

Arrière-scène
Arrière-Scène vous invite à rencontrer ceux qui travaillent dans les coulisses : compositeurs de musique de films, directeurs de tournée, programmateurs, disquaires, réalisateurs, musiciens de bar.
Vidéo transcription
De l'émergent au mainstream
Si on pouvait présenter les étapes de l’évolution du musicien, on présenterait trois ou quatre grandes étapes : l’amateur joue de la musique pour le plaisir, puis réalise qu’il a du talent. Il se donne les moyens d’évoluer, se fait des fans et devient un musicien émergent. Puis, s’il est
chanceux, il sera peut-être une grande star ?
Année de production: 2014
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Arrière-Scène part à la rencontre des artisans qui fabriquent de leurs mains notre paysage musical. On y découvre les coulisses de l'industrie musicale en rencontrant ceux qui y travaillent : musiciens de studio, compositeurs, metteurs en scène, producteurs, disquaires, programmateurs et plusieurs autres.
L'émission «Arrière Scène» est ponctuée d'entrevues de journalistes en studio et d'autres intervenants du milieu qui viennent apporter leur expertise et leurs commentaires.
Générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Arrière-scène— De l'émergent au mainstream
[Fin information à l'écran]
SÉBASTIEN NASRA est au festival OUMF de Montréal.
[Début information à l'écran]
Sébastien Nasra, producteur délégué— Festival OUMF; président et fondateur— M pour Montréal, Avalanche Productions
[Fin information à l'écran]
SÉBASTIEN NASRA
On a un événement qui s'appelle
OUMF, Festival d'art émergent,
c'est pluridisciplinaire, donc
c'est sûr que la musique prend
une place vraiment importante,
puis la deuxième scène qu'on a
installée cette année, ça
s'appelle la scène "musique
émergente". Avec M pour
Montréal, on est dans des
artistes émergents qui sont en
développement de carrière, donc
ça crée une espèce de circuit,
qu'un groupe finalement qui
livre la marchandise à chaque
prestation, ben c'est là un peu
que la loi de la jungle
s'applique, mais en même temps
c'est là que ceux qui ont
vraiment un potentiel, se
développent pis trouvent des
opportunités.
[Début information à l'écran]
Olivier Robillard-Laveaux, journaliste et critique musical— Voir, Musique Plus, ICI Radio-Canada
[Fin information à l'écran]
OLIVIER ROBILLARD-LAVEAUX
(En studio)
Je crois vraiment qu'un groupe
qui est bon, qui a des bonnes
chansons va y arriver, va
percer. Il n'y a personne qui
est responsable du succès d'un
groupe autre que le groupe là.
C'est pas parce que ton gérant
ne fait pas la job ou parce que
ta relationniste de presse ne
fait pas la job... non.
T'es la seule personne
responsable du succès de ton
groupe.
(SÉBASTIEN NASRA est au festival OUMF de Montréal.)
SÉBASTIEN NASRA
Je pense que du côté de
l'artiste, c'est vraiment d'être
capable de prendre le risque que
ça marche, ce qui permettrait
notamment d'en vivre, ce qui
permettrait notamment d'avoir
une plus grande visibilité, puis
aussi ce qui permettrait
notamment de passer son message
à juste plus de monde.
[Début information à l'écran]
Nicolas Tittley journaliste, Musique Plus, Musimax, ICI Radio-Canada
[Fin information à l'écran]
NICOLAS TITTLEY
(En studio)
Traditionnellement, on dit
quelque chose qui est
"mainstream" c'est quelque chose
qui est commercial, donc qui va
jouer sur les grandes radios
commerciales, des artistes qui
ont une espèce de facteur de
reconnaissance, qui se promènent
dans la rue, il y a
littéralement des gens qui les
arrêtent en leur disant: "Hé,
est-ce que je peux avoir ton
autographe?" Ou simplement:
"Bonjour, j'aime ce que tu
fais." Un type comme Louis-Jean
Cormier par exemple, a vécu
pendant longtemps une espèce de
popularité relative parce que
son groupe Karkwa remportait des
Félix, était adulé par la
presse, avait toujours des
bonnes critiques, remportait
quelque chose comme le Prix de
musique Polaris, le meilleur
album au canada, c'est pas rien
quand même, mais n'était pas un
artiste "mainstream", ça
demeurait quelqu'un qui
appartenait encore à cette idée
de l'émergence. Et tout d'un
coup, Louis-Jean Cormier se
retrouve juge à La Voix et là
bang! Il entre de plain-pied
dans le "mainstream".
