Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Richard Chartier: Chief Justice, Manitoba Court of Appeal
It is a Francophone who sits at the head of the highest court in Manitoba. Richard Chartier, currently the Chief Justice of the Manitoba Court of Appeal, had a rather peculiar rise to the top—this embodiment of the Establishment was once a young militant for Francophone affairs. Prior to becoming a lawyer, he was a staunch defender of Franco-Manitoban youth rights. In 1993, he was appointed Judge of the Provincial Court. And while today he sits at the highest court in Manitoba, he never forgot his Franco-Manitoban roots.
Réalisateur: Linda Godin
Production year: 2015
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Titre :
Carte de visite
Des images du Manitoba défilent pendant que GISÈLE QUENNEVILLE fait une courte présentation biographique du Juge en chef de la Cour d'appel, RICHARD CHARTIER.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Le Manitoba, pays de Gabrielle Roy
et Daniel Lavoie.
Si ces Franco-Manitobains
sont des exemples de réussite
À l'extérieur des frontières
de la province, il ne faut pas
oublier les Franco-Manitobains
qui se distinguent chez eux.
Le Juge CHARTIER se trouve dans une salle de la Cour d'appel.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Richard Chartier a milité pour
la jeunesse franco-manitobaine.
Il est devenu avocat, et en
1993, il a été nommé juge
de la Cour provinciale.
Aujourd'hui, Richard Chartier
est le juge en chef
de la Cour d'appel, le plus haut
tribunal de la province.
Et bien que son poste soit
important et prestigieux,
il n'a jamais oublié
ses racines franco-manitobaines.
Dans une salle d'audience vide, GISÈLE QUENNEVILLE est assise face au Juge CHARTIER.
GISÈLE QUENNEVILLE
Monsieur le juge Chartier,
bonjour.
RICHARD CHARTIER
Bienvenue au Manitoba.
GISÈLE QUENNEVILLE
Merci. Dites-moi, qu'est-ce
que ça fait un juge en chef
de la Cour d'appel du Manitoba?
RICHARD CHARTIER
On dit, on fait toutes sortes
de choses. Je porte plusieurs
chapeaux. D'abord et avant tout,
je préside plusieurs...
À titre de président d'un panel,
plusieurs appels. Je demeure un
juge de la Cour d'appel.
En plus, j'ai le titre
d'administrateur de la province,
c'est-à-dire que lorsque
le lieutenant-gouverneur
quitte la province, c'est moi
qui assume les fonctions
du lieutenant-gouverneur en sa
place. En plus de cela, je suis
responsable d'administrer
notre tribunal. Et à titre
de juge en chef de la province,
je travaille avec les autres
deux juges en chef des cours
de première instance, le juge
en chef Glenn Joyal de la Cour
d'appel, Cour, pardon,
du Banc de la Reine, et le juge
Champagne, le juge en chef
Champagne, de la Cour
provinciale. Les trois,
on se rencontre régulièrement
pour faire du travail pour...
Surtout dans le domaine d'accès
à la justice, des dossiers
qui nous intéressent grandement
ces derniers jours.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle est la partie de votre
travail qui vous pose les plus
grands défis, diriez-vous?
RICHARD CHARTIER
Peut-être ça va vous
surprendre, mais les juges
et le système judiciaire,
ce ne sont pas des grands
amateurs du changement.
Je dis ça un peu en riant. Moi,
je suis une personne qui aime
toujours constamment améliorer
les systèmes et donc, je propose
de temps en temps des
nouvelles idées et il va y avoir
certainement une certaine
réticence de la part
des tribunaux et des juges.
Une des premières choses
que j'ai faites lorsque je suis
devenu juge en chef du Manitoba,
c'était essayer de ranimer la
discussion des caméras en salle
d'audience. Et comme vous le
savez sans doute, lorsqu'on veut
faire venir les caméras en salle
d'audience, règle générale, ça
va être une des parties qui doit
faire la demande. Alors, on a
dit: "Bien, essayons quelque
chose de différent, ici, au
Manitoba. On va renverser le
fardeau, inverser le fardeau
pour que, dans certaines causes
qui sont d'un intérêt public,
nous les juges en chef de chacun
des trois niveaux de Cour, on
puisse désigner cette cause-là
où on va présumer la présence
des caméras." Et ça sera
aux parties, devant le juge,
à satisfaire le juge:
Pourquoi qu'on devrait pas avoir
de caméra. Alors, c'est un...
