Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Dr. Michael Schull, urgentologue, professeur et chercheur
Le Dr Michael Schull est médecin urgentologue à l’hôpital Sunnybrook de Toronto. Animé par la volonté de toujours rendre son travail plus efficace, le Dr Schull et son équipe ont instauré un système de triage pour diminuer le temps d’attente aux urgences. Mais c’est au-delà des frontières canadiennes que le Dr Schull a réussi à faire de vrais miracles. Ancien président de Médecins sans frontières Canada, il a soigné des patients en Afrique du Sud, en Irak, au Burundi et au Bangladesh. En 2009, accompagnée par son épouse et leurs trois enfants, le Dr Michael Schull a déménagé pour une année au Malawi afin d’aider les malades de sida. Gisèle Quenneville a rencontré le Dr Schull et sa famille à Toronto.
Réalisateur: Simon Madore
Année de production: 2013
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Générique d'ouverture
Titre :
Carte de visite
Pendant que GISÈLE QUENEVILLE présente son invité, le docteur MICHAEL SCHULL, urgentologue, professeur et chercheur, on montre des images de l'urgence de l'hôpital Sunnybrook de Toronto, d'un hôpital du Malawi ainsi que de la famille Schull lors de son séjour dans ce pays.
GISÈLE QUENEVILLE
Passer ses journées à
l'urgence d'un des plus grands
hôpitaux du Canada n'est pas
quelque chose qu'on veut faire
tous les jours. Pourtant, c'est
ce que fait le Dr Michael
Schull. Le Dr Schull est
urgentologue à l'Hôpital
Sunnybrook de Toronto.
Son objectif est de rendre
l'expérience le plus efficace
possible. Lui et son équipe ont
instauré un système de triage
pour y arriver, un système mis
en place dans plusieurs
hôpitaux de l'Ontario. Michael
Schull fait également rayonner
son expertise à l'extérieur de
son hôpital, même de son pays.
Durant les années 90, il s'est
joint au groupe Médecins sans
frontières, un organisme qu'il
a éventuellement présidé.
Ce travail l'a amené en Afrique
du Sud, en Iraq, au Burundi
et au Bangladesh. Ses voyages
l'ont tellement marqué qu'il a
voulu partager l'expérience
avec toute sa famille. En 2009,
accompagné de sa femme, Josée
Sarrazin, elle-même médecin,
et leurs trois enfants, la
famille Schull a déménagé au
Malawi, cette fois-ci avec
Dignitas International. Durant
une année, Michael a travaillé
pour intégrer le traitement des
patients atteints du VIH et du
sida au système de santé
régulier, alors que Josée a
formé des techniciens en
radiologie. Les trois enfants,
eux, ont découvert une réalité
bien différente de celle à
laquelle ils étaient habitués
chez eux à Toronto.
L'entrevue suivante se déroule dans la demeure de MICHAEL SCHULL.
GISÈLE QUENEVILLE
Michael Schull, bonjour.
MICHAEL SCHULL
Bonjour.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous sortez de la salle
d'urgence, parfois, pour aller
travailler à l'étranger, pour
faire de l'aide humanitaire,
entre autres pour Médecins sans
frontières, également pour
Dignitas International. Vous
êtes allé dans des zones de
guerre, le Burundi, vous étiez
en Iraq. Qu'est-ce qui est
plus stressant, la salle
d'urgence à Toronto ou lorsque
vous êtes sur le terrain pour
faire une intervention
humanitaire?
MICHAEL SCHULL
Ils sont difficiles à
comparer. Ce sont des mondes
différents, et pour moi, il n'y
a ni l'un ni l'autre qui est
extrêmement stressant.
Je le ferais pas. Je fais ça
parce que j'aime ça.
Et je pense... Je vais vous dire
ce qui est stressant. Ce qui
est stressant, c'est quand
il y a un problème,
quand il y a quelque chose
où j'aimerais m'impliquer, mais
y a une raison pour laquelle
je ne peux pas m'impliquer.
Ça, ça me stresse.
Je pense que pour moi, le
stress, c'est de rien faire.
Le stress, c'est jamais de faire
quelque chose.
GISÈLE QUENEVILLE
Pourquoi vous avez décidé de
faire de l'aide humanitaire?
Parce que ça fait un bout de
temps, vous étiez jeune médecin,
finalement, quand vous avez
commencé, je pense.
MICHAEL SCHULL
Bien, pour une chose: pour un
médecin, t'auras jamais
une aussi belle occasion de
comprendre à quel point les
outils, les connaissances, les
capacités que t'as apprises
à l'école de médecine sont
utiles, à moins que tu
travailles dans un domaine
comme vous avez nommé, comme
en Afrique ou ailleurs dans des
situations comme ça. Parce que
c'est vraiment extraordinaire.
Ce que tu peux accomplir avec
un patient devant toi quand t'es
vraiment la seule option pour
cette personne-là, c'est quelque
chose qu'on peut jamais recréer
au Canada ou dans n'importe
quel pays développé. Alors ça,
ça ouvre les yeux énormément
pour un médecin. Premièrement,
c'est juste la capacité de
faire quelque chose de bien,
même si c'est pour