

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.
Video transcript
Viola Léger: Actor
Viola Léger is a teacher, actor, and former senator. For over 45 years, she has played La Sagouine, touring all over Acadian country and elsewhere. After meeting Antonine Maillet as a teacher at Collège Notre-Dame d´Acadie, she started a prolific theatre career at the age of 40. With over 3000 performances as La Sagouine under her belt, she talks about how the character—and herself as an actor—evolved throughout the years.
Réalisateur: Joanne Belluco
Production year: 2016
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Carte de visite
On traverse un bras de mer sur un pont. Puis on circule au Pays de la Sagouine.
VIOLA LÉGER (Narratrice)
La Sagouine, c'est une femme
ordinaire qui a du gros bon sens.
Elle manque de bien des éléments
de la société. Elle n'a pas été
à l'école, mais son jugement
est bien plus fort.
Puis elle n'a rien à perdre.
Alors, elle peut dire
tout ce qu'elle veut.
Moi, je joue la Sagouine depuis
1971. Donc, la Sagouine,
la mienne là, elle a 45 ans.
Plusieurs bas-reliefs et illustrations représentant la Sagouine défilent.
VIOLA LÉGER (Narratrice)
Je suis reconnue comme
Sagouine dans la rue.
On me le rappelle souvent.
La Sagouine pour moi,
c'est rendu que c'est
indispensable dans ma vie.
L'animatrice GISÈLE QUENNEVILLE rencontre VIOLA LÉGER, comédienne, chez elle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Viola Léger, bonjour.
VIOLA LÉGER
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mme Léger, comment la Sagouine
est-elle entrée dans votre vie?
Comment vous avez fait la
connaissance de ce personnage
qui est devenu mythique?
VIOLA LÉGER
Bien, disons d'abord
l'auteure, Antonine Maillet.
On enseignait tous les deux
à Notre-Dame d'Acadie en 1950.
Déjà, on montait des petites pièces
de théâtre ensemble. Alors,
Antonine me connaissait.
Puis parce que moi
j'étais enseignante.
J'étais pas du tout comédienne.
C'est comme ça qu'elle m'a
connue. Quand c'est venu
le temps de La Sagouine,
elle m'a demandé de l'incarner.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce que vous avez
ressenti quand vous avez lu ce
texte pour la première fois?
VIOLA LÉGER
Ce que je me rappelle, ce que
j'ai ressenti, c'est une femme
ordinaire. Ma mère. Euh... Pas
dans la pauvreté. Pas dans tout
ce qu'elle manque, mais le
gros bon sens. Ça, c'est très
acadien. Si t'as rien d'autre,
mais t'as ça. Ça fait que
c'est ça que j'ai découvert
avec La Sagouine.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était en 1971, je pense, que
vous avez présenté
La Sagouine pour la première fois.
C'était ici, au Nouveau-Brunswick.
Comment le public a-t-il réagi?
VIOLA LÉGER
Comme aujourd'hui. Embarqué
totalement, en revenait pas.
Même c'était au lancement
du livre, à l'Université de Moncton,
puis ils ont cru que c'était
la femme de ménage qui arrivait,
tu sais. Ça fait que je pensais
c'est le temps je pars.
J'ai peut-être bien la
face noire et la peau craquée,
mais j'ai les mains
blanches, monsieur.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous aviez quel âge quand
vous avez joué la Sagouine
pour la première fois?
VIOLA LÉGER
J'avais 40 ans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Puis la Sagouine,
elle avait quel âge?
VIOLA LÉGER
La Sagouine a 72 ans. Au fond,
Antonine, elle l'a écrit
en 1971. Elle visait 100 ans.
C'est la Sagouine va vivre
jusqu'à 100 ans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous, au fil des années,
vous avez atteint l'âge de
72 ans. Vous avez même dépassé
l'âge de 72 ans. Qu'est-ce
que vous avez ressenti quand
vous êtes arrivée à l'âge
de la Sagouine, à 72 ans?
VIOLA LÉGER
Je pensais: Tiens, je suis là.
Je suis rendue, je suis avec toi
là. Je suis avec la Sagouine.
Parce que ça devient vraiment
une partie de moi maintenant.
Puis, je me parle.
GISÈLE QUENNEVILLE
La Sagouine a commencé ici au
Nouveau-Brunswick, mais je pense
c'est une année plus tard,
même pas, où vous êtes allés
à Montréal la présenter
au Rideau vert. J'imagine
c'était quelque chose
qu'on n'avait jamais vu
au Québec, à Montréal
à cette époque-là.
VIOLA LÉGER
Non, c'est sûr.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle a été la réaction du public?