(LOUIS-JEAN CORMIER est au Festival de la poutine de Drummondville. Il se prépare pour un spectacle avec ses musiciens.)
LOUIS-JEAN CORMIER
T'sais si on y va vraiment avec
le dictionnaire, émerger ça va
être sortir de l'eau, ça va être
vraiment se mettre "sur la
mappe" en quelque part, de voir,
de faire une espèce de travail,
de découverte, de développement.
Mais un coup que t'as mis le
pied sur la terre ferme pis que
t'as un certain public qui te
suit, tu devrais être un artiste
établi. Pis l'idée de
"mainstream" c'est peut-être
l'autre extrême, "mainstream" ça
devrait peut-être plus
représenter la coqueluche,
t'sais, placardée sur les racks
à revues à côté de la caisse
enregistreuse.
[Début information à l'écran]
Domlebo, auteur-compositeur-interprète
[Fin information à l'écran]
DOMLEBO
(En studio)
Si ma mère t'a vu à la
télévision, pour ma mère t'es un
vrai artiste reconnu. Ma mère ne
peut pas me chanter une chanson
de Vincent Vallières, mais ma
mère va me dire qu'il a trois
enfants et qu'il vit dans le
coin de Magog. À ses yeux, il
est dans le 7 Jours, ou il est
allé à l'émission d'un tel,
c'est un vrai artiste, il est
reconnu, il est à la
télévision.
(LOUIS-JEAN CORMIER est au Festival de la poutine de Drummondville.)
LOUIS-JEAN CORMIER
Dans ma vision de l'échelle
d'émergence à "mainstream", pour
moi, comment on la ressent,
cette espèce de différence-là,
on la ressent dans nos vies
personnelles. On la ressent chez
Jean-Coutu, au IGA, on la
ressent dans tout ce qu'on fait
autour. C'est sûr que nos
agences pis nos bureaux de
production pis tout ça
ressentent aussi plus de
facilité, moins de
développement, plus de genre on
dit non, on refuse, on répond
aux demandes. Mais moi, je
n'aime vraiment pas ça penser
à: est-ce qu'un artiste est
plus "mainstream" qu'un autre?
J'aime beaucoup décrocher de
cette affaire-là.
OLIVIER ROBILLARD-LAVEAUX
(En studio)
Il n'y a pas de honte à vouloir
devenir "mainstream", moi je
pense même qu'à la limite c'est
l'ultime but, peut-être pas de
tout musicien, mais si tu fais
de la musique, tu veux que le
plus de gens possibles
l'entendent, pis ce n'est pas
vouloir faire de l'argent, pas
vouloir devenir une vedette,
c'est juste vouloir partager sa
musique, donc je pense
qu'accéder au "mainstream", je
n'ai aucun problème avec ça pis
je le souhaite à peu près à
tous les musiciens, pis c'est
normal que ça arrive si un
musicien a du talent.
Maintenant c'est: comment tu y
arrives au "mainstream"?
(Début intertitre)
(Par où commencer?)
(Fin intertitre)
(KLÔ PELGAG et ses musiciens chargent une camionnette de différents éléments de décors. Ils s'apprêtent à partir pour le Festival de la Chanson de Tadoussac.)
[Début information à l'écran]
Klô Pelgag, auteure-compositrice-interprète
[Fin information à l'écran]
KLÔ PELGAG
Là on charge des décors qu'on
n'amène plus habituellement,
parce qu'on n'amène plus les
décors parce qu'on est tannés
d'amener les décors. Mais là, le
Festival de Tadoussac voulait
qu'on amène les décors, fait
qu'on amène les décors.
