Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
François Boileau, Commissaire aux services en français de l'Ontario
Il est devenu le premier commissaire aux services en français de l’Ontario. François Boileau explique ce que veut dire se mettre au service des francophones de la province.
Réalisateur: Francis Lussier
Année de production: 2012
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Début Générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
CARTE DE VISITE
[Fin information à l'écran]
Fin générique d'ouverture
L'ANIMATRICE GISÈLE QUENNEVILLE nous relate les faits saillants de la vie de FRANÇOIS BOILEAU, et l'interview ensuite dans un petit salon.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bienvenue à l'émission.
François Boileau travaille pour
les minorités francophones au
pays depuis toujours. Il a
travaillé au Commissariat aux
langues officielles.
Il a travaillé à la Fédération
des communautés francophones et
acadiennes. Et il a dirigé le
bureau du programme de
contestation judiciaire à
Winnipeg. Mais ce n'est qu'en
2007 qu'on entend parler de cet
avocat sur une base plus
régulière. C'est en 2007 que
François Boileau devient le
premier commissaire des services
en français en Ontario. Son
rôle est d'assurer, voire
même d'améliorer, la qualité des
services en français en
Ontario. Autant dans le domaine
de l'éducation qu'en santé que
dans la prestation des services
gouvernementaux. Si un
francophone de l'Ontario n'est
pas content du service qu'il
reçoit de la province, c'est à
François Boileau qu'on se
plaint. Une lourde
responsabilité qu'il prend
très au sérieux.
François Boileau, bonjour.
FRANÇOIS BOILEAU
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Depuis que vous êtes devenu
commissaire aux services en
français de l'Ontario, vous
êtes devenu, en quelque sorte,
je pense qu'on peut dire une
célébrité franco-ontarienne.
C'est-à-dire avant d'occuper
ce poste-là, on ne vous
connaissait pas. Pourtant vous
travaillez dans le domaine à
SCFA, au programme de
contestation judiciaire, au
Commissariat aux langues officielles.
Est-ce que vous travailliez toujours
sous le radar dans ces postes-là?
FRANÇOIS BOILEAU
Oui, toujours en fait.
Mais quand j'occupais des postes
de directeur général, comme par
exemple au programme de
contestation judiciaire, c'est
un peu moins sous le radar,
mais c'est quand même toujours
des postes un peu d'ombre.
Ce qui est normal. Je dois vous
avouer que souvent je considère
encore mon poste actuel comme
étant un poste d'ombre parce
que je travaille avec une équipe
formidable. C'est elle qui
devrait être à l'avant-scène
aussi. Alors je suis juste la
très belle image publique.
(riant)
Non, c'est pas vrai. Mais je
suis donc l'image du
commissariat.
- Alors comment vous êtes devenu
commissaire aux services en
français de l'Ontario?
- C'est des gens de la
communauté qui sont venus me
voir un moment donné, dans une
rencontre justement de la SCFA.
Et j'étais là, et des gens qui
m'ont dit: « François, on
aimerait ça te parler du
nouveau poste de commissaire. »
Alors tout de suite, je me suis
en mode pour penser à des noms,
parce qu'ils veulent des noms.
Et là, ils m'ont suggéré, moi,
d'appliquer. J'étais tellement
surpris que le lendemain
j'ai même rappelé pour dire:
« Je suis pas sûr que je vous
ai remercié, mais merci pour... »
Et puis après ça, les chasseurs
de têtes sont venus me rencontrer.
Et mon idée était déjà faite
que j'allais postuler
pour ce poste-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais il paraît que votre
épouse était pas très chaude à
l'idée.
D:
Non. Quand je suis revenu
un dimanche, je m'en souviens très
bien, après la rencontre,
je reviens ici, puis elle me
dit... Je lui dis ça: « Écoute, on
me pressent pour le poste de
commissaire, mais c'est à
Toronto.
-Ah, tu peux déménager
Toronto si tu veux. Mais moi,
j'irai jamais te suivre
là-bas. »
Ça part mal la discussion.
Mais finalement,
je l'ai convaincue. Donc...