On a renversé les fardeaux. On a
essayé ça, ça fait deux ans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous avez été assez
avant-gardiste dans ce
domaine-là ici au Manitoba.
Pourtant, je pense pas qu'il y
ait beaucoup d'autres provinces
qui ont suivi votre exemple.
Pourquoi pas, pensez-vous?
RICHARD CHARTIER
Bien, vous savez... Je vais
vous l'avouer, je l'ai dit
publiquement, beaucoup des juges
ne sont pas... ont pas trouvé
l'idée, une bonne idée de
laisser les caméras rentrer
dans leur salle d'audience.
Et plusieurs des juges en chef
à travers le pays, je crois,
ont eu un peu la même réaction
et ont décidé, bien,
de peut-être attendre un peu,
prendre un recul, voir
ce qui se passe au Manitoba
avant d'aller de l'avant. Parce
qu'il y a eu d'autres provinces
où ils ont des salles où il y
a des caméras dans les salles
d'audience, mais nous, on est la
première province à faire
renverser le fardeau pour dire:
à prime abord, les caméras
ont le droit de venir dans les
causes qu'on a désignées. Bien
sûr, des causes d'abus sexuels
ou de divorces ou de la garde
des enfants ou de la protection
des enfants, on écarte
les caméras pour des raisons
qui sont évidentes.
Mais pour le reste,
je crois qu'on se doit d'essayer
le processus et on va
continuer à l'essayer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez mentionné tout à
l'heure qu'une des priorités
pour vous en tant que juge
en chef, c'est l'accès à la justice.
Vous savez comme moi
que d'intenter une poursuite
quelconque, d'avoir recours aux
tribunaux, c'est quelque chose
qui coûte de plus en plus cher
pour des gens très ordinaires.
RICHARD CHARTIER
Hum, hum.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et je pense que, jusqu'à un
certain point, il y a peut-être
même des gens qui renoncent
à avoir accès aux tribunaux
pour régler des différends.
Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça et si oui, comment
est-ce qu'on change les choses?
RICHARD CHARTIER
Absolument. Puis, c'est ça
qui est frustrant.
On connaît tous du monde
qui doit passer à travers
le système judiciaire, puis
on sait que c'est lent.
C'est très compliqué, puis
c'est très coûteux. Le système
fonctionne pas pour personne. Le
système va peut-être fonctionner
pour les grosses corporations,
les grosses sociétés, mais
encore une fois, le système
judiciaire s'est pas adapté
avec le temps.
On semble refuser de laisser...
de faire des changements qui
s'imposent. Et il va y avoir une
résistance de la part des juges
et de la part des avocats parce
qu'on se dit: Qu'est-ce qui va
arriver au système judiciaire,
puis les tribunaux? Qu'est-ce
qui va arriver aux avocats?
C'est simplement... Je ne
suis pas inquiet de ces deux
organisations-là, elles vont
s'adapter. Elles vont avoir
un rôle à jouer, mais ça va
être un rôle qui va peut-être
être différent. Plutôt que de se
présenter devant les tribunaux,
ils vont se présenter devant un
agent du gouvernement ou un
tribunal administratif. Et pour
les tribunaux, ça va être plutôt
que de l'entendre en première
instance, ils vont l'entendre
comme un tribunal d'appel,
une instance d'appel.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'on est loin d'une
formule comme celle-là?
RICHARD CHARTIER
Heureusement, les juges en
chef ici, on a un bon dialogue
et ça prend du temps.
On a commencé à avoir...
À faire les discours. On a eu
des conférences de presse. Des
juges en chef font jamais des
conférences de presse. On en a
fait deux, ici, au Manitoba l'an
passé. Et c'est quelque chose
qu'on est sérieux lorsqu'on dit:
"On veut faire avancer
les choses au niveau
de l'accès à la justice. Il faut
que les choses changent."
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes juge, va êtes juge
en chef à la Cour d'appel et ça
vient avec un uniforme qui est
la toge. Peut-être nous
parler du symbolisme
de votre habillement.
RICHARD CHARTIER
D'accord. C'est un uniforme
et c'est un costume qui représente...
quant à moi, qui représente
trois choses. Un, c'est l'impartialité.
