Droit comme un F
En 1982, avec l´adoption de l´article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Constitution canadienne reconnaît aux minorités linguistiques le droit à l´éducation dans leur propre langue. Mais les minorités francophones hors Québec font alors face à une dure réalité : les infrastructures nécessaires pour recevoir une éducation française étaient presque inexistantes.


Video transcript
Francophone Stories
Through their testimonies, those involved shed light on the issues inspiring them to engage in a long-term struggle that many viewed as a lost cause. In the absence of adequate infrastructure critical to the transmission of their culture, language and history, what will the future hold for Francophone minorities?
Production year: 2012
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NARRATRICE
La question
des droits linguistiques remonte
à 1867, au tout début
de la Confédération du Canada.
Malheureusement,
le principe
de dualité linguistique
est vite oublié:
l'anglais est imposé
dans les écoles,
et à partir de 1920,
l'enseignement du français
devient clandestin.
Ce n'est qu'avec
l'arrivée au pouvoir
de Pierre Elliott Trudeau,
50 ans plus tard,
que le bilinguisme reviendra
sur le devant de la scène.
Texte informatif :
Bilinguisme
Loi sur les langues
officielles
NARRATRICE
Puisque les provinces refusent
le bilinguisme,
Trudeau ripostera avec la Loi
sur les langues officielles,
et surtout, en 1982,
il fera inscrire
dans la Charte
des droits et libertés
le fameux article 23,
qui protège les droits
linguistiques des minorités.
C'est une immense victoire
pour les minorités,
mais le plus dur
reste à faire:
obtenir le respect
de ces droits.
Ainsi débute une longue histoire
de combats juridiques.
Ce sont de rudes batailles,
menées par des hommes
et des femmes
qui ne reculeront
devant aucun sacrifice
pour écrire en français
l'histoire de leur pays.
Titre :
Droit comme un F
Troisième partie
Revers et justice
Générique d'ouverture
Texte informatif :
Yellowknife,
Territoires du Nord-Ouest
NARRATRICE
Dans les Territoires
du Nord-Ouest,
les francophones représentent
environ 3% de la population,
soit 1500 personnes réparties
sur un immense territoire.
Une commission
scolaire francophone
a été créée
dans les années 2000,
ce qui a permis d'ouvrir
2 écoles: une à Yellowknife,
et une autre dans la petite
ville de Hay River,
située à presque 6 heures
de route de la capitale.
Des élèves s'amusent dans une cour d'école.
NARRATRICE
Mais il reste
une ombre au tableau:
les nouvelles écoles
francophones
offrent moins de services
que les écoles anglophones,
ce qui affecte
le recrutement.
Puisque les demandes
de la commission scolaire
sont systématiquement rejetées
par le gouvernement
de la province,
l'Association des parents
francophones de Yellowknife
décide, en 2005, de porter
l'affaire devant les juges.
Devant la cour de Yellowknife, YVONNE CAREEN, directrice sortante à l'École Alain St-Cyr de Yellowknife, témoigne.
YVONNE CAREEN
Le procès lui-même a duré
environ 9 semaines.
Il faut dire qu'il y a eu
toute la préparation
à l'avance des dossiers.
Il y a eu la Cour elle-même.
Et si j'étais pas
questionnée,
j'étais là pour les avocats,
pour répondre à leurs questions.
J'étais là aussi
pour aider
les autres témoins
à rester calmes.
Mais il faut dire
que la préparation avant,
les 9 semaines, puis ensuite
ce qui a découlé par après,
c'est taxant.
NARRATRICE
Les parents
francophones réclament
la construction
d'un gymnase
et l'agrandissement
de l'aile secondaire
de l'école Allain St-Cyr
à Yellowknife.
YVONNE CAREEN travaille sur un ordinateur.
YVONNE CAREEN (Narratrice)
Moi, je suis une Leblanc
qui vient de Saint-Denis
en Saskatchewan.
J'ai des souches francophones.
NARRATRICE
Les membres de la famille
d'Yvonne Careen
étaient très impliqués
dans la défense du français
en Saskatchewan.
Son père a été
commissaire d'école
pendant une trentaine d'années,
et, par la suite,
ses frères et soeurs
se sont également engagés
en faveur du français.
YVONNE CAREEN
Disons que c'est
dans le sang familial,
que j'ai pas peur
de m'exprimer
pour le bien-être
de la communauté francophone.
J'ai commencé ma carrière
d'enseignante.
Je suis venue
au mois de mars 89
finir un contrat de congé
de maladie ici, à Yellowknife.
Et je suis restée.
J'ai vu la construction
de l'école.
J'ai inscrit mes enfants.
Je suis devenue la présidente
de l'Association des parents
ayants droit de Yellowknife.
Et ça, c'est devenu
le bras politique des parents,
le groupe qui a "lobbyé"
pour partir
ce qui est la cause
qu'on connaît aujourd'hui.
YVONNE CAREEN marche parmi des élèves qui jouent dans la cour de l'école.
YVONNE CAREEN
On voyait qu'il y avait
de plus en plus d'élèves
à l'école Allain St-Cyr
et que l'école
serait trop petite.
Pis on savait
que si on n'agissait pas,
avec les années
que ça prend
avant qu'une construction
ait lieu
ou qu'un agrandissement
ait lieu,
qu'il fallait qu'on mette de
la pression sur le gouvernement
pour agrandir l'école.
SUZETTE MONTREUIL, présidente à la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest, indique une gravure sur un grand rocher.
SUZETTE MONTREUIL
Alors, ça, c'est un site
sur lequel la francophonie ici,
surtout la Fédération
Franco-Ténoise, a travaillé.
Alors, le projet était
que les enfants fassent
des empreintes de leurs mains
et de leurs pieds,
et ensuite, les artistes les ont
sculptées dans la roche.
Et vraiment, c'est un point
de repère pour nous,
pour dire que nous avons
quand même beaucoup
de jeunes francophones ici,
et chacun a sa place
dans notre communauté.
NARRATRICE
Suzette Montreuil est
une francophone de l'Ontario.
Elle est témoin de
l'assimilation progressive
de sa famille
et de son village de Mattawa.
En s'installant
dans le Nord,
elle perd tout contact
avec la francophonie.
Mais lorsqu'elle devient mère,
elle choisit d'envoyer
ses 2 enfants
à la garderie francophone,
et retrouve ainsi le français
qu'elle avait perdu.
Des enfants mangent dans le local d'une garderie.
SUZETTE MONTREUIL
La garderie Plein Soleil,
ils m'ont offert
plusieurs choses:
une place pour
que mes jeunes aient
beaucoup de français
dans leur journée,
mais aussi, ça m'a donné
un point de repère
pour pratiquer mon français.
Il y a tout un langage d'adulte
que t'apprends pas,
en allant de, tu sais,
maternelle à la huitième.
YVONNE CAREEN
La première solution qu'avait
proposée le gouvernement,
c'était de nous construire
des classes portatives
sur le terrain ici.
Et nous, on a repensé à ça
et on a négocié
avec le gouvernement
la construction d'une première
phase d'agrandissement,
qui est celle
qu'on connaît aujourd'hui.
Et puis là, ce qu'on a vu,
c'est qu'on avait déjà fait
les plans schématiques de design
pour la phase deux,
mais le projet
n'avançait pas.
Après une attente
d'environ 15, 16 mois,
on a décidé
qu'on n'avait plus le choix.
Et parce que le juge Ouellette
était resté saisi du dossier,
on a pu le réanimer.
Alors, c'est ce qu'on a choisi
de faire en 2009.
YVONNE CAREEN présente un plan d'une école.
YVONNE CAREEN
Par rapport
aux ordonnances...
