Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Noam Gagnon - Dancer and Choreographer
53-year-old Noam Gagnon has never been in better shape. No physical challenge is too great for the choreographer and dancer, although he does admit it takes him a bit longer to recover now than it did 30 years ago. A Quebec native, Gagnon chose to settle in Vancouver, where, in 1993, he partnered with Dana Gingras to found Holy Body Tattoo, a dance company named after the indelible marks carved onto the body by human experiences. The troupe enjoyed quite a bit of success, peaking with Monumental, which was staged for the first time in 2005. Today, Gagnon is at the helm of Vision Impure, and he often performs solo in pieces that explore the subtleties of human relationships.
Réalisateur: Joanne Belluco
Production year: 2016
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Titre :
Carte de visite
NOAM GAGNON , danseur et chorégraphe, est sur une scène, il danse seul.
NOAM GAGNON (Narrateur)
Mon nom, c'est Noam Gagnon.
Je suis danseur et chorégraphe.
Je viens de Montréal
et maintenant,
j'habite à Vancouver.
C'est une danse qui est crue,
qui est directe, qui est
musicale. C'est percutant. Ça
provoque. Il y a quelque chose
de très émotionnel. C'est une
manière de prendre position
face à... à un point de vue qui
est personnel et qui parle de...
... de notre quotidien, des gens
qui nous entourent, qui parle
aussi des forces qui nous
dirigent dans la vie, qui nous
aident à faire des choix.
Il y a une cotation que
j'aime beaucoup de St-Exupéry
qui dit: "Les choses importantes
sont invisibles à l'oeil nu."
GISÈLE QUENNEVILLE s'entretient avec NOAM GAGNON sur la scène d'une salle de spectacles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Noam, quand je pense
à Noam Gagnon, le danseur,
je pense danse contemporaine,
très contemporaine même.
Toi, comment tu décris
ce que tu fais?
NOAM GAGNON
C'est une danse qui...
Qui est très dynamisée, qui est
très percutante, qui demande
beaucoup, qui est exigeante.
Ce sont des danses qui sont
émotionnelles. Il y a
une complexité au niveau
de la thématique. Ce sont
des personnages qui veulent,
mais qui sont retenus.
C'est une danse qui est
très stylisée, qui est
très spécifique dans son état et
qui crée la transformation chez
le caractère et le personnage.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand tu crées, justement,
est-ce que tu racontes une
histoire, tes états d'âme? C'est
quoi ton processus de création?
NOAM GAGNON
Moi, je n'essaie pas de
faire des pièces qui sont
très linéaires au niveau
de la chorégraphie.
Il y a une thématique.
Je vais chercher... Puis
en général, maintenant, ce que
j'essaie de faire, soit pour moi
ou pour des commandites,
je regarde l'individu. Je leur
demande, exemple, il y a un
dernier chorégraphe qui est venu
me demander de faire un solo
pour lui. J'essaie de leur
demander, premièrement
de dire: pourquoi moi?
Qu'est-ce qui vous attire?
C'est quoi les comparaisons?
Qu'est-ce que vous voulez?
Qu'est-ce que vous attendez?
En général, je les connais déjà,
les chorégraphes, ou les
danseurs, ou les compagnies
qui m'invitent. Puis, après,
j'essaie de tailler comme
une sorte de tailleur, une sorte
de... De tailler la chorégraphie
sur l'individu qui forme
une sorte de symbiose
au niveau de leur essence et
de mon essence chorégraphique.
Puis après, je pose des
questions qui leur demandent,
face à la thématique, vers quoi
ils voudraient que moi,
je crée pour eux.
GISÈLE QUENNEVILLE
On parle de quel
genre de thématique?
NOAM GAGNON
Une thématique... Comme la
dernière fois, ce qui est
intéressant, c'est qu'il y avait
un danseur qui est reconnu,
d'après nous, au niveau de la
danse contemporaine, qui fait
de la danse plus classique.
Pourtant, lui, il se perçoit
comme danse contemporaine
et qu'il a une alignée vers
la danse plus classique. Donc,
je me disais... Puis, quand
on pense à lui, c'est comme
Tom Cruise. On se dit: C'est
du Tom Cruise. On dit: C'est
du Joshua Beamish. Comment
on peut essayer d'aller effacer
l'image qu'on a d'un individu
ou d'un artiste?