"That's it", c'est ça.
C'est quelque chose t'sais de
se dire: "OK, moi je pense
que ça peut être pertinent ce
que je fais, ça peut être
intéressant pour les gens", en
même temps, peut-être pas.
(KLÔ PELGAG et ses musiciens sont sans la camionnette et circulent sur l'autoroute.)
[Début information à l'écran]
Fany Fresard, violoniste
[Fin information à l'écran]
FANY FRESARD
On a commencé nous parce qu'on
"trippait" pis qu'on aimait ça.
Mais à un moment donné t'as
envie de jouer de la musique
devant les gens pis Klô, elle a
essayé de "booker" des tournées
et tout ça mais tu fais ça, tout
ça tout seul, pis c'est
énormément d'énergie là. Je ne
pense que ce n'est pas facile
pis... les choses se sont
"buildées" tranquillement mais
solidement aussi t'sais.
KLÔ PELGAG
Mon gérant, je l'ai rencontré
alors que je faisais le Festival
de la chanson de Granby, puis,
j'allais là puis je me disais:
"OK, je fais ce truc-là,
j'aimerais vraiment, là je
serais vraiment rendue à
rencontrer quelqu'un qui va
m'épauler, parce que j'en ai
besoin là." Pis je l'ai
rencontré à la suite de ça, pis,
à partir de là ça comme... tout
a un peu changé, c'est que cette
personne-là m'a aidée à avoir
des plans plus concrets... des
étapes qu'on voulait franchir.
Il m'a amenée à faire beaucoup
de rencontres aussi, à faire
beaucoup de choses, des
"showcases" notamment. Donc
c'est tout ça là, il m'a amenée
un genre de... quelque chose
pour concrétiser le fait que moi
j'existais en tant qu'artiste
disponible à faire ce métier-là.
(SÉBASTIEN NASRA est au festival OUMF de Montréal.)
SÉBASTIEN NASRA
C'est bon qu'un band finalement
fasse un bout par lui-même,
honnêtement, moi en tout cas, en
tant que "ex" imprésario,
gérant, je trouve que c'est
vraiment un plus, parce que
d'avoir un minimum de
connaissances de la business, ça
aide vraiment après dans la
gestion des attentes, pis,
d'établir une relation qui est
saine entre l'équilibre
artistique pis l'équilibre
d'affaires.
(LOUIS-JEAN CORMIER est au Festival de la poutine de Drummondville.)
LOUIS-JEAN CORMIER
Quand t'es dans ton sous-sol et
que tu penses avoir quelque
chose, d'essayer le plus
rapidement possible de te voir
en quelque part, de savoir qui
tu es, pis après ça de
travailler ton image,
travailler, par les réseaux
sociaux je pense que c'est le
meilleur moyen, juste de créer
une espèce de "buzz", ce qui
est... ça ne se crée pas, il n'y
a pas de recette pour ça mais,
il faut que tu bouges, il faut
que tu fasses quelque chose. Tu
te produis, en résidence en
quelque part, tu dis: "Je vais
jouer au Divan Orange les quatre
prochains lundis, pis je vais
inviter des gens, inviter des
gens, inviter des gens pis, au
pire je paierai de ma poche le
déficit." L'autre moyen c'est
les concours, si t'es choisi il
va falloir que tu te présentes à
un show, un show qui va être
suivi par des producteurs de
disques, par des gérants, par
des journalistes. Je pense que
c'est quand même resté assez
conventionnel, l'idée de sortir
de son sous-sol c'est de faire
entendre ta musique à des gens
qui vont t'aider.
DOMLEBO
(En studio)
Pars avec l'idée que ça ne va
pas fonctionner. Attends-toi au
pire, prépare-toi au succès. Hé,
qu'est-ce qui arrive si le
téléphone sonne? Qu'on a des
entrevues? Qu'on a des shows?