Deuxièmement, c'est
la tradition. Et troisièmement,
c'est la responsabilité
lorsqu'on porte ce costume ici,
on a une énorme responsabilité
de rendre justice de façon
impartiale. C'est un costume
qui est très simple,
qui a vécu à travers les temps.
Il y a rien vraiment
qui a changé depuis des siècles.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est pas très coloré, hein?
RICHARD CHARTIER
C'est pas très coloré et c'est
voulu. Il y en a qui appellent
ça, j'ai entendu l'expression
"the black crows". Tu sais,
la corneille noire où c'est
simplement tout, tout, tout est
noir dans le costume. On a...
Oui, on a des culottes à
rayures, mais les souliers sont
noirs, les bas sont noirs.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vos
chaussettes sont noires?
RICHARD CHARTIER
Oui. Et là, le veston est noir.
Le rabat, finalement,
c'est la seule partie de l'habit
où on permet un costume
qui est un peu différent.
Moi, j'ai voulu démontrer
un peu de ma personnalité
en ayant des plis dans le rabat.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu'est-ce que ça dit
sur votre personnalité,
le fait que vous ayez des plis?
RICHARD CHARTIER
J'essayais... C'était simplement
pour faire, disons, le trait d'union
entre ce que les juges du sexe féminin
portaient, qui avait beaucoup
de dentelles, et les hommes
portaient simplement
des rabat-foulards.
Alors, j'ai voulu faire
un geste pour démontrer que moi,
je pouvais porter quelque chose
qui était... Qui avait un peu
de caractère. Mais vraiment, le
costume, l'uniforme est standard
dans toutes les provinces quand
on regarde à la Cour d'appel. Il
y en a qui vont mettre peut-être
certaines choses durant les
cérémonies, un peu de couleurs,
mais grosso modo, on veut
que ça demeure simple.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et c'est simple quand
on s'habille le matin.
RICHARD CHARTIER
Absolument. Voilà.
GISÈLE QUENNEVILLE
Richard Chartier, vous
avez grandi à Saint-Norbert.
Et Saint-Norbert, c'est une
banlieue de Winnipeg, je crois.
RICHARD CHARTIER
En effet.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quoi ressemblait
la vie à Saint-Norbert
quand vous étiez jeune?
RICHARD CHARTIER
C'était un petit village.
On avait notre église.
On avait notre bureau de poste.
À un certain moment donné,
on pensait que Saint-Norbert
aurait été le centre
de la francophonie, mais
Saint-Boniface a pris le dessus
étant donné que c'était
plus proche du centre-ville
de Winnipeg. Puis à un moment
donné, la population a changé.
C'est devenu beaucoup moins
francophone. Il y avait beaucoup
d'anglophones et aussi, beaucoup
de groupes ethniques qui sont
arrivés dans les années... fin
des années 60, début des années
70. Mais c'est un excellent
endroit. J'ai aimé
vivre ma jeunesse là-bas.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il paraît que dans votre
jeunesse, il y avait parfois
des tensions linguistiques
à Saint-Norbert entre les jeunes
francophones et les
jeunes anglophones.
RICHARD CHARTIER
Oui, il y avait des tensions
entre les groupes linguistiques
à l'époque. On se faisait
identifier comme francophones.
Des choses se disaient, mais ça,
c'était un peu ma réalité.
C'était la réalité au Manitoba.
Oui, des fois, il y avait
des disputes. Puis, des fois,
il y avait des batailles,
puis... C'est ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que jeune,
vous vouliez, vous saviez
que vous vouliez devenir avocat?
RICHARD CHARTIER
Je savais que... que j'avais
un sens de... de la justice.
Je savais ce que c'était être
sur, disons, le... le côté
d'une certaine injustice.
GISÈLE QUENNEVILLE
En étant francophone?
RICHARD CHARTIER
En étant francophone
dans le sens que...
Les Franco-Manitobains,
je sais pas pourquoi,
mais de par leur nature, on est
tous des créatures politiques.
Puis, quand je dis "politique",
c'est dans le sens,
avec un petit "P", où on apprend
à un jeune âge que...
