Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Antoine Hakim, neurologue, hôpital d'Ottawa
Cinquante milles Canadiens sont victimes chaque année d’un accident vasculaire cérébral (AVC) majeur. Et ils en sont des milliers à s’en sortir sans la moindre séquelle! Cela est possible en grande partie grâce aux recherches faites par l’imminent neurologue canadien, le docteur Antoine Hakim. Qui est le Dr Hakim? Qu’est-ce que le « système canadien » qu’il a mis au point?
Réalisateur: Simon Madore
Année de production: 2013
video_transcript_title-fr
Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, des extraits vidéos et des photos d'ANTOINE HAKIM à différents moments de sa vie défilent à l'écran.
GISÈLE QUENNEVILLE
Chaque année, plus de
50 000 Canadiens sont victimes
d'un accident vasculaire
cérébral majeur, et chaque
année, des milliers d'entre eux
s'en sortent quasi indemnes.
C'est en grande partie à cause
des recherches faites par
l'éminent neurologue canadien,
le docteur Antoine Hakim.
Le docteur Hakim est né en 1942
à Montréal. Le fils de réfugiés
arméniens, ses parents ont vite
compris que c'était l'éducation
qui allait permettre à leurs
enfants de sortir du cercle
vicieux de la pauvreté.
Le jeune Antoine a d'abord fait
des études en génie chimique.
Un travail dans les sables
bitumineux de l'Alberta lui a
fait comprendre que la chimie
n'était plus sa voie.
Il se tourne donc vers la
médecine, et c'est à l'Institut
de neurologie de Montréal que
le docteur Hakim comprend les
effets dévastateurs des
accidents vasculaires
cérébraux. C'est là qu'il
décide de trouver une façon de
venir en aide aux victimes.
Sa solution, diagnostiquer
l'AVC rapidement et administrer
le médicament pour faire
dissoudre le caillot de sang
qui cause l'AVC. Une pratique
qui est utilisée partout dans
le monde aujourd'hui.
GISÈLE QUENNEVILLE et ANTOINE HAKIM sont à présent assis l'un en face de l'autre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Docteur Hakim, bonjour.
ANTOINE HAKIM
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, commençons par le début.
Commençons par les AVC.
Je pense que la plupart des
gens savent ce que c'est,
un AVC, mais qu'est-ce qui
cause un AVC?
ANTOINE HAKIM
D'abord, y a pas juste une
sorte d'AVC.
Et ça, c'est très important
comme un petit détail,
mais les AVC, en général,
un AVC que le patient
va sentir, donc tout d'un coup,
et c'est ça la définition: tout
d'un coup, y a quelque chose
qu'ils peuvent pas faire,
qu'ils pouvaient faire y a
quelques instants.
Un bras qui est plus faible,
difficulté à la parole...
une patte qui traîne...
Et ça, c'est parce qu'y a un
caillot de sang qui est parvenu
de quelque part, en général le
coeur, qui se promenait, puis
là, il va occlure un vaisseau
sanguin, une artère qui
alimente une partie du cerveau
qui est affectée.
Pour ceux-là, et ça, c'est très
important, pour ceux-là, il y a
maintenant un médicament.
Parce qu'il s'avère que quand le
caillot de sang vient se loger
et diminue la perfusion
sanguine à une partie du
cerveau, le cerveau ne meurt
pas instantanément. Y a
quelques heures où cette
occlusion peut continuer sans
qu'il y ait un dommage
irréversible. Alors, si le
patient se rend compte qu'il y
a un problème, probablement
un AVC - et la définition est très
simple, tout d'un coup, y a
quelque chose que je peux pas
faire -, et il appelle les
ambulanciers qui l'amènent à
une urgence qui est prête à
recevoir le patient,
ils peuvent rentrer sur une
civière puis retourner chez eux
à pied ou dans leur auto,
parce que le médicament
fonctionne très bien.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça, en quelque part, c'est
grâce à vous. Ça fait partie de
votre recherche, vos équipes de
recherche qui ont découvert ça.
ANTOINE HAKIM
J'ai eu ma part de
contribution là-dedans, mais je
ne peux pas dire que ça ait été
ma découverte. Ça a été fait
tout doucement par plusieurs
équipes quasiment à la fois.
