Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Denis Rouleau: Fransaskois Theatre Director
Even though Saskatoon is far from being Canada´s Francophone theatre capital, it gets about six French-language plays a year, in all styles—traditional and creative, professional and amateur.
Denis Rouleau, a Quebecer, is the artistic director for Saskatoon´s Troupe du Jour.
He turned a small local company into a theatre that is the envy of many of the country´s Francophone communities.
Réalisateur: Linda Godin
Production year: 2015
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Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, DENIS ROULEAU, directeur artistique de La Troupe du Jour, on montre des images extérieures et intérieures d'un centre de production théâtrale.
GISÈLE QUENNEVILLE
Saskatoon est loin d'être la
capitale du théâtre francophone
au Canada. Pourtant, les
Fransaskois ont droit à une
demi-douzaine de pièces par
année, autant du répertoire que
du théâtre de création, autant
professionnelles qu'amateurs.
Depuis 30 ans, La Troupe du Jour
présente des spectacles de tous
genres, et depuis presque tout
ce temps-là, c'est Denis Rouleau
qui est à la barre comme
directeur artistique.
Ce Québécois d'origine s'est
retrouvé à Saskatoon par hasard,
mais il a trouvé sa place,
et a fait d'une petite troupe
communautaire un théâtre
qui fait l'envie de plusieurs
communautés francophones.
Denis Rouleau, bonjour.
DENIS ROULEAU
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Denis, la population
francophone de Saskatoon est
relativement petite. Pourtant,
vous avez un théâtre, vous avez
même un centre de production
de théâtre. Comment vous êtes
arrivés à avoir ça ici?
DENIS ROULEAU
Bien, ça a été un grand
travail, comme je pourrais dire.
La compagnie était déjà établie
quand même; ça fait 30 ans cette
année que la compagnie existe.
Donc, il y avait un problème
d'espace pour les théâtres
en ville. C'était pas seulement
nous, c'était toutes les
compagnies. Il y avait pas
de lieux appropriés. Donc, on
a commencé à travailler avec les
autres compagnies de théâtre,
les compagnies anglophones,
pour voir: est-il possible de
se donner des infrastructures?
Et on a fait des groupes
de travail, etc., etc.
Et après quelques années de
travail, on a fait une étude
et ils ont dit: "Ça prendrait
deux genres d'infrastructures:
une infrastructure plus grande
pour la plus grande compagnie,
Persephone Theatre", qui est la
compagnie de théâtre régionale
anglophone. Eux ont besoin
d'une grande salle, etc. "Et ça
prendrait un centre un peu
plus petit pour les compagnies
moyennes et plus petites." Et
qu'en fin de compte, on a pris
le projet ensemble sur notre
épaule et on a dit: "On va
construire un centre de
production; on a besoin d'un
lieu de travail. Et il y a aussi
d'autres groupes qui ont besoin
de lieux de travail aussi. Il
y a pas seulement nous." Donc,
on a acheté l'édifice; l'édifice
existait déjà ici. On a acheté
l'édifice. Ça, ça a été
une première étape. Et après
ça, deuxième étape, c'était
justement la rénovation
de cet édifice-là et
l'agrandissement, parce qu'on
a doublé le pied carré.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous faites sûrement des
jaloux avec votre Centre?
DENIS ROULEAU
Bien, je pense qu'on en a
fait un petit peu, oui.
DENIS ROULEAU rit.
DENIS ROULEAU
Mais d'un côté, je pense que
c'est correct. Et comme je dis,
il y a d'autres gens aussi qui
l'utilisent beaucoup. On a des
locataires permanents, donc
on a deux groupes de théâtre,
compagnies qui font des musicals
l'été, qui sont ici. Ils ont
deux employés. Puis on a
aussi la compagnie autochtone
Gordon Tootoosis Theatre Company
qui est ici avec... Ils ont
leurs employés ici, leurs
bureaux, et ils font la majorité
aussi de leurs activités
ici, dans le Centre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous l'avez dit, La Troupe
du Jour, ça fait une trentaine
d'années qu'elle existe.
Comment est-ce que La Troupe
du Jour a vu le jour?