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand vous êtes arrivé dans
ce poste-là, c'est un poste qui
n'existait pas auparavant.
Comment c'était pour vous de
vraiment modeler ou façonner
votre poste, en fait tout ce
bureau, à l'image de tout ce
que vous vouliez faire
finalement?
FRANÇOIS BOILEAU
Toujours en fonction d'une
seule chose qui est très
importante pour moi, c'est
faciliter la vie de mon successeur
ou de ma successeure. C'est ce qui
m'a toujours été important pour
moi. C'était de faire en sorte
que si quelqu'un d'autre rentre
dans le poste, il ou elle va
avoir vraiment un travail plus
facile. Donc qu'est-ce que ça
veut dire? S'assurer d'avoir
un territoire assez large pour
qu'on puisse, que il ou elle
puisse manoeuvrer. Ça veut dire
aussi d'avoir eu des précédents.
Que ce soit le « rapport spécial
sur la planification des
services de santé en français » .
Vous savez, des rapports
spéciaux, c'est un pouvoir qui
existe au niveau fédéral aussi.
Mais ça a rarement été utilisé.
Enfin de mémoire. Bien nous,
en Ontario, je voulais tout de suite
dire: si le sujet est vraiment
important, et le sujet
était vraiment important, il
l'est encore, à ce moment-là,
on a ce pouvoir-là, on va
l'utiliser.
GISÈLE QUENNEVILLE
Les gens se demandent
qu'est-ce que ça fait,
un commissaire aux services
en français. On vous voit, comme ça,
dans des entrevues, mais y a
un gros travail derrière la scène
également.
FRANÇOIS BOILEAU
Oui, notre pain et beurre
c'est évidemment les enquêtes.
On reçoit des plaintes, une plainte
par jour en moyenne.
Donc c'est beaucoup de travail.
Ça semble peut-être peu, mais on
est quand même une équipe
de six personnes, moi compris.
Donc c'est beaucoup de travail
d'analyser ces plaintes-là.
De les mettre aussi ensemble,
celles qui se ressemblent puis
aller voir, donc, les ministères
et leur dire: Ici, y a un
problème systémique.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour
améliorer la situation par
rapport à ce problème-là?
Et toujours de convaincre les
ministères aussi de penser
en termes de services en
français en amont plutôt qu'en
aval. Donc de réaliser
qu'ils doivent, avant même d'avoir
un nouveau programme ou
une nouvelle politique,
au niveau offre de service,
qu'ils pensent à leur clientèle
francophone avant ça. Et donc
d'offrir quelque chose
qui va être ciblé, modulé
en fonction des besoins
de la clientèle cible
francophone.
GISÈLE QUENNEVILLE
Des plaintes, vous en recevez
à peu près une par jour, c'est
plus de 360 par année.
[FRANÇOIS BOILEAU:]Oui, c'est beaucoup.C'est beaucoup, puis en même temps,
je voudrais pas envoyer le message
que: « Oh, ils sont trop occupés,
on va pas leur envoyer. »
C'est vraiment, c'est notre oxygène.
On a besoin de ça, ça nous
nourrit. Et ça nous pousse
aussi à penser à des actions
qu'on n'aurait pas imaginées.
Moi, j'ai découvert plusieurs
dizaines de programmes dont
j'ignorais l'existence. Mais que
ah!... Des citoyens avertis
ont besoin de services, puis
font appel à nos services. Puis on
se rend compte qu'effectivement
y a un problème avec telle
section, tel département
d'un ministère ou un autre.
[GISÈLE QUENNEVILLE:] Il semble y avoir une mouvance
au sein de la francophonie.
On semble vouloir s'identifier
davantage comme étant des gens
bilingues. Puisqu'on est
bilingues, francophones,
anglophones. Alors qu'il y a pas
si longtemps, je me souviens,
c'était tabou presque de dire
qu'on était bilingues. Fallait
s'afficher comme francophones.
D'où vient ce changement?
Et est-ce que c'est un changement
pour le mieux?
FRANÇOIS BOILEAU
C'est les jeunes d'abord.
