Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin and Daniel Lessard meet exceptional francophones from throughout Canada and beyond. Discover politicians, artists, entrepreneurs and scientists whose extraordinary stories are worth telling.


Video transcript
Marcelle Fressineau: Dog Musher, Alayuk Adventures
These races are nothing short of legendary: 1600 kilometres across mountains, forests and tundra in the cold, dark and snowy weather on a sled pulled by 16 dogs. Marcelle Fressineau knows a thing or two about dog mushing, having finished the Yukon Quest and the Iditarod more than once. She has always loved sled dogs, having raised some of her own in her home country of Switzerland. When she decided to dedicate herself more fully to this lifestyle, however, she realized she was going to need more space. So in the 90s, she left Switzerland for Quebec, started a kennel, and took up dog mushing. When she went to the Yukon for a race, she fell in love with the landscape and the weather, and decided to stay. Today, she has more than fifty dogs on her property near Whitehorse and lives a life she could only dream of back in Switzerland.
Réalisateur: Joanne Belluco
Production year: 2016
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Titre :
Carte de visite
Dans ce reportage, MARCELLE FRESSINEAU, meneuse de chiens à Alayuk Adventures, accorde une entrevue à GISÈLE QUENNEVILLE.
Des images d’une maison au pied de montagnes sont présentées. Un vaste terrain entoure la maison et, sur ce terrain, un enclos réservé à des chiens de traîneaux a été érigé.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
Je suis née en Suisse et je suis
venue au Québec avec
mes chiens de traîneau.
Les grandes courses de chiens
de traîneau m’ont fait
découvrir le Yukon.
Des dizaines de niches ont été construites dans un enclos réservé aux chiens de traîneau de MARCELLE. Certains chiens sont montés sur le toit de leur niche et ils aboient.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
J’ai participé aux grandes
courses de chiens de traîneau de
la Yukon Quest et de l’Iditarod,
qui sont deux courses
de 1600 kilomètres.
Ici au Yukon, mon chenil est
constitué de 50 chiens, mais
j’ai toujours une quinzaine
de retraités qui finissent
tranquillement leurs jours ici.
MARCELLE entre dans l’enclos pour aller voir ses chiens.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
Les chiens représentent
pour moi tout.
Je suis leur coach, mais je suis
aussi comme un membre
de leur famille.
Marcelle Fressineau,
je suis musher.
MARCELLE FRESSINEAU accorde une entrevue à GISÈLE QUENNEVILLE tout près de l’enclos à chiens.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marcelle Fressineau, bonjour.
MARCELLE FRESSINEAU
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marcelle, vous avez fait
les deux plus grandes courses
de traîneaux à chiens au monde:
le Yukon Quest et l’Iditarod.
C’est des courses d’environ
1600 kilomètres. Comment ça
fonctionne, une course comme ça?
MARCELLE FRESSINEAU
C’est une grosse organisation.
Chaque musher a 14 ou 16 chiens
et n’a pas le droit d’avoir
de l’aide. Par contre,
on peut préparer la
nourriture à l’avance
et l’organisation la met dans
les points de contrôle, et
après, on n’est pas obligé de
charrier tout le long. Parce que
1600 kilomètres, ça représente
presque 1 tonne de préparation
de viande. Les chiens,
ils vont manger 10 000 calories
par jour. Ça veut dire
plus de 20 hamburgers,
ou quelque chose comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
C’est fou!
MARCELLE FRESSINEAU
Après, bien, on s’organise.
Bien sûr, il y a toutes sortes
de règlements de la course.
On a le droit de partir, comme
l’Iditarod, avec un maximum
de 16 chiens. Mais après, quand
un chien est blessé, fatigué
ou malade, eh bien, on doit
l’embarquer dans notre traîneau
jusqu’au prochain point de
contrôle. Et là, bien, il y a
une équipe de vétérinaires. On
va décider, regarder si le chien
peut continuer ou pas. On a
le droit de le déposer dans
ce point de contrôle et à
ce moment-là, bien, on peut
continuer avec un chien en
moins. Quand on laisse un chien,
on peut pas le remplacer. On
doit finir avec six minimum.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous parcourez combien de
kilomètres dans une journée?
MARCELLE FRESSINEAU
On parcourt entre 160 à 200
kilomètres en 24 heures quand
tout va bien. Mais bien sûr,
il y a des jours où ça peut
être plus difficile et où
on doit parcourir moins.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça prend combien de
temps pour finir une course?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, les premiers vont
mettre neuf jours ou en dessous,
et les autres, jusqu’à 15 jours.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quoi ressemble le terrain
que vous parcourez durant
une course comme ça?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, à l’Iditarod, le
terrain est très varié parce
qu’on part d’un peu au nord
d’Anchorage, à Willow.