Les espaces requis
pour des classes spécialisées
ne répondent pas
aux ordonnances.
Il y a pas assez de bureaux
ni de salles de travail.
Alors, malgré le fait que ça ait
l'air d'être des beaux plans,
le gouvernement interprète
les ordonnances à sa façon,
et ce n'est pas ce que nous,
on est prêts à accepter.
SUZETTE MONTREUIL
On ne peut pas juste appliquer
les normes standard
pour la communauté francophone
sans considérer
qu'il y ait des différences.
On a droit vraiment à
une éducation de qualité égale,
et pas une éducation selon des
normes numératives seulement.
Alors, un bon exemple de ça,
c'est que dans
les Territoires du Nord-Ouest,
on nous dit qu'une école
peut seulement avoir un gymnase
quand ils ont
150 élèves.
Mais pour nous, ça nous limite
pendant longtemps,
et c'est vraiment juste
un chiffre, ça.
Des étudiants entrent dans un autobus. Une ÉTUDIANTE explique.
ÉTUDIANTE
On part de l'école
puis on se regroupe
tous ensemble
avec nos choses
d'éducation physique,
et après ça,
on prend l'autobus.
Évidemment, ça prend un petit
peu de notre temps de cours,
donc on a tout le temps
un petit peu moins de temps
parce qu'il faut qu'on reparte
en autobus pour ici.
On fait notre cours normal,
pis après ça,
il faut toujours qu'on parte
un petit peu plus tôt
pour pas être en retard.
On prend l'autobus
puis on retourne à l'école.
Aussi, si on manque
l'autobus,
on peut pas, comme,
aller à notre cours d'éduc.
Tandis que si on était
en retard au cours
pis qu'on avait un gymnase,
on pourrait juste
se rendre au gymnase,
ce serait plus simple.
Dans un gymnase, MARTIN DESCHESNES anime une classe.
MARTIN DESCHESNES, enseignant à l'École St-Cyr, témoigne.
MARTIN DESCHESNES
Moi, ça fait 12 ans
que j'enseigne ici.
Évidemment, il y a beaucoup
d'inconvénients
d'avoir un gymnase
qui est pas à même l'école.
Comme, on peut pas
faire d'intramural.
Donc, les intramuraux sur
l'heure du midi, on n'en a pas.
Il rit.
MARTIN DESCHESNES
Et pour les pratiques
après l'école,
quand on veut faire
des pratiques parascolaires,
là, c'est une autre paire
de manches.
Il faut vraiment se battre
pour avoir des temps de gymnase,
trouver des gymnases
un peu partout dans la ville
pour organiser
les pratiques.
Donc, ça aussi, c'est vraiment
un gros, gros défi.
YVONNE CAREEN
Moi, je passe souvent
dans les salles de classe,
puis les élèves savent
que ça fait longtemps
que je travaille
dans ce dossier-là.
Pis c'est eux
qui me demandent:
"Madame, tu sais, le gymnase,
quand est-ce qu'on va l'avoir?
"Madame, pourquoi est-ce qu'on
est obligés de changer d'école
"pis aller à l'autre école
pour nos cours?
"Comment ça se fait
qu'on peut pas faire ça?
"Quand est-ce que le
gouvernement va se réveiller?"
Ben, c'est ma question:
quand est-ce que le gouvernement
va se réveiller?
Pis je pense que les enfants
devraient poser la question
au ministre
de l'Éducation carrément
pour qu'il leur réponde.
Dans une bibliothèque, des élèves s'expriment.
ÉLÈVE1
Moi, je trouve ça
un peu frustrant,
parce qu'on est
en train de mettre
l'éducation de plein de jeunes
entre les mains du gouvernement,
et il refuse de nous donner
ce dont on a besoin.
ÉLÈVE2
Je crois vraiment qu'on
devrait avoir un agrandissement,
parce que là, on gaspille
notre argent sur le Multiplex
ou à emprunter un gymnase
pour nous entraîner.
Et je trouve vraiment
que si le gouvernement
est capable de construire
8 "lignes de pipe" pour l'huile
d'ici aux États-Unis
qui coûtent 1,2 G$ chacun,
nous, tout ce qu'on demande,
c'est un gymnase,
qui coûte à peu près 80 000$.
ÉLÈVE3
Pis on nous dit
peut-être aussi
qu'on n'a pas assez d'élèves
pour un gymnase,
mais c'est
peut-être un point
pourquoi est-ce qu'on n'a pas
autant d'élèves:
si on avait un gymnase,
peut-être qu'il y aurait
plus de monde qui viendrait!
Parce que présentement,
on n'a pas de gymnase,
donc c'est un moins
dans l'école.
Donc, le monde se dirige
un petit peu moins vers là.
ÉLÈVE1
Chaque année, il y a peut-être
la moitié de la classe
qui va aller
à une autre école
pour pouvoir vraiment avoir
une plus grosse école,
avoir un gymnase,
une cafétéria aussi.
Et puis c'est sûr
que c'est un peu triste
de voir nos amis partir.
Mais en même temps,
on les comprend un peu.
ÉLÈVE2
Je reste ici.
Je vais continuer à me battre
pour notre gymnase.
Même après que j'aie
fini l'école,
je veux revenir et me battre
pour notre gymnase.
YVONNE CAREEN
Dans le subarctique,
où on vit l'hiver
6 ou 7 mois de l'année,
qui a construit une école
sans un gymnase?
Qui a fait
cette décision?
C'est toujours
la question qu'on me pose.
Des élèves se réunissent sous une tente.
YVONNE CAREEN
Nous autres, on est
sur la terre Déné.
On est plus ou moins
des invités
sur une terre qui a été habitée
depuis des siècles
par les Autochtones du coin.
Et nous, ce qu'on fait,
c'est qu'on offre
à tous les niveaux,
de la première
à la 9e année,
des expériences
de camps autochtones.
Les élèves de 6e année
sont allés à un camp d'orignal
la semaine passée.
Et cette semaine, mardi,
nos élèves ont participé
à un camp autochtone
sur la médecine traditionnelle.
De jeunes élèves observent un homme qui prépare des poissons.
ÉLÈVES
C'est une trout!
Mmm! Ça, ç'a l'air
vraiment bon!
Je veux des os!
Ça, c'est qu'est-ce
qu'on mange.
NARRATRICE
Hay River est
une petite communauté
composée de francophones,
de métis,
d'autochtones
et d'anglophones.
Ici, l'école Boréale
est la seule option disponible
pour ceux qui désirent
donner à leurs enfants
une éducation en français.
ROBERT LEPAGE, avocat, explique.
ROBERT LEPAGE
Aux Territoires
du Nord-Ouest,
la commission scolaire
avait développé
une politique d'admission
depuis 2001.
Et puis, la politique,
c'était qu'on n'accepterait
pas seulement...
tu sais...
en vertu des 2 premières
catégories de l'article 23:
première langue apprise
et encore comprise,
ou que t'as fait des études
en français langue première
au primaire et secondaire.
Mais ils ont utilisé
la porte 23.2
pour accorder la permission
d'admission à des Métis,
à des immigrants,
à une génération perdue,
puis à quelques anglophones
qui voulaient s'assimiler.
Et puis ça, cette politique-là
était publique,
le gouvernement était
au courant.
La commission
scolaire anglophone
de Hay River
en particulier
n'aimait pas
cette politique-là,
parce qu'ils voyaient
que des enfants
qui normalement iraient
à leurs écoles anglophones,
tout d'un coup, transféraient
à l'école francophone.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Je viens de la région
de Deh Cho,
où les Métis vivent
depuis de nombreuses
années.
Ils sont originaires
de Fort Providence,
où je suis née
et où j'ai grandi.