DENIS ROULEAU
La Troupe du Jour, ça a
commencé par un groupe de gens
qui étudiaient à l'Université
de la Saskatchewan ici...
en français, pour devenir
professeurs, etc., et
ils faisaient du théâtre
à l'université, ils avaient une
troupe de théâtre francophone
à l'université. Et quand
ces gens-là sont sortis
de l'université, ils ont dit:
"On n'est plus à l'université,
mais on veut quand même
continuer à en faire,
du théâtre." Et c'est comme
ça que la troupe a débuté.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que c'est difficile de
passer d'une troupe étudiante,
communautaire à une
troupe professionnelle?
DENIS ROULEAU
Ça s'est fait tranquillement
pas vite, parce que moi,
quand je suis arrivé, la troupe
existait déjà depuis quatre,
cinq ans et c'était justement
une troupe communautaire,
comme on dit, amateur. Les gens
faisaient ça pour le plaisir.
Ils faisaient un ou deux
spectacles par année.
Donc, moi, je suis arrivé
et j'ai commencé à monter une
saison et à faire des demandes
de subventions, etc.
Et tranquillement pas vite,
moi, j'ai créé mon poste et
j'ai aussi engagé quelqu'un
pour m'aider à l'administration.
On a trouvé un local et on a
monté une petite saison. Et
au début, c'était amateur,
puis les premiers spectacles
professionnels ont été des
spectacles pour enfants.
Et après ça, petit à petit,
on a commencé aussi à faire
les spectacles grand public,
à professionnaliser
la chose, comme on dit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Justement, qu'est-ce que
vous présentez aujourd'hui?
À quoi ressemble une saison
de théâtre chez vous?
DENIS ROULEAU
La saison est assez variée. On
a, naturellement... On produit
des spectacles, on crée des
oeuvres, mais aussi on a
un volet accueil qui a pris
beaucoup d'importance dans
les dernières années. Donc,
chaque année, on accueille
trois spectacles qui viennent
d'ailleurs, donc des spectacles
qui arrivent de l'Ontario,
du Nouveau-Brunswick,
du Québec, d'un peu partout
au Canada français.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mis à part le théâtre
pour enfants, vous faites
du théâtre pour qui?
DENIS ROULEAU
On fait du théâtre...
Bien, aussi dans la saison,
naturellement, on a notre
public à nous à Saskatoon.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qui est ce
public, justement?
DENIS ROULEAU
Il est assez diversifié.
Il y a naturellement les
francophones. On a aussi
des francophiles qui viennent
beaucoup aussi au théâtre parce
que ça fait maintenant sept ans
qu'on présente les productions
avec des surtitres en anglais.
Donc, ça a attiré un tout autre
public. Des gens qui viennent
qui sont issus de mariages
exogames, par exemple, ou un
des partenaires est anglophone,
l'autre est francophone.
Bon, ils viennent aux soirées
surtitrées; ça leur permet
de voir un spectacle
en français ensemble.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que ça a été bien
accueilli, ça? Parce que je me
souviens, quand on a commencé à
faire ça à Toronto, ça a chicoté
une certaine partie de la
population francophone, disons.
DENIS ROULEAU
Il y a des gens qui aiment pas
ça, OK, et par respect, il y a
toujours des soirs où il y en a
pas. Il y a des fois que ça
les dérange, ça les distrait.
Donc, si tu préfères sans
les surtitres, tu peux venir
le dimanche. Comme ça,
il y en a pas et ça satisfait
un peu tout le monde.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous l'avez mentionné en début
d'entrevue, vous travaillez
beaucoup avec la communauté
anglophone, n'est-ce pas,
la communauté de théâtre
anglophone ici?
DENIS ROULEAU
Oui. Étant la seule compagnie
francophone, un moment donné,
si on veut pas être tout seuls
dans notre coin, comme on dit...