J'étais à Montréal, à l'Institut
neurologique de Montréal, puis
c'est là qu'on a pu distinguer
en fait, avec l'imagerie
cérébrale un peu spéciale qu'on
avait à l'Institut neurologique
de Montréal, distinguer entre
ces différentes parties du
cerveau quand y a eu une
occlusion cérébrale.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pour découvrir ce qui se
passe chez le patient, le
patient doit appeler les
paramédics, les ambulanciers,
faut qu'il se rende à
l'hôpital, faut que les
ambulanciers, les paramédics
soient formés, il faut que
l'hôpital soit équipé pour
recevoir ce patient-là.
Au moment où on se parle, à
quel point est-ce que les gens
sont formés, à quel point les
hôpitaux sont équipés?
ANTOINE HAKIM
Alors, vous venez de
décrire tous les efforts
qui ont été faits par
le Réseau canadien contre les
accidents cérébrovasculaires.
Un réseau de centres
d'excellence qui est né en
2001, au moment justement,
que ce médicament est devenu
disponible. Mais, on se rendait
compte qu'il n'y avait
que 2% des accidentés
cérébrovasculaires qui,
primo, reconnaissaient:
"Ah, mon Dieu, c'est un
accident cérébrovasculaire,
c'est un stroke", qui
appelaient les ambulanciers qui
arrivaient rapidement. à ce
moment, les ambulanciers, les
paramédics disaient: "Y a pas
grand-chose à faire, je vais
pas me presser."
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum.
ANTOINE HAKIM
Il a fallu faire des cours
pour leur faire comprendre que,
au contraire, y avait des
choses à faire. Ils les
amenaient à l'urgence, qui
n'était pas peut-être prête à
recevoir, parce qu'il faut que
l'imagerie cérébrale soit
disponible, il faut que
l'urgentologue soit déjà en
pratique de donner ce
médicament-là. Donc, il a fallu
que nous donnions des cours à
nos urgentologues, que nous les
convainquions que ce médicament
était... Parce que c'est pas
un médicament qu'on donne
à n'importe qui
n'importe comment, il faut faire
l'imagerie cérébrale, s'assurer
par exemple que ce n'est pas
une hémorragie cérébrale.
Vous imaginez si on donnait un
médicament contre un caillot de
sang quand c'est en fait une
hémorragie cérébrale?
Donc, il a fallu organiser
tout ça, et vous avez très bien
décrit les efforts qu'il a
fallu qu'on fasse à travers le
pays d'un bout à l'autre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, si au moment qu'on a
commencé, qu'on a fait cette
découverte, y avait à peu près
2% des hôpitaux qui étaient
capables d'accueillir les
patients, on est rendus où
aujourd'hui?
ANTOINE HAKIM
On est rendus à 40%, qui est
quasiment le maximum... Ça va
peut-être être un 45%, mais pas
plus que ça. Pourquoi? Parce
que, primo, y a des patients
qui vont s'améliorer en route.
À ceux-là, on ne donne pas de
médicaments pour éliminer un
caillot de sang qui n'est plus
là, puisque le patient s'est
amélioré. Y a d'autres patients
qui vont avoir une hémorragie
cérébrale, donc on va pas leur
donner ce médicament-là.
Donc en tout et pour tout,
on pense que peut-être la moitié
des patients vont mériter ce
médicament, et nous sommes
arrivés aux urgences qui sont
déjà désignées pour recevoir
des patients, à 40% des
patients qui s'amènent à
l'urgence dans les limites de
temps nécessaires. Donc, on
parle... le plus vite possible,
parce que le cerveau retient
son souffle, si vous voulez,
mais il peut pas faire ça
ad vitam aeternam.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, vous dites qu'on a
quelques heures, de deux à
quatre heures environ, pour
se rendre à l'hôpital ou pour
téléphoner aux ambulanciers.
Si on n'arrive pas à faire
ça dans les délais, qu'est-ce
qui arrive?
ANTOINE HAKIM
Alors, là, le patient est pris
avec une partie du cerveau qui
a été endommagée. Le message
très important à passer, c'est
que même ça, ça ne veut pas
dire que c'est la fin du monde.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum.
ANTOINE HAKIM
Dans le sens que le cerveau
n'aime pas être handicapé.
Il faut commencer par ça.