LORIE STEINWAND est dans une cabane dans la forêt en compagnie de MARK et d'enfants.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
C'est ici que ma mère
fumait son poisson.
Elle allait à la pêche.
La saison commence...
Au printemps, Mark?
MARK
(Propos traduits de l'anglais)
Oui.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Ils commencent au printemps
et pêchent jusqu'à l'automne.
Ensuite, ils nettoient
les poissons, les cuisent
ou les fument.
Ils les apprêtent.
C'est une tradition
dans ma famille.
Elle est transmise
par les grands-mères.
C'était difficile d'arriver
à partager mes souvenirs
les plus précieux avec Mia
dans notre propre langue,
mais je leur transmets
notre héritage.
On le fait depuis
qu'ils sont petits.
On va camper.
Je lui apprends à pêcher,
à cuisiner les mets traditionnels
et à utiliser les plantes.
On leur transmet le savoir
qui nous vient
de nos grands-parents.
Quant à la langue,
je ne pouvais pas lui apprendre
le français.
Quand j'étais enfant,
il n'y avait pas de cours
de français langue seconde.
J'ai appris l'anglais.
J'ai voulu leur donner
cette opportunité.
Les professeurs sont formés
pour le faire.
Ma grand-mère et ma mère
sont toujours là.
On peut les aider.
J'ai inscrit Mia à la maternelle,
dans un programme francophone,
à l'école Boréale.
Mia a tout de suite aimé ça.
MIA
Une fois, dans Hay River,
mon père a attrapé
un pickerel.
Et après, on a eu lui
pour le souper.
Et aussi, c'était
vraiment... délicieux!
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Ses professeurs
ont été impressionnés.
Ils la trouvaient très douée.
Elle était très motivée.
Ils m'encourageaient
à poursuivre à la garderie,
puis à l'école francophone.
NARRATRICE
Lorie Steinwand désire
que sa fille continue
son éducation en français,
mais elle se heurte
à une nouvelle loi
du gouvernement
des Territoires du Nord-Ouest
qui lui refuse l'entrée
parce qu'elle n'est pas
considérée comme une ayant droit
selon l'article 23.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Elle était fâchée et disait:
« Tous mes amis y vont.
J'adore les cours de français.
J'ai dû y réfléchir.
Elle doit continuer.
Qu'est-ce que je dois faire?
ROBERT LEPAGE
En 2008, lorsqu'on a demandé
pour l'agrandissement
de l'école,
le gouvernement a constaté
qu'il y avait
un pourcentage assez élevé
de gens qui sont
passés par 23.2.
Et puis, là, ils disaient:
"Écoutez, c'est pour ça qu'il
faut qu'on agrandisse l'école.
"C'est que vous acceptez
beaucoup trop d'élèves
"qui ont pas
le droit d'être là."
YVONNE CAREEN
Juillet 2008 a été pour nous
un temps décisif.
C'est que le gouvernement
des Territoires du Nord-Ouest
a mis en place
une directive
qui nous enlevait
le pouvoir de décider
qui seraient les élèves admis
dans nos écoles.
À Yellowknife, les familles qui
arrivent ont plusieurs choix.
Ils ont le choix de mettre
leur enfant en immersion,
en français enrichi,
en immersion tardive,
ou à l'école francophone,
ou à l'école anglophone.
La situation à Hay River,
par exemple,
est très différente.
Le problème est celui-ci:
c'est qu'il y a
aucune autre option à Hay River.
Lorie Steinwand apprend
qu'elle doit faire
une demande au ministère
pour obtenir la permission
d'envoyer sa fille
à l'école Boréale.
Sûre d'être entendue, elle fait
les démarches nécessaires
et dépose une demande
au ministre de l'Éducation.
ROBERT LEPAGE
La directrice de l'école
m'avait dit:
"Ben, Mme Steinwand, elle se dit
francophone, métchife."
Elle se voyait comme:
"Je suis une ayant droit.
"Que voulez-vous dire,
"que je dois demander
la permission au gouvernement
"pour aller
à l'école française?"
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Ma grand-mère parlait
toujours français à la maison.
Mes oncles et mes tantes,
ainsi que ma mère,
parlaient tous le français
métchif.
Pourquoi ce n'est pas reconnu?
Que dois-je faire?
Comment ma fille
peut-elle apprendre cette langue
que je ne peux pas lui enseigner?
C'est une part importante
de son identité.
LORIE STEINWAND, MARK et MIA marchent sur le bord d'une rivière et arrivent près d'une chute.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Il y a un arc-en-ciel, Mia!
Le vois-tu?
MARK
(Propos traduits de l'anglais)
Tu le vois?
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Il y a un arc-en-ciel!
MARK
(Propos traduits de l'anglais)
En bas?
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
C'est ce que maman
voulait voir.
LORIE STEINWAND (Narratrice)
(Propos traduits de l'anglais)
C'était dur pour moi
de l'accepter.
Je suis une métisse
et je ne parle pas ma langue.
À la garderie,
je ne parlais pas anglais.
Si elle commençait
très jeune,
elle l'apprendrait naturellement
et elle garderait cet héritage
pour toujours.
ROBERT LEPAGE
Ça fait que nous,
on a contesté ça.
On a dit: "Écoutez,
"ça nous enlève
notre droit de gestion.
"Ça fait depuis 2001
"qu'on gère ça
de façon très efficace.
"Et 8 ans plus tard,
"vous nous retirez
ce droit de gestion là,
"c'est illégal."
Je suis allé
devant la juge
pour une injonction
pour empêcher ça.
La juge a dit: "Non,
il faut attendre le procès."
Lorsque le ministère
lui refuse sa demande,
Lorie Steinwand consulte
son cousin Albert Lafferty,
qui est un leader
de la communauté métis.
Il a fait des recherches
approfondies
sur les métis
des Territoires du Nord-Ouest
et a publié un livre
sur le sujet.
ALBERT LAFFERTY témoigne.
ALBERT LAFFERTY
(Propos traduits de l'anglais)
C'est la culture et l'histoire
de notre communauté.
Nous, les Métis,
nous avons un héritage
français et un héritage Déné.
ALBERT LAFFERTY montre une photographie dans un livre.
ALBERT LAFFERTY
(Propos traduits de l'anglais)
C'est le conseil métis
avec lequel je travaillais.
NARRATRICE
En comprenant mieux
ses origines et son passé,
Lorie peut s'appuyer
sur des faits historiques
et présenter de nouveaux
arguments au ministère.
ALBERT LAFFERTY
(Propos traduits de l'anglais)
La langue s'est transmise
de génération en génération,
depuis le tout début,
avec François Beaulieu I,
jusqu'à Lorie et moi,
à nos enfants,
et aux générations futures.
Cet héritage sera transmis ici
encore longtemps.
C'est important pour nous.
SUZETTE MONTREUIL
Le droit d'admission,
c'est vraiment plutôt
la permission d'admission
à notre école.
Il faut savoir que toutes
les commissions scolaires
ou les conseils scolaires
à travers le pays
ont des politiques
qui admettent des élèves
qui ne sont pas carrément
des ayants droit.
Pour moi, ça rentre tout dans
la question de la réparation.
Le droit d'une éducation
en français est assez nouveau
et il y a eu beaucoup
de scénarios
où cette éducation
n'était pas disponible.
Et c'est là
qu'on se trouve vraiment,
surtout dans notre communauté
de Hay River
avec l'école Boréale.
C'est très récent qu'ils aient
cette possibilité-là,
et il y a beaucoup
de familles
qui ont des ancêtres
francophones,
et dans cette communauté,
un héritage métis.