Le révéler d'une manière
différente. La première chose
que je me suis dit: Il faut que
je l'amène dans mon monde, mais
sans le changer. Avant, dans
mon processus créatif, j'aurais
beaucoup fait: tu fais ce que
je fais et on coupe jusqu'à tant
que tu fasses... Maintenant,
j'essaie de vraiment...
Pour me permettre de grandir
et pour me permettre de ne pas
me répéter, et d'aller chercher
les forces des autres qui
m'aident à aimer, à m'épanouir
aussi en tant que chorégraphe.
Mais aussi d'aller chercher leur
essence. Je leur demande de...
En leur posant des questions,
je crée un langage qui
part à partir d'eux.
GISÈLE QUENNEVILLE
As-tu des messages
dans tes chorégraphies?
NOAM GAGNON
Des messages... En général,
ça parle de transformation.
Je trouve que le corps,
premièrement, est politique.
Qu'on le veuille ou pas.
Il y a une politique, il y a une
politisation, si c'est un mot,
au niveau du corps,
de la manière qu'on s'introduit,
comment on se présente.
Au niveau de la proximité,
des choix qu'on fait. Mais aussi
au niveau social, c'est la même
chose. On a tous un visage.
Quand c'est des pièces de
groupe, vraiment, j'essaie
d'aller chercher un... un peu de
nos interrelations au niveau
de ce qu'on essaie de dire et ce
qu'on se perçoit au niveau
social. Donc, ça parle d'un
climat qui parle d'interactions
qui nous forcent à changer
en général. Et quand
c'est au niveau personnel,
j'essaie d'aller chercher
la relation de l'individu face
à lui-même... Et face à ses
désirs et ses contraintes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand tu crées, qu'est-ce
qui arrive d'abord? Ce sont les
mouvements? C'est la musique?
J'hésite même à dire musique.
Peut-être plus
environnement sonore.
Qu'est-ce qui vient d'abord
et à quel moment est-ce
qu'on met les deux?
NOAM GAGNON
Ce qui est... Avant, j'étais
très préparé. Je fais beaucoup
de recherche quand même au
niveau de la thématique. Mais
maintenant, j'essaie d'aller
chercher plus... Je m'arme
ou je m'habille avec grande
intensité au niveau de mon
intuition. J'essaie de rentrer
dans l'espace avec le danseur
ou le chorégraphe-danseur
et j'essaie d'écouter
le plus possible.
Et j'essaie de garder prise. La
dernière pièce que j'ai faite,
justement c'était, ça s'appelait
« Fighting chance. » Je me suis
dit: « Fighting chance, la
définition, ça veut dire que si
tu mets beaucoup d'efforts, il
y a une possibilité de succès ».
Puis, en général, c'est aussi
spécifique, mais aussi général.
Donc, ça m'aide à prendre
un point de vue et mettre
l'individu ou les danseurs
dans une situation où on peut
élaborer et commencer
à parler de... Mais avant
tout, c'est beaucoup, beaucoup
d'instinct. Après, je pose
des questions et je leur
demande d'aller chercher dans
différentes sections des mots.
J'ai besoin de mots pour essayer
de créer une sorte de relation.
Puis à partir des mots,
moi, je crée un langage
chorégraphique.
Avec le langage chorégraphique,
du moment qu'ils me donnent des
mouvements, après ça, j'essaie
de les mettre en phrases,
pour essayer d'aller chercher
des verbes d'action,
puis, qui créent des phrases. Et
après, les phrases, je commence
à les mettre en contexte,
pour essayer de créer une sorte
de langage chorégraphique comme
si on créait un texte. Je fais
vraiment une écriture, pour moi.
Puis, c'est très visuel,
mais maintenant, ça devient
de plus en plus très viscéral.
Parce que moi, je vois
le langage chorégraphique
comme une pellicule de film.
Tu regardes tous les mouvements.
Si tu la brises, la pellicule,
tu vois. Ça devient des phrases,
ça devient des actions,
ça devient des forces.
Puis, j'essaie de créer
des thématiques au niveau d'un
mouvement et après, je dis: si
tu pouvais amener le mouvement
par ici, ramène le deuxième mot,
troisième mot, et après ça,
on commence à trouver des...
pas juste des mots, un langage,
mais des phrases.
Après ça, je m'amuse.