Le cerveau n'aime pas être
handicapé. Si le bras est
faible, le cerveau essaie de
trouver un moyen pour
contourner la partie du cerveau
qui a été endommagée en
exigeant qu'une autre partie du
cerveau qui n'a pas l'habitude
de servir le bras affecté, en
fait, prenne la relève.
Mais là, c'est très important.
C'est un dialogue qui se fait
entre le patient et le cerveau.
Il faut que le patient le
veuille, il faut que le patient
insiste: Je veux que mon bras
s'améliore. Donc, le cerveau
comprend ce message.
Ça veut dire quoi? Ça veut dire
que si le patient commence à
ignorer ou à éviter le bras qui
est faible et utilise le bras
qui est fort, le cerveau dit:
Ah, c'est parfait, je te laisse
tranquille, je te redonne pas
le bras qui a été affaibli.
Donc, le patient, ce qui est
pas, si vous voulez, évident,
doit essayer de ne pas utiliser
le bras qui est fort, mais
forcer le bras qui est faible.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum.
ANTOINE HAKIM
Et c'est partout la même
chose. Si c'est la parole qui a
été affaiblie, il faut faire la
même chose, il faut insister à
parler malgré le fait que ce
n'est pas évident.
C'est pour dire qu'il y a des
améliorations très importantes
qui peuvent se faire après
l'accident cérébrovasculaire.
Faut pas oublier.
GISÈLE QUENNEVILLE
D'où l'importance de
la réadaptation.
ANTOINE HAKIM
Voilà. Et la réadaptation, ça
c'est autre chose qu'il faut
dire, qu'il faut mentionner,
la réadaptation peut continuer
pour le restant de la vie du
patient. Ça veut dire que...
Parfois on dit: "Ah, j'ai pas eu
de réadaptation les deux
premiers mois, ça veut dire
que c'est trop tard."
Non, c'est pas trop tard.
C'est jamais trop tard.
Un chercheur va suivre les
pistes qui lui sont offertes.
Euh... Aujourd'hui, je peux
être dans les accidents
cérébrovasculaires,
demain je serai dans
autre chose. Pour moi, ça
a été un peu une longueur
de vie dans les accidents
cérébrovasculaires parce qu'il
y avait tellement à découvrir,
tellement à changer...
GISÈLE QUENNEVILLE
Docteur Hakim, on ne se serait
pas attendu à ce que le jeune
Antoine Hakim devienne un
neurologue de renommée
internationale. Je pense qu'on
peut dire que vos origines sont
quand même assez modestes,
n'est-ce pas?
ANTOINE HAKIM
Oui, euh... mais, j'ai vécu
dans une famille où l'emphase
était sur l'éducation.
C'était, ils le savaient bien,
c'était la façon de se sortir
un peu du carcan de
la pauvreté si vous voulez.
Donc, je savais très bien
comment obtenir des
récompenses de mes parents,
leur approbation: c'était
d'apporter des bonnes notes.
Donc, ça, ça a été inculqué
dans nos têtes dès le jeune
âge. Alors, c'est un peu pour
ça, puis j'ai commencé à faire
du génie, parce que j'aimais
beaucoup les mathématiques,
j'étais très bon là-dedans.
Alors, je suis devenu
ingénieur, j'ai travaillé dans
les sables bitumineux en
Alberta pendant un bout de
temps, pour me rendre compte
qu'en fait, ça me faisait pas
tellement plaisir d'aller chez
moi chaque soir couvert
d'huile. Puis, ce qui me
manquait, et ça, on se découvre
avec le temps, ce qui me
manquait... c'était pas
suffisant d'être bon en
mathématiques, j'aimais aussi
beaucoup parler avec du monde,
essayer de leur donner un coup
de main. Puis là, je me
rappelle, en Alberta, je
m'étais entouré de gens qui
voulaient apprendre le
français. Tout d'un coup, à
l'heure du midi, je donnais
des leçons de français.
Alors, ça m'intéressait beaucoup
de travailler avec des gens.
Alors, je suis arrivé à un
point où j'étais confus, je
savais pas ce que je voulais
faire. Je savais que c'était
pas travailler dans les
sables bitumineux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, vous avez quitté
l'Alberta, vous êtes rentré
chez vous à Montréal, je pense.
ANTOINE HAKIM
Je suis retourné chez moi
à Montréal.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu'est-ce que vous avez
fait à ce moment-là?
