Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Marlène Thélusma Rémy: Haitian Community Activist
Marlène Thélusma Rémy once had to make the heart-wrenching decision to leave her home country of Haiti to protect her family from political repression. Now living in exile in Canada, she still fights for her people, be they in Toronto or Haiti.
Réalisateur: Charles Pepin
Production year: 2015
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Carte de visite
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY, militante communautaire, chante dans une grande pièce.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
♪ Hommes et femmes riches
et pauvres ♪
♪ Que nous soyons Africains ♪
♪ Haïtiens ou Européens ♪
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Elle a quitté son pays pour les
États-Unis et ensuite le Canada.
Mais elle est toujours restée
profondément attachée
à son pays natal, Haïti.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
♪ Nous sommes tous
créés par Dieu ♪
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Pour Marlène Thélusma Rémy, la
décision de partir était simple:
mettre sa famille à l'abri
de la répression politique.
Mais elle était aussi déchirante.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
♪ Hum hum ♪
♪ La force est dans l'unité ♪
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
En exil, Marlène s'est investie
dans la communauté haïtienne.
Elle s'est investie dans ses études
et dans le service public.
Et bien qu'elle vit aujourd'hui
à Toronto, son coeur est
toujours à Port-au-Prince.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
♪ Mais les divisions détruisent ♪
♪ La nature ainsi que l'Homme ♪
♪ Pourquoi donc nous diviser ♪
♪ Et tuer la fraternité ♪
♪ Hum ♪
♪ Hum-hum-hum ♪
♪ Hum-hum hum ♪
Titre :
Carte de visite
GISÈLE QUENNEVILLE s'entretient avec MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY dans une grande pièce très lumineuse.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marlène Thélusma
Rémy, bonjour.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui, bonjour, Gisèle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marlène, vous êtes Haïtienne.
Pour moi, Haïti, c'est un pays
de soleil, d'insouciance, mais
aussi de pauvreté. Comment
c'était pour vous de grandir en
Haïti dans les années 50,
à peu près?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
J'ai été élevée par mes
grands-parents et ça a été
une enfance... Une très belle
enfance, une enfance assez
choyée. Puis, j'étais encore
l'unique petit-enfant.
Alors...
GISÈLE QUENNEVILLE
Très gâtée!
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui, j'étais très gâtée--
GISÈLE QUENNEVILLE
Vos parents étaient où?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Ma mère était à Port-au-Prince,
à la capitale, et elle travaillait.
Puis, ma grand-mère et
mon grand-père s'occupaient
de moi aux Cayes.
C'est très important
la question de relation
intergénérationnelle. Donc, elle
est... Tout le monde veillait
sur tout le monde et même s'il
ne s'agit pas de vos enfants,
vous prenez soin des enfants de
votre soeur ou de vos soeurs ou
de votre frère ou de vos frères.
Donc, alors oui, c'est ancré.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous avez fait des
études postsecondaires.
Est-ce que c'était courant
pour une jeune femme de faire
des études postsecondaires
à cette époque-là?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui. À mon époque, oui.
Mais à l'époque de ma mère non.
C'est ce qui m'avait poussée
aussi à toujours penser à
revendiquer les droits de la
femme haïtienne et d'écrire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Votre maman a souffert de ça?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui, absolument, absolument.
Elles étaient plusieurs filles
de la famille et mon grand-père
avait eu une autre femme.
Donc, alors qu'elle avait...
Pardon, il a eu des enfants avec
ma grand-mère, et c'était
l'épouse, et puis il a eu aussi
des enfants de l'autre femme.
GISÈLE QUENNEVILLE
Très polygamie, presque?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
C'est pas une relation que
je considère comme
étant la polygamie, parce que c'était...
Les hommes haïtiens, surtout
les hommes du milieu rural,
pour la plupart, avaient
toujours leur épouse et une
femme qui s'occupait de
leur jardin, par exemple,
parce qu'ils avaient
des jardins un peu partout,
tout proche de chez eux
et dans des quartiers éloignés.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et elles s'occupaient
d'autres choses également.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui, oui, absolument.