... ici au Manitoba,
il va falloir se battre pour
ta langue si tu veux qu'elle se
maintienne. Et c'est quelque
chose qui est... que nos parents
nous ont dit. Moi, je l'ai dit à
mes enfants, puis j'assume
que mes enfants vont le dire
aux leurs. J'ai toujours eu ce désir
de défendre des causes. Mais
lorsque j'ai commencé mes études
À l'université, c'était pour
devenir médecin, mais
j'ai réalisé que je m'évanouis
lorsque je vois du sang.
Alors, c'était pas une bonne
chose, alors j'ai dû--
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était pas pour vous, ça.
RICHARD CHARTIER
Non, non, c'était pas pour
moi. Et à ce jour, je m'évanouis
encore. C'est une phobie
qui est pas explicable. Mais...
Alors, j'ai changé de carrière,
ou dans mes études,
j'ai décidé d'aller en droit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez... fait les manchettes
assez tôt dans votre
carrière de jeune revendicateur
avec une brouette à la
Commission Pépin-Robarts.
Qu'est-ce qui s'est passé?
RICHARD CHARTIER
J'étais impliqué dans le
mouvement jeunesse.
J'avais les cheveux plus longs
qu'ils le sont présentement.
C'était les années 1970.
Et... C'était les années
de revendication. Et à cette
époque-là, il y avait eu
la Commission Pépin-Robarts pour
revoir le bilinguisme au Canada
et il y avait eu la Commission
BB qui avait commencé
dans les années 60.
Et nous, la jeunesse
franco-manitobaine, on trouvait
que... On va-tu arrêter d'avoir
des études ou des commissions où
tout a déjà été dit? Alors, on a
décidé de faire un coup d'éclat
et on a décidé de donner notre
mémoire. Puis, c'est un document
peut-être un pouce d'épais,
et c'est simplement des pages en
blanc, puis si tu virais...
tournais la première page, il y
avait cinq mots, puis ça
disait: "Tout a déjà été dit."
Et ce qu'on a fait, c'est qu'on
a mis tous les anciens rapports
sur les communautés francophones
à l'extérieur du Québec,
on les a toutes mises dans
une brouette. L'idée, c'était
pour moi de rentrer devant
la commission, et de vider le
contenu de la brouette aux pieds
de la Commission Pépin-Robarts.
C'était ça, le plan.
Puis, je suis entré avec
une vieille brouette remplie
de documents. Puis...
Je suis... Je trouvais que le geste
avait été... Il y aurait eu
un manque de respect
envers M. Pépin et M. Robarts.
Et j'y ai pensé. J'étais pour
le faire. Puis, j'ai décidé
que c'était mieux simplement
de le déposer là.
Je regrette pas mon move.
Je suis content que je l'aie pas
fait, mais on voulait leur dire
en termes très simples:
"Arrêtez d'en parler,
puis passons à l'action."
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez siégé à des
commissions, à des groupes
d'étude plus tard--
RICHARD CHARTIER
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
... dans votre carrière
professionnelle. Si un jeune
était arrivé avec une brouette
et des documents, vous,
comment vous auriez réagi?
RICHARD CHARTIER
Oui--
GISÈLE QUENNEVILLE
Avec la sagesse que vous avez
acquise depuis ce temps-là.
RICHARD CHARTIER
Oui, bien, je veux dire, moi,
je me souviens, je me
rappelle de mon histoire.
J'étais, tu sais, un jeune
qui menait des luttes pour la
jeunesse. Puis... Quand il y a
des groupes qui font ça,
j'ai beaucoup de temps à écouter
ce qu'ils ont à dire.
Puis, les idées un peu...
un peu farfelues ou des idées
non orthodoxes, des fois, il
faut regarder à ces choses-là.
Puis vous le voyez, je veux
dire, lorsque... Comme juge en
chef, je fais des conférences de
presse ou je lance des idées que
je suis certain, certains de mes
collègues à travers le pays
disent c'est peut-être, tu sais,
outrepasser, tu sais, le geste
d'un juge en chef à faire des
discours comme ça. Mais des
fois, il faut le faire pour
brasser la cage un peu.
On se retrouve devant les ruines de la cathédrale de Saint-Boniface. Les images qui suivent illustrent le propos.
RICHARD CHARTIER (Narrateur)
L'endroit qui me saute à
l'esprit lorsque j'essaie de
me recueillir, c'est d'aller aux
ruines de la Cathédrale
de Saint-Boniface.