ANTOINE HAKIM
J'ai enseigné dans une école
secondaire, parce que je
voulais ne rien faire qui
m'était habituel, juste
question de... Je savais que
c'était pas pour la vie, je
voulais juste prendre le temps
de penser. C'était Expo,
c'était Montréal, il faisait
bon y vivre, alors, je me suis
amusé comme un fou pendant
une année, à la fin de laquelle
j'ai dit: Moi, c'est plus
médical. Mais je suis déjà
ingénieur, alors ce que je vais
faire, c'est que je vais
devenir ingénieur biomédical.
Et là pendant que je prenais
des cours pour le génie
biomédical, mes professeurs
m'ont dit: "Mais toi, tu ferais
un bon médecin, si tu faisais
application pour la médecine,
on va te prendre."
GISÈLE QUENNEVILLE
Ouh! Ça se fait plus comme ça
aujourd'hui.
ANTOINE HAKIM
Justement. Alors, j'ai fait
la médecine, puis là, j'ai fait
la neurologie à l'Institut
neurologique de Montréal.
J'ai travaillé avec des
professeurs qui étaient les
géants de la neurologie.
Alors, avec cette formation que
j'ai reçue chez tout ce
monde-là, c'était là que je me
rendais compte qu'un patient
accidenté cérébrovasculaire,
dans les années 80, ou même 90,
on disait: bon...
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était fini, quoi?
ANTOINE HAKIM
Voilà, on va les rendre
confortables, puis on va
essayer de les aider à
surmonter leur déficit. Mais
dire que c'était urgent de faire
quelque chose, ça, c'était du
jamais-vu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors à quel moment est-ce
que vous vous êtes dit: "Bon,
y a peut-être quelque chose
qu'on peut faire pour ces
gens-là"?
ANTOINE HAKIM
Quand on a découvert qu'il y
avait, malgré le fait que le
patient avait, disons, pour
prendre un exemple, une
faiblesse dans le bras et dans
la jambe, avec un accident
cérébrovasculaire, peut-être
que la faiblesse dans le bras
était due à la partie du cerveau
qui était irréversiblement
endommagée, mais peut-être que
la faiblesse dans la jambe
était due à une partie du
cerveau qui était encore
très vivante, mais... un peu...
en difficulté, disons. Alors,
c'est là qu'on a commencé,
d'après les recherches qu'on
faisait dans le laboratoire, à
dire: "Ah... et qu'est-ce qui
arriverait si on redonnait à
cette partie du cerveau qui sert
la jambe son débit sanguin?"
Puis là, tout d'un coup dans le
laboratoire, eh bien, la jambe
revenait. Alors, c'est là qu'on
a essayé de trouver la cause.
On la connaissait déjà, c'était
des caillots de sang. Mais un
médicament qui faisait fondre
ces caillots de sang, ça,
c'était vraiment l'étape qui
nous manquait et qui nous
était nécessaire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle a été la réaction, ici
au Canada et à l'échelle
internationale, par rapport
à cette découverte?
ANTOINE HAKIM
Au début, c'était: "Je ne le
crois pas. C'est trop tard, le
cerveau ne peut pas rester en
suspens pendant des heures."
On s'est rendu compte qu'il
y avait une ignorance très
étendue sur les symptômes des
accidents cérébrovasculaires.
Les patients disaient:
"Oh, mon bras est devenu
faible, je vais aller me
coucher parce que peut-être que
je suis trop fatigué."
Ou: "J'ai mal dormi hier."
Ou: "J'ai une indigestion,
c'est pour ça que j'ai
un bras qui est faible."
Le défi le plus important,
c'était l'éducation de la
population. En travaillant avec
la Fondation des maladies du
coeur, le Réseau a pu établir
des programmes d'information
pour éduquer la population.
Un accident cérébrovasculaire,
non, tu ne te couches pas,
tu t'amènes à l'urgence.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous étiez combien à
travailler sur ce projet-là?
ANTOINE HAKIM
Tout un pays.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui?
ANTOINE HAKIM
Tout un pays de neurologues,
de chercheurs, et les
recherches continuent parce
qu'on veut en savoir encore
davantage, comment le cerveau
récupère, comment est-ce qu'on
pourrait accélérer la
récupération. Y a tout un
effort qui se fait de ce
côté-là. Les cellules souches,
est-ce que ces cellules-là
pourraient jouer un rôle,
à redonner au cerveau
son activité normale?