Des images du départ de cette course sont présentées, suivies d’images de la course.
MARCELLE FRESSINEAU
Le premier jour, sur des lacs
et rivières, mais après, on doit
traverser la chaîne de l’Alaska.
Alors, on monte dans les
montagnes et on descend une
gorge qui est très dangereuse,
qui s’appelle la Dalzell Gorge,
qui... Puis longue, surtout.
Alors, c’est raide, long,
dangereux et on a encore
15 chiens. Ça, c’est vraiment
un gros défi de la course.
Le parcours, la géographie: il
y a déjà un énorme défi en soi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment vous choisissez les
chiens que vous amenez avec
vous? Vous en avez, quoi? Une
cinquantaine ici chez vous?
MARCELLE FRESSINEAU
Oui, alors, sur 50 chiens, là,
bien j’en entraîne une vingtaine
et je veux en avoir juste
16 pour la course. Parce que
sur les 50, j’ai une quinzaine
de chiens retraités. Je peux
pas les prendre pour ce
genre de compétition.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous, vous êtes le musher.
C’est quoi, votre rôle
en tant que musher?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors nous, le musher, on est
un peu le coach, en fait. Parce
que c’est les chiens qui vont
faire tout le travail.
Bien, nous, on va organiser
leurs repas, les soins,
l’entraînement, gérer tout ça
et eux, bien, eux, ils courent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous vous entraînez comment?
MARCELLE FRESSINEAU
On s’entraîne avant la neige
avec un quatre-roues, un
véhicule moteur style le quad,
et une fois qu’il y a la
neige, en traîneau.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu’est-ce que vous apportez
avec vous dans le traîneau?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors dans le traîneau, on a
d’abord du matériel obligatoire,
qui est imposé par la course.
Alors, il y a une hache,
il y a des raquettes, il y a
des booties. C’est des petites
bottines qu’on doit mettre
aux chiens tout le long de
la course pour les protéger.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum hum.
MARCELLE FRESSINEAU
On a de la nourriture pour
les chiens, un gros poêle
pour chauffer de l’eau pour 15
chiens, du carburant pour notre
réchaud, un sac de couchage
d’hiver et un petit peu de
matériel que l’organisation nous
impose, genre un petit carnet
pour les vétérinaires. Ils
notent tous les chiens, tout ça,
pour qu’au point de contrôle
suivant, c’est une autre équipe,
ils vont savoir qu’est-ce qu’il
y a. C’est très bien organisé.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quelle fréquence
est-ce que vous avez
les points de contrôle?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, comme à l’Iditarod,
c’est entre 80 et 100
kilomètres, et à la Yukon Quest,
eh bien, il peut y avoir 200
à 300 kilomètres. Parce qu’à la
Yukon Quest, il y a dix points
de contrôle après Whitehorse.
Tandis qu’à l’Iditarod, il
y en a 20. Donc, ça veut dire...
C’est pour ça que les étapes
sont beaucoup plus courtes
à l’Iditarod.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez votre sac de
couchage, votre réchaud et tout
ça, mais est-ce que vous dormez
forcément au point de contrôle?
MARCELLE FRESSINEAU
On peut s’arrêter dans les
points de contrôle, ce qui est
pratique parce qu’il y a toutes
nos affaires et tout. Et puis
il y a souvent une salle
communautaire où on peut aller
s’allonger dans notre
sac de couchage.
On dort très peu. Sur 24 heures,
bien, on essaie de faire entre
six et huit heures de course
avec les chiens avant de
s’arrêter. Alors, si on
s’arrête, disons, six heures,
mais sur ces six heures, on va
devoir s’occuper des chiens,
leur préparer à manger, enlever
les booties, contrôler
s’ils ont des bobos, les masser,
tout ça; se préparer pour la
prochaine étape. Ce qui fait
qu’à la fin, il nous reste
peut-être deux heures
pour dormir.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y a sans doute des gens qui
vont dire: "Bon, faire courir
des chiens sur des distances de
1600 kilomètres, comme vous le
faites pendant ces courses-là,
c’est de maltraiter les chiens."
Qu’est-ce que vous dites
à ces gens-là?
MARCELLE FRESSINEAU
Bien, non, parce que les
chiens, trois jours après la
course, ils voudraient repartir.