Ça vient surtout d'eux autres.
Parce qu'eux autres, ils vivent
une réalité qui n'est peut-être
pas celle que d'autres ont vécue.
Ils sont les produits
de couples exogames.
Vous savez, dans le centre-sud
de l'Ontario,
83% des couples francophones sont
des couples exogames.
Ça veut dire qu'un parent est
francophone, l'autre parent est
anglophone et souvent
unilingue anglophone.
Donc ça change la donne.
Ces enfants-là sont issus
de ces couples-là. Et lorsqu'on les
rencontre dans les écoles, ils
sont fiers de dire qu'ils sont
bilingues. Et ils se considèrent
comme canadiens. Souvent ils
vont faire l'équation entre
bilingues et Canadiens.
Mais ils sont pas moins fiers
d'être Franco-Ontariens aussi.
Donc c'est une... cette appartenance
multiple, elle a l'air d'être
une contradiction, mais elle ne
l'est pas non plus. Puis il
faut embrasser ça.
De toute façon, on va pas dire
à un enfant ou à un jeune élève
qui ils sont. C'est eux qui vont
dire qui ils sont. Et donc on
doit profiter de ça. Et si on
leur passe le message que parler
anglais, c'est pas une bonne
chose, c'est comme si
on leur disait de passer à côté
de la moitié de leur héritage ou
de qui ils sont. Parce que c'est
ça la réalité quand ils vivent
dans des couples exogames.
Donc, il faut qu'on trouve des façons
de dire que le français, par exemple,
à l'école c'est pas juste
une langue de travail.
C'est parce qu'eux autres, ils
vont apprendre à l'école.
C'est moins plaisant. C'est aussi
une langue de plaisir justement. Ils
peuvent avoir du « fun »
en français. Et qu'ils peuvent donc
jouir de la vie en français
aussi. Et leur permettre
d'avoir... justement, participer
à des trucs... Je suis certain
que TFO joue un grand rôle
là-dedans. Ou encore à d'autres
activités sur le web.
Ou d'autres activités de théâtre,
de communication, peu importe,
où ils peuvent créer en français.
Ça je pense que c'est important
parce qu'il y a beaucoup d'espace
pour créer en anglais,
mais en y en peut-être
un peu moins pour cette création-là,
dans tous les domaines, en français.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et cette spécificité bilingue,
est-ce qu'elle est propre aux
francophones de l'Ontario?
Ou est-ce qu'un anglophone qui
parle français se voit également
comme étant bilingue?
FRANÇOIS BOILEAU
C'est drôle que vous posiez
la question. Moi-même j'ai eu
des jeunes qui ont travaillé au
commissariat qui venaient
de Glendon, du collège Glendon,
et qui s'identifiaient comme étant
bilingues. C'était leur identité,
mais c'étaient totalement
des anglophones qui
maîtrisaient parfaitement bien
le français; voulaient travailler
en français;oeuvraient en français.
Ce sont des histoires à succès.
Est-ce qu'elles sont légion?
Est-ce qu'il devraient y en avoir plus?
Oui, absolument. Mais en même
temps, on peut faire ça,
puis s'ouvrir aussi à l'autre.
Puis qu'on ait des échanges.
Parce que tout seul, c'est une chose,
mais si on est mieux armé
d'une communauté... Y a 600 000
personnes francophiles en
Ontario. En fait je pense qu'il
y en a plus que ça, mes chiffres
sont peut-être mauvais,
en ce moment. Mais y a beaucoup
de monde qui sont francophiles
en Ontario. Puis on devrait aller
les chercher aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlons un peu de vous et
comment vous êtes arrivé là où
vous êtes aujourd'hui. Plusieurs
vont dire que la plus grande
menace à laquelle font face les
Franco-Ontariens en ce moment,
c'est l'assimilation.
Vous-même, il y a eu des cas
d'assimilation,
un cas d'assimilation dans
votre famille. Votre père,
c'est un anglophone.
FRANÇOIS BOILEAU
En fait, non, c'était mon grand-père.
