sa poche
non plus. Comment on vivait
la francophonie chez vous
quand t'étais plus jeune?
FÉLIX SAINT-DENIS
Moi, j'ai grandi
entre Hawkesbury puis
Chute-à-Blondeau. Toute ma
famille du côté des Saint-Denis
était à Chute-à-Blondeau.
Donc, c'est un peu mon village,
même si on vivait juste
un petit peu à l'écart.
Chez nous, le français, dans
la région de Hawkesbury, parler
français, c'est tellement facile
que mes meilleurs amis qui
étaient anglophones parlaient en
français. En fait, quand ils ont
pogné 12, 13 ans puis ils se
sont rendu compte, les gars, que
la meilleure façon de se pogner
des blondes, c'était d'apprendre
la langue de l'amour. Alors,
c'est ce qu'ils ont fait.
Alors, je vivais vraiment
dans une situation confortable.
À l'époque aussi, j'ai grandi,
j'étais au secondaire, au début
des années 80, alors même se
dire Franco-Ontarien, c'est
un peu bizarre dans ce temps-là.
Parce qu'il y a beaucoup de
monde qui avait comme réflexe de
dire, dans l'Est Ontario: "Bien
non, on est Canadien. Oui, oui,
on est francophone, mais pas
obligé de le crier, là. On vit
en français." Je te dirais que
toute la vague de mouvement,
d'identité franco-ontarienne
verte et blanche est arrivée
juste par la suite,
dans le fond, au début
de ma vie adulte, tu vois.
GISÈLE QUENEVILLE
Puis tout petit,
est-ce que tu étais un conteur
ou un passionné d'histoire?
FÉLIX SAINT-DENIS
Moi, ça s'adonnait que sur la
rue, chez nous, j'étais le plus
vieux. Ça fait qu'on vivait à
côté d'une carrière, à côté d'un
champ, d'un bois, dans une côte.
Souvent ce que je faisais, quand
j'étais petit, j'organisais
un thème par semaine. On faisait
des cabanes, on faisait des
costumes. Que ce soit des
superhéros, Batman et Robin.
On jouait aux Indiens,
comme on disait à l'époque.
GISÈLE QUENEVILLE
Tu étais animateur
culturel à 8 ans?
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui. Dans le fond, c'est un
peu comme je fais aujourd'hui.
Je fabriquais des costumes, je
faisais des cabanes. On faisait
des décors. On s'inventait des
histoires. Tout le monde avait
des personnages. Dans le fond,
je continue à jouer. C'est ça.
GISÈLE QUENEVILLE
Très tôt au secondaire,
tu es embarqué dans la FESFO.
Et tu es embarqué à 100 000
à l'heure, je pense. Raconte-moi
tes premiers pas dans la FESFO.
FÉLIX SAINT-DENIS
La FESFO, pour moi, ça a été
vraiment le déclic. Comme gars
qui venait de l'Est ontarien
dans une région tellement
confortable, c'est quand j'ai eu
la chance, en participant
à une activité, de rencontrer
ces jeunes-là de la FESFO.
J'ai participé à des camps
de formation en leadership.
Il y a des gens comme Jacynthe
Bergevin, qui est originaire de
Casselman, qui a été une grande
source d'inspiration pour moi.
Du monde comme Mathieu Brennan,
d'ailleurs, de la région
d'Ottawa. En tout cas,
tu en nommes un, tu en oublies
cinquante. Plein de gens qui
ont été comme l'équivalent
de grands frères et grandes
soeurs qui m'ont inspiré.
Quand j'étais rendu président
d'école à l'école secondaire
d'Hawkesbury, je suis allé
participer au camp que la FESFO
organisait au lac Couchiching.
GISÈLE QUENEVILLE
Oui. Je pense qu'on l'a
tous fait le lac Couchiching.
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui. Plein de monde.
Absolument. Ça fait partie de...
Tu sais, Champlain a passé
l'hiver là, près de là, ça fait
que nous autres... Et là,
à un moment donné, je suis
tombé en amour avec une fille
de Belle-Rivière.
Je me suis fait des amis
d'Iroquois Falls qui vont
devenir mes colocs d'université
par la suite. Là, tout à coup,
mon identité franco-ontarienne,
elle avait un sens.