Si on leur offre pas
une éducation en français,
c'est une autre génération
qui va être perdue.
ROBERT LEPAGE
Ben, Mme Steinwand,
elle retourne encore une 2 fois
puis elle envoie
son histoire.
Elle avait un livre d'histoire
qui retraçait ses origines
aux francophones métis
de St-Boniface,
et puis le gouvernement
provisoire de Louis Riel.
Elle dépose ça.
Encore, on lui dit non.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Je ne suis dit
que si on y croit vraiment,
si on sent...
tout au long de sa vie,
que ça fait partie
de notre identité,
et que quelqu'un un beau jour
nous le refuse,
on ne peut pas
se laisser décourager!
On explique qui on est
et d'où on vient.
ROBERT LEPAGE
À ce moment-là, elle a dit:
"Ça va devenir
une bataille politique."
Alors, elle a écrit
une lettre aux 22 élus
de l'assemblée législative
des Territoires du Nord-Ouest,
puis elle a expliqué
son histoire,
retracé son histoire,
et elle a dit:
"Moi, je devrais avoir le droit
d'aller à cette école française.
"Je veux que mes enfants
puissent parler le français
"puis qu'ils puissent parler
à leur grand-mère", tu sais.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Le fait d'écrire une lettre
pour aller en appel
a été très libérateur pour moi.
J'ai pu tout présenter:
la documentation
et les recherches qui ont été faites.
Ils n'avaient qu'à regarder.
Ma grand-mère a été
à une école francophone.
Mon arrière-grand-mère
a été à la première école
française du Nord.
Ils parlaient tous français.
Comment pouvez-vous
nous dire que ce n'est
pas notre héritage?
ROBERT LEPAGE
Ça fait qu'on a gagné,
tu sais!
Le ministre a dit:
"OK, correct."
Ça fait que moi,
j'ai trouvé que ça,
c'est un exemple
d'une génération retrouvée.
NARRATRICE
Après 6 mois passés
à l'école anglaise,
Mia retrouve ses amis
de l'école Boréale
et poursuit son éducation
en français,
avec son petit frère
qui entre en maternelle.
LORIE STEINWAND et sa famille se promènent dans le bois. Elle montre des champignons à ses enfants.
LORIE STEINWAND
(Propos traduits de l'anglais)
Quand tu vois des champignons,
tu dois être prudente.
Parfois, ils font de la fumée.
Il faut pas les briser.
Essaie de ne pas les piétiner.
MIA
Ma mère a dit,
à propos des champignons:
"Si tu mets ton pied dessus,
"des fois, il y a comme cet air
qui sent mauvais
"et ça peut poison toi."
VOIX FÉMININE
Ça peut t'empoisonner.
MIA
Oui.
NARRATRICE
Lorsque l'Association
des parents francophones
se présente devant les juges
pour obtenir l'agrandissement
des 2 écoles,
Roger Lepage invite
Lorie Steinwand
à témoigner en soutien
aux demandeurs.
Mme Steinwand a quand même eu
un impact, selon moi, important,
parce qu'elle est
arrivée au procès
avec son livre d'histoire.
Et puis elle expliquait
toute la recherche
qu'elle avait faite
sur sa famille,
puis tu voyais
qu'elle était très fière
de ses racines
francophones métis.
Elle a ouvert le livre,
puis elle disait:
"Ça, c'est mon ancêtre.
Il vivait à Saint-Boniface..."
Tu sais? Ça fait qu'elle a
vraiment touché la juge.
Et puis la juge
l'a remerciée, elle a dit:
"J'ai vraiment apprécié
votre témoignage.
Pis elle dit:
"Même si j'ai pas accepté
"que votre livre soit
déposé en preuve,
"je serais intéressée
de lire votre livre.
"Où est-ce que je pourrais
me le procurer?"
Dans une salle, des élèves mangent.
YVONNE CAREEN
On a attendu un an
presque et demi
pour la décision
de la juge.
Et finalement,
c'est le premier juin 2012
qu'on a eu
une décision favorable
de la juge Charbonneau.
La juge Charbonneau
nous a donné gain de cause
sur tous les points,
incluant la gestion
des admissions à l'école.
Très rapidement,
le gouvernement a décidé
de nous apporter en appel.
Dans un bureau, YVONNE CAREEN consulte des documents.
ROBERT LEPAGE
Aux Territoires
du Nord-Ouest,
il y a une loi
sur les langues officielles:
français, anglais,
plus 9 langues autochtones.
Mais c'est seulement
le français et l'anglais
qui exigent que les lois soient
dans les 2 langues.
Ça fait que toutes les lois
aux Territoires du Nord-Ouest
sont dans les 2 langues,
puis on a droit
à des procès en français.
Mais arrivés en cour d'appel
des Territoires du Nord-Ouest,
il y avait une juge
qui parlait le français,
puis 2 juges qui,
tu sais...
comprennent beaucoup moins
le français,
puis un, je pense,
qui le comprenait pas du tout.
YVONNE CAREEN
Et quand on est arrivés,
on s'est présentés,
le premier matin.
Premièrement, c'était supposé
d'être 3 jours d'affilée,
ils ont coupé ça
à 2 jours.
Pis en plus, le système
pour les traducteurs
n'était pas en place,
donc il y a eu
une perte de temps encore.
Alors, quand on considère
qu'on connaissait les dates
de l'appel depuis 6 mois,
pour moi, c'est pas normal.
On connaissait...
NARRATRICE
La cause a été perdue
en cour d'appel.
Pour l'école Boréale
de Hay River,
le jugement considère
que la juge de première instance
a commis une erreur
en déclarant
que la directive ministérielle
relative aux admissions
était invalide.
Le résultat est
qu'il n'y aura pas
d'agrandissement
à l'école Boréale,
selon la cour d'appel.
Cependant, la cour reconnaît
que l'école Allain St-Cyr
ne comprend pas
toutes les installations
que le nombre d'élèves justifie,
ce qui oblige le gouvernement
des Territoires du Nord-Ouest
à construire un gymnase.
La commission scolaire
et l'Association des parents
ayants droit de Yellowknife
ont décidé de poursuivre
la bataille
pour le droit d'admission
en Cour suprême du Canada.
PIERRE FOUCHER, professeur à la Faculté de droit à l'Université d'Ottawa, explique.
PIERRE FOUCHER
Si jamais les conseils
scolaires gagnaient la bataille
du droit de décider
de l'admission des personnes
qui ne sont pas
des ayants droits,
ben, ça ferait
une grosse différence.
Ça permettrait
effectivement
à la communauté
francophone elle-même,
par le biais des gens
qu'elle élit
aux commissions scolaires,
aux conseils scolaires,
de définir ce dont elle aura
l'air dans 1 ou 2 générations,
après que ces enfants-là
auront passé
à travers de l'instruction
en français.
Dans une classe, une enseignante donne un cours en français.
Texte informatif :
Vancouver,
Colombie-Britannique
NARRATRICE
La Colombie-Britannique est
la dernière province canadienne
à accorder un conseil scolaire
aux francophones.
À partir de 1996,
une trentaine d'écoles
ouvrent leurs portes
dans toute la province.
Mais le financement
est insuffisant
et, encore une fois,
la qualité des services aux
francophones est bien inférieure
à ce qu'on trouve
dans le système anglophone.
MARK POWER, avocat, explique.
MARK POWER
Les problèmes, vraiment,
qui font l'objet
d'un débat présentement
en Cour suprême
de la Colombie-Britannique,
sont de 3 ordres.
Le premier thème en est un
d'infrastructures,
d'insuffisance d'édifices
dans lesquels
on pourrait instruire
les jeunes francophones.