(En riant)
Absolument. Donc, il y avait
plusieurs filles, devenues
femmes bien entendu, mais
il y avait un seul garçon.
Et c'est la seule personne que
mes grands-parents envoyaient
à l'école, c'était mon oncle.
Donc, les filles apprenaient
à coudre, apprenaient à cuisiner
et l'économie domestique, par
exemple. C'était ça, pour les filles.
Alors, les filles nées de cette
famille en souffraient beaucoup,
parce que la seule personne qui
savait lire et qui avait le
droit d'aller à l'école,
c'était mon oncle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous avez choisi le
service social. Pourquoi?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
J'ai choisi le service
social parce que j'aime
beaucoup intervenir.
Et je n'aime pas intervenir
uniquement du point de vue
individuel. J'aime intervenir
du point de vue de groupe,
m'assurer de la sensibilisation
d'un groupe, particulièrement
de la femme. C'est la profession
ou le domaine qui m'aurait
permis, effectivement,
de toucher le plus de monde
possible et surtout de toucher
le plus de femmes possible.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous vous êtes mariée, vous
avez eu quatre enfants et je
pense que le plan, les projets,
c'était de rester élever votre
famille en Haïti, mais ça
s'est pas passé comme ça.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Ça s'est pas passé comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce qui s'est passé?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
On avait toujours rêvé laisser
nos enfants grandir en Haïti,
poursuivre et compléter leurs
études en Haïti, ensuite partir
à l'étranger pour faire
des études supérieures.
Mais ça ne s'est pas passé
ainsi. À un moment donné,
mon mari particulièrement
avait été très persécuté
par les autorités politiques,
donc...
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourquoi il se faisait persécuter?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
À un moment donné, il avait
été appelé par une des mairies
les plus importantes en Haïti,
c'est la mairie de Delmas, la
circonscription de Delmas.
Alors, il avait laissé le
ministère de l'Agriculture et
des Ressources naturelles pour
aller travailler à la mairie de Delmas.
Après le départ des Duvalier,
de Jean-Claude, il y a eu des
gouvernances transitoires.
Entre-temps, avant l'investiture
du président Aristide, donc, les
militaires, les putschistes,
étaient encore au pouvoir
jusqu'à ce qu'Aristide ne
soit porté définitivement et
officiellement au pouvoir.
Alors, lui, il se préparait à
faire une transition en bonne et
due forme. Donc, il a préparé
ses rapports, ses livres comptables,
etc. Et puis, la clé du trésor,
c'est lui qui l'avait.
Alors... Mais les militaires
putschistes voulaient qu'il leur
remette la clé de la trésorerie
avant même de remettre les
rapports, parce qu'ils voulaient
probablement dilapider l'argent
avant même l'arrivée d'Aristide.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais votre mari voulait pas.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Non, non, il voulait pas.
Il voulait pas, donc il était
déterminé; la vie ou la mort, il
ne donnerait pas la clé.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc, il se faisait persécuter.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Il se faisait persécuter,
arrêter, incarcérer. Oui.
Et frappé d'interdiction de départ.
Il a décidé... de quitter le pays.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et à moment donné, vous avez
décidé de venir au Canada.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Absolument.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourquoi le Canada?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Bien, le Canada, ça a toujours
été mon pays favori, c'est sûr.
Partout où je voyageais, aux
États-Unis, en France ou au Canada,
j'avais toujours dit: Si jamais
un jour je décidais de résider
ailleurs qu'en Haïti, ce serait
au Canada. Donc...
Puis, mon mari, aussi, c'est
au Canada qu'il avait trouvé
refuge. Et moi, j'étais aux
États-Unis temporairement avec
mes enfants, pour l'école,
parce que je restais
pas aux États-Unis.
J'y allais, je retournais en Haïti.
Bon, finalement, comme
c'est pas un pays où j'aimais
résider, alors mon mari et
moi on a pris la décision,
au lieu de lui demander d'aller
rejoindre mes enfants et moi aux
États-Unis, on avait décidé de
venir le joindre ici, au Canada.