VIOLA LÉGER
Ça a été... Pff! Dès le
commencement en partant.
Puis à Montréal...
il y avait les mots individuels
qui pouvaient manquer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donnez-moi des exemples de
mots qu'on comprenait pas.
VIOLA LÉGER
Bien, "pigueroin" par exemple.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça veut dire quoi ça?
VIOLA LÉGER
C'est les reins. C'est ça.
Puis là, quand je frotte là là.
D'autres exemples que les
Québécois, dans le temps,
ne... Il y a tout le rythme
et l'accent aussi qui était nouveau.
Les trophées et prix récoltés par « La Sagouine » et par VIOLA LÉGER défilent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez fait un grand succès
à Montréal. Puis vous êtes
allée en France aussi.
Si les Québécois avaient du mal
à vous comprendre, est-ce que
les Français arrivaient
à vous comprendre?
VIOLA LÉGER
Absolument. Moins de
difficultés que les Québécois
parce que, en France, c'est le
vieux français que la Sagouine
parle. Ils avaient entendu
ça de leur grand-père,
leur grand-mère. Il y a
pas eu de difficulté.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez également joué
la Sagouine en anglais. Est-ce
que la Sagouine parle anglais?
VIOLA LÉGER
Oui. Elle vient de Bouctouche.
Alors, par icitte, on parle
tous anglais. Moi, j'ai pas eu
de difficultés avec
cette transition-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Au fil des ans, Viola Léger
est devenue synonyme
de la Sagouine. Difficile
d'interchanger les deux
personnes. Pour vous, en tant
que comédienne par contre,
est-ce que ça vous a créé
des ennuis dans votre carrière?
VIOLA LÉGER
Je m'imagine qu'il y a des
rôles j'ai pas pu embarquer
à cause de ça. Par contre, on a
fait Grace et Gloria qui a
été un gros succès avec Linda
Sorgini. Puis il y a eu aussi
Bouscotte. La série Bouscotte.
La série Bouscotte. On est
venu me chercher. Il faut
que le réalisateur ose risquer,
tu sais. Puis ça a très bien
passé.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça vous faisait plaisir
de sortir de ce rôle-là...
VIOLA LÉGER
Oui, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
... pour jouer un rôle, dans
ce cas-là, plus contemporain?
VIOLA LÉGER
Absolument. Je veux dire
dans le sens, comme comédienne,
il y a rien que je demande plus.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez dit que vous êtes
montée sur scène plus de 3000
fois pour jouer La Sagouine.
Après toutes ces années,
est-ce que vous avez un rituel
avant de monter sur scène?
VIOLA LÉGER
Ah bien, certain. Puis le
rituel est sacré. D'ailleurs, je
vais toujours au théâtre trois
heures avant. C'est ça, trois heures.
La première heure, c'est
me rendre. Me rendre là. En
arrivant au théâtre, bon bien,
je vais saluer le concierge, la
femme de ménage. Je salue tout
le monde. Ça, c'est la première
heure. La deuxième heure,
souvent, je vais faire
des exercices physiques
pour avoir du souffle,
que ce soit tout ça correct. Et
la troisième heure est sacrée.
Là, c'est le costume, le
maquillage. Et là, je deviens
le personnage là. La pièce ne
commence pas lorsque les rideaux
se lèvent, elle commence une
heure avant. Elle est commencée
depuis bien longtemps. Alors,
oui, j'ai un rituel très sévère.
GISÈLE QUENNEVILLE
Après toutes ces années,
est-ce que vous avez encore
le trac quand vous
montez sur scène?
VIOLA LÉGER
Mon dieu, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vraiment?
VIOLA LÉGER
Bien sûr. Puis mon trac
se place dans... Il faut
que je joue ça comme
si c'est la première fois.
Et je suis venue à découvrir
et à travailler que c'est pas
comme si c'est la première fois:
"c'est" la première fois.
Cet instant-là, c'est là
où est mon trac.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez dépassé maintenant
l'âge de la Sagouine. Est-ce que
le spectacle a changé avec vous
en vieillissant? Est-ce que
vous faites les mêmes choses
sur scène que vous faisiez
il y a 45 ans?
VIOLA LÉGER
Oui. Mais j'ai l'avantage,
avec le personnage de
la Sagouine, si... Comment
je dirais ça? Si je tremble
ou quelque chose, bien,
tant mieux. Ça y va. Ça fait
qu'il y a bien des affaires
que je fais peut-être... Je dois
vivre avec, comme Viola Léger.
Ça dérange pas la Sagouine,
ça aide. Moi, ça me dérange
dans la vraie vie.