Plusieurs des écoles
de langue française qui existent
sont trop vieilles,
sont trop petites;
dans la mesure où elles sont
belles et bien situées,
elles sont pleines;
et plusieurs communautés
ne disposent carrément pas
d'une offre raisonnable
d'éducation en langue française.
Le 2e problème est en matière
de transport scolaire.
Donc, plusieurs des écoles
sont trop loin
pour desservir adéquatement
plusieurs francophones
qui pourraient envoyer
leurs enfants dans ces écoles.
Et en ce moment,
le conseil scolaire
fait du mieux qu'il peut
avec le peu de financement
en matière de transport
dont il dispose pour offrir
un service de base, en tout cas.
Plusieurs de ces enfants
passent bien au-delà
de 30 minutes
pour se rendre à l'école.
Pis en fait, il y en a
des centaines
qui passent au-delà
de 45 minutes,
plusieurs, même,
plus qu'une heure.
Plusieurs écoles
de langue anglaise,
si pas des écoles
d'immersion,
se trouvent bien plus près
de chez eux.
Et donc, les parents moyens
se disent:
"Voyons donc,
ça n'a pas de sens.
"Je ne vais pas assujettir
mon enfant à une heure d'autobus
"pour qu'il se rende
à l'école de langue française.
"J'opterai pour l'immersion,
"j'opterai pour l'école
de langue anglaise,
"et j'espérerai
que mes enfants apprendront
"le français autrement."
Le problème est que la plupart
des recherches démontrent
que de plus en plus, et surtout
en Colombie-Britannique,
c'est à l'école que les gens
apprennent le français,
pas à la maison.
NARRATRICE
Puisque la province fait
la sourde oreille
à ses demandes,
le conseil scolaire
n'a d'autre choix
que de s'engager
dans un combat juridique.
En 2010, le procès est lancé,
avec pour objectif
de faire bâtir
de nouvelles écoles
et de rénover celles
qui sont en mauvais état.
En tout, le conseil scolaire
demande une quinzaine d'écoles
partout en province.
C'est la plus grande cause
scolaire à ce jour.
MARK POWER
Donc, le 3e thème
de cette poursuite,
c'est comment se fait-il
qu'en même temps,
la communauté francophone
ressente de si grands besoins
sur le plan de l'infrastructure
à travers la province?
Bien, c'est pas
le fruit du hasard.
Le système, en matière
de financement,
de construction d'écoles,
ne répond pas
aux besoins des francophones
dans cette province.
Et le souhait de base
du conseil scolaire,
de la fédération des parents
et d'autres parents demandeurs,
c'est que ce système
de financement
tienne compte des besoins
des francophones
et assure
un financement régulier
de construction
de nouvelles écoles,
de remises à niveau
des écoles existantes,
de sorte que les francophones
ici, dans cette province,
ne soient pas
toujours derniers
en matière de financement
des immobilisations.
L'article 23, à sa base,
donne le droit à l'éducation
en langue française,
une éducation qui est
véritablement équivalente
à ce qui est offert
en anglais.
Comment détermine-t-on s'il y a
manquement à l'article 23?
Comment savoir
s'il vaut la peine vraiment
de saisir les tribunaux?
Eh bien, c'est un travail de
terrain que ça prend au début.
Il faut vraiment visiter
de ses propres yeux,
en chair et en os,
faire le tour de l'immeuble
dans lequel ils opèrent.
MARK POWER visite une école en compagnie de sa collègue MAXINE VINCELETTE et d'un guide, SYLVAIN ALLISON qui est secrétaire-trésorier à la commission scolaire francophone de la Colombie-Britannique.
SYLVAIN ALLISON
Voici l'école La Vérendrye,
à Chilliwack.
Donc, vous pouvez voir,
il y a plusieurs bâtiments.
Ceci est
le bâtiment principal.
Et ensuite, ben,
il y a le gymnase en arrière
qui est un hall
communautaire.
Il y a aussi des portables
qui servent de bibliothèque
et aussi de garderie.
MARK POWER
Combien d'élèves
as-tu ici, à cette école?
SYLVAIN ALLISON
Ici, on a
une cinquantaine d'élèves.
NARRATRICE
Mark Power visite l'école
de la ville de Chilliwack,
à une heure de Vancouver.
En compagnie
du secrétaire-trésorier
du conseil scolaire
et d'une avocate
de son cabinet,
il relève les problèmes
d'infrastructures de l'école
afin d'établir les faits
pour la cause.
MARK POWER
Ici, on se rapproche
du gymnase,
ben, de ce qui tient lieu
de gymnase!
MARK POWER entre dans un édifice.
MARK POWER
C'est un centre
communautaire, vraiment,
qui est utilisé les soirées
et les fins de semaine.
Ça sent l'urine,
mais bon, il faut pas trop
s'accrocher là-dessus.
MARK POWER se tient dans un gymnase.
MARK POWER
Il y a quand même
plusieurs problèmes.
L'un des problèmes,
c'est que c'est pas un gymnase,
puis c'est pas
attaché à l'école.
Les écoles anglophones,
elles, ont des gymnases greffés
à leur édifice principal.
L'autre problème, c'est que ça
n'appartient pas au conseil.
Donc, l'affichage
à l'intérieur
comme à l'extérieur
est en anglais.
La Cour suprême
du Canada dit
que les écoles de langue
française sont censées avoir
de l'affichage
uniquement en français.
Là, c'est en anglais.
Le 3e problème majeur,
la Cour suprême parle d'écoles
qui se servent
de centres communautaires.
C'est pas du tout un centre
communautaire francophone,
c'est un centre
communautaire anglophone
qui tient lieu de gymnase
quand vous pouvez,
pendant les heures
de cours.
Dans le gymnase, une chaise est coincée dans la poignée d'une porte pour la tenir fermée.
MARK POWER
Pourquoi cette chaise-là
est là, Sylvain?
SYLVAIN ALLISON
C'est pour garder
la porte fermée.
MARK POWER
Les serrures
ne fonctionnent plus,
et donc, voici ce
qui tient lieu de serrure...
dans le gymnase.
C'est pas exactement ce
qu'il y a de plus sécuritaire.
MARK POWER (Narrateur)
La situation est
hautement problématique.
C'est ce que la cour
sera appelée à trancher.
L'article 23 de la Charte
des droits et libertés,
c'est une disposition
comparatrice,
c'est une disposition
qui cherche à faire en sorte
que les francophones
hors Québec
reçoivent une éducation
véritablement égale
à ce qui est offert
en anglais hors Québec.
Une école
qui est construite
en ce qui devient lentement,
tranquillement,
la banlieue de Chilliwack,
mais ce qui est carrément
un milieu agricole,
les écoles de langue anglaise
qui desservent la majorité
des gens de Chilliwack
sont en ville,
pas en banlieue.
Et donc, c'est pas étonnant
que la majorité des francophones
qui habitent dans le coin,
qui pourraient choisir
d'inscrire leurs enfants
à l'école
de langue française,
ne le font pas,
l'école est carrément trop loin.
MARK POWER et ses collègues entrent dans un autre petit édifice.
SYLVAIN ALLISON
On va rentrer
dans une garderie,
la garderie
de l'école.
MARK POWER
C'est le conseil
qui utilise une portative,
une vieille portative
comme espace de garderie?
SYLVAIN ALLISON
Oui, absolument.
On va voir, c'est rattaché
à la bibliothèque aussi,
donc 2 portatives
collées l'une sur l'autre.
MARK POWER
C'est pas très accueillant
comme espace.
MAXINE VINCELETTE
Les prématernelles
et les garderies
dans les écoles du conseil
sont super importantes
parce que c'est
la première opportunité
de franciser les jeunes.