Que je ne peux pas finir mon bac
finalement, je remets ça... je
vais faire deux cours/semaine à
la place? Prépare-toi au succès
mais surtout au pire. À un flop
total, à perdre de l'argent, du
temps, à ce que ça ne fonctionne
pas, même si t'es super beau,
super bon, pis t'as rencontré le
bon monde. La très très très
très grande majorité des cas, on
n'en vit pas.
(KLÔ PELGAG et ses musiciens sont sans la camionnette.)
KLÔ PELGAG
T'sais, je ne me souviens pas
avoir pris une décision genre
"je vais faire une carrière"
parce que juste le fait de dire:
"Ah, je vais faire carrière"
pour moi c'est comme si tu
décides de l'avenir mais tu ne
le sais tellement pas, c'est
tellement incertain la musique
pis l'art là, en général... Moi
j'ai "trippé" là toute mon
adolescence sur des poètes qui
sont morts en mangeant des
hot-dogs là, dans leur
appartement sur "Hochelague" qui
se sont défenestrés là t'sais.
Fait que, c'était pas du monde
heureux. Fait que moi j'ai
cette image-là aussi de...
t'sais je fais ça par passion,
pas pour faire de l'argent
nécessairement même si c'est...
il faut aussi là. Déjà là il
y a plein de choses auxquelles
je n'aurais jamais pensé qui se
sont produites, donc j'imagine
que dans 10 ans, il va y en
avoir une couple d'autres, ou
peut-être que ça va avoir été
un flop total et que je vais
être alcoolique et très triste.
FANY FRESARD
Klô est assez connue pour être
demandée, mais pas encore assez
connue pour que les diffuseurs
soient certains qu'ils vont
remplir leurs salles à plein.
Mais du coup, on est à un stade
là, c'est comme un peu charnière
pour les membres du band, parce
qu'on ne peut pas continuer
d'avoir un job à côté, quand tu
n'es pas là un mois sur deux,
c'est compliqué. Les choses vont
bien, fait que j'ai bon espoir
que ça va aller de mieux en
mieux là, pis on aime ça jouer
ensemble pis... Mais mettons que
je pense que ça prend du temps
aussi, t'sais c'est...
KLÔ PELGAG
C'est quelque chose qui est long
à construire là.
FANY FRESARD
Oui.
OLIVIER ROBILLARD-LAVEAUX
(En studio)
De se sortir de l'émergence,
c'est l'étape la plus difficile
parce que si ça ne se passe pas
entre 20 et 30 ans, rendus à 30
ans souvent, on a besoin d'une
sécurité financière pis c'est
normal, c'est pas vendre son âme
là, c'est comme juste
l'évolution normale. On souhaite
avoir une famille, s'installer,
être capables de payer ses
comptes pis, c'est pas
l'émergence qui va permettre ça.
Fait qu'à un certain moment,
rendus à 30 ans, si ça n'a pas
fonctionné, généralement il y a
beaucoup de groupes qui vont
peut-être se décourager, qui
vont se séparer, oups, ça va
être plus des carrières en solo,
des fois, tout ça... On le sent
ça, ça fait que si on réussit à
passer cette période-là
d'émergence, si on réussit à
s'en sortir, c'est énorme et
c'est pour ça qu'il y a beaucoup
d'appelés mais peu d'élus en
musique là, c'est vraiment ça
là.
(PATRICE MICHAUD est au Festival de la Chanson de Tadoussac. Il installe ses instruments sur une scène.)
[Début information à l'écran]
Patrice Michaud, auteur-compositeur-interprète
[Fin information à l'écran]
PATRICE MICHAUD
J'ai quand même flirté avec ce
qu'on appelle l'espèce d'ABC du
musicien de la relève, se faire
voir sur les bonnes scènes par
des gens de l'industrie. Mais en
même temps, ne sachant pas trop
ce que j'allais faire avec ça,
et surtout me questionnant
continuellement, si mes affaires
étaient si intéressantes que ça,
si ça méritait d'être travaillé
pour amener ça plus loin,
c'est-à-dire, commencer à faire
des sacrifices, mes études
étaient en train de prendre le
large... J'ai fait toutes sortes
de petites jobines à travers
pour pouvoir arriver.