GISÈLE QUENNEVILLE
Grand-père, voilà.
FRANÇOIS BOILEAU
Mon grand-père, du côté de ma mère,
qui était anglophone, effectivement,
dans les Cantons-de-l'Est.
C'est une histoire assez amusante
parce qu'il fait partie de cette vague,
de Québécois à l'époque,
de Canadiens-Français,
qui avaient déménagé dans la
Nouvelle-Angleterre.
Et lui était revenu. Et lorsqu'il était
revenu dans la région de Waterloo,
dans les Cantons-de-l'Est,
il courtisait ma grand-mère, à
l'époque, qui était francophone.
Et à ce moment-là, mon
arrière-grand-père lui a dit:
« Tu peux la courtiser, mais à
une seule condition, il faut
que tu réapprennes le français. »
Alors il a réappris le français.
Mais à la maison de
chez mes grands-parents,
donc de ma mère, ça se parlait
surtout en français. Mais il
avait, bien sûr, conservé son
anglais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes Québécois d'origine.
Vous avez grandi à Laval.
FRANÇOIS BOILEAU
Longueuil, quand même.
GISÈLE QUENNEVILLE
Longueuil, excusez-moi.
C'est pas du tout la même chose.
FRANÇOIS BOILEAU
C'est important, la différence.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment est-ce que vous êtes
venu à vous intéresser aux
minorités francophones?
[FRANÇOIS BOILEAU:] Un peu par le hasard des choses.Je me souviens d'un échange
Québec-Ontario qui m'a amené,
en 87, dans la région d'Ottawa.
Et c'est là que j'ai découvert,
j'ai travaillé pour le gouvernement
de l'Ontario, un été.
Et j'ai donc découvert des gens
qui étaient Franco-Ontariens.
C'était la première fois que j'entendais
ça, ce mot-là, de ma vie.
Et après ça, durant mes études
universitaires, j'ai un collègue
qui travaillait, lui, pour la FCFA,
la Fédération des communautés
francophones et acadiennes.
Et qui m'a proposé d'aller faire
un tour... un travail d'été au Yukon.
Et j'ai tout de suite acquiescé.
J'ai passé l'entrevue par téléphone.
Et les étés 90 et 91, je me suis
retrouvé au Yukon, à travailler
pour l'Association Franco-Yukonnaise.
Et là, j'ai découvert des gens
qui venaient d'un peu partout,
des Acadiens, des Franco-Manitobains,
des Franco-Albertains. Et bien sûr,
des Québécois aussi. Donc,
c'était très intéressant. Et la
piqûre était là. Et par la suite,
c'est vraiment...
parce que j'ai travaillé là, j'ai pu
être embauché comme analyste
au programme de contestation
judiciaire avant sa première
fermeture, en 92. Et par la suite,
comme avocat pour la
Fédération des communautés
francophones et acadiennes.
GISÈLE QUENNEVILLE
On est au début des années 90,
c'est l'époque de Meech,
l'époque de Charlottetown,
l'arrivée du Bloc Québécois
sur la colline du Parlement.
Ç'a dû être des années intéressantes
pour vous, dans ces postes-là.
FRANÇOIS BOILEAU
Et la crise d'Oka.
GISÈLE QUENNEVILLE
Voilà.
FRANÇOIS BOILEAU
Parce que je travaillais sur un projet
de rapprochement entre
la communauté francophone
au Yukon et les peuples autochtones
du Yukon.
Et là, la crise d'Oka est arrivée,
exactement dans... ce bain-là.
Puis on suivait aussi
ce que se passait avec Meech,
aussi. C'était la fin de l'épisode
de Meech. Et donc,
la place autochtone était
très importante dans la fin de Meech.
Moi j'étais encore très québécois,
si on veut. Je vais dire ça comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Un jeune québécois qui travaille
pour des fédéralistes,
à cette époque-là,
comment est-ce que c'est vu?
FRANÇOIS BOILEAU
Comme québécois à l'époque,
je vais vous avouer bien
candidement, on est le produit
d'une génération,
on est le produit aussi
de son environnement.