Bien sûr qu’il faut que les
chiens soient entraînés en
conséquence, faut qu’ils
soient nourris en conséquence
et soignés en conséquence. C’est
comme des athlètes olympiques.
Les chiens, ce qu’ils préfèrent,
c’est les grandes courses. C’est
incroyable, mais c’est comme ça.
Des images des chiens dans l’enclos sont présentées, puis MARCELLE va les rejoindre pour s’occuper d’eux.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
Avec mes chiens...
moi, je fais partie de
leur meute, mais je suis le chef
de meute. C’est moi qui vais
décider ce qu’ils vont manger,
comment vont se dérouler les
entraînements et qu’est-ce qu’on
va faire pendant la saison.
Eux, ils vont courir, ils vont
être bien soignés, bien nourris.
C’est une relation d’équipe.
Cinquante chiens et la race,
c’est le husky d’Alaska, qui
n’est en fait pas une race fixe.
C’est-à-dire qu’elle est
croisée, il y a beaucoup
de mélange. L’origine de cette
race date des ruées vers l’or
du Yukon, mais aussi les
ruées vers l’or en Alaska.
Les Blancs qui sont venus là ont
amené toutes sortes de chiens
pour travailler, pour tirer,
pour porter. Et les Indiens
qui vivaient dans les villages,
ils avaient déjà des chiens, ils
travaillaient avec leurs chiens.
Ils faisaient déjà des courses
entre communautés. Les Blancs
ont goûté au jeu et ont commencé
à mélanger leurs chiens avec
ces chiens de villages indiens
qui sont extrêmement robustes,
et c’est la base de l’Alaskan
Husky, qui reste une race
qui évolue. On ne les élève pas
pour leurs beaux yeux bleus ou
leurs belles oreilles, mais pour
leur qualité de travail. Un bon
chien de course longue distance,
il doit être assez rapide, mais
il doit aussi être gros mangeur,
qu’il soit capable d’avaler
10 000 calories par jour.
Et ils doivent aussi avoir
un excellent mental,
c’est-à-dire pouvoir repartir
même s’ils sont fatigués.
Mes deux préférés sont Mr. X,
mon chien de tête préféré
qui a 9 ans, et Morrison,
son acolyte, qui a 7 ans.
Ce sont mes chiens de tête
et ils sont extraordinaires
parce que Mr. X, il a déjà fait
la Yukon Quest en 2012 tout seul
devant d’un bout à l’autre.
Ce qui est exceptionnel pour
un chien. C’était sa première
course et il ne l’avait jamais
faite. Il a refait l’Iditarod
en 2014, du début à la fin
en avant, et en 2015 aussi.
Et Morrison l’a accompagné
presque tout le long de la 2014
et tout le long de la 2015.
Donc, c’est vraiment des
chiens exceptionnels.
MARCELLE FRESSINEAU installe des harnais à ses chiens. Puis les chiens sont attelés devant un véhicule tout-terrain.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
J’entraîne mes chiens à l’aide
d’un véhicule tout-terrain
pendant la saison
avant la neige.
C’est très pratique parce qu’on
peut mettre beaucoup de chiens.
Je peux en mettre 14 si je veux.
Je peux mettre les moteurs et
doser toujours la même vitesse
et le chien, il prend un rythme,
et je peux gérer pour qu’ils
puissent courir sans trop
se fatiguer, s’il fait chaud,
tout en sécurité. Parce que
c’est pas un véhicule
qui va basculer.
Les chiens courent devant le véhicule dans lequel se trouve MARCELLE sur une route de gravier, avant d’entrer dans la forêt et emprunter des sentiers.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
J’ai essayé toutes sortes
d’engins à roues et c’est
souvent dangereux. Alors là,
c’est vraiment le quad ou
quatre-roues, c’est vraiment
l’outil le plus sécuritaire
pour entraîner des chiens.
En début de saison, je commence
par une petite distance de
6 kilomètres et je rallonge,
et avec le quad, je vais aller
jusqu’à 40 kilomètres. Et en
traîneau, bien, j’entraînerais
jusqu’à 80 kilomètres.
Les chiens préfèrent le traîneau
parce que, des fois, ils ont
l’impression qu’ils ont plus de
contrôle. Parce que, vraiment,
un quad, si tu dis "stop", tac,
ça s’arrête. En traîneau,
si j’ai beaucoup de chiens, puis
je dis "stop", je suis debout
sur le frein, s’ils ont décidé
de continuer, ils continuent.