C'est l'ancienne cathédrale
qui a brûlé en 1968. Et c'était
majestueux comme édifice, comme
cathédrale. C'était le symbole
d'une francophonie fière et forte.
On voit la tombe de Louis Riel.
On voit la tombe de Mgr Taché
Provencher Langevin. On voit les
tombes des anciens juges,
d'anciens chefs autochtones.
C'est paisible et, quant à
moi, j'aime penser que c'est
un endroit où il y a
beaucoup d'énergie positive.
Moi, je trouve beaucoup
d'inspiration lorsque je
vais me recueillir là-bas.
On présente l'Assemblée Législative du Manitoba à Winnipeg. Ensuite on revient à l'entrevue principale dans une salle de la Cour d'appel du Manitoba.
GISÈLE QUENNEVILLE
J'aimerais qu'on parle de
Richard Chartier le
francophone maintenant.
Il paraît que vous n'aimez pas
le mot "minoritaire" ni le
mot "minorité". Pourquoi pas?
Qu'est-ce qui vous
agace là-dedans?
RICHARD CHARTIER
C'est vrai. Lorsqu'on parle de
minorité, dans ma tête il
y a un sens péjoratif.
Il y a un sens que... C'est pas
quelque chose auquel on devrait
avoir le droit et c'est quelque
chose que j'ai toujours voulu
écarter comme concept ou
comme principe. Je ne veux pas
que le monde nous voie comme des
minorités. Je veux que le monde
nous voie simplement comme étant
quelqu'un qui, langue première
française, ici au Manitoba,
qui est né, qui est ici depuis
le début de la colonie, qui veut
jouer sa part, jouer son rôle
pour le bien de notre province.
Le fait que je suis juge en chef
de la province, ça a rien
à faire avec... au fait
que je suis francophone, groupe
minoritaire. C'est... Je suis le
juge en chef pour tous les
Manitobains, puis...
Je me considère...
... un Manitobain à part
entière. L'affaire, c'est
que ma langue première, c'est
le français. Et dans tous les
discours publics que je fais,
je mets du français dedans.
Je veux... Je suis fier de notre
bilinguisme, puis je veux mettre
le bilinguisme de l'avant
dans le visage du Manitoba.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était en 1993, je crois,
que le gouvernement du Manitoba
vous a demandé de revoir
la prestation des services
en français dans la province.
Est-ce qu'il y avait une urgence
de revoir les services en
français à cette époque-là?
RICHARD CHARTIER
C'était en 1997, puis
la raison que la date est
importante, c'est qu'il y avait
eu des discussions... Il y avait
eu plus tôt des incidents où la
Maison franco-manitobaine avait
été brûlée. C'était à l'époque
en 80... Dans les années 80,
on avait essayé de mettre sur
pied une loi sur les services
en langue française. À un moment
donné, ce qui est arrivé avec le
Rapport Chartier, c'est qu'en
1997, la province a présenté
des plaques d'immatriculation
pour la province. Puis, c'était quelque
chose de vraiment moderne, des
belles couleurs. Puis, à la
surprise de plusieurs personnes,
les plaques étaient unilingues
anglaises. Et c'est là où un
journaliste a simplement posé la
question innocemment: "Pourquoi
est-ce que c'est pas bilingue,
vos plaques?" Parce que,
tu sais, nos permis de conduire
l'étaient. Tu sais, le Manitoba
est officiellement bilingue aux
niveaux législatif, juridique,
mais on avait fait certains
progrès au niveau des
prestations de services. Puis,
le ministre est resté bouche bée
et il savait pas trop comment
répondre. Et c'est là où il y a
commencé à avoir une discussion.
Et le premier ministre Filmon
a décidé que c'était le temps
de revoir les services en langue
française. Et on m'a demandé,
encore, c'était basé sur quels sont
les besoins de la population,
puis est-ce qu'on répond
aux besoins. Puis, c'était criant,
c'était clair que non.
Ce que le gouvernement
essayait de faire, c'est
il offrait des services tout
partout au Manitoba. Finalement,
on n'avait aucun service.
La personne qui devait l'offrir
était soit malade, elle était
pas là ou elle était partie
pour une pause-café.
Et il y a rien qui fonctionnait.