On présente la Bibliothèque de Référence et on la visite brièvement.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Le lieu que je préfère le plus à
Toronto, c'est la Bibliothèque
de référence. Et c'est une grande
bibliothèque, une belle
bibliothèque, une bibliothèque
très représentative aussi,
où l'on retrouve les ouvrages de
presque tous les siècles, de
toutes les époques et de toutes
les ethnies, si vous voulez,
ou des auteurs de différentes
nationalités et de différents pays.
C'est un lieu de rencontre.
C'est un lieu où l'on rencontre
toutes sortes de générations
et tous types de personnes.
Et c'est un lieu hautement
intellectuel, hein, donc voilà.
On revient à l'entrevue avec MARLÈNE TÉLUSMA RÉMY.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marlène, vous avez étudié et
travaillé en service social.
Vous avez beaucoup étudié
également en ethnologie.
Vous avez étudié les
femmes haïtiennes,
l'influence de la religion sur
le comportement humain. Vous,
est-ce que vous êtes religieuse?
Vous êtes croyante?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Je suis croyante, je suis une
femme évangélique chrétienne,
communément appelé protestant.
Oui, je suis très croyante.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et Haïti, je pense, est
un pays où on accorde une grande
importance à la religion;
"aux" religions, au pluriel.
Pourquoi c'est ainsi?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
À mon avis, à mon avis...
la religion renforce la
résilience chez l'être humain,
en général, notamment chez
les Haïtiens. Comme vous
l'avez mentionné dès
le début, c'est quand même un
pays pauvre et où la plupart...
disons même 80-90%
de la population se bat pour sa survie.
Ces gens-là trouvent vraiment
de la force spirituelle et
psychologique.
La religion, aussi, permet
d'élargir le cadre du réseautage
ou le cadre du réseau social.
Donc, oui, je pense que
c'est l'une des raisons
pour lesquelles la religion a
beaucoup d'importance en Haïti.
GISÈLE QUENNEVILLE
En Haïti, on pratique le vaudou.
Et c'est sûr que, bon, moi
j'ai une idée de ce que
c'est le vaudou à travers des
films et des livres et tout ça,
mais qu'est-ce que c'est au
juste et comment c'est
pratiqué en Haïti?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Le vaudou, avant, n'était
pas une religion. C'était
tout simplement une...
C'était un moyen pour les
esclaves, bien entendu, parce
que c'est à l'époque de
l'esclavage qu'est né le vaudou
en Haïti. Le vaudou existait
déjà un peu partout, surtout
en Afrique. Et ce sont des esclaves
qui se sont réunis, qui se sont
regroupés
et qui ont choisi certains rites
d'une des religions africaines,
bien entendu, pour
renforcer leur cohésion;
leur cohésion sociale,
leur cohésion de groupe,
et aussi pour renforcer
leur capacité psychologique
afin de pouvoir lutter contre
l'esclavage et d'arriver
à une révolution qui les a
amenés aussi à l'indépendance.
Alors, pourquoi je dis qu'au
début ce n'était pas une religion?
Pour parler d'une religion,
cette pratique doit
répondre à des critères.
Donc...
Au début, ces critères-là
n'existaient pas ou n'étaient
pas très structurés ou structurels.
Alors, le vaudou avait toujours
été considéré comme une pratique
culturelle ou comme une culture.
Mais au fil des ans, il y
a eu beaucoup plus de prêtres et
prêtresses vaudou qui ont
étudié, qui ont fait des
études, qui sont devenus
des intellectuels. Alors, ils ont pu
structurer cette religion
et la doter aussi
de règles et de normes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous avez écrit un livre
sur la femme haïtienne et il y a
une partie de ce livre-là où on
parle du rôle des religions dans
l'émancipation de la femme
haïtienne. Et je pense qu'il y a
une religion plus que d'autres
qui a pu émanciper la femme
haïtienne. Quelle religion
et comment ça s'est passé?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Il y en a deux qui ont
contribué à l'émancipation
de la femme haïtienne,
c'est la religion du vaudou
et la religion protestante,
parce qu'à l'intérieur de la
religion protestante il y
a plusieurs dénominations
qui pratiquent avec certaines nuances;
pas de grandes différences,
mais avec certaines nuances.