Malheureusement,
il y a pas assez d'espace
dans la majorité
des écoles.
Et comme l'espace ici
le démontre,
des fois, l'espace qui est
disponible est pas adéquat.
MARK POWER et ses collègues entrent dans une salle de classe.
MARK POWER
C'est une salle
de classe de quoi?
SYLVAIN ALLISON
C'est des 5e et 6e années.
MARK POWER
Cinquième et sixième années?
SYLVAIN ALLISON
Oui. C'est un vieil espace.
On peut voir très peu
de fenêtres dans cet espace-là.
MARK POWER
J'imagine que le conseil
pourrait investir:
refaire les murs,
refaire les planchers,
peut-être défoncer
certains murs,
installer des fenêtres
de plus.
SYLVAIN ALLISON
Ben, ça vaut pas la peine
parce que c'est pas ça
que le conseil veut avoir.
Le conseil veut avoir
une école neuve
qui rencontre nos besoins
pis qui est située aussi
dans la ville de Chilliwack.
Présentement, ici, nous sommes
à l'extérieur de la ville,
et puis c'est difficile d'accès
pour les élèves et les parents.
MARK POWER
Si t'avais
ta nouvelle école,
qu'est-ce que
tu mettrais là-dedans,
quelle programmation
offrirais-tu?
SYLVAIN ALLISON
J'aurais une maternelle
à sixième,
avec des espaces
communautaires,
des espaces
pour le préscolaire aussi,
des espaces pour Franc départ,
un programme du gouvernement.
MARK POWER (Narrateur)
À Chilliwack, l'école,
l'édifice est...
pfft! pitoyable,
il faut le dire,
carrément pas attrayant,
carrément pas équivalent.
Comment se fait-il que
les francophones aient accepté
d'être ainsi,
en milieu agricole,
carrément devant une usine
de transformation de bois,
et derrière une ferme?
À l'époque, c'était le seul
choix qui leur avait été offert.
Bien sûr, une petite école,
c'est mieux que rien,
même si elle est
mal située.
Mais pour
la majorité des gens
qui ont le droit
d'inscrire leurs enfants
dans une école
de langue française,
ça prend bien plus que ça.
NARRATRICE
Toujours
en Colombie-Britannique,
une autre cause,
celle de l'école Rose-des-vents,
a commencé 2 ans avant
la grande cause des 15 écoles
et se déroule
en parallèle à celle-ci.
Les parents
de l'école Rose-des-Vents
réclament des services
équivalents
à ceux de leurs voisins
anglophones,
et ils se rendront
jusqu'en Cour suprême du Canada
pour faire respecter
leurs droits.
Leur première
démarche consiste
à faire pression
sur le gouvernement
en adressant une lettre
directement au ministre
de l'Éducation.
LUC MORIN, président de l'Association des parents de l'école Rose-des-vents, et JOSEPH PAGÉ, parent demandeur, témoignent.
LUC MORIN
Cinq semaines plus tard,
nous avons eu sa réponse.
Et à ce moment-là,
il était clair...
La réponse du ministre
indiquait
qu'il n'avait pas de
compréhension de la situation.
JOSEPH PAGÉ
C'est là qu'on a fait plein
de moyens de pression.
On a écrit des lettres
au ministre, au sous-ministre,
on a écrit au CSF.
Quand le CSF pouvait venir
aux rencontres,
on discutait avec eux.
Puis là, ben, c'est ça!
On a négocié
pendant quelques années,
jusqu'à ce qu'on décide
que, peut-être,
la prochaine étape,
c'était vraiment
de demander à un avocat
de nous écrire
un avis juridique.
LUC MORIN
La réponse du sous-ministre
a eu lieu en mars 2008.
Et en juin 2008,
nous avons obtenu
un avis juridique
de Me Nicolas Rouleau.
Parce qu'il était
très bien écrit
et très bien expliqué,
cet avis-là
nous a donné de l'espoir.
Et donc, nous avons cru,
innocemment,
que ceci était pour être lu
par d'autres personnes,
qu'ils auraient
le même raisonnement que nous
et qu'ils feraient quelque chose
pour modifier la situation.
JOSEPH PAGÉ
On l'a partagé
avec la Fédération,
avec le conseil scolaire.
On s'est même dit,
à l'interne,
dans notre petite équipe,
le comité de transport:
"Ouais, mais peut-être
qu'on devrait la traduire
"et puis l'envoyer
au ministre."
Puis c'est
ce qu'on a fait.
Parce que vraiment,
ce qu'on cherchait,
nous, en tant que juristes,
Nicolas et moi,
c'est qu'on voulait vraiment pas
passer devant les tribunaux.
On connaissait un peu
l'historique de certaines causes
comme Mahé et Doucet-Boudreau,
pis tout ça,
qui se sont rendues jusqu'à
la Cour suprême du Canada.
Pis c'était vraiment pas...
Tant qu'à nous,
les faits étaient clairs.
Les faits associés au droit
démontraient clairement
que la situation
à Rose-des-vents
était pas acceptable
et ne rencontrait pas les
obligations constitutionnelles.
Donc, comme Luc a dit un peu
à l'alouette, on s'est dit:
"On la traduit en anglais,
on envoie ça au ministre,
"pis dans 3 mois,
ça va être tout réglé.
"Ils vont nous donner
le financement requis."
Mais c'est pas ça
qui est arrivé.
Ils rient.
LUC MORIN
On n'a pas eu de suivi
de la part du gouvernement
à ce moment-là.
JOSEPH PAGÉ
Ça démontre clairement
l'importance
de la Charte au Canada.
Parce que les francophones
en Colombie-Britannique
pis à l'extérieur
du Québec,
on n'a aucun pouvoir politique.
Il y en a pas,
de pouvoir politique,
le monde rêve en couleurs
en pensant
que c'est aux élections
qu'on va régler le problème!
On est éparpillés
un peu partout en province,
à Vancouver, on est peut-être
quelques milliers,
mais c'est pas nous qui allons
faire balancer le résultat.
Moi, ce qui me choque le plus
dans ce dossier-là,
c'est qu'on reprend
les chicanes
de nos parents
pis de nos grands-parents.
Des gens passionnés
comme nous,
au lieu de se traîner la patte
dans des dossiers de droit
juridique, linguistique,
on devrait être en train
de s'attaquer
aux questions autochtones,
aux questions environnementales,
pas reprendre les chicanes
de nos grands-parents
de 1917 en 2014.
Moi, j'en revenais pas.
Dès le début,
Nicolas nous avait dit:
"S'il y a pas de financement,
on va y aller pareil,
"je travaillerai
au pro bono",
avec mon aide pis l'aide
d'autres personnes.
Pis il faut dire que Nicolas
pourrait facilement
se faire payer au moins
le double de ce qu'il a reçu.
Nicolas, c'est pas
un ayant droit,
dans le sens
qu'il a pas d'enfant,
sauf que lui aussi a vécu
certaines choses
semblables à nous ici.
Le dossier
lui tient à coeur.
Ça nous arrive des fois,
les juristes,
d'avoir des dossiers
qui nous tiennent à coeur.
Pis ça, c'en est un,
certainement.
LUC MORIN
Il y a un lien commun
qui relie tous les parents:
ce sont leurs enfants,
et de vouloir un peu plus
pour leurs enfants.
Il était clair ici
que nous n'obtenions pas
l'équivalence
avec les écoles anglophones.
Donc, on a recherché
d'obtenir l'équivalence.
JOSEPH PAGÉ
C'est important,
ce que Luc vient de dire,
parce qu'on n'en
demande pas plus.
Ce qu'on veut,
c'est être desservis
comme nos voisins
anglophones.