Parce que nos pairs, ce sont
des anglophones; on n'a pas
le choix. Donc, faut avoir
un peu d'ouverture, un esprit
d'ouverture. Et aussi, au niveau
juste des artistes, le bassin
d'artistes est assez restreint,
donc souvent on est obligés
d'engager des concepteurs
anglophones, comme pour
les décors ou les costumes,
même l'éclairage, parce que
les francophones sont pas
disponibles ou il y en a pas
ou... je sais pas, moi,
si mon concepteur de décors,
ça s'adonne qu'il fait aussi
de la mise en scène et il est
pris ailleurs, bien il peut pas
faire mon décor, j'engage
un anglophone. Donc, on s'est
habitués aussi à travailler un
peu comme ça, et ça nous permet
aussi à nous d'avoir une
appréciation de nos pairs,
et ça, c'est important.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que, en tant que
théâtre francophone dans une
ville comme Saskatoon, vous
sentez que vous faites partie
du paysage théâtral? Ou est-ce
que vous vous sentez un peu
en marge de ce paysage théâtral?
DENIS ROULEAU
Bien, on y fait de plus en
plus partie, c'est ça. Avant,
on était totalement en marge.
Mais depuis qu'on a le Centre
et qu'on a mis les surtitres,
on fait de plus en plus partie
de cette espèce de tapisserie
culturelle, artistique,
théâtrale. Parce que nos
artistes francophones sont
de plus en plus demandés.
Comme nos scénographes,
notre compositeur de musique
travaillent pour les compagnies
anglophones maintenant.
Le fait qu'on engage, nous, des
artistes anglophones. Donc, il y
a comme un échange qui se passe,
ce qui fait qu'on n'est plus
la petite compagnie francophone
dans le coin. Mais on fait
partie de ce mouvement-là,
un peu, des arts et de
la culture dans la ville.
Dans un autre segment, GISÈLE QUENNEVILLE et DENIS ROULEAU sont devant le centre de production de DENIS ROULEAU.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, Denis, on est devant
votre super Centre de production
de La Troupe du Jour. Qu'est-ce
qu'on trouve à l'intérieur?
DENIS ROULEAU
À l'intérieur, naturellement,
il y a nos bureaux
administratifs de la compagnie,
il y a le Studio 914, qui est
la salle de spectacles,
une petite boîte noire. Et
il y a, à l'arrière, la salle
de répétitions, qui est aussi
la salle de classe pour l'École
de théâtre, qui se transforme
aussi en atelier de
construction de décors.
Et il y a aussi, à la mezzanine
au deuxième étage, les bureaux
d'une autre compagnie de théâtre
et tout le costumier, l'atelier
pour l'entretien des costumes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez mentionné l'École
de théâtre. Parlez-moi
de cette école-là.
DENIS ROULEAU
Bien, c'est une école de
théâtre, c'est pour les enfants.
Donc, c'est des cours de théâtre
qu'on donne les samedis matin.
On a commencé ça quand on a eu
le Centre parce qu'avant, on
n'avait pas de lieu approprié
ou sécuritaire pour donner ça.
Donc, les samedis matin,
les jeunes viennent prendre
des cours de théâtre. Donc, on a
deux groupes, les 7-9 ans et
les 10-13. Il y a un professeur.
Il donne des cours d'art
dramatique, quoi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors voilà votre relève.
DENIS ROULEAU
Oui, exactement! Ha, ha, ha!
L'entrevue entre GISÈLE QUENNEVILLE et DENIS ROULEAU se poursuit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Denis Rouleau, est-ce que
le théâtre, ça a toujours
été ce que vous vouliez
faire dans la vie?
DENIS ROULEAU
Bien... pas mal, oui. Bien,
je sais pas... Quand j'étudiais
au cégep, tout ça, j'étudiais en
sciences humaines, mais aussi,
j'avais commencé à faire un peu
de théâtre à l'école secondaire.
Il y avait des cours d'art
dramatique que je prenais
et j'aimais bien ça.
Et au cégep, justement, il
y avait une troupe de théâtre en
parascolaire. Donc, je me suis
inscrit et j'ai commencé à faire
du théâtre un peu plus là
et j'ai vraiment aimé ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comme comédien.
DENIS ROULEAU
Oui, oui, comme comédien. J'ai
vraiment eu la piqûre, comme on
dit. Et... Donc, c'est ça. Et à
un moment donné, on avait formé
une petite compagnie de théâtre.
Après un certain temps, j'ai
décidé que c'était peut-être le
temps d'aller l'apprendre aussi.
Donc, je suis allé à Montréal,
à l'Université du Québec
à Montréal,
au département de théâtre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, vous venez du Québec,
vous avez étudié au Québec.