On présente un extrait de « La Sagouine ».
LA SAGOUINE
Il y en a qui avons peur de la
mort. Moi, point. Un petit brin
de douleur que je me figure
pis c'est fini. J'ai assez
souffri dans ma vie pour en
endurer encore. C'est pas
la mort qui m'inquiète,
c'est ce qui vient après.
C'est-tu ben vrai tout ce
qu'ils racontons dans le gros
catéchisme en images?
Purgatoire, les limbes,
l'enfer. Hou...
ANTONINE MAILLET écrivaine et auteure de « La Sagouine » entre autres, témoigne.
ANTONINE MAILLET
Antonine Maillet, écrivaine
et auteure de La Sagouine.
Quand j'ai écrit La Sagouine,
personne n'allait jouer
La Sagouine, je n'écrivais
pas une pièce de théâtre.
J'écrivais un texte pour la radio.
Une bonne fois,
je me suis dit: Je vais écrire
quelque chose que je sens
vraiment. Que je suis la seule
à pouvoir dire. Et c'est
La Sagouine qui est sortie.
Et j'ai écrit un texte
de 15 minutes. C'était ça qui
était demandé pour la radio. Et
dans le texte, j'ai raconté la
vie de cette femme, la Sagouine,
mais dit par elle. C'est elle
qui parle, la Sagouine, qui
se présente. Alors, forcément,
c'était la langue d'une sagouine.
C'était pas ma langue,
c'était pas la langue d'un
écrivain. C'était un écrivain
qui fait parler dans sa
langue une personne.
C'est le destin qui a choisi
Viola Léger pour jouer la
Sagouine. C'est une amie à moi.
Puis elle, elle était en théâtre
aussi. Mais en théâtre en Acadie
amateur. Nous nous amusions
entre nous, j'écrivais des pièces,
elle les jouait avec
nos élèves parce que nous
enseignions dans le même
collège. À ce moment-là,
elle était à Paris.
Je lui ai envoyé le texte pour
lui dire: que penses-tu? Pas
du tout pour lui demander de le
jouer, parce que je savais pas
ça allait être joué. Et elle me
répond. C'était: "Hourra! Bravo"
Youppi! Viva el papa!
Attends-moi, j'arrive." Mais
essentiellement, c'est ça
qu'il s'est passé. Est-ce que je
pouvais imaginer que Viola Léger
allait incarner ce rôle-là
pendant plus de 40 ans
et le jouer au-delà de 3000 fois?
Oui et non. Comme je dis,
ça passe ou ça casse.
Je suis très Acadienne
là-dessus. On fait confiance
au destin. Au début, non, je
pouvais pas imaginer à ce
point-là. Mais quand c'est parti
et qu'elle est allée en France
et qu'elle est allée en Belgique,
en Suisse, en Allemagne,
même aux États-Unis,
traverser le Canada, le jouer
dans les deux langues, parce que
ça a été traduit, là, j'ai
compris qu'il n'y avait pas
de fin à ça. Elle me surprend
toujours. Elle va de plus creux
en plus creux. Elle découvre
des couleurs de La Sagouine
qui sont incluses
dans le texte, mais que j'avais
pas vues comme elle le voit.
Maintenant, est-ce qu'un autre
pourrait le faire? Ça, c'est
le grande question. Je sais,
par exemple, qu'en France, il y
a plusieurs grandes comédiennes,
comme Michèle Morgan, comme
Madeleine Robinson qui m'ont
dit: "Eh qu'on aimerait faire ce
rôle-là. Mais on n'oserait pas."
Après avoir vu Viola Léger,
ils n'oseraient pas. Je pense
qu'elle est rentrée dans
l'imaginaire populaire.
La Sagouine, ça appartient à
elle-même. Mais je veux rendre
l'hommage à Viola Léger qu'elle
lui a fait atteindre un sommet.
L'entrevue se poursuit avec VIOLA LÉGER, chez elle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mme Léger, vous avez dit tout
à l'heure que quand on vous a
demandé de jouer la Sagouine,
vous n'étiez pas vraiment
une comédienne professionnelle
à cette époque-là. Qu'est-ce
que vous faisiez au juste?
VIOLA LÉGER
Moi, j'étais enseignante.
Puis c'était ma profession,
enseigner. Et j'aimais beaucoup
ça. J'avais enseigné avant
La Sagouine, passé 20 ans.
Puis quand j'étais enseignante,
je croyais beaucoup
au parascolaire.
Alors, je montais des pièces
de théâtre avec les élèves.
Et c'est là où j'ai appris
le métier, en enseignant
aux autres comment le faire.