GISÈLE QUENEVILLE
(Acquiesçant)
Hum-hum.
FÉLIX SAINT-DENIS
C'était pas à travers
mes parents. Puis oui,
pour moi, être Franco-Ontarien,
je commençais à comprendre
nos différences, nos couleurs
régionales, nos différences
régionales puis ce qui nous
unissait, ce qui nous réunit.
GISÈLE QUENEVILLE
C'est parce que pour toi,
ça avait toujours été facile
d'être Franco-Ontarien.
FÉLIX SAINT-DENIS
Oh, oui! Comme plein de monde,
à Hearst comme à Hawkesbury, comme
à Dubreuilville. C'est facile
d'être Franco-Ontarien.
D'ailleurs, dans ces villes-là,
souvent les Anglais parlent
français. Donc, c'était pas
une question de survie. Des mots
comme ça, ça existait pas, de
combat, pantoute! On m'a confié,
alors que j'avais 20 ans,
je sortais de l'université,
j'étudiais en sciences
politiques, j'allais plus
vraiment à mes cours, j'étais
tout le temps sur la route
comme bénévole pour animer avec
la FESFO. Je suivais l'équipe.
J'aimais ça. Je trouvais que
j'apprenais beaucoup plus sur
le terrain, sans rien enlever
à ce que j'aurais pu apprendre
en salle de classe, mais je m'en
suis bien sorti quand même. On
m'a fait confiance. On m'a dit:
"Peux-tu organiser une formule
de forums régionaux?" C'est une
espèce de forum de discussions
qui va être une plateforme pour
créer, dans le fond, un tremplin
de leadership chez des jeunes
du secondaire dans différents
domaines. C'est ce qui est
devenu les Forums Organisaction.
Les forums, ça existe toujours à
la FESFO. J'ai créé ça en 1987.
Ça fait que ça, ça a été mon
premier grand projet. J'ai eu le
plaisir par la suite en 1994 de
créer les Jeux franco-ontariens.
GISÈLE QUENEVILLE
Ça, c'est un peu ton bébé, ça.
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui, c'est mon bébé, ça aussi.
Les jeunes à la FESFO nous ont
dit: "Nous, on a besoin d'une
formule qui va nous regrouper.
Une formule dans laquelle on va
apprendre à se connaître et
non pas juste à compétitionner
l'un contre l'autre."
Donc, on a intégré des arts.
Puis, c'est pas des équipes
école contre école. C'est
vraiment... Là, sur chaque
équipe, tu as 12 joueurs étoiles
ou 12 artistes étoiles de
différents coins de la province
qui, pendant trois, quatre
jours, ont la chance de se
découvrir, de créer ensemble
puis de se dépasser aussi.
GISÈLE QUENEVILLE
La FESFO, c'est incroyable.
On s'y accroche facilement,
à la FESFO, pour ceux qui
sont invités à participer
aux activités de la FESFO.
Mais c'est pas tout le monde
dans toutes les écoles qui
peuvent participer à la FESFO.
Alors, comment aller chercher
ces jeunes-là qui n'ont pas
été choisis ou n'ont pas eu
le privilège d'aller
à Couchiching ou aux forums
ou aux Jeux par exemple?
FÉLIX SAINT-DENIS
On faisait beaucoup, quand
même. On a commencé à faire
des journées d'animation,
à se promener dans les écoles
et à rejoindre la masse par
ces journées d'animation,
de participation. à l'époque,
sur 25 000 élèves, on faisait
quand même, en tournée, près ou
au-dessus de 10 000. Il y avait
quand même 40% qu'on rejoignait
pendant une journée. Mais
la FESFO, là, où elle a fait
vraiment une bonne job, c'est
qu'elle a outillé des leaders,
qui eux ont multiplié
de leur côté, localement,
l'organisation. Ça fait que
des fois, il y a des choses
qui se passent dans les écoles,
dans les communautés, où on voit
peut-être pas que la FESFO était
derrière ça, derrière une partie
du succès de ce qui a été
organisé là. Puis on se disait,
la FESFO, dans le fond, son rôle
peut-être le plus précieux, à
court terme, c'est un incubateur
de jeunes leaders pour le
secondaire, mais surtout pour
la communauté franco-ontarienne.