Alors, dans la religion protestante
et la dénomination pentecôtiste,
c'est une des dénominations qui
favorise ou qui contribue à
l'émancipation féminine en Haïti.
Et puis, il y a aussi le vaudou.
Ça a toujours été ainsi.
Dans mes recherches,
je me suis rendu compte
que la femme "vaudouisante"
ou la femme vaudou, en Haïti,
c'est une femme autonome,
c'est une femme qui est reine
chez elle, c'est une femme qui
est libre de choisir son homme.
Que cet homme devienne son mari
ou le père de ses enfants, donc
elle choisit avec qui
avoir des enfants.
C'est une religion qui facilite
l'émancipation, qui contribue
à l'émancipation féminine en Haïti.
Et la religion protestante,
et en général notamment la
dénomination pentecôtiste,
permet aux femmes de devenir
pasteures et pasteures-chefs
de leur église.
Donc, si leur mari n'est pas
pasteur, ce sont elles qui sont
considérées comme chefs
de l'église et qui dirigent
leur église et leur mari
et tous les hommes sont obligés
de se soumettre à leur autorité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je vous entends parler et
je me dis bon, bien il y a eu du
chemin qui a été fait par
rapport à l'émancipation
de la femme haïtienne. Mais...
j'estime qu'il y a probablement
encore du chemin à faire.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Il y a beaucoup de chemin
à faire. Il existe tellement
encore de tabous autour de
l'égalité féminine, de l'égalité
de la femme face à l'homme, et
ceci, un peu partout dans le monde.
Alors, je peux dire
qu'effectivement c'est quelque
chose qui a commencé assez tôt
en Haïti et qui n'est pas encore
achevé ou qui ne s'achève pas
encore. Mais on a eu quand
même beaucoup d'avancées.
Sauf qu'il y a eu aussi beaucoup
d'obstacles, surtout en politique
avec tous ces changements
de gouvernement,
tous ces coups d'État,
tous ces gouvernements
éphémères ou transitoires.
Donc, il y a des gens qui en ont
profité, bien entendu, pour
faire payer, si vous voulez,
aux plus vulnérables.
Et les plus vulnérables, ce
sont les femmes et les enfants.
Donc Aristide, à l'époque de sa
présidence, avait quand même
établi certaines lois et
certains projets de loi pour
protéger surtout les jeunes
filles qu'on prenait comme
des domestiques, par exemple.
Et quand une famille avait une
jeune fille venue du milieu
rural à titre de domestique,
c'est comme une domestique ou
une bonne à tout faire qui était
abusée physiquement, abusée
psychologiquement et aussi
abusée sexuellement par
les hommes de la maison.
Donc, on a beaucoup de chemin
encore à faire. On a beaucoup de
chemin encore à faire, mais on a
quand même fait pas
mal de gains aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marlène, vous, vous êtes
créolophone, donc vous parlez le
créole. Le créole, c'est
la langue d'Haïti, n'est-ce pas?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui, tout à fait.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est votre langue maternelle?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui, oui. C'est notre
langue maternelle en Haïti.
Le français, c'est notre langue officielle;
langue d'études, langue de
bureau. Mais le créole, c'est la
langue maternelle, c'est la
langue que tous les Haïtiens parlent.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est très différent
du français?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Bien, ça dépend, parce
qu'avant que le créole ne
devienne une langue, c'était un patois.
Alors ça ressemblait
à un français cassé.
Surtout dans l'écrit, bon,
il n'y avait pas une littérature
créole, mais on écrivait quand
même en créole, et surtout
dans les églises protestantes on
traduisait les cantiques écrits
en anglais et en français,
on les traduisait en créole.
Donc, on écrivait quand même le
créole sans une littérature.
Et après plusieurs années
d'essais et de luttes de
certains linguistes
"créolistes" ou cré...