Tout le monde l'est. Alors le Québec
était davantage, et souvent,
à bien des égards, l'est encore,
bien porté vers l'Europe avant
d'être porté vers le reste du Canada.
Ce qu'on appelle le ROC. C'est une
expression qui est tellement
débile de sens. Parce que quand
on a voyagé un peu à travers
le pays, on s'aperçoit bien
qu'il y a pas de... Si on est à
St John's... sur la rue George
Street, qui est la rue la plus
plaisante, je pense, un beau
soir d'été au pays. Donc, pour
moi y a pas de ROC. Mais comme
québécois, je pense que ce que
les gens apprécient, c'est
ton ouverture d'esprit. Si on
arrive, comme québécois,
avec une approche comme:
« chez nous, on fait ça
et on va vous montrer
comment est-ce qu'on fait ça. »
Ça marchera pas. Mais si on
arrive avec une ouverture
d'esprit pour essayer
de comprendre la réalité que vivent
les communautés francophones,
les diverses communautés
francophones. Parce qu'encore là,
un Acadien de la péninsule
du Nouveau-Brunswick ne vit pas
la même situation qu'un Acadien
de Chéticamp, en Nouvelle-Écosse.
Alors, à l'intérieur même du
peuple acadien, y a aussi des
distinctions, des différences.
C'est la même chose qu'il en
va pour un Franco-Ontarien de
Windsor qui vit pas la même
chose qu'un Franco-Ontarien de
Hearst. Donc il faut s'assurer
de bien comprendre où les gens
vivent, leur réalité, puis d'avoir
cette ouverture d'esprit
qui va nous permettre d'avancer,
puis d'avoir un sens commun.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors ça, c'est le jeune avocat
québécois chez les
minorités francophones.
Ce jeune avocat québécois
qui travaille auprès des minorités
francophones, comment est-ce
qu'il est accueilli par ses proches,
sa famille au Québec?
À cette époque-là, 95,
référendum, très tendu.
FRANÇOIS BOILEAU
C'est très difficile. Dans le
référendum de 95, je vais être
candide, j'ai un frère à qui...
on ne se parlait tout
simplement plus. On était juste
poli devant ma mère.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce vous, aujourd'hui, vous
vous considérez comme étant
Franco-Ontarien?
- Absolument. Je suis
Franco-Ontarien. Ça veut pas
dire que je renie mes racines
québécoises. Comme les Acadiens
disent: [avec l'accent acadien]« L'Acadie, l'Acadie, c'est
partout où te trouves. C'est
dans le coeur que ça se passe. »
Je me sens comme ça au niveau...
Je peux même vous dire
que je me considère, après
avoir vécu quatre hivers au Manitoba,
assez Franco-Manitobain, merci.
Donc c'est pour moi,
une appartenance qui est multiple.
J'en suis très fier, de ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes commissaire
aux services en français de l'Ontario
depuis cinq ans maintenant.
Vous allez l'être pour un autre cinq ans.
Quel est, selon vous, le dossier le
plus chaud pour les francophones
de l'Ontario en ce moment?
FRANÇOIS BOILEAU
Si vous me demandez de choisir
y en a plusieurs...
Mais je vais laisser faire les
transformations
gouvernementales pour l'instant,
en « focussant » d'abord sur
le postsecondaire.
Le manque d'accès à des
programmes au niveau
du post-secondaire en français
dans le centre-sud de l'Ontario.
Vous savez, on a fait un rapport,
là-dessus, d'enquête qui est sorti
en juin dernier.
Les Franco-Ontariens ont accès
à 3% seulement des programmes,
dans le centre-sud de l'Ontario.
C'est largement insuffisant.
Il faut absolument qu'on change
cette donne-là.
Qu'on donne plus d'accès aux
Franco-Ontariens de pouvoir
étudier dans leur langue.
Mais y a d'autres sujets. Que ce soit
la santé, l'éducation aussi; on
n'en sort pas.
Puis l'immigration, mais aussi
les transformations gouvernementales.