GISÈLE QUENEVILLE
Tu es resté à la FESFO
pendant une vingtaine
d'années, je pense.
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui. Quinze ans comme employé
puis quelques années
auparavant comme bénévole.
GISÈLE QUENEVILLE
On vieillit pas quand
on est à la FESFO, hein?
FÉLIX SAINT-DENIS
Bien non! Bien non!
Oui, c'est ça. Est-ce que je
couche encore dans les dortoirs
comme c'est là? Oui, des fois,
en tournée, on le fait toujours,
mais... Travailler avec
les jeunes, que ce soit avec la
FESFO ou même aujourd'hui avec
L'écho d'un peuple, c'est le
fun. On a la chance de toucher
les jeunes quand ils sont
enfants ou quand ils sont plus
jeunes, quand ils sont ados,
puis on sent vraiment qu'on
a la chance d'outiller une
génération. Donc, c'est un
éternel recommencement. Ça fait
que c'est ce qui est beau.
Une partie de l'entrevue se déroule à l'extérieur. FÉLIX SAINT-DENIS balance son fils Olivier en lui chantant une chanson.
FÉLIX SAINT-DENIS
♪ Petit poisson dans l'eau ♪
♪ Nage aussi bien que les gros ♪
Youhou!
Youhou!
GISÈLE QUENEVILLE
Félix, tu es un homme pas mal
occupé, hein? En plus de
L'écho
d'un peuple et tout ce qui
entoure, il y a Olivier ici,
qui prend beaucoup de
ton temps, sans doute.
FÉLIX SAINT-DENIS
Bien oui. Petit gars de 15
mois justement. Bien heureux.
On en attend un deuxième.
Justement, un deuxième petit
garçon. J'ai deux grandes
filles. Annick, qui a 26 ans.
Marie-Eve, qui a 23 ans. Ça fait
que je suis un homme comblé.
Ça, c'est clair!
GISÈLE QUENEVILLE
Alors, c'est comment d'être
papa encore une deuxième fois
à une deuxième époque de ta vie?
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui. Une nouvelle génération.
Bien, j'adore ça. Je travaille
beaucoup les jeunes, avec
les enfants. Tout l'hiver, je
suis en tournée dans des écoles,
à l'élémentaire en particulier.
Ça fait que moi, j'adore ça.
Pour moi, les enfants, c'est une
source d'émerveillement. C'est
toujours plein de surprises.
Grosse source d'inspiration
pour moi aussi dans mon travail.
C'est pour ça que je fais ça.
Cette mission-là, un petit peu,
de passer notre fierté qui a
été passée de génération en
génération, bien, c'est quand
on la tient dans nos bras
que ça prend tout son sens.
GISÈLE QUENEVILLE
C'est bon pour la démographie
franco-ontarienne, ça.
FÉLIX SAINT-DENIS
Absolument. C'est
(Propos en français et en anglais)
La revanche des berceaux,
part two. C'est ça.
L'entrevue reprend dans la demeure de FÉLIX SAINT-DENIS.
GISÈLE QUENEVILLE
Félix, depuis quelques années,
L'écho d'un peuple fait le
tour de l'Ontario. Vous êtes
dans les écoles. Qu'est-ce qu'on
fait au juste dans les écoles?
FÉLIX SAINT-DENIS
Il y a deux niveaux.
Il y a tout d'abord, la tournée
à l'élémentaire. C'est-à-dire
qu'on rentre dans une école
chez les plus petits.
On va travailler par exemple
avec des sixièmes, septièmes
ou huitièmes années, des élèves
de cet âge-là. Et pendant,
un avant-midi, on va monter
un spectacle, une mini-version
de
L'écho d'un peuple donc,
du spectacle, 400 ans d'histoire
qu'on va présenter au reste des
enfants en après-midi. Des fois,
on invite les parents, les
grands-parents. L'autre aspect
qui a donné, dans le fond,
un second souffle, si on veut, à
toute l'ampleur de
L'écho d'un
peuple, c'est les grands
spectacles en région. On appelle
ça des spectacles régionaux.