J'imagine qu'en quelque part
vous pensiez faire
du théâtre au Québec?
DENIS ROULEAU
Oui, oui, oui, exactement.
Mais quand je suis sorti de
l'université, dans le milieu
des années 80, c'était la dèche
totale. C'était... c'était une
période un peu morose où il y
avait pas de travail, il y avait
pas de débouchés. C'était
vraiment difficile. Et un
de mes amis à moi était parti
pour Edmonton pour travailler
pour une compagnie de théâtre
pour enfants, justement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum.
DENIS ROULEAU
Et il me lâche un coup de fil,
il dit: "Denis, j'ai besoin
de monde. Ça te tenterait-tu
de venir? Je cherche des gens
pour compléter l'équipe." Et
moi, j'avais étudié en jeu pour
devenir comédien, mais j'avais
étudié aussi en scénographie.
Donc, ça me donnait, comme on
dit, une autre corde à mon arc.
Donc, j'y suis allé. J'ai pris
le train et je suis
allé à Edmonton.
Donc, j'ai travaillé pour cette
compagnie-là pendant deux ans,
où j'étais le scénographe
et je jouais aussi
dans les spectacles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pour enfants. Ça prend une
bébitte spéciale pour faire ça.
DENIS ROULEAU
Oui, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est pas tout le monde
qui peut faire du théâtre
pour enfants.
DENIS ROULEAU
C'était superbe, j'ai adoré
ça, j'ai adoré ça. On partait,
on était quatre dans la
camionnette et on faisait de
grandes tournées, de Victoria
à Sudbury. On partait six mois.
On était parti sur la route avec
les spectacles pour enfants.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est comme ça que vous
imaginiez votre carrière?
DENIS ROULEAU
Non. Bien, je l'avais pas
imaginée comme ça.
Ça s'est adonné comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, vous vous êtes
rapproché du Québec.
DENIS ROULEAU
Je me suis rapproché.
GISÈLE QUENNEVILLE
En arrivant à Saskatoon.
DENIS ROULEAU
En allant à Saskatoon. C'est
qu'il y avait une petite annonce
dans le journal francophone qui
cherchait quelqu'un pour donner
des ateliers de théâtre
dans les écoles. Et j'ai dit:
"Ah! Mais pourquoi pas?"
GISÈLE QUENNEVILLE
Expérience avec les
enfants, justement.
DENIS ROULEAU
Bien oui, exactement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, comme ça s'est fait,
la transition
de comédien-scénographe
à enseignant de théâtre?
DENIS ROULEAU
J'en avais fait un peu aussi,
même à Edmonton, et après un an,
justement, la personne qui
m'avait engagé pour donner les
ateliers a dit: "Écoute, Denis,
on va te garder pour l'année
prochaine encore, mais on
changerait peut-être ton mandat.
Tu serais dans les écoles
à mi-temps, et l'autre
mi-temps, on va te prêter
à La Troupe du Jour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum!
DENIS ROULEAU
Pour essayer justement de leur
donner un petit coup de main,
de structurer, de monter une
saison, d'en faire un théâtre...
aller vers le professionnalisme,
en fin de compte. C'est au cours
de cette année-là, justement,
que j'ai développé une saison
et que je suis allé chercher
des sous. Et là, on a
lancé l'affaire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand on fait du théâtre dans
un milieu minoritaire, bien sûr,
il y a tout le côté théâtre
ou le côté artistique, mais
forcément, il y a le côté de
la langue, de la promotion de
la langue, de la survie de la
langue. Comment est-ce qu'on
arrive à réconcilier ces deux
réalités-là ou ces deux
mandats-là dans un travail
comme le vôtre?
DENIS ROULEAU
C'est toujours là, OK,
et des fois, ça se tiraille.
DENIS ROULEAU rit.
DENIS ROULEAU
Parce que tu te dis: J'ai
des envies en tant qu'artiste,
j'ai envie de faire des choses.
Mais aussi, je dessers
une communauté.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum.
DENIS ROULEAU
Donc, il faut prendre ça
en ligne de compte aussi.
Mais comme je dis toujours, moi,
à La Troupe du Jour, je fais
du théâtre, je fais pas
de la francophonie. OK?