Alors, j'ai décidé de...
d'introduire certains concepts
dans la discussion, des concepts
de bilinguisme communautaire,
bilinguisme territorial. Alors,
j'ai dit: On va créer des zones
de sécurité linguistique afin
que ce soit clair que lorsqu'on
est dans ces territoires ici,
il est pas question que les
services vont être dans les deux
langues. C'est absolument
nécessaire. à l'extérieur, ça va
être l'unilinguisme anglais,
mais dans ces territoires ici,
le bilinguisme doit être donné
à tous les niveaux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Diriez-vous que les services
sont là, en ce moment?
RICHARD CHARTIER
Oh oui. Oui, oui, oui. Oh oui.
Comme... Il y a un numéro
de téléphone, je téléphone. Je
vais à un centre qui est désigné
bilingue et on se fait servir...
dans la langue qu'on choisit.
Bien sûr, ça, c'est ceux
qui vivent dans le territoire.
Si on vit à l'extérieur du
territoire, bien là, le service
est pas, disons, aussi normal
que ceux qui vivent dans le
territoire, mais ils ont le
droit à ce service-là, dans le
sens qu'ils doivent
simplement se déplacer.
Si tu.... si ta voiture se fait
frapper à St James, tu dois
te déplacer à Saint-Boniface,
Saint-Vital pour aller faire...
obtenir ce service-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ce rapport a donné naissance
à une politique sur les services
en français au Manitoba. Une
politique, c'est pas une loi.
Et depuis un certain temps, je
pense que les Franco-Manitobains
revendiquent une loi sur les
services en français. Qu'est-ce
que ça changerait d'avoir une
loi sur les services en français
plutôt qu'une politique?
RICHARD CHARTIER
Hum, hum. Ça va normaliser
les choses encore plus.
On n'a pas eu de guerre
linguistique au Manitoba
depuis le Rapport Chartier.
Je ne dis pas que les choses
sont parfaites au Manitoba. Je
dis pas qu'il y a des choses qui
doivent... qui ne doivent pas
être améliorées, mais au moins,
on a ce dialogue. Et je vous
prédis que lorsque la loi va
être déposée, il va pas y avoir
de grosses démonstrations comme
on a connues dans les années
80 ou par les années loin...
il y a déjà longtemps.
Les choses ont changé.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes un de trois juges en
chef au Manitoba. Vous êtes le
juge en chef de la Cour d'appel.
Il paraît qu'entre vous,
juges en chef, que les choses
se passent en français.
RICHARD CHARTIER
Hum, hum. Les deux autres...
Il y a le juge en chef Joyal,
qui est un parfait bilingue.
Il y a le juge en chef adjoint
Shane Perlmutter, qui est juif,
qui a été dans les écoles d'immersion
et qui a décidé de faire son
premier degré universitaire à
l'Université de Saint-Boniface.
Et lorsque je l'ai rencontré,
lorsqu'il est devenu juge, et
j'ai appris qu'il avait fait ses
études universitaires en français,
immédiatement je lui ai dit:
Dorénavant, on se parle
qu'en français. Et il est devenu
juge en chef adjoint.
Et depuis ce temps-là,
on a eu cette habitude-là
de se parler qu'en français.
Et maintenant, on a Marianne
Rivoalen, qui est la juge
en chef adjointe division
familiale. Les quatre,
on est quatre, lorsqu'on se rend
à Ottawa ou ailleurs,
on se parle qu'en français.
Puis, c'est une fierté qu'on a.
GISÈLE QUENNEVILLE
J'ai l'impression que
vous êtes en train d'assimiler
le monde ici, à l'intérieur
de ces quatre murs.
RICHARD CHARTIER
On normalise les choses. Je
suis un ardent Canadien. Je suis
fier de notre bilinguisme et de
notre visage bilingue. Et moi,
je l'utilise à chaque chance, le
fait que je suis un francophone
de l'Ouest canadien.
Depuis longtemps, ma famille a
quitté Saint-Hyacinthe dans les
années 1820 en passant par la
Nouvelle-Angleterre pour ensuite
revenir en 1870. Mais ça fait
longtemps qu'on est partis de la
province du Québec. Mais on est
encore ici et on va
continuer à l'être.
GISÈLE QUENNEVILLE
Richard Chartier, merci beaucoup.
RICHARD CHARTIER
C'est mon plaisir. Merci.
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