On va monter avec un groupe de
200 personnes de la place qu'on
va recruter. On arrive avec
un autobus de 50 personnes de
notre troupe de chez nous. Puis
avec 250 comédiens, danseurs,
chanteurs, on va présenter,
finalement, l'histoire de la
région. Donc, on a visité 30
régions à date et on va chercher
de 3000 à 4000 spectateurs
en deux jours. Ça fait que
c'est des belles formules assez
grandioses. Souvent, c'est
des records de participation.
GISÈLE QUENEVILLE
Est-ce que les gens
connaissent l'histoire
de leur région?
FÉLIX SAINT-DENIS
Bien, il y a plusieurs
personnes... En fait, plusieurs
personnes connaissent plusieurs
bouts de leur histoire. C'est ce
qui est intéressant. Je dirais
que des fois la grande histoire,
la vieille histoire de l'époque
de la Nouvelle-France, souvent
c'est celle, peut-être, qui est
moins connue comme telle.
On va connaître l'histoire des
pionniers. Celle qui est encore
vivante de mémoire de famille.
GISÈLE QUENEVILLE
Il y a les tournées dans les
écoles, mais vous avez un autre
projet qui est sur les rails
en ce moment. En fait, qui va
rayonner peut-être encore plus,
c'est une web-série,
finalement, sur Champlain?
FÉLIX SAINT-DENIS
Oui, c'est ça. On a créé
sur YouTube, sur le Web,
une web-série qui s'appelle
Le Nouveau Monde de Champlain.
Ça, ce que c'est, c'est sept
épisodes de 30 minutes qui
racontent les aventures de
Champlain en Ontario, oui,
mais surtout, c'est aller
à la rencontre de la culture
autochtone qui fait partie de
notre culture moderne plus qu'on
le pense, puis à la rencontre
moderne des Franco-Ontariens
400 ans plus tard. Alors, dans
le fond, à même les bottes de
Champlain puis dans son canot,
on a travaillé avec 900 jeunes,
des enseignants, du monde de
partout avec des Premières
nations, des autochtones, des
Métis. On a recréé des immenses
scènes de village pour faire
revivre d'un point de vue
jeunesse, vraiment, les
aventures de Champlain. C'est
raconté par deux personnages
modernes, qui eux sont en 2022,
sont des jeunes adultes, se
rappellent quand ils étaient
plus jeunes en 2015, l'année
du 400e, comment ça avait
été un déclic au niveau
de leur identité.
On présente un extrait vidéo de la web-série « Le Nouveau Monde de Champlain ». De jeunes comédiens jouent une scène dans laquelle Champlain échange avec des Amérindiens. Une NARRATRICE, qui incarne une jeune autochtone, commente les images.
Début extrait vidéo
NARRATRICE
Par la suite,
mes ancêtres remonteront
le fleuve en guidant leurs
visiteurs français jusqu'aux
rapides près du mont Royal,
qui deviendra Montréal.
En dessinant une carte,
ils dévoilent à Champlain
l'immensité de la Kitchissippi,
la rivière des Outaouais et
nos peuples qui y habitent.
Fin extrait vidéo
FÉLIX SAINT-DENIS
C'est un outil, c'est
sûr, éducatif, culturel et
identitaire qui est du bonbon
entre autres. C'est le cours
de cinquième année en vidéo.
Puis en même temps, ça permet
vraiment d'aller faire une belle
introspection et puis se poser
des questions sur des enjeux
modernes. On a entendu parler
des pensionnats pour Indiens
par exemple. Bien, quelles
sont nos relations aujourd'hui
comme Franco-Ontariens
avec les Premières nations,
les autochtones? Comment ça
se fait qu'on ne va pas toujours
sur les réserves? Pourtant, ils
organisent, ces gens-là,
des pow-wow où ils accueillent
des gens à bras ouverts chaque
année. C'est un beau prétexte
pour aller vraiment au coeur
et à la rencontre de la culture
autochtone, de la culture
franco-ontarienne, ce
mariage-là, ce qui nous habite,
là, 400 ans plus tard
puis les plus belles valeurs
qu'on a héritées.
GISÈLE QUENEVILLE
Ça fait, bon, une bonne
vingtaine, voire même une
trentaine d'années maintenant,
que tu travailles avec
les jeunes Franco-Ontariens.