Donc, c'est pour ça que
dans les questions juridiques,
et dans les questions pratiques,
ben, on se compare
aux écoles à côté,
les écoles de quartier.
Dans notre région, il y a plein
d'écoles anglophones.
Pis la petite fille,
le petit garçon anglophones,
au maximum, ont un
kilomètre à marcher
pour se rendre
à l'école.
Nous autres, on a des enfants
qui viennent en autobus
de l'autre bout
de la ville
et qui passent une heure
en autobus.
On demande pas
des écoles de quartier,
mais on veut avoir
des écoles accessibles
pis qui sont aussi bien fournies
que les écoles de nos voisins.
LUC MORIN
Durant la construction
de l'école secondaire
sur le site
de l'école Rose-des-vents,
il y avait un champ
de construction
qui avait pris
la quasi-totalité
du terrain
qui existait à l'avance.
Donc, sur l'heure du midi,
on avait au-delà
de 300 élèves
qui avaient une cour
d'école restreinte.
Et durant 2 ans, nous avons
déménagé nos enfants
sur l'heure du midi
à un parc
qui est à quelques coins
de rues d'ici en autobus.
Les enfants,
150 élèves jouaient
dans un parc
sur l'heure du midi,
pendant que les autres 150
jouaient sur ce qui restait
comme cour d'école
durant la construction.
Et juste à 1h00,
ils revenaient à l'école
pour reprendre les classes.
Et ceci s'est fait
durant toute l'année.
Un an et demi
de construction.
JOSEPH PAGÉ
Moi, j'avais oublié
ce bout-là.
Mais j'en revenais pas
que des enfants embarquent
pour la récréation
en autobus
pour aller au parc.
Voyons donc!
Ça tient pas debout!
Mais la 2e chose
que ça démontre,
c'est comment les parents
tiennent à leur francophonie.
Ils sont prêts
à poser des gestes,
ou à accepter des gestes,
franchement,
qu'ils ne devraient
pas accepter!
C'est vraiment pas
des conditions
qui devraient
être acceptables!
Mais la francophonie
est tellement importante
que: "Bon, OK, correct!
Allez-y en autobus, au parc."
Il y a pas moyen
que des anglophones
viennent ici et se disent:
"C'est correct, ça.
"Le gym dehors,
c'est une bonne idée."
Il y a pas moyen!
Moi, dans mon quartier
où j'habite,
un petit peu plus
à l'ouest,
les parents ont tellement
de pouvoir au niveau des écoles!
Des fois, le conseil
scolaire anglophone
essaie de fermer
les écoles.
Impossible!
Il y a pas moyen!
Tous les avocats,
tous les docteurs,
tout le monde,
tous les professionnels,
il y en a mille qui se lèvent
pis qui disent:
"Pas moyen que vous fermiez ça,
cette école-là!"
Il y a une école
qui voulait fermer.
Ça nous aurait aidés
parce que ç'aurait libéré
des espaces, pas moyen!
Pis c'est pas parce
qu'ils s'opposaient à nous.
C'est qu'il y a pas moyen
qu'on ferme
des écoles de quartier
chez nous!
Venez les mettre ici,
pis il y en a pas un
qui va rester!
Ils vont passer 2 jours,
ils vont dire:
"On reste pas ici!"
LUC MORIN
Avec tout ce que j'ai vu
dans ce qui a été dit
dans la cause,
certaines choses
avaient aucun sens,
qui avaient été apportées
par la province.
Et maintenant,
tout ce qu'ils disent, c'est:
"Un conseil scolaire
francophone existe,
"ce sont eux
qui sont en charge
"de l'administration
des écoles,
"c'est eux
qui sont en faute
"de ne pas avoir géré
l'administration des fonds
"pour pouvoir offrir
à ces parents-là
"une école constitutionnelle."
JOSEPH PAGÉ
Ils font leur Ponce Pilate,
ils se lavent les mains
en disant:
"Ah ben, c'est pas nous autres.
Il y a un conseil scolaire.
"C'est à eux autres.
Ils ont pas fait leur job.
"Les parents, c'est eux autres.
Allez les voir."
Oui, mais le conseil scolaire
ne reçoit pas le financement
dont il a besoin.
Il peut pas aller le chercher
dans les poches des citoyens!
Il peut pas! Le conseil
reçoit un budget.
Il faut qu'il fonctionne
à l'intérieur de ce budget-là.
Ben, c'est au gouvernement...
Pour moi, le conseil scolaire,
c'est un agent de la province.
La responsabilité
constitutionnelle,
c'est ben beau de dire:
"Oui, oui!
"On vous a donné
vos conseils scolaires,
"c'est à eux autres
de gérer la machine."
Oui, oui, mais en bout de ligne,
c'est un agent.
La responsabilité est
à la province.
NARRATRICE
On est à la veille
de la présentation
de la cause Rose-des-Vents
en Cour suprême.
L'avocat Nicolas Martin Rouleau
revoit une dernière fois
les dossiers
avec Joseph Pagé.
Dans un bureau, JOSEPH PAGÉ rencontre NICOLAS MARTIN ROULEAU.
JOSEPH PAGÉ
Salut, l'ami.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Allo! Ça va?
JOSEPH PAGÉ
Ça va bien! et toi?
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Oui, oui!
Excité pour demain?
JOSEPH PAGÉ
On a hâte que ça commence
pis que ça finisse!
Qu'est-ce
que tu nous as amené?
NICOLAS MARTIN ROULEAU montre des documents.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Bon! Donc là,
c'est tous les documents
qu'on aura pour demain.
Ça, c'est les mémoires
des 3 parties.
On a notre mémoire ici,
on a le mémoire du conseil
scolaire francophone
et le mémoire
de la province.
NICOLAS MARTIN ROULEAU (Narrateur)
La question
devant la cour demain
n'est pas si
le conseil scolaire
peut avoir un certain pouvoir
de gestion ou non.
Il est reconnu
que les conseils scolaires,
grâce entre autres à la décision
Arsenault-Cameron, surtout,
et Mahé aussi,
auparavant,
ont le pouvoir de gestion
et de contrôle.
Par contre, ils doivent avoir
les ressources
pour mettre en oeuvre
leur vision
d'une instruction
et d'établissements équivalents
dans les communautés.
Le conseil scolaire francophone
n'a pas les moyens
pour obtenir ces 2 écoles,
et c'est donc là que la province
a besoin de participer,
a besoin de donner un coup
de pouce au conseil scolaire,
ainsi que le financement
nécessaire
pour obtenir des écoles.
Donc, si la Cour suprême
peut repasser
ce processus qu'elle a établi
dans les causes Mahé,
la cause Doucet-Boudreau,
la cause Arsenault-Cameron,
je pense que ça serait
extrêmement utile
aux minorités francophones
partout au pays,
parce qu'elles sauront
ce qu'elles doivent faire
pour démontrer qu'il existe
une enfreinte,
et pousser les acteurs
gouvernementaux à agir.
ROBERT LEPAGE
Il y a toujours
la possibilité
aux procureurs généraux
d'intervenir.
Les 3 provinces de l'Ouest
et les 2 territoires du Nord
ont décidé
que tous les cinq
vont intervenir
contre les arguments
des francophones
dans Rose-des-vents.
Ben, l'avocat qui représente
ce groupe de parents là
m'a appelé et a dit: "Roger,
je me trouve tout seul, moi,
"avec mon petit groupe
de parents,
"pis là, je fais face
à 5 adversaires de plus.
Ça fait que j'ai contacté
les commissions scolaires
que je connais,
la Commission scolaire
francophone du Yukon,
la Commission
scolaire francophone
des Territoires
du Nord-Ouest,
la Fédération nationale
des conseils scolaires,
qui regroupe
les 28 conseils.