Un extrait de la pièce « Fighting Chance » interprété par Joshua Beamish est présenté.
NOAM GAGNON
(S'adressant au danseur)
Essaie de trouver les tensions
dynamiques entre... ce qui te
ramène, les transitions entre
le processus qui fait que
ça devient de plus en plus gros
et de plus en plus petit.
Le danseur reprend l'enchaînement.
NOAM GAGNON
OK, assez intéressant. Merci.
On retourne à l'entrevue avec NOAM GAGNON.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ta première compagnie de danse
s'appelait, je pense,
The Holy Body Tattoo.
NOAM GAGNON
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Euh... Ça veut dire quoi, ça?
NOAM GAGNON
Bien, Holy Body Tattoo, ça
voulait dire, ça veut encore
dire, c'est que certaines
expériences marquent le corps
et l'esprit et... Le tout d'une
manière plus forte que d'autres.
Il y a certaines expériences...
Donc, ça devient des expériences
qui deviennent comme des
tattoos, ça devient indélébile.
Puis, ça demande, ça devient
comme sacré parce que
finalement, ça marque. Donc,
nous en tant que chorégraphes,
on voulait parler de choses que
souvent, on évite, des choses
dont souvent, on ne veut pas
parler ou qu'on ne veut pas
voir. Puis, ça devient sacré
parce qu'on voulait mettre
en position des personnages
qui sont obligés de prendre
position à face. Qu'est-ce
que tu fais avec ces forces?
GISÈLE QUENNEVILLE
The Holy Body Tattoo,
ça a duré une bonne quinzaine
d'années. Et depuis un
certain temps, maintenant,
tu diriges Vision impure.
NOAM GAGNON
Une nouvelle compagnie.
GISÈLE QUENNEVILLE
Une philosophie semblable?
NOAM GAGNON
C'est peut-être un peu
semblable. Ça parle toujours
de... de dynamiques
interpersonnelles. Comme
on parlait tantôt, il y a
des choses qui te marquent.
Je parlais de St-Exupéry,
des cotations,de ce qui est
important, c'est invisible
à l'oeil nu. Donc, la beauté
de Vision impure, ça parle
de ces moments où on s'oublie,
où on est poussé
à un maximum, où on...
On laisse, on oublie notre
masque. Mais d'aller chercher
quelque chose qui explore plus
au niveau de... cette beauté.
Cette beauté qui nous hante
et qui nous tourmente,
mais aussi qui,
souvent, nous anime.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ce sont souvent des
one man show que tu fais.
NOAM GAGNON
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Tu préfères être seul
ou avec d'autres?
NOAM GAGNON
Bien, au début, après
Holy Body Tattoo, il fallait que
j'aille rechercher: qui suis-je
après 20 ans de collaboration?
Donc, je me suis dit: Il fallait
que je retourne à mes sources,
que je recrée un langage
chorégraphique. Il fallait
que je me retrouve. Donc, la
meilleure chose à faire, c'était
de retourner dans mon corps,
dans mes émotions, dans mes
forces personnelles et de
prendre un temps à aller
chercher qui suis-je
sans l'autre.
Maintenant, je trouve que
vraiment, je me sens de plus
en plus en confiance et en
connaissance avec qui je suis en
tant qu'artiste personnel avec
ma compagnie. Mais maintenant,
c'est juste d'aller chercher...
les supports artistiques
et financiers pour me permettre
d'aller chercher...
des pièces de groupe.
GISÈLE QUENNEVILLE
Noam, un de tes spectacles
qui a connu quand même pas mal
de succès s'appelle
« Monumental », signé
Noam Gagnon et Dana Gingras.
C'était créé et présenté pour la
première fois en 2006, je crois.
Une commande du
Centre national des Arts.
Quelle était
la commande au juste
pour « Monumental »?
NOAM GAGNON
C'était un projet qui était
pour les jeunes, pour les
intégrer, les informer, leur
donner de l'information pour les
stimuler à comprendre qu'est-ce
que la danse contemporaine peut
donner et... les informer
au niveau de l'art en général.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça a connu quand même
un certain succès, hein?
NOAM GAGNON
Ça a été au Centre national
des Arts, ça a été à Montréal,
à Québec et aussi à Los Angeles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le spectacle a été ressuscité
justement cette année.