Maintenant, je fais des disques,
je donne des shows, je fais de
la tournée, bien c'est devenu ma
vraie job.
NICOLAS TITTLEY
(En studio)
Ceux qui sont partis de la base
là, qui ont vraiment là, ils
sont sortis du garage, ont fait
des premiers concerts dans des
sous-sols d'églises, dans des
bars, et qui l'ont fait vraiment
étape par étape, ces gens-là
sont habitués à la difficulté
qu'il y a de se vendre. Et ils
sont pas mal mieux équipés à mon
avis que ceux qui arrivent des
concours télévisés et qui eux,
ont connus la gloire
instantanée, qui, une fois
sortis de ces émissions-là,
s'ils n'ont pas été l'heureux
élu, s'ils ne sont pas le grand
gagnant de telle ou telle
édition de La Voix ou de tel
autre concours télévisé, ces
gens-là vont aussi avoir à
travailler pour avoir une
carrière. Or, ils l'ont moins
appris que les autres.
(Début intertitre)
(Devenir populaire : à quel prix?)
(Fin intertitre)
NICOLAS TITTLEY
(En studio)
Il y a cette idée très
présente chez plusieurs
artistes que le succès
populaire, en quelque part,
c'est obtenu à coups de
compromis, à coups...
T'sais, il y a quelque chose de
putassier un peu, c'est dans
l'idée là, on se vend. Quand on
obtient le succès populaire,
c'est parce qu'on a fait une
entorse à ses principes de
base, on a changé quelque chose
dans sa nature même pour
pouvoir obtenir le succès
populaire. Or, le succès
populaire des fois il arrive par
accident. Je veux dire, Les
Trois Accords, quand ils ont
connu le succès populaire, n'ont
pas changé ce qu'ils étaient
alors qu'ils étaient un
phénomène qui était limité aux
radios universitaires, à CISM
par exemple. C'est simplement
que tout d'un coup, il y a plus
de gens qui ont découvert qui
étaient Les Trois Accords, et
le succès populaire est
venu. Mais Les Trois Accords
n'ont pas changé leur façon de
faire des chansons.
(SÉBASTIEN NASRA est au festival OUMF de Montréal.)
SÉBASTIEN NASRA
Je ne pense pas que c'est
nécessairement tous les artistes
qui veulent être "big", même,
peut-être pas, pis je pense
qu'il y a certains artistes qui
sont devenus "big", qui ne le
cherchaient pas nécessairement,
mais ce qu'ils font comme
musique ça touché... ou une
chanson qui a tout changé, pis
qui a touché un très large
public, pis ils ont appris à
vivre avec ça.
(PATRICE MICHAUD est au Festival de la Chanson de Tadoussac.)
PATRICE MICHAUD
J'ai très peu de vision par
rapport au succès. J'ai une
vision par rapport à la suite
des choses artistiquement
parlant. J'ai des projets en
tête. J'essaie de placer
stratégiquement qu'est-ce
que je pourrais faire ou sortir
dans le bon ordre. Mais, par
rapport au succès, je n'y pense
pas, je ne sais pas. Si mettons
que ça se pointe là pis que ça
fait kaboum là... Je ne sais pas
comment je "dealerais" avec tout
ça. Ce que je sais par exemple
c'est que, là on se parle là, le
gars qui parle sur scène, si je
fais une émission de télé, le
gars qui est là, c'est à 1% près
toujours le même gars. Donc
ça serait le même gars qui
vivrait tout ça pis qui
traverserait cette belle
tempête-là, parce qu'il peut y
avoir quelque chose de ben
"trippant" là-dedans...
Parce que c'est le seul truc
qu'on a de solide. Si je me mets
à, je ne sais pas moi, à être
plus "brandé" ben là tu sors de
toi-même si t'étais pas déjà un
personnage en soi, pis là ça
devient glissant en "ostie",
tu peux l'échapper.
(PATRICE MICHAUD chante sur la scène du Festival de la Chanson de Tadoussac.)