Comment est-ce que ces jeunes-là
ont changé au fil des ans?
FÉLIX SAINT-DENIS
Entre autres, bien, il est
de plus en plus coloré. C'est
évident. On a vu Toronto, qui
en dedans d'une génération,
est devenue la ville la plus
multiculturelle au monde,
à titre d'exemple. C'est la même
chose dans les écoles à Ottawa,
par exemple. Au niveau de
la motivation, on a gagné, au
cours des 30 dernières années,
une identité franco-ontarienne
encore plus affichée. On a
un nouveau curriculum. Le mot
"nouveau", c'est un grand mot,
là, mais ça fait des années.
On a nos conseils scolaires.
On étudie notre histoire, nos
artistes, des gens de chez nous.
Ce qui n'était pas le cas quand
j'étais au secondaire, quand
j'ai commencé avec la FESFO.
C'était souvent des références
tout le temps à travers le
Québec, par défaut, les livres
qui venaient du Québec, etc.
Donc, on a vraiment des
ressources, des gens de chez
nous juste avec TFO, etc.,
et toutes les émissions
qui ont été créées, qui sont
le reflet des gens de chez nous.
Ça, c'est sûr qu'il y a
une identité qui est plus forte.
On se sent vraiment encore plus
chez nous, officiellement,
je pense.
GISÈLE QUENEVILLE
Parlons du méga spectacle,
le retour du méga spectacle.
Est-ce qu'il va revenir?
Si oui, quelle forme et quand?
FÉLIX SAINT-DENIS
On travaille présentement en
collaboration avec la fromagerie
Saint-Albert. Et le Village
d'antan franco-ontarien a eu
l'idée de créer un projet
autour de Saint-Albert,
un grand pôle touristique.
Donc, on pense que c'est
vraiment ça, l'avenue. Le méga
spectacle, c'est clair qu'il y a
un intérêt depuis longtemps
à sa relance. Le problème qu'il
y a, c'est qu'on a besoin d'un
financement de base stable.
Maintenant, ce qui est important
pour nous, le méga spectacle,
il y a tellement d'efforts qui
sont mis là-dedans, tellement
d'investissement, il faut que
ce soit une formule qui soit
sur quelques années. On voudrait
pas, par exemple, regarder
simplement: "Ah, 2017,
confédération. Oui, OK,
on pourrait le remettre sur
les rails." Mais pour un an,
ça vaut pas la peine. Il faut
vraiment regarder les formules
un peu plus durables,
dans le fond.
GISÈLE QUENEVILLE
Est-ce que tu te décourages,
des fois?
FÉLIX SAINT-DENIS
Bien, je dois dire, en 2008,
quand le rideau est tombé à
la Ferme Drouin, oui, c'était
décourageant, parce que c'était
toute une époque. Je veux
dire, des gens qui travaillaient
ensemble, des familles au
complet, des centaines de
personnes qui se côtoient deux
fois par semaine, trois fois
par semaine, de février jusqu'à
la fin du mois d'août, puis
le monde est tellement généreux.
En même temps, ce que j'ai le
plaisir, moi, de vivre en région
quand on fait des spectacles:
le rayonnement, les familles,
les coups d'émotion. L'hommage à
la famille Dionne qu'on a fait
dans la région de North Bay ou
peu importe, là. Ça, c'est très
nourrissant. Ça fait que
ça a toujours été du travail
d'équipe. Dans le fond,
ce qui me caractérise beaucoup,
c'est l'espèce de rencontre,
de coopération.
Ce que les gens veulent,
ils sont généreux, ils veulent
travailler, se donner à fond,
vivre ça ensemble. Ça, je pense
que ça évolue, tout simplement.
Puis j'ai eu le plaisir de faire
le tour de l'Ontario comme je
faisais à l'époque avec la FESFO
aussi. Ça fait que c'est sûr que
j'ai bien hâte au retour du méga
spectacle, puis entre-temps,
on s'amuse comme des fous
sur la route.
GISÈLE QUENEVILLE
Félix Saint-Denis,
merci beaucoup.
FÉLIX SAINT-DENIS
Merci.
Générique de fermeture
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