NOAM GAGNON
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Dix ans plus tard. Pourquoi
faire ressusciter ce spectacle?
NOAM GAGNON
Comme je le disais tout
à l'heure, pour une compagnie
comme Holy Body Tattoo, à
l'époque, malgré le grand succès
international qu'on a connu,
on était quand même
une petite compagnie.
Donc, au niveau de l'opération
pour être capable d'opérer une
pièce de « Monumental »,
ça a pris presque trois ans pour aller
chercher les fonds. Trois ans
pour être capable d'étirer
les fonds, pour être capable
de créer une pièce de cette
grandeur. Puis, c'est une pièce
qu'on avait commencée
en 1992 ou 1994, je pense.
On avait fait une pièce qui
s'appelait « White Riot »,
Dana et moi, et on n'avait
vraiment pas de budget.
On avait écrit
toutes les partitions pour
les neuf danseurs sur...
On avait fait nos propres
piédestaux, nos blocs. Puis, on
avait toute la gestuelle. On a
créé un 20 minutes. On a dit:
"On a comme 20 heures de
répétition avec les danseurs."
On a dit: "Ça, c'est votre
partition, partition,
partition." Les mots... On
a créé l'alphabet. On a dit:
"Ça, c'est Gretchen, ça, c'est
ta ta ti, ta ta ta." Puis...
après ça, on a répété et on l'a
présenté juste une fois,
« White Riot » pour
« Dancing on the Edge ».
Ça avait gagné un petit prix et
tout. Mais c'est une pièce qu'on
voulait faire dès le départ,
mais on avait... C'était
impossible. Donc, ça a pris
presque 15 ans avant que
la compagnie puisse
ressusciter le début
de cette pièce, qui est
devenue « Monumental ».
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que le spectacle
de 2016 ressemble au
spectacle de 2006?
NOAM GAGNON
Oui. Il y a pas beaucoup qui
a changé. On a fignolé un peu
certaines sections, au niveau
des tempos, de la musicalité.
Mais ce qui est fort au niveau
de la pièce, c'est que les
textes de Jenny Holzer, la
musique maintenant, ce qui est
incroyable et ce qui a changé
beaucoup, c'est que tu as
une trame sonore qui est
complètement créée spécialement
par Godspeed You! Black Emperor
pour la compagnie et pour
la danse, pour la pièce
du début jusqu'à la fin.
Et comme ils sont live,
je veux dire: c'est incroyable.
C'est peut-être là où la différence
de la pièce est la plus...
la plus forte.
GISÈLE QUENNEVILLE
Dans la danse classique, les
morceaux, les danses reviennent,
hein? C'est un répertoire,
ça revient. Là, vous avez
ressuscité un morceau d'il y a
dix ans aujourd'hui. En danse
contemporaine, est-ce que
c'est souhaitable de faire ça?
De faire revivre, de créer
un répertoire de danse
contemporaine qu'on rejoue
un peu comme les classiques.
NOAM GAGNON
Je trouve que c'est important.
Même si certaines choses...
Les pièces comme
« Monumental »,
je trouve que ce qui était
incroyable, au niveau de
la force de la pièce, c'est que
ça ait commencé en 1994, à 2006,
à 2016. Il y a une force
sociale qu'on comprend qui,
à la base et à l'essence, parle
du monde dans lequel on vit.
Puis la force en ce moment
de cette pièce qui est encore
beaucoup plus remarquable,
c'est qu'on se rend compte que
ce qui a été créé il y a dix ans
est encore beaucoup plus présent
aujourd'hui. Puis, on se rend
compte que les niveaux, le
climat politique, économique,
ce vers quoi la planète tend et
va, que le monde change, qu'on
a un impact qu'on ne peut plus
renier. Cette pièce-là, ça parle
des gestes quotidiens qui sont
mis, qui s'accumulent
et qui deviennent
des forces personnelles,
sociales et globales.
On présente un extrait de la pièce : « Monumental »
On présente ensuite, un extrait en solo de la pièce : « This crazy show »
GISÈLE QUENNEVILLE poursuit son entretien avec NOAM GAGNON.
GISÈLE QUENNEVILLE
Noam, comment t'as commencé
à faire de la danse?
Pourquoi t'as commencé
à faire de la danse? à quel
âge as-tu commencé à
faire de la danse?