Après la balade, MARCELLE offre à ses chiens des bols de nourriture.
MARCELLE FRESSINEAU (Narratrice)
Alors, eux, ils aiment mieux
le traîneau parce qu’ils savent
qu’ils peuvent quand même avoir
plus de marge de manœuvre.
L’entrevue se poursuit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marcelle, on a beaucoup parlé
de la logistique d’une grande
course à traîneau. Mais bon,
il y a le côté logistique,
mais il y a également tout
le côté physique et, surtout,
psychologique. C’est quoi
le profil psychologique
d’un musher qui fait des grandes
courses comme le Yukon
Quest ou le Iditarod?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, oui, ce qui est
important, puis d’ailleurs aussi
pour les chiens, pour faire
des sports d’endurance,
c’est le mental.
Ça, c’est indispensable d’avoir
le mental, plus je pense
que le physique.
Parce que, bien, le physique,
oui, c’est un peu technique
de conduire un attelage de
16 chiens, mais c’est pas ça
la grosse difficulté. C’est
de tenir tout le temps, quoi.
De tenir. Et tout l’entraînement
aussi parce qu’on va aller
entraîner tous les jours, six
heures de temps, pendant le mois
de novembre, décembre et tout
ça. Donc, il faut pas lâcher
quand on a décidé d’entraîner
une équipe pour la
course comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y en a qui doivent
dire que vous êtes folle
de faire ça quand même.
MARCELLE FRESSINEAU
Ah, oui. Le premier,
c’est mon conjoint.
(Riant)
Mais c’est... Oui, mais
peut-être. Je le reconnais,
c’est un peu de folie, mais
c’est parce que la première
fois, j’ai vu une vidéo de
l’Iditarod, puis j’ai vu les
chiens, puis je les ai trouvés
extraordinaires. Puis après,
quand j’ai commencé à faire
du traîneau et je voyais que
les chiens voulaient toujours
aller plus loin que ce que moi,
j’avais prévu, puis j’ai
commencé comme ça. Et après,
bien, j’ai commencé les petites
courses. J’ai eu envie de
faire plus. Et puis ce qui est
dramatique, c’est qu’une fois
qu’on a terminé... Si on
abandonne, bien, on veut
continuer parce qu’on veut la
finir. Et une fois qu’on l’a
finie une fois, bien, on peut
plus arrêter. C’est comme
une drogue, on veut y retourner.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu’est-ce qui vous passe
par la tête quand vous êtes
seule avec vos chiens sur
une course de 1600 kilomètres?
MARCELLE FRESSINEAU
On est pris par nos chiens,
par l’environnement, et puis on
a vraiment l’impression... C’est
peut-être pour ça qu’on veut y
retourner, mais on a vraiment
l’impression d’exister, oui.
D’être là et de vraiment
exister, de pas juste survivre,
faire de la routine. C’est
une sensation incroyable,
puis c’est peut-être pour ça
qu’on veut y retourner.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes dans le froid,
vous êtes dans le noir. C’est
en février et en mars. Il doit
pas avoir beaucoup de soleil, de
clarté à ce temps-là de l’année.
Et vous êtes privée de sommeil.
Il paraît que dans ces
conditions-là, on peut
avoir des hallucinations.
MARCELLE FRESSINEAU
Oui. On peut avoir
des hallucinations.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça vous est arrivé?
MARCELLE FRESSINEAU
Oui, ça m’est arrivé, à
la première course surtout parce
que j’étais pas assez préparée.
J’avais bien planifié le soin
des chiens, mais je m’étais
un peu oubliée, puis ça,
j’ai recorrigé, surtout les deux
dernières courses. J’ai fait
beaucoup plus attention.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quoi?
MARCELLE FRESSINEAU
Bien, à être tout le temps
hydratée et nourrie, aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu’est-ce que vous avez
comme hallucinations? Qu’est-ce
que vous voyez? Qu’est-ce
que... Vous vous en souvenez?
MARCELLE FRESSINEAU
À la première course, je
me souviens, je voyais toujours,
bien, un vrai mur, tu sais.
J’étais toute seule, il y avait
que du blanc, puis je voyais
toujours comme une barrière
devant moi. Ça, c’était
horrible. C’est ce qu’on
appelle le mur, justement. Je
comprends pourquoi maintenant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, c’est les hallucinations,
mais il vous est sans doute
arrivé à avoir des moments
difficiles dans une course.
Des moments carrément dangereux.