Y a tout un nouveau programme de
recherche qui a été établi à
partir de ces recherches-là.
Mais chacun avait son rôle à
jouer. Ça a été un travail
d'équipe incroyable.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle importance ou quel
impact cette façon de faire
a eu sur les patients, non
seulement ici au Canada, mais
c'est quelque chose qui est
pratiqué partout dans le monde,
n'est-ce pas?
ANTOINE HAKIM
En fait, je...
Je dérive énormément d'orgueil,
si vous voulez, en bon
Canadien, comme aujourd'hui on
parle partout dans le monde du
système canadien contre les
accidents cérébrovasculaires.
C'est que... un peu toute cette
trajectoire qu'on a suivie pour
arriver au point qu'il y a tant
d'accidentés cérébrovasculaires
qui reçoivent les médicaments au
bon moment, ça a pris un effort
qui n'était peut-être pas
possible ailleurs. Donc, il a
fallu travailler avec tous les
paliers de gouvernement,
donc avec les patients,
avec les médecins,
avec les urgentologues,
avec les ambulanciers,
avec nos gouvernements
pour arriver à ce qu'on appelle
le système canadien contre les
accidents cérébrovasculaires.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous visitez, vous avez
quand même des patients, même
si vous êtes un grand chercheur
de renommée internationale,
on peut tomber sur vous
comme neurologue?
ANTOINE HAKIM
Tout à fait. J'espère que
vous "tomberez" pas...!
GISÈLE QUENNEVILLE
Revenons aux AVC
et au modèle canadien, qui
permet de sauver des vies si le
patient est traité de façon
rapide. C'est bien beau ça si
on est en milieu urbain, mais
si on vit dans une région
éloignée, milieu rural, dans le
Grand Nord, par exemple,
qu'est-ce que l'avenir réserve
à ces gens-là?
ANTOINE HAKIM
Alors, le Réseau canadien va
se terminer d'ici un an,
un an et demi.
On s'est taillé un projet
pour finir en beauté
comme on dit. Et ça,
c'est le projet Télé-AVC.
Ça veut dire qu'un patient qui a
accès à une imagerie cérébrale
qui permettrait à son entourage
de décider si oui ou non c'est
une hémorragie cérébrale,
donc, le patient a un AVC,
s'amène à un CT-scan,
un scanner, puis là, on s'assure
qu'y a pas de sang dans le
cerveau, c'était pas une
hémorragie. Ce qu'on voudrait,
c'est d'éviter la nécessité
d'avoir un médecin spécialiste
tout près. On peut communiquer
avec Télé-AVC, en envoyant des
images à un médecin qui peut
être dans une grande ville
bien plus au sud, donc pour
donner à nos concitoyens qui
habitent dans des régions
éloignées, à condition qu'ils
puissent avoir accès à un
scanner. Et ça, les scanners,
c'est juste une question
d'argent. Je veux dire, vous
savez, à Terre-Neuve, y a des
scanners... y en a beaucoup,
mais y a pas de spécialistes
qui sont tout près. Alors, on
essaie de faire de façon que la
communication se fasse très
rapidement entre les résultats
du scanner et le spécialiste
qui peut être à des centaines
de kilomètres plus loin.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, on a beaucoup parlé de
ces AVC qui sont majeurs.
ANTOINE HAKIM
Voilà.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais y a également d'autres
types d'AVC qui font en sorte
qu'on se rend même pas
compte qu'on est victime
d'un accident cérébral.
ANTOINE HAKIM
Vous avez tout à fait raison.
Alors, y a des accidents
cérébrovasculaires qui sont
sournois, qui sont...
qui ne se déclarent pas d'une
manière aussi importante, parce
que c'est les petites artères
qui sont occluses plutôt que
les grandes. Alors, le patient
peut ne se rendre compte
peut-être que d'un petit
problème passager de quelques
secondes ou ne se rend compte
de rien. Mais avec le temps,
quand ces petits accidents
cérébrovasculaires sournois
s'accumulent, y en a deux
dans le cerveau, trois dans le
cerveau, le patient commence à
se rendre compte que sa mémoire
n'est pas aussi bonne, que sa
jugeote n'est pas aussi bonne,
il ne peut pas prendre des
décisions aussi rapides,
il rentre à la cuisine et puis
il sait pas pourquoi il est là.