NOAM GAGNON
Bien, vraiment, c'est arrivé
par hasard. Je faisais un DEC
au Cégep de Saint-Jérôme.
Puis, une danseuse me dit:
"Je peux faire un solo pour toi?
C'est juste trois minutes dans
une pièce." On prenait des cours
de yoga ensemble. J'ai dit oui.
Car je faisais du théâtre
et j'étais très physique.
J'étais très actif. Donc,
je dis: "C'est correct." J'entre
sur la scène, elle me fait
un solo. C'était sur
Diane Dufresne.
C'était comme mon
idole à l'époque. J'étais
sur la scène et pouf!
Le monde a disparu.
Et pendant trois minutes, il y a
quelque chose qui s'est passé
qui en théâtre ne se passait
pas, en arts visuels,
ça ne se passait pas.
Je ne pouvais pas m'oublier.
Je sors de la scène et elle dit:
"Mais merde! T'es une bête de
la scène!" Et je lui dis: "Mais
qu'est-ce que ça veut dire?"
Elle dit: "T'es une bête de la
scène." Et avec le temps, elle
m'a dit: "T'étais incroyable."
Puis, tout ce que je pouvais me
dire, ce que j'ai compris, c'est
que pour moi, le monde avait
disparu. Je ne me sentais
plus comme la personne que je
reconnaissais et j'étais capable
d'aller et tendre vers
ce que je voulais être.
Après, ce qui est arrivé, je
lisais le journal La Presse
et tout. Il y avait un artiste
de danse contemporaine de...
Je pense que c'était de l'Espagne
qui écrivait. C'était un
chorégraphe qui parlait. C'était
un soliste, je ne me souviens
plus c'est qui. Il parlait de
son processus et il parlait que
la seule chose qui l'empêchait,
et qu'il aimait beaucoup au
niveau de... Créer ses propres
pièces chorégraphiques, au
niveau du solo, c'était lui.
C'est de faire face à lui.
Puis, je me suis dit: Ce serait
un bon métier, ça.
Mais même si dans ma tête, je
me disais: Je vais faire ça six
mois, parce que je me cherchais.
Je me disais: Ce sont peut-être
les arts visuels, c'est peut-être
le théâtre. Puis, je me suis dit:
« Bien, ça, je pense
que je vais essayer. »
Alors, j'ai fait application
et je ne savais même pas
qu'il fallait que je fasse
une audition. Je me suis dit:
Je suis bon en arts, j'ai des
bonnes notes. J'envoie le tout.
Puis, l'Office me téléphone
et me dit: "Il va falloir que tu
fasses un solo." Je dis: "Je ne
peux pas faire un solo, mais
je peux improviser." Elle dit:
"C'est correct." Et moi,
pourquoi je suis allé en
anglais? Je ne parlais
surtout pas anglais.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était à quelle école, ça?
NOAM GAGNON
À l'Université Concordia.
Puis, je ne parlais pas anglais,
mais je me suis dit: Soit
je m'en vais en voyage ou soit
je reste à Montréal, mais si je
parle en anglais, c'est comme si
je ne serai pas à Montréal...
GISÈLE QUENNEVILLE
Ce serait comme un voyage.
NOAM GAGNON
Je vais être en voyage...
Je n'ai même pas pensé qu'il
fallait que je parle anglais.
Donc, je me suis amené une
traductrice. Je me suis dit: Il
faut que je le fasse comme ça si
je ne comprends pas ce qu'elle
me dit. Alors, j'avais une
traductrice et je faisais juste
dire bonjour en anglais
un peu et elle traduisait tout.
J'ai fait de l'improvisation.
J'avais tout tassé dans mon
salon et c'est comme... Je
dansais et elle me dit: "T'as
du talent. C'est cru, c'est raw.
Il va falloir que tu prennes
des cours de danse, mais
il y a une essence qui est
très personnelle."
J'avais fait de la gymnastique
quand j'étais jeune. Alors,
je faisais des flips, des splits
et je faisais le singe un peu.
J'avais ma musique préférée,
médiévale. Rien ne faisait du
sens. Mais je pouvais improviser
et je pouvais vendre finalement.
Je le savais, parce qu'en arts,
ils nous avaient dit:
"T'as une minute."
C'était la dernière année.
"T'as une minute, il faut que tu
vendes ta salade. Tu entres dans
un bureau, que fais-tu?" Ça
m'était resté. Je me suis dit:
Je vais faire la même chose.