J'ai fait valoir
que c'était important
que nous aussi,
on se concerte.
On peut pas laisser
un petit groupe tout seul
faire la bataille.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
C'est une petite communauté
que celle juridique
francophone hors Québec.
Et on a vraiment des gens
qui ont le coeur à la tâche,
qui sont dévoués,
des gens comme Roger Lepage,
comme Mark Power.
Ce sont des gens
qui vivent ces droits-là,
qui vivent
les droits linguistiques,
et c'est bien de se sentir
appuyé par tous ces gens-là
lorsque nous, on revendique
justement nos droits,
de savoir qu'il y a
non seulement
un groupe de parents
à l'école Rose-des-vents,
mais toute une communauté
francophone partout au Canada
qui nous appuie et qui travaille
avec nous vers le même but.
NICOLAS MARTIN ROULEAU, JOSEPH PAGÉ et leurs collègues se rencontrent devant une cour.
JOSEPH PAGÉ
Christophe,
il fait froid ici!
Envoie,
let's go!
Let's go!
Ils entrent dans la cour.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
On est mieux de rentrer.
On va aller voir ça.
PIERRE FOUCHER (Narrateur)
La cause Rose-des-vents
arrive à un moment
où on a, effectivement,
des procès au Yukon,
on a 2 procès
aux Territoires du Nord-Ouest,
on a un procès en Saskatchewan
sur le financement.
Et donc, tout le monde est là
pour préparer le terrain
en vue de ce qui va s'en venir
à l'intérieur de ces procès-là.
Au moment de l'audition
de Rose-des-vents,
le Yukon a déjà eu
la permission
de comparaître
devant la Cour suprême.
Par conséquent,
il faut savoir
que le Yukon est là pour
défendre, au fond, sa position,
défendre le point de vue
d'un gouvernement
et essayer de montrer
qu'il faut trancher
les questions
de responsabilité
entre le ministère
de l'Éducation
et le gouvernement
provincial, d'une part,
et d'autre part,
les conseils scolaires,
avant de déterminer s'il y a
violation de l'article 23.
Dans une cour, des juges s'assoient.
JUGE
(Propos en anglais)
Thank you.
(Propos en français)
Merci.
Association des parents
de l'école Rose-des-vents.
PIERRE FOUCHER (Narrateur)
Aussitôt que les jugements
ont commencé à tomber
dans Mahé,
dans Arsenault-Cameron,
les jugements
des années 90, 2000,
où on a assis
le droit de gestion,
là, les gens ont commencé
à se poser la question:
"Oui, mais qui
va décider de quoi?
"Comment les pouvoirs
vont-ils se répartir
"entre le gouvernement
et les conseils scolaires?"
C'est là qu'on est rendus
maintenant.
C'est le genre de question
qui est posée aux tribunaux
dans cette nouvelle vague
de procès.
Dans la cour, NICOLAS MARTIN ROULEAU s'adresse aux juges.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Je vais faire
un très bref survol
de la cause Rose-des-vents,
et suivre avec 4 points...
Après la séance à la cour, les différents avocats et plaideurs s'expriment.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
On a réussi à faire passer
notre message,
et puis là, on espère que
les juges auront été réceptifs.
Je pense qu'ils
se rendent compte
qu'il y a un gros problème
à Rose-des-vents,
que l'état des établissements
scolaires est déplorable.
Et puis, on s'engage,
quand on rentre
dans une plaidoirie
à la Cour suprême,
à savoir qu'on va pas
où on veut aller,
mais plutôt où les juges
veulent nous mener,
et on essaie
de déterminer
quelles sont
les avenues possibles.
Je pense qu'on était
assez bien préparés.
Les juges posaient des questions
qui étaient très pertinentes,
qui portaient vraiment
sur le coeur,
le noyau de l'affaire.
JOSEPH PAGÉ
La province,
je pense qu'elle a passé
un mauvais quart d'heure!
Ç'a pas été facile!
C'était pas facile,
son argument,
parce que c'était
procédural.
Pis c'est ça,
un peu, des fois,
la différence
entre notre position.
Nous, en tant
que parents ayants droits,
on essaie de défendre
nos enfants, nos droits,
puis eux s'attardent
à la procédure.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Le travail peut-être le plus
difficile commence: attendre.
Attendre la décision
de la Cour
et espérer qu'elle aura vu
notre point de vue.
LUC MORIN
Le procureur de la province de
la Colombie-Britannique a parlé.
Les questions étaient bonnes
de la part des juges,
et il n'y avait pas
de réponses.
Donc, j'espère
que ça augure bien pour nous.
GERRY O'NEIL
Moi, disons,
en bon français,
je pense qu'il s'est fait
brasser la cage un peu!
ROGER PAUL, directeur général à la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, témoigne.
ROGER PAUL
On revendique le fait
que nos élèves devraient
commencer à 3 ans,
et ça devrait être
subventionné, les 3 à 5 ans.
On revendique
l'homogénéité des écoles
par rapport à des écoles
qui sont francophones.
On revendique également
la pleine gestion:
la pleine gestion
de nos admissions,
la pleine gestion
sur notre personnel.
Ce sont nos écoles.
C’est à nous,
selon l'article 23,
de gérer ces écoles-là,
et c'est pas
le cas partout.
JULIE ROULEAU, mère de NICOLAS MARTIN ROULEAU, témoigne.
JULIE ROULEAU
On va certainement
le regarder, on va en discuter.
Je suis certaine que Nicolas et
son père vont être au téléphone,
ça prendra pas
beaucoup de temps.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Oh, je pense pas!
Je pense que j'ai fini
de regarder ça.
Ça y est, je ne veux plus
me voir plaider.
Je ne veux plus penser à ce
dossier pour quelques jours, là!
C'est épuisant,
quand même!
JULIE ROULEAU
On est pas mal fiers,
vraiment, là!
33 ans, pas si mal!
Il s'est bien débrouillé,
je pense.
PIERRE FOUCHER
Au-delà de l'instruction,
au-delà de l'éducation,
c'est une vision du pays
qui est défendue ici.
C'est une vision du pays
dans laquelle la dualité
linguistique est fondamentale.
Elle est au coeur
du projet canadien,
parmi d'autres réalités,
mais c'en est une
qui est cruciale
à l'évolution du Canada.
Et c'est la raison pour laquelle
l'interprétation
qu'on donne à cette disposition
est aussi importante.
Vous savez,
en droit international,
la première chose
que les minorités réclament
lorsqu'elles veulent se garantir
des droits, c'est des écoles.
NARRATRICE
Cinq mois plus tard,
la Cour suprême du Canada
rend son verdict:
elle donne gain de cause
à l'association des parents
de l'école Rose-des-vents
de Vancouver.
Ce jugement fait souffler
un vent d'espoir
sur la francophonie canadienne.
Partout au pays, la cause
Rose-des-vents renforce
les arguments des conseils
scolaires et des parents,
qui se battent quotidiennement
pour assurer à leurs enfants
l'éducation en français
qu'ils méritent.
NICOLAS MARTIN ROULEAU
Ce mode de pensée
où c'est vraiment un privilège
pour les francophones
d'avoir un accès
à leurs écoles
est presque terminé.
Parce que je regarde
la population croissante
du Conseil scolaire
francophone.
Le plus qu'il y a
de francophones
qui veulent faire instruire
leurs enfants en français,
le plus qu'il y aura
de la pression politique,
le plus que les gens
seront prêts à poursuivre
leurs revendications
devant les tribunaux.
Le résultat de tout cela,
je pense qu'il est inévitable
que les écoles francophones
continuent à grandir.
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