C'est l'aventure théâtrale
qui prime. C'est en français.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait 25 ans, plus de 25
ans, que vous êtes ici. Comment
cette communauté francophone de
Saskatoon a-t-elle changé au fil
des 25 dernières années?
DENIS ROULEAU
La communauté a beaucoup
évolué. Elle s'est diversifiée,
je dirais, parce qu'il y a eu
une arrivée assez importante
d'immigrants, des gens qui sont
venus d'ailleurs, d'un peu
partout sur la planète.
Beaucoup de nouveaux arrivants
de l'Afrique, des pays arabes,
de l'Europe de l'Est. Donc, ça a
été assez important et ça s'est
comme accéléré au fil des
années. Depuis cinq ans,
on a vu vraiment un grand
changement dans la ville.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que ce
changement-là... Parce que, bon,
il y a un changement de visage
à Saskatoon, mais également dans
la francophonie de Saskatoon.
Est-ce que ce changement-là a eu
un impact ou aura un impact
sur "Le Théâtre" du Jour?
DENIS ROULEAU
Il y en a et je pense qu'il va
y en avoir un aussi. À un moment
donné, si on veut rejoindre
les gens qui arrivent, d'autres
origines, soit africaine ou
arabe, etc., à un moment donné,
il faut aussi leur parler à eux,
et donc, on peut pas juste...
Il faut les intégrer, et pour
les intégrer, il faut qu'ils
racontent leurs histoires
eux autres aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc, c'est pas
juste du Michel Tremblay.
DENIS ROULEAU
Non, c'est ça, c'est pas juste
du Michel Tremblay ou du
Madeleine Dahlem, ou du Laurier
Gareau. Bon, tu sais,
il va falloir raconter
ces histoires-là aussi et
c'est ce qu'on essaie de faire
tranquillement pas vite.
On avait justement un projet cet
été qui s'appelait
Entre plaine
et savane. C'est un spectacle
de contes où on avait justement
des contes écrits par des
auteurs fransaskois et des
contes qu'on a trouvés justement
dans la tradition africaine,
et on avait trois artistes,
dont une était Africaine.
Elle racontait les histoires et
on promenait ça dans les jardins
un peu partout en province.
C'était fantastique.
Donc, c'était pour nous
une façon justement d'essayer
de faire des liens avec
cette communauté des nouveaux
arrivants africains.
Dans un autre segment, on nous montre des images de la ville de Saskatoon.
DENIS ROULEAU (Narrateur)
Saskatoon, c'est une ville
assez dynamique. C'est une belle
ville. C'est une ville... Bien,
un, il y a la rivière, hein, et
la rivière traverse la ville en
plein centre-ville, la rivière
est là avec les berges de chaque
côté qui sont aménagées. C'est
des parcs et c'est pas trop
gros. Il y a tout ce qu'il faut,
il y a tous les services.
C'est bon d'y vivre à Saskatoon.
Justement, au centre-ville, sur
le bord de la rivière, il y a
le grand parc et c'est de toute
beauté. Donc, moi, l'été,
je passe beaucoup de temps dans
le parc quand je travaille pas.
Ha, ha, ha! Je prends mon vélo
et je m'en vais sur le bord dans
le parc, et je m'assois sur
un banc. Il y a tout le temps
des gens qui passent. Les gens
promènent leur chien, il y a
toutes sortes d'affaires. Et il
y a des gens qui font du bateau
aussi sur la rivière, du canot,
etc. Et on peut y aller l'hiver.
L'hiver, les gens font du ski
de fond. Et même, les promenades
sont dégagées, il y a de petits
tracteurs, donc les gens peuvent
faire de la marche à pied aussi
l'hiver sur le bord de la
rivière. Et franchement,
c'est ça qui fait
le cachet de la ville.
Aussi, quelque
chose qui est remarquable, c'est
le quartier Riversdale à l'ouest
de la ville, qui est en train
justement de se revitaliser, de
se transformer et de devenir un
quartier un peu branché, comme
on dit. On est encore dans ce
quartier-là ici dans le Centre
de production. C'est tout
l'ouest de la ville, en fin de
compte. Et qui était un quartier
très, très défavorisé, où, voilà
dix ans, il y avait plein
de choses abandonnées,
des commerces abandonnés.