GISÈLE QUENNEVILLE
Justement, dans le rapport
Drummond, du mois de février
dernier, on semble dire que,
pour sauver de l'argent,
on va faire faire des choses par le
secteur privé. C'est bien beau
si le secteur privé fait des choses,
mais qu'est-ce qui va arriver
aux services en français?
FRANÇOIS BOILEAU
C'est ça. Lorsque moi-même,
j'ai rencontré les gens de la
Commission Drummond,
j'ai fait valoir ce point-là aussi.
J'ai rien contre le privé, en passant.
Si c'est le choix du gouvernement,
on est prêts. Y a un règlement,
que j'ai beaucoup souhaité,
qui est en place, un excellent règlement
qui est en vigueur depuis juillet 2011.
Où on parle même : un règlement
qui vise l'offre de service
par des tierces parties,
pour le compte du gouvernement
de l'Ontario.
Règlement dans lequel on fait
aussi référence à la nécessité
d'avoir de l'offre active.
Puis ça, c'est capital, ça aussi.
Parce que créer un environnement
qui va faire en sorte
que le francophone reconnaisse
qu'il est facile pour lui ou pour elle
de demander son service
en français. Mais encore là,
ce n'est pas la panacée. Il faut
se rendre compte que... le privé
ou tout autre... Ou que ce soit
des municipalités aussi qui
peuvent offrir des services.
Elles le font déjà. Puis des fois,
on a des problèmes à se faire servir
en français par la ville.
Puis ils nous répondent:
« nous on est municipal.
Donc on a pas besoin. »
Oui, mais attention, vous l'offrez
pour le compte du gouvernement
de l'Ontario.
Donc vous devez offrir des services
en français et plus encore:
vous devez le faire activement.
Je pense que c'est pas juste dire
au gouvernement: « faites attention,
vous ne pouvez pas privatiser. »
Ça, c'est un discours
qui ne marchera pas.
Mais peut-on penser à d'autres façons
que les Franco-Ontariens
pourraient être desservis?
Et est-ce qu'on pourrait pas
y voir des opportunités
pour la communauté francophone,
elle-même? De se dire...
c'est pas du tout de déresponsabiliser
le gouvernement. Il est pas question
de ça. Mais de voir comment est-ce
qu'on peut peut-être participer
à la gestion de ces services-là.
De créer des lieux communs
où on pourrait obtenir des services
en français dans une région donnée.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle est la réalisation dont
vous êtes le plus fier,
des premières cinq années,
en tant que commissaire?
FRANÇOIS BOILEAU
À part la mise en place
d'une équipe solide, qui me fait bien
paraître à tous les jours,
je dirais la définition inclusive
de francophone. Je pense que ça,
c'est quelque chose qui...
bien sûr je visais le gouvernement
de l'Ontario là-dedans pour
qu'on modifie sa façon
de comptabiliser les francophones,
mais c'est plus qu'on ait
la bonne clientèle cible, qu'on
comprenne qui elle est.
À ce moment-là, ça va nous permettre
de mieux la cibler,
donc d'avoir des services
et des programmes
qui vont être modulés en fonction
de cette clientèle-là.
Mais c'était aussi un message
que j'essayais également
d'envoyer à la communauté
francophone, via cette
recommandation-là: l'Ontario
n'est plus la même qu'il y a 30 ans,
l'Ontario français.
L'Ontario non plus, d'ailleurs,
a changé de visage. La même chose
pour la communauté francophone.
On a changé de visage,
changé de couleur. On est beaucoup
plus diversifié comme communauté,
et on est beaucoup plus riche,
comme communauté.
On s'enrichit beaucoup plus
avec l'apport de ces gens
de partout au monde.
Et je voulais aussi, une première
recommandation qui soit, à la
fois... , qui soit pas nécessairement
juste technique, mais qui soit aussi
symbolique au niveau de...
où on en est rendu.
Je pense avoir réussi ce pari-là.
J'en suis assez fier.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes depuis pas très
longtemps nouveau papa.
Vous avez une petite fille
qui a deux ans. Alors maintenant,
ce que vous prêchez devient très réel,
n'est-ce pas?