Bon, il faut pas paniquer quand
ça arrive, parce que ça peut
arriver à tout le monde avec
l'âge, ces choses-là, mais
quand ça devient chronique,
quand ça devient un problème
important, il faut amener ça à
son médecin, parce qu'une
imagerie cérébrale va nous
montrer ces petits accidents
cérébrovasculaires.
Mais disons-le tout de suite.
Qui en souffre de ces accidents
cérébrovasculaires?
C'est les gens qui ont les
facteurs de risques
vasculaires. Et c'est quoi?
Primo, l'hypertension.
Parce que l'hypertension
artérielle est un facteur de
risque très important et
pourtant, ça se mesure très
facilement, n'importe où, dans
n'importe quelle pharmacie.
Vous pouvez rentrer, ça coûte
rien. Vous pouvez prendre les
résultats, aller chez votre
médecin de famille pour
qu'il décide ou qu'elle décide
si oui ou non vous avez
besoin d'être examiné.
Je voudrais le répéter à nos
concitoyens que c'est le
facteur de risque le plus
important et pourtant, c'est le
facteur de risque qui est le
plus ménageable.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum. Bien justement,
on peut prévenir les
accidents cérébrovasculaires.
ANTOINE HAKIM
Voilà. Voilà, tout à fait.
GISÈLE QUENNEVILLE
Cette grande découverte que
vous avez faite, qui a changé
des vies, pas juste au Canada,
mais partout dans le monde,
est-ce que c'est un point final
ou un point de départ?
ANTOINE HAKIM
C'est un... un point
très important dans la
trajectoire des accidents
cérébrovasculaires.
Pouvoir traiter ces accidents
cérébrovasculaires, à
condition que le médicament
soit donné à temps, est
vraiment... un pas en avant qui
est très très important.
Pourquoi? Parce qu'en fait, ça
a ouvert tout un univers de
travail, tout un univers de
recherches pour nous.
Est-ce que les gens
s'améliorent? Oui.
Est-ce qu'on peut accélérer
l'amélioration? Oui.
La réadaptation?
Très importante.
Y en a-tu des sortes de
réadaptation? Oui, en fait, il
faut d'abord qu'on puisse
convaincre le patient de ne pas,
si vous voulez, démontrer
de la paresse, dans le sens
que le bras qui est faible,
il faut l'encourager
à fonctionner. Bon.
Le contrôle des facteurs de
risques, ça aussi, c'est très
important. De plus en plus,
vous et moi et tout le monde,
on est pressés parce qu'on a
pas le temps. Alors, on n'a pas
le temps, donc on prend
l'ascenseur au lieu de prendre
les escaliers, quand on est
dans notre auto et qu'on va
faire du shopping, on fait
le tour trois fois pour trouver
la place le plus près de la
porte, plutôt que de dire: bon,
y a énormément de place
ailleurs, je vais aller un peu
plus loin puis je vais marcher.
Non mais... Et ne marchez pas,
courez un peu. Alors, pour
moi, l'activité physique, c'est
pas de rentrer dans un club et
aller le soir... Bon, on n'a
pas le temps pour faire ça.
L'activité physique, c'est
quelque chose que vous faites
durant votre journée tout le
temps. Alors, pour moi, c'est
très important de se rappeler
que, de ces multifacteurs,
le plus dommageable, c'est
l'hypertension artérielle qui
est facilement mesurée,
facilement traitée, mais en
plus le tabagisme, la vie
sédentaire, l'embonpoint,
puis bon... Mais tout ça, c'est
des choses qu'on peut
contrôler. Donc, le fait est
que les accidents
cérébrovasculaires sont une
source majeure de démence, de
manque de mémoire, de
difficultés au travail, et
pourtant, c'est contrôlable,
c'est évitable.
GISÈLE QUENNEVILLE
Docteur Hakim, merci beaucoup
de cet entretien.
ANTOINE HAKIM
Avec grand plaisir.
Merci d'être venue.
Générique de fermeture
Épisodes de Carte de visite
>Choisissez une option de filtrage par âge, fiction, ou saison
-
Catégorie Saison
-
Catégorie Documentaire
-
Catégorie Reportage