Ça fait que j'étais enseignante,
moi, de profession.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez commencé votre
carrière de comédienne un
peu tard dans la vie, hein?
VIOLA LÉGER
Oui, oui. Mon Dieu, oui.
Je l'ai pas choisie. Elle
est passée, ça a été un bel
accident, la partie comédienne.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous enseigniez à
Notre-Dame d'Acadie. Ça,
c'est chez les religieuses?
VIOLA LÉGER
Oui. J'étais religieuse dans
ce temps-là. Oui, j'ai été
religieuse longtemps, beaucoup
aimé ça. C'est compris,
ça m'a... Ils m'ont tout
donné, enrichie.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous êtes née sous
une étoile américaine.
VIOLA LÉGER
Ha, ha! J'ai commencé
là. Je suis née aux États.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment ça, vous
êtes née aux États?
VIOLA LÉGER
C'est qu'en 1910, grand-père
Léger est déménagé aux États
pour travailler dans les shops.
Aujourd'hui, on va dans l'Ouest
souvent, on va où il y a du
travail. Il faut travailler.
C'est comme ça qu'on a abouti
aux États. C'était à Fitchburg,
Massachusetts.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez toujours parlé
en français aux États-Unis.
VIOLA LÉGER
Oh mon Dieu, non. L'air est en
anglaise, l'école est anglaise,
la radio est anglaise. Tout est
anglais. Mais à la maison, il
fallait parler français à papa
et maman. Ils nous disputaient
pas, nous blâmaient pas,
ils nous ignoraient. Ça fait que
si on voulait une réponse,
il fallait parler en français.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quel moment est-ce que vous
êtes revenue en Acadie?
VIOLA LÉGER
Je suis revenue ou
je suis venue en Acadie--
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui, "venue", parce que
c'était la première fois
que vous veniez...
VIOLA LÉGER
Même moi-même, je me trompe
parfois puis je dis "je suis
revenue". à 18 ans. Puis là,
c'était compris que je voulais
une communauté française.
Je sais pas, j'ai été attirée
par cette fameuse racine-là,
la racine qu'on est. On est
des Acadiens puis de par ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que les gens savent
que la Sagouine, c'est
vraiment une Américaine?
VIOLA LÉGER
Oui. Les gens savent que
là, il y a eu tellement de
programmes comme le vôtre
où on va me faire parler
qu'ils savent que je suis
née aux États.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais est-ce que vous
vous sentez Américaine?
VIOLA LÉGER
Non, pas du tout. Je veux
dire, mon passeport est
canadien, puis non, non. On me
taquinait beaucoup au début:
"L'Américaine..." Maintenant,
non, je n'ai plus d'attache.
Ma parenté est là. Bien oui.
Le passeport est bien important.
Parce que s'il y a des
mortalités, il faut que je passe
aux États assez souvent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous vous sentiez
acadienne quand vous
avez joué la Sagouine?
VIOLA LÉGER
Je pensais pas à ça. J'étais
la Sagouine. L'important,
c'était de jouer la Sagouine,
pas ce qu'elle représente. Ça,
d'ailleurs, c'est comme je dis
toujours. Moi, comme comédienne,
quand je joue la Sagouine, je sème.
Moi, je sème. C'est vous autres,
le public, qui a les fruits.
On présente un second extrait de « La Sagouine ».
LA SAGOUINE
Quand c'est que la mer change
de couleur? Vers le soir pis
que les goélands se mettent à
crier aux côtes, cher. Je m'en
vas des fois prendre une marche
su'l pont pis je checke. Je
checke voir s'ils ressouderaient
pas un steamer qui serait
perdu durant la guerre,
la dernière. Avec tous
ces hommes à bord.
Pis... Je me souviens de
la chanson qu'il chantait.
Assis sur le dos, prêt,
tout seul, loin des autres.
Il avait les cheveux jaunes.
Pis des grands yeux chagrinés,
celui-là. Ben, si la guerre
l'avait pas emporté, pis s'il m'avait
demandé de partir avec lui
au loin, à l'étrange...
Loin de Gaby pis de mes enfants.
Il m'a pas demandé pis je
suis restée icitte.
L'entretien entre GISÈLE QUENNEVILLE et VIOLA LÉGER se poursuit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mme Léger, on vous connaît
surtout comme la Sagouine. Mais
bon, vous avez fait autre chose.
Et parmi les choses que vous
avez faites, vous avez fondé
votre propre compagnie de
théâtre, vous avez créé une
fondation pour venir en aide aux
artistes acadiens. Pourquoi
poser ces gestes-là?