MARCELLE FRESSINEAU
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous pouvez nous raconter?
MARCELLE FRESSINEAU
Bien, la première course,
la Yukon Quest que j’ai
faite en 2002, la course
partait de Fairbanks.
C’est difficile, le départ,
parce qu’on franchit Eagle
Summit qui, la montée, ça va,
mais la descente est assez
dangereuse, puis quand je
suis arrivée au sommet,
il y avait deux traces, puis
plus de balises. Elles étaient
tombées. Puis j’ai pris le
faux, je suis arrivée dans
une fausse vallée, puis là, j’ai
dû rejoindre. Et enfin, bref, je
suis arrivée en retard au point
de contrôle. Puis là, bien, tout
allait bien, les chiens étaient
en forme, mais je me dis, je
regarde sur la carte: Ah,
80 kilomètres. J’enlève toute
ma bouffe, je me dis: Je vais
rattraper un peu les autres,
les chiens sont en forme.
Je prends juste, moi, une barre
de céréales, des snacks pour
les chiens et je pars, mais je
fais pas attention. C’est 2 h du
matin, il fait -40 et en fait,
les 80 kilomètres, c’était des
miles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ah!
MARCELLE FRESSINEAU
Alors...
Les chiens qui se trouvent derrière MARCELLE s’agitent et aboient.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Rigolant)
Je pense que les chiens
s’en souviennent.
MARCELLE FRESSINEAU
Oui, là, au bout d’un moment,
les chiens, ils étaient à terre,
puis moi aussi, et j’ai dû
m’arrêter. J’ai dû passer
la nuit à -40 sur la rivière.
J’ai passé 12 heures là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, les chiens viennent
de se réveiller. Qu’est-ce
qui les agite comme ça?
MARCELLE FRESSINEAU
Oui, là, je pense qu’ils
ont vu quelque chose.
Quand ils s’agitent, c’est
qu’ils voient soit un chien
en liberté ou un animal. Un
de ces jours, on a un grizzly
qui campe par là autour.
Alors, ils aiment pas ça.
Le lendemain, il y a un avion
qui a survolé, puis moi, je
réagissais pas. Je me suis dit:
Tiens, c’est quoi, cet avion?
J’étais repartie, je venais de
repartir. L’avion a atterri sur
la rivière, là, à côté de moi,
ils m’ont demandé ce qui s’était
passé, puis j’ai dit:
"Bien, j’avais pas assez de
nourriture." "Ah, pas assez
de nourriture? Alors, il
faut abandonner ou
être disqualifiée."
GISÈLE QUENNEVILLE
Ah. Et comme ça, ils
vous ramassent ou vous...
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, là, bien, oui, j’ai
arrêté, puis j’étais pas très
loin du point de contrôle
et puis voilà, quoi.
Mais j’ai arrêté là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça doit être une déception,
d’être obligée d’abandonner
une course comme ça?
Des images d’une course sont présentées.
MARCELLE FRESSINEAU
Oui, c’est horrible. Parce que
surtout que c’est la première.
Je me suis pas trop rendu
compte de ce qui s’est passé. Il
y avait... Oui, j’ai fait trop
d’erreurs moi-même en début
de course, puis voilà.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous l’avez fait trois fois.
Les deux premières fois, le
Yukon Quest, vous avez été
obligée d’abandonner.
La troisième fois,
vous avez réussi.
MARCELLE FRESSINEAU
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment est-ce qu’on se sent
quand on arrive, quand on
franchit la ligne d’arrivée?
MARCELLE FRESSINEAU
Eh bien, oui,
on se sent content.
GISÈLE QUENNEVILLE
Marcelle, on a beaucoup parlé
des grands périples que vous
avez faits en traîneau à chiens,
mais on n’a pas parlé de ce
qui vous a amenée à pratiquer ce
sport ou avoir ce mode de vie.
Vous, vous êtes Suisse, vous
avez grandi en Suisse. Est-ce
que c’est quelque chose que vous
pratiquiez quand vous étiez chez
vous quand vous étiez jeune?
MARCELLE FRESSINEAU
J’ai toujours aimé les chiens
et j’habitais dans le Jura,
où il y a de la neige, et j’ai
toujours été sportive, disons.
J’allais en ski, puis je prenais
mes chiens, mais j’en avais
juste un ou deux. Et puis,
après, bien, j’ai voulu avoir
des chiens de traîneau, mais il
faut avoir la place. Il faut
avoir aussi un peu... de sous,
enfin, tout ça. Alors, au début,
quand j’étais jeune, j’ai
travaillé. J’ai commencé à avoir
les chiens, j’ai retrouvé
du travail dans mon village
dans une banque. Et puis...