C'était un peu un quartier
avec une mauvaise réputation.
Mais la ville a eu un désir
de revitaliser ce quartier-là
en y implantant le Marché des
fermiers, entre autres. Et donc,
ça a attiré. Les gens sont
revenus dans le quartier.
Il y a plein de petites
boutiques qui se sont ouvertes,
des petits cafés, des restos. Et
ça aussi, ça a été amené par les
institutions artistiques qui y
ont déménagé en premier, dont
nous, La Troupe du Jour. Les
galeries d'art autogérées ont
déménagé. On a tous déménagé
en même temps dans le quartier.
On retourne à l'entrevue avec DENIS ROULEAU.
GISÈLE QUENNEVILLE
Denis Rouleau, depuis le début
ou presque, Le Théâtre du Jour
fait du théâtre de création et
souvent met en scène des pièces
de dramaturges d'ici.
Comment vous arrivez à cultiver
cette écriture fransaskoise?
DENIS ROULEAU
Bien, ça, c'est intéressant,
ça me passionne beaucoup.
Un moment donné, on faisait le
théâtre et on faisait beaucoup
de répertoire québécois, etc.,
puis un moment donné, j'ai dit:
"Coudon, ça serait peut-être
important que le monde prenne
la parole aussi. On a des choses
à dire, nous aussi." Donc, on
avait eu un artiste en résidence
avec le Conseil des arts de la
province. On avait un artiste
en résidence. Et j'avais demandé
un projet pour avoir un auteur
en résidence. Donc, cette
personne-là était avec nous
à la compagnie, écrivait, puis a
commencé justement à voir ce
qui se passait dans le milieu
anglophone. Et dans le milieu
anglophone, il y avait ça,
justement, et il y avait des
cours, des ateliers de théâtre,
des ateliers d'écriture, ce
qu'ils appelaient... le Cercle
des écrivains, et tout ça.
Et là on a décidé de
commencer ça, d'essayer ça
et tranquillement pas vite, on
avait deux, trois personnes qui
venaient prendre des ateliers
d'écriture. Et on a commencé
à cultiver ces choses comme
ça pour formaliser cette
écriture-là. Parce qu'il y avait
déjà des auteurs qui écrivaient,
comme Laurier Gareau à Regina,
qui écrivait beaucoup.
Ça fait 15 ans que ça
fonctionne, le Cercle des
écrivains. Là maintenant,
depuis trois, quatre ans, on a
deux animateurs au lieu d'un.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ces écrivains, ils parlent
de quoi? Est-ce qu'il y a
des thèmes qui ressortent
ici, en Saskatchewan?
DENIS ROULEAU
Écoutez, il y a... Bien, il y
a différentes gens qui viennent
de différents milieux. Ça, déjà,
ça influence le style parce que
veut veut pas, quand t'écris,
tu parles aussi de toi, ça vient
de la personne. Donc, il y a des
gens qui sont originaires de la
Saskatchewan qui vont écrire des
choses vraiment qui sont ancrées
dans l'histoire, dans la terre,
dans la nature, dans l'immensité
du paysage. Et il y a des gens
qui arrivent d'ailleurs, de
l'Europe, etc., qui vont avoir
une autre perspective. Et il y a
aussi des jeunes qui ont
commencé à écrire, des plus
jeunes justement qu'on a
encouragés avec des projets
d'écriture. Et ça, c'est
intéressant parce que tu lis
leurs textes et tu dis:
"Wow, il y a quelque chose
qui se ressemble dans cette
écriture-là! C'est pas pareil,
mais il y a comme une
influence, il y a comme..."
Je me suis fait dire ça des
fois: "Wow! Ça ressemble
à telle personne. Ah oui, OK,
ils viennent tous les deux de la
Saskatchewan, ils ont à peu près
le même âge." Donc, c'est assez
intéressant. Donc, on a réussi
à développer une petite famille
d'écrivains de différentes
générations maintenant. Et ça,
j'en suis très fier. Et nous,
ça nous permet justement... Avec
ce Cercle des écrivains là, moi,
je dépiste justement des projets
d'écriture qui peuvent être
intéressants. Et là, je dis
à l'auteur: "Ça te tente-tu de
continuer du chemin et d'avancer
là-dedans? Donc, nous, on va
t'accompagner comme compagnie."