Haïtiens et étrangers, et
notamment des linguistes
français et des linguistes
américains qui souhaitaient
que le créole devienne une des
langues officielles en Haïti,
la langue maternelle parlée
par tous les Haïtiens, il y a
de cela un peu plus de 25 ans,
plus d'un quart de siècle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors aujourd'hui, quelle est
l'importance qu'on accorde
au français et quelle est
l'importance qu'on
accorde au créole?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Au début de cette révolution
créole, si je peux m'exprimer
ainsi, on était tous contents
que ce patois soit transformé ou
"se soit" transformé en une langue.
Mais quand on a constaté la
manière dont, si vous voulez, la
manière pédagogique qu'ont pris
les responsables du ministère
de l'Éducation en Haïti pour
introduire le créole dans
l'éducation haïtienne,
beaucoup d'entre nous en
étaient assez mécontents.
Pour beaucoup, beaucoup
d'écoles, surtout les écoles en
milieu rural et même certaines
écoles à Port-au-Prince, on
enseigne qu'en créole.
Pour moi, ce n'est pas évident
de préparer des citoyens d'un pays...
Ce n'est pas un pays qui ne transige
qu'avec lui-même, donc...
Mais c'est quand même un pays
qui appartient à la communauté
internationale, si vous voulez.
À la mondialisation.
Donc, on prépare des citoyens
qui vont voyager, qui vont
quitter Haïti pour passer
des vacances ou voyager pour
étudier, ou voyager aussi pour--
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc ils ont besoin d'apprendre
autre chose que le créole.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Absolument, absolument! Et
surtout, Haïti c'est un pays qui
a toujours été attaché avec la
France et le Canada, notamment
le Québec. Beaucoup de familles
haïtiennes envoient leurs enfants
étudier au Canada à titre d'étudiants
internationaux, à titre
d'étudiants étrangers.
Donc, c'est tout un casse-tête
quand ces jeunes arrivent
du pays et qu'ils ont étudié
à 95% et même à 98% en créole.
On leur fait perdre aussi un peu
de temps, parce que quand ils
arrivent on est obligé de les...
GISÈLE QUENNEVILLE
De les franciser.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
De les franciser, de les
envoyer à Alpha-Toronto, donc
ils perdent au moins une année.
Donc, voilà.
GISÈLE QUENNEVILLE
De toutes les diasporas, j'ai
l'impression, et c'est peut-être
juste une impression, que
la diaspora haïtienne est
probablement une des plus
fortes, dans le sens que même si
vous êtes plus en Haïti, vous
vous tenez ensemble. Pourquoi
c'est comme ça, diriez-vous?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Bien, c'est peut-être...
C'est une très belle
question sociologique, hein.
C'est dû probablement à la
façon, à la manière dont nous
avons eu notre indépendance.
Probablement.
C'est peut-être aussi dû à
notre passé esclavagiste.
L'étape de la révolution, même
avant l'indépendance, c'est une
étape qui demandait que les
Haïtiens, ces esclaves, soient
vraiment ensemble, soient
vraiment unis de coeur, d'âme et
d'esprit, et aussi de corps,
peut-être séparés de corps parce
qu'ils étaient pas tous sur la
même habitation, pour arriver
à cette indépendance-là.
Et c'est cette cohésion qui les
a amenés vers l'indépendance.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça dure encore aujourd'hui?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Ça dure encore,
ça dure encore, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous souhaiteriez
retourner vivre
en Haïti un jour?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Oui. Je le souhaiterais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et votre vie là-bas
ressemblerait à quoi?
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
Bien, ma vie là-bas
ressemblerait...
Comme je ne sais pas
si je vais vraiment pouvoir
être une "vraie" retraitée...
(En riant)
... parce que je ne me vois pas
être complètement inactive, donc
ma vie là-bas serait une aînée
qui serait encore active
et qui continuerait
à intervenir socialement
et auprès des familles, et
surtout auprès des femmes
et des jeunes filles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Marlène Thélusma
Rémy, merci beaucoup.
MARLÈNE THÉLUSMA RÉMY
C'est à moi de vous remercier.
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