J'ai trois minutes à danser.
Je faisais plein d'affaires.
Puis, ils m'ont accepté et je
pensais rester juste six mois,
peut-être un an max.
En l'espace de six mois,
je me suis rendu compte
que c'était ça, ma vocation.
GISÈLE QUENNEVILLE
T'es danseur et t'es également
chorégraphe. Est-ce que tu
préfères l'un plus que l'autre?
NOAM GAGNON
Bien, avant, la chorégraphie
pour moi, c'était pour exprimer
le danseur et de me mettre
en position en tant qu'artiste.
Mais maintenant, il faut dire
que je me sens plus
chorégraphe que danseur.
J'ai dansé beaucoup, j'adore
encore beaucoup danser. Je suis
content que j'y arrive encore
à mon âge. Mais il faut dire que
j'ai une bonne carrière, que je
l'apprécie et que... j'en suis
ravi. Mais quand je ne danse
pas, ça ne me manque pas,
parce que je garde encore
une discipline physique
qui est importante.
J'apprécie quand je le fais.
Quand je le fais, je me dis:
Merde, je suis vraiment fait
pour faire de la danse.
Mais maintenant, ce que j'aime
beaucoup, ce qui me manque,
c'est la création.
GISÈLE QUENNEVILLE
Moi, j'ai toujours eu l'impression
que la danse, c'est un peu
un métier ingrat, et pour
le corps et pour le compte en
banque. Est-ce que c'est vrai?
NOAM GAGNON
Oui. Même lors des grands
succès avec Holy Body Tattoo,
on allait dans un hôtel ou
dans les grands théâtres,
les grands hôtels cinq étoiles,
et le lendemain, on se ramassait
dans un collège avec les
lumières qui étaient suspendues
avec les fils électriques.
Vraiment, c'est vraiment
comme ça, les arts.
Tu sais, c'est un job. Et on
emploie aussi des gens au niveau
de la danse, au niveau de...
Dans un spectacle, il y a moi,
mais regarde Holy Body Tattoo en
ce moment avec « Monumental »,
il y a 23 personnes sur... dans le
théâtre. Les gens qui invitent,
c'est dans des théâtres de 2500,
c'est des organisations.
GISÈLE QUENNEVILLE
T'as 53 ans.
NOAM GAGNON
Oui!
GISÈLE QUENNEVILLE
Et tu danses encore.
T'es encore en forme. Est-ce que
le corps tient le coup?
NOAM GAGNON
Bien, je suis surpris
parce que je m'étais dit que...
Quand je vais avoir 28 ans,
peut-être qu'il va falloir
que je commence à changer,
parce qu'au niveau de la danse
classique, souvent, les danseurs
à 30, 32, 35 ans, c'est fini,
leur carrière. Alors, je m'étais
dit: Moi, ma carrière va durer
jusqu'à... Mais une chose
que je m'étais toujours dite,
ce que j'ai toujours voulu,
c'est que j'adore les arts.
J'aime beaucoup. Mais il faut
que je trouve une méthode pour
arriver à garder mon corps
en santé, parce que moi,
je ne voulais pas être à 30 ans
ou à 40 ans dans un corps
qui ne me permettait pas
de pouvoir vivre un vécu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand tu es sur scène et quand
tu danses, tu danses pour toi
ou tu danses pour les autres?
NOAM GAGNON
Je dirais pour les autres,
parce qu'avec tous les hauts et
les bas, j'ai été chanceux, j'ai
eu des bonnes opportunités. Il
faut dire qu'on a travaillé très
fort, mais c'est important que
le travail soit vu, qu'il soit
communiqué, qu'il soit... parce
que c'est la réponse... mise
en face aux gens qui me nourrit,
mais aussi qui nourrit le
travail, qui permet à l'art
de la danse, de la façon dont
je le vois, de pouvoir grandir.
Ça ne veut pas toujours dire que
c'est facile, d'aller chercher,
de nous mettre dans quelque
chose qui nous demande
de travailler.
C'est... Je pense que c'est là
qu'est la beauté de grandir.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Noam Gagnon, merci
beaucoup pour cet entretien.
NOAM GAGNON
C'est moi qui
te remercie. Merci.
Un dernier extrait est présenté pendant que défile le générique de fermeture.
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