PATRICE MICHAUD
♪Je me sens étranger
Un homme à prix modique
Je suis étranglé
Au milieu du trafic
Si vous saviez mes envies
D'aller mettre le feu
De brûler mes habits
De faire mes adieux
Y'a donc ben des cow-boys pour
c'qui reste d'Indiens♪♪
[Début information à l'écran]
Jessy Fuchs, fondateur et directeur artistique— Slam Disques
[Fin information à l'écran]
JESSY FUCHS
(En studio)
Je crois que l'artiste a de
l'éthique jusqu'à temps qu'il se
fasse proposer, pour la première
fois, d'être dans une autre
gang. De façon générale, les
artistes vont dire: "Moi j'ai de
l'éthique. Moi je fais ça comme
ça. Moi je pense que l'industrie
émergente c'est mon industrie,
je pense que le punk rock c'est
mon industrie. Je pense que les
shows bruns ça ne me dérange
pas, ça ne me dérange pas de
coucher sur un plancher. Moi en
tout cas je vis pour la musique,
je ne vis pas pour vivre de
ça..." Bon, etc. Là il y a comme
une mentalité autour de ça, tu
te sens confortable, tu te sens
accepté par tes amis pis par ton
public là, t'sais là, pis t'es
satisfait de ça là. Pis là je te
propose, pour la première fois,
que ton show, non seulement il
va y avoir du public, tu n'auras
pas à vendre tes propres billets
pis tu vas coucher dans un
hôtel. Pis ton public là, je te
propose même qui soit intéressé
à ton band pis que, genre, il
achète tes albums au point où
est-ce que t'aies un contrat de
disque là. Je te jure que ses
principes prennent le bord
immédiatement. Pourquoi? Parce
que tu ne te l'ai jamais fait
proposé, donc c'est un peu
parce que t'es fâché contre le
reste, de ne pas l'avoir, que tu
te positionnes contre eux. Le
jour où est-ce qu'on te propose
de faire partie de la gang, tu
remets tout ça en question pis
tu te dis: "Pourquoi pas moi?"
Finalement on veut juste être
acceptés. Finalement on veut
juste être dans la gang.
(LOUIS-JEAN CORMIER est au Festival de la poutine de Drummondville.)
LOUIS-JEAN CORMIER
Moi j'espère ne jamais arriver
dans un certain sens à dire: "Je
ne veux plus développer, je ne
veux plus aller plus loin." On
est avares de ça pis c'est
normal. C'est de même pour tout
le monde, je veux dire, dans la
vie tu vas vouloir rénover ta
maison, tu vas vouloir agrandir.
Changer de voiture, peut-être
avoir des projets de voyages,
faire le tour du monde. C'est la
même chose dans une carrière
musicale, t'as une espèce de
passion qui est là, pis cette
passion-là là, c'est un vortex,
ça peut te faire faire plein de
choses.
(Début intertitre)
(Comment faire pour durer?)
(Fin intertitre)
NICOLAS TITTLEY
(En studio)
Qu'on vienne de "l'underground",
qu'on ait vraiment fait ça à la
manière punk, le "DIY", qu'on se
soit battus toute notre vie, ou
qu'on ait été vraiment lancés
sous les projecteurs dès le plus
jeune âge, grâce à un concours
télévisé, ça prend de la
résilience. Il va falloir durer
dans ce métier-là. Et c'est ça
qui est le plus difficile. Pour
les artistes établis ça l'est,
alors imaginez pour les artistes
qui ne sont pas connus, de durer
lorsque le succès n'est pas
toujours au rendez-vous, ça
prend de la passion, ça prend
vraiment une confiance en soi
énorme de se dire: "Peut-être
que ça ne marche pas en ce
moment mais j'ai confiance, mes
chansons sont bonnes, elles vont
finir par être entendues."
OLIVIER ROBILLARD-LAVEAUX
(En studio)
C'est ton dernier disque qui
détermine tout. T'as beau des
fois avoir fait, il y a 10-12
ans des super albums, si le
dernier que tu viens de sortir
ne fonctionne pas, oups, là là,
tu viens de descendre là. T'sais
la carrière musicale c'est comme
un jeu de serpents et échelles.