Là, j’ai commencé à avoir
des chiens parce que j’avais une
maison, j’avais la place pour
avoir des chiens. Et en Suisse,
j’en voulais plus. J’en avais
six, puis j’en voulais plus,
alors j’ai cherché une place
et j’ai atterri au Québec.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, vous éleviez vos chiens
là-bas, mais qu’est-ce que vous
faisiez pour gagner votre vie?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, bien, j’ai commencé à
faire des tours avec mes chiens
pour gagner ma vie. C’était
beau, il y avait des cabanes
que je louais et puis
je pouvais faire des
circuits en itinérance.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ce qu’il faut dire, quand on
s’embarque dans des courses
comme celles que vous avez
faites, comme les grandes
courses ici, au Yukon et en
Alaska, c’est pas donné, hein?
Ça coûte cher. Parlez-nous
un peu de cette logistique-là
des contraintes financières.
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, pour faire les grandes
courses, là, comme ici, si je
suis ici, c’est un budget
de 30 000 $ basique, quoi.
Si je veux pas trop investir,
avoir des nouveaux chiens, du
nouveau matériel, tout ça. Parce
que là, ça n’en finit plus,
quoi. Mais juste y aller et
puis avoir les soins de base,
la bonne nourriture, le camion
et tout ça, un hébergement
là-bas, tout ça, bien, ça,
c’est un budget de 30 000 $.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que les bourses
sont importantes lorsque
vous remportez une course?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, les premiers, ils
peuvent... Les premiers, oui,
ils ont des bonnes bourses, mais
ce sont le genre de gens qui en
a investi trois fois plus que
ce qu’ils ont gagné. Donc, eux,
ils vont faire leur argent.
Parce que comme ils ont gagné,
ils vont vendre des chiens
très chers, ils vont vendre
des saillies, ils vont vendre du
matériel. Ils vont pouvoir aller
faire des conférences, tout ça.
Ça leur fait un job à plein
temps de gagner. Bien,
l’Iditarod, ils gagnent quand
même 70 000 $ et un gros pickup
qui vaut 50 000, 60 000 $.
Donc, c’est pas mal. À la
Quest, c’est plus modeste,
c’est à peu près 30 000 $.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu’il y a beaucoup
de femmes qui sont mushers?
MARCELLE FRESSINEAU
Il y en a de plus en plus.
Elles sont aussi bonnes que
les hommes. Parce que c’est pas
une question de force, mais
il y a aussi beaucoup de
feeling avec les chiens.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous étiez au Québec, il y a
neuf ans, vous avez décidé de
déménager au Yukon. C’était pour
être plus proche des courses?
MARCELLE FRESSINEAU
Oui. C’était la
première raison.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle est la différence
entre être musher au Québec
et être musher au Yukon?
MARCELLE FRESSINEAU
Au Yukon, bien, on est
dans l’environnement des courses
longue distance. Au Yukon et
Alaska, où on est tout près.
On est vraiment dans cet
environnement-là. Et je
rencontre beaucoup de mushers,
plus qu’au Québec. La géographie
ici est différente, c’est les
montagnes et tout ça. Alors,
ça, ça me manquait un peu
de la Suisse. J’apprécie.
L’hiver est un petit peu plus
long qu’au Québec, ce qui est
bien pour les chiens, et l’été
est moins chaud et humide qu’au
Québec. Les chiens, ils adorent
aussi parce qu’à la limite,
si je veux les entraîner
l’été, je peux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et il y a moins de neige ici,
n’est-ce pas?
MARCELLE FRESSINEAU
Alors, oui, il y a moins de
neige. Il fait froid, il neige
au mois de novembre, décembre un
petit peu, puis après, janvier,
février, mars, il ne neige plus.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que le Yukon est
votre destination finale?
MARCELLE FRESSINEAU
J’espère.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez fait la Quest
trois fois, vous l’avez terminée
une fois jusqu’à maintenant.
L’Iditarod, vous l’avez fait
deux fois et terminé deux fois.
Est-ce qu’il vous reste
autre chose à faire?
MARCELLE FRESSINEAU
Ah oui, j’aimerais faire Yukon
Quest et Iditarod la même année.
Ça, c’est un gros défi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Marcelle Fressineau,
merci beaucoup.
MARCELLE FRESSINEAU
Merci.
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