FRANÇOIS BOILEAU
Oui.
[GISÈLE QUENNEVILLE:] Parce que vous êtes à Toronto,
cette petite fille-là va
grandir à Toronto. Comment
est-ce que vous allez vous
arranger pour que plus tard elle
soit francophone ou bilingue?
FRANÇOIS BOILEAU
Elle va déjà grandir dans un milieu
de vie francophone. Notre couple
n'est pas un couple exogame.
Donc c'est un milieu de vie francophone.
Des fois, des voisins nous disent:
« Vous allez l'envoyer à une école
française? - Oui, absolument.
- Mais est-ce qu'elle va pas
avoir de la misère à apprendre
l'anglais? » Non, non...
[GISÈLE QUENNEVILLE:] Ils comprennent pas. [FRANÇOIS BOILEAU:] Non, en Ontario, l'anglais ça
s'apprend pas, ça s'attrape.
[GISÈLE QUENNEVILLE:] Voilà.
FRANÇOIS BOILEAU
Et certainement, c'est vrai
ailleurs en Ontario.
C'est certainement vrai dans la
région de Toronto. On n'est pas
très inquiet pour notre fille.
Mais certainement qu'elle va
être plus riche de savoir
qu'elle est Franco-Ontarienne.
Elle se définira bien comme
elle voudra, mais chose certaine,
elle va être bilingue. Ça, y a pas de
doutes là-dessus.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que le fait d'avoir
une petite fille aujourd'hui
rend votre travail en tant que
commissaire différent?
FRANÇOIS BOILEAU
Bien en fait, d'une certaine façon, oui,
parce que... le rapport sur le
post secondaire, des fois, j'aime
l'expliquer à des fonctionnaires
et à d'autre monde. Écoutez, moi,
je plaide pour que ma fille,
dans 15 ans, elle ait un choix.
Qu'elle ait un choix. Elle en a pas
de choix en ce moment.
Si elle a un choix, il faut qu'elle
s'exile à Ottawa. Peut-être
qu'elle va pouvoir quitter
le plus rapidement son père
à cet âge-là, mais on verra bien.
Mais je veux qu'elle ait, donc,
un choix. Et c'est pour ça qu'on
travaille fort dans des domaines
qui vont en éducation, mais aussi,
en éducation postsecondaire
pour que, s'il y a une offre de choix
de cours, ici en français, qui sont
décidés par des gens de la
communauté francophone du sud
de l'Ontario; ça c'est important
aussi. Que ce soit la communauté
francophone qui ait son mot à dire
sur quelles sortes de cours
qui sont utiles ici en Ontario,
dans le centre-sud,
bien à ce moment-là, tant mieux
pour elle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous déposez dans une année
quelques rapports. Un rapport
annuel. Tous ces rapports sont
déposés auprès de la ministre
déléguée aux Affaires francophones.
Alors que d'autres commissaires :
commissaire à l'environnement, à la vie
privée, déposent leurs rapports
auprès de l'Assemblée législative
de l'Ontario.
Est-ce que ça devrait changer selon
vous?
FRANÇOIS BOILEAU
Absolument. Qu'on se comprenne bien,
J'ai eu au cours cinq premières années,
une très belle autonomie.
Jamais vraiment, la ministre déléguée
aux Affaires francophones ne m'a dit
quoi faire. Elle m'a vraiment
laissé les coudées franches.
Son bureau aussi.
L'Office des affaires francophones
n'a vraiment laissé les coudées
franches. Je dirais même que
presque trop au début.
Quand j'étais tout seul dans mon
bureau. Vraiment, littéralement
seul entre quatre murs.
Mais ils ont bien fait ça.
On a une excellente relation, l'Office
des affaires francophones et le
commissariat.
Mais elle est indépendante.
C'est une relation qui est indépendante.
Mais tout peut changer.