Tu brasses le dé, t'avances tout
le temps un petit peu, mais tu
ne sais jamais si oups, tu vas
prendre un serpent pis tu vas
retomber en bas, ou si tu vas
prendre l'échelle qui va te
mener, bang! au sommet, d'un
coup alors que tu ne t'y
attendais pas.
[Début information à l'écran]
Marie-Christine Blais, journaliste et critique— La Presse
[Fin information à l'écran]
MARIE-CHRISTINE BLAIS
(En studio)
Tous les artistes établis
doivent démontrer qu'ils sont
encore intéressants, qu'ils ont
encore quelque chose à apporter,
à faire connaître, à te faire
aimer. Donc, l'objectif n'est
pas le même. Pour les débutants,
c'est de se faire connaître,
mais pour celui qui est établi,
c'est de se faire reconnaître,
aimer de nouveau. Et c'est des
fois beaucoup plus difficile.
Parce que se renouveler sans
trahir ce que tu es, c'est
presque impossible à résoudre
comme énigme, pour les musiciens
établis. Et c'est pourtant ce
qu'on leur demande. "Fais-nous
le même disque mais pas pareil.
Fais-nous la même "toune", le
même succès, mais pas pareil."
(LOUIS-JEAN CORMIER est au Festival de la poutine de Drummondville.)
LOUIS-JEAN CORMIER
Moi je pense que le but ultime
devrait être: "Est-ce que je
vais toujours me renouveler pis
est-ce que je vais toujours
avoir du plaisir à faire ce
truc-là? Est-ce que je vais me
surpasser pis me surprendre
moi-même encore dans 20 ans?"
Ça, ça devrait être le but
ultime, pour moi. Pis je sais
pertinemment que quand je fais
de la chanson, je fais de la
chanson relativement pop, aussi
j'aime aller ailleurs, prendre
des détours, faire du
tout-terrain un peu, mais je
sais qu'en faisant ça, je ne
suis pas non plus en train de me
bloquer, je vois quand même un
avenir assez reluisant pour le
matériel que je fais mais, je ne
ferai jamais les choses pour
faire de l'argent ou pour vendre
des disques.
(Début intertitre)
(Être populaire, c'est pour tout le monde?)
(Fin intertitre)
DOMLEBO
(En studio)
C'est parce qu'on peut être
émergent longtemps pis en fait,
c'est juste qu'on est en marge.
On fait de quoi, qui de toute
façon, de toutes les manières
possibles, pis avec toutes...
Tu peux acheter des publicités
sur l'arrière d'un autobus, tu
ne pogneras pas, ou tu n'auras
pas un rayonnement très large,
ou c'est tellement une niche
particulière que c'est normal
qu'il y ait seulement des
Festivals de Musique Actuelle à
Victoriaville qui te fassent
chanter dans des festivals.
NICOLAS TITTLEY
(En studio)
Internet a assuré que tous les
petits sous-genres puissent
survivre grâce à des publics qui
sont disséminés un peu partout
dans le monde. Mais quand on
revient à ce qu'on pense être la
grande musique "mainstream", la
musique universelle que tout le
monde connait, pis on a
l'impression des fois on dit:
"Ah, la musique populaire,
tiens, Céline Dion, c'est ça,
pis hors Céline Dion, point de
salut." Or, si vous regardiez
tout ce qui se fait en musique
de par le monde, bien Céline
Dion c'est une petite tranche
infime, infime, et ailleurs il
y a tout le reste, il y a
toutes les musiques du monde et
les musiques de tous les
genres.
(Au moment de son spectacle, LOUIS-JEAN CORMIER monte sur scène et commence à jouer.)
LOUIS-JEAN CORMIER
(Narrateur)
Moi je vais toujours me sentir
comme le cul entre deux chaises,
le gars qui a un pied dans la
marge pis un pied dans la vie,
peut-être populaire, pis au
moment où je vais avoir les deux
pieds d'un bord ou de l'autre,
je vais être plus malheureux.