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous montez leurs pièces?
DENIS ROULEAU
On a un programme de
dramaturgie. Donc... je prends
cet auteur-là et ce texte-là,
et j'essaie de trouver un
dramaturge pour le conseiller.
Donc, souvent, je vais chercher
quelqu'un en Ontario ou au
Québec et j'essaie de faire
un match parfait, comme on dit,
trouver le bon dramaturge pour
le bon texte et le bon auteur.
Et là, ils travaillent ensemble
quelques années. Et après trois
ou quatre ans, quand le texte
est prêt, on le monte. Donc,
ça permet à la compagnie
de toujours avoir des textes
en développement et de nourrir
la programmation artistique.
Donc, souvent c'est des risques
parce que c'est des nouveaux
textes. C'est arrivé qu'ils
étaient pas tout à fait à point,
on a pris des risques ou des
choses comme ça, mais c'est
pas... Et le public, des fois,
il vient voir des oeuvres, mais
il sait pas ce qu'il va venir
voir, parce qu'elles ont jamais
été créées. Donc, ça développe
aussi un esprit de critique
au niveau du public. Mais moi,
je pense que c'est important
parce que sinon on deviendra
un théâtre de répertoire. C'est
la... Comme on dit, la pierre
angulaire de la compagnie,
c'est la dramaturgie et c'est la
création de nouvelles oeuvres,
c'est notre mandat principal.
Donc, on essaie de le nourrir.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ces oeuvres qui sont créées
ici, qui sont montées ici,
sont-elles exportables? Est-ce
qu'elles peuvent être jouées,
présentées ailleurs?
Et est-ce que vous le faites?
DENIS ROULEAU
On l'a déjà fait. On l'a fait,
oui. On a eu un spectacle,
justement, d'un jeune auteur,
Gilles Poulin-Denis, qui est
originaire de Saskatoon,
il habite plus ici maintenant,
mais un spectacle qu'on a créé
justement avec lui dans ce cycle
de dramaturgie là,
Rearview,
qui a été présenté pendant
trois ans en tournée. On a
joué à Toronto, on a joué
à Ottawa, on a joué à Québec.
On est allé aussi à Winnipeg,
à Edmonton, à Regina,
à Rouyn-Noranda.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est valorisant, ça.
DENIS ROULEAU
Ça a été... à Montréal. On a
d'ailleurs terminé à Montréal,
au Théâtre La Licorne. Donc,
on avait joué à 50 reprises le
spectacle sur trois. On en a eu
un autre justement de Madeleine
Blais-Dahlem, auteure d'ici,
qui...
La Maculée, ça a joué
pendant deux ans ce spectacle-là
aussi pour 35 représentations,
je pense. Donc, oui, il y en a
qui sont exportables.
Et de plus en plus,
j'espère qu'on va le faire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Souvent, dans le monde
culturel francophone, je pense
qu'on peut dire que parfois
on a un complexe d'infériorité,
dans le sens que ce qui se fait
à Winnipeg ou à Saskatoon peut
jamais être aussi bon que
ce qui se fait au Québec.
Est-ce qu'on ressent ça parfois?
DENIS ROULEAU
On ressent ça parfois et c'est
souvent justement à cause d'un
manque de moyens ou d'un manque
de ressources. Mais moi,
astheure, je vois ça autrement.
Au lieu de dire que c'est moins
bon, je dis que c'est différent.
GISÈLE QUENNEVILLE rit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y a une façon de faire
différente et on peut pas se
comparer. On n'est pas pareils,
on n'est pas dans les mêmes
milieux, on n'a pas les
mêmes influences. Donc, moi,
je pense qu'il faut surtout
développer ce qui nous rend
spéciaux, ce qui nous rend
différents, notre unicité.
Je pense que c'est ça qu'il faut
développer. Et c'est ça, je
pense, qui va faire qu'on va...
ressortir et se faire remarquer.
C'est ça. Faut pas essayer
d'imiter les autres.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Denis Rouleau,
merci beaucoup.
DENIS ROULEAU
Bien, ça m'a fait plaisir.
Générique de fermeture
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