Si on change de ministre,
ça peut changer. Si on change de
commissaire, j'espère pas pour
quelques années encore, ça peut
changer. Si on change de
gouvernement, ça peut changer
aussi. Ces choses-là ne doivent
pas arriver au commissaire aux
services en français ni au
commissariat. Et d'avoir une
indépendance, donc de pouvoir
répondre directement de
l'Assemblée législative, nous
permettrait aussi de faire en
sorte que cette loi quasi
constitutionnelle qui a été
unanimement adoptée il y a
maintenant 26 ans par
l'Assemblée législative, que les
parlementaires puissent aussi
répondre de ça. Que je sois
convoqué à des rencontres
auprès de parlementaires,
moi-même, que j'aille expliquer
les recommandations. Et que
d'autres qui sont responsables
de la mise en place, la mise
en oeuvre d'autres recommandations,
aient aussi à expliquer ce qu'ils font
par rapport à ça, je pense que
c'est une question d'imputabilité
normale, par rapport à la mise en place
véritable de la loi sur les
services en français.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez un autre cinq ans
devant vous.
Est-ce qu'il y a des choses,
des objectifs que vous voulez
atteindre d'ici la fin de votre mandat,
en 2017?
FRANÇOIS BOILEAU
Certainement l'indépendance du
commissariat, c'est quelque chose
que j'aspire à ce que ça se fasse
au cours des prochaines années.
Bien sûr ça dépend de
l'Assemblée législative, justement.
Y aussi de nous intéresser davantage
aux populations qui sont plus
vulnérables, celles qui n'ont pas de voix.
Celles qui vont pas se plaindre
auprès du commissaire aux services
en français. Que ce soient des enfants,
que ce soient des gens qui sont
dans des situations de vulnérabilité.
que ce soient des parents aussi
qui savent pas qu'ils ont des droits,
par rapport à des visites de leurs
enfants. Que ce soient des gens
qui sont dans le domaine de la santé
aussi, qui sont déjà plus fragiles.
Des problèmes de santé mentale,
c'est un autre grand domaine
sur lequel peut-être il faudrait
que le commissaire s'intéresse.
Il y a une multitude
de domaines sur lesquels
le commissaire pourrait
s'intéresser. Mais certainement
qu'on va axer, j'aimerais ça
qu'on axe nos interventions
sur les populations qui sont plus
à risque, qui sont vulnérables,
celles justement qu'on veut
aller chercher, mais qui se
plaignent pas. Si on regarde nos
statistiques, au niveau des plaintes,
c'est pas... quand on regarde un ministère
important comme le ministère
des Services sociaux et communautaires,
on reçoit très peu de plaintes,
concernant ce ministère-là.
Pourtant y en adu monde
qui sont aidés par ce ministère-là.
Mais est-ce que ces gens-là savent
qu'ils ont accès à des services
en français? Ont-ils seulement
accès à des services en français?
Vont-ils se plaindre qu'ils n'ont pas
accès à des services en français?
Donc c'est de fouiller davantage ces
questions-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
En 2017, ça fera 10 ans que
vous aurez été commissaire...
[FRANÇOIS BOILEAU:] Wow!GISÈLE QUENNEVILLE
...aux services en français.
C'est loin encore, 2017, mais
est-ce que vous pensez à votre
vie après le commissariat?
FRANÇOIS BOILEAU
Non. J'espère que quelqu'un va
voir quelque part que je peux
offrir quelque chose...
Chose certaine, je vais encore
au travail. Avec une petite fille
justement de deux ans,
je suis à l'ouvrage pour quelques années
encore. Une de mes passions
que je faisais au Manitoba
puis au Yukon, c'était la radio.
Je faisais beaucoup de radio
communautaire. J'adorais faire ça.
Qui sait si l'avenir, un jour,
va pas me permettre de revenir
à des vieux amours?
Mais sait-on jamais?
Y a plein de possibilités. Que ça soit
être un haut fonctionnaire
dans l'appareil gouvernemental
provincial ou fédéral. Ces temps-ci,
j'en doute. Ou encore... ailleurs,
avec d'autres institutions. On verra.
GISÈLE QUENNEVILLE
François Boileau, merci
beaucoup.
FRANÇOIS BOILEAU
C'est moi qui vous remercie.
(Générique de fermeture)
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