J'ai vraiment le goût de vivre
les deux, pis de faire peut-être
une espèce de pont, pis c'est
pour ça qu'en tournée j'amène
plein de jeunes artistes, ben
des jeunes artistes, des fois
ils sont plus vieux que moi mais
des artistes qui développent
leurs carrières, en première
partie parce que je me dis: "Si
t'as un pied de l'autre bord,
profite-en pour passer du monde
t'sais, par-dessus la clôture.
Ou de les installer ben comme il
faut sur la clôture avec nous
autres."
MARIE-CHRISTINE BLAIS
(En studio)
À partir du moment où les
réseaux sociaux ont vraiment un
effet de démocratisation et de
visibilité accrue sur tout,
nécessairement ce qui est
"mainstream" et ce qui est
émergent se rapprochent parce
que tout le monde peut les voir,
à peu près en même temps. Il y a
une époque où si tu ne passais
pas à la télévision, t'existais
pas. Ben là la télévision... tu
l'as devant tes yeux, tu l'as
ici, tu n'as pas besoin... Pis à
une époque, être émergent ça
voulait dire jouer dans un
certain circuit. Mais là, tu
peux être acheté au Japon!
T'as des fans en Australie! Pis
eux, ils trouvent ça vraiment
"cool" ce que tu fais, pis
ils achètent des affaires, donc
tu te trouves à faire un peu
d'argent. C'est beaucoup plus
flou et beaucoup plus perméable
que ça ne l'était, comme
à peu près tout aujourd'hui
est beaucoup plus perméable
qu'il ne l'était, en raison
du regard public planétaire.
(KLÔ PELGAG chante sur une scène du Festival de la Chanson de Tadoussac.)
KLÔ PELGAG
♪J'ai mis ma tête dans le four
pour que mes idées s'élèvent
Je suis l'oiseau qui s'éveille
Chaque étoile est mon soleil♪♪
(Après son spectacle, KLÔ PELGAG signe un autographe pour un homme qui s'exprime avec un accent italien.)
HOMME
Je t'ai connue dès ton EP.
KLÔ PELGAG
Ah oui? Comment?
HOMME
Il y a internet, il y a la toile
et donc c'est génial.
KLÔ PELGAG
C'est sûr, mais quand même,
c'est surprenant que ça se
rende, là.
HOMME
Un autographe et puis on se
casse!
KLÔ PELGAG
OK. J'espère qu'on se croisera
à Rome un jour.
HOMME
Un jour à Rome! T'as été super
gentille.
KLÔ PELGAG
Ben merci.
HOMME
Au revoir!
JESSY FUCHS
(En studio)
En fait, quelque chose qui s'est
passé dans les 20 dernières
années, moi depuis que j'avais
une émission de radio au CÉGEP
jusqu'à aujourd'hui, la chose
que j'ai remarquée finalement,
c'est qu'il y avait comme deux
clans, pis là on a démocratisé
la musique, pis là il y a
beaucoup de clans.
Donc ça fait des insatisfaits,
parce qu'il y en avait avant
qui avaient comme le pouvoir
sur une certaine partie de
l'industrie pis qui l'ont
perdu. Mais ça satisfait
énormément de gens.
Par contre, tous ces gens-là,
démocratiquement, qui ont
maintenant accès, sont comme
déçus de ne pas avoir ce que les
gens avaient il y a 20 ans. Donc
finalement, c'est encore une
question de perspective, pis de
perception par rapport à ce qui
a déjà existé. Avant, les
artistes qu'on connaissait
étaient des artistes qui
gagnaient leur vie avec ça. Pis
on ne connaissait pas le reste.
Quand on a commencé à découvrir
qu'il y avait une scène
émergente, on a tout de suite
commencé à dire: "Pourquoi pas
eux?" C'est le plus beau moment
de la musique ever. T'sais, tout
le monde a accès à faire de la
musique, tout le monde est
capable de le faire, tout le
monde a accès à une diffusion,
maintenant c'est que le meilleur
gagne.
(Fin émission)
(Générique de fermeture)