VIOLA LÉGER
Disons.... Ce que je tiens
surtout, c'est la fondation
Viola Léger où on peut
donner des bourses là
maintenant. Alors, c'est comme
ça que ça a commencé. La
compagnie Viola Léger, dans
le temps, le théâtre, c'était
surtout les anglophones. Puis je
trouvais qu'il y avait une place
pour ça, pour faire jouer notre
monde. Et c'est comme ça que
j'ai fondé la compagnie Viola
Léger. Qui a maintenant
ses assises à Caraquet.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous trouvez que la
scène artistique acadienne a
beaucoup changé en 40 ans?
Pendant l'entrevue, des images du théâtre l'Escaouette défilent.
VIOLA LÉGER
Le milieu artistique ici,
c'est merveilleux aujourd'hui.
C'est sûr que ce qui a provoqué
ça, c'est sûrement le Pays de la
Sagouine. Il y a le théâtre de
l'Escaouette qui fait énormément
d'aide. Marcia Babineau qui est
à la tête de ce théâtre-là,
puis qui est en même temps
enseignante. Le département de
théâtre à Moncton fait beaucoup,
forme nos élèves. Alors oui,
aujourd'hui, moi, je trouve
qu'il y a énormément qui se fait
chez les artistes. Ce que
ça produit, tout le travail à la
radio, à la télévision, sur la
scène, le Pays de la Sagouine.
Alors, ce qu'on fait, c'est
valable, c'est compris.
GISÈLE QUENNEVILLE
En 2001, je pense que c'était
en 2001, le premier ministre de
l'époque, Jean Chrétien, vous
a nommée au Sénat. Vous avez été
sénatrice pendant quatre ans à
Ottawa. Comment vous avez
trouvé votre expérience?
VIOLA LÉGER
Mon expérience au Sénat,
moi j'ai beaucoup aimé ça.
On rencontre des personnes
extraordinaires. Le but est de
représenter les minorités. Moi,
je représentais les artistes.
Alors... Puis les autochtones.
Donc, la chambre haute, comme on
l'appelle, existe pour les
minorités. Alors, moi, je trouve
que c'est indispensable. La
seule chose qui est dommage pour
moi, c'est qu'il faut partir
à 75 ans. Et j'avais fait quatre
ans que j'ai beaucoup aimés.
GISÈLE QUENNEVILLE
En tant qu'artiste, sénatrice,
artiste, qu'est-ce que vous avez
apporté au débat au Sénat?
VIOLA LÉGER
Disons... Juste la présence
que je sois là, ça donnait
un coup de pouce aux artistes.
J'espère, en tout cas.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est un rôle exigeant que
vous jouez, que vous jouez
encore aujourd'hui au Pays de la
Sagouine. Vous serez là au mois
de juin, vous allez monter sur
scène. Est-ce que vous avez
encore l'énergie pour
être la Sagouine?
VIOLA LÉGER
Bien, ça a l'air à ça, parce
qu'on m'engage encore. Quand
je déparlerai, j'ai l'impression
qu'ils passeront... On a eu des
années, il y a eu l'expérience
des apprentis Sagouine. Puis là,
Antonine Maillet dit: "Non,
ça, c'est une erreur qu'on a
faite. C'est toi a Sagouine,
puis quand ce sera terminé,
parce que tu veux pas ou que
tu peux pas, on verra dans ce
temps-là à trouver une autre."
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais est-ce que ça se
pourra une autre Sagouine?
VIOLA LÉGER
Je crois que oui, moi. Il faut
que ce soit une avec énormément
de talent. Maintenant, la
limitation à aller à travers
tout le pays pour avoir des
auditions, il faut quand même
parler l'acadien. Ça fait qu'il
que ce soit une Acadienne de par
icitte, tu sais, là. Ça, c'est
sûr. On peut pas passer à côté
de ça. Ça prend pas... Comme
même moi, quand j'ai joué
d'autres rôles, j'ai jamais
essayé de parler québécois. Tu
fais pas ça, on est trop
proche. Puis la même chose, les
Québécois qui ont essayé
de parler acadien, ça a vraiment
pas trop réussi. Pas trop.
En tout cas.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous pouvez
imaginer votre vie
sans la Sagouine?
VIOLA LÉGER
Ah, je m'imagine que j'ai
du gros bon sens, c'est que
si la Sagouine était pas là,
que oui... Oui, oui, j'ai mes
frères, mes soeurs, ma famille.
Non, non... Non, je pourrais
vivre quand même. C'est sûr.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Mme Léger, merci
beaucoup pour cet entretien.
VIOLA LÉGER
Ça m'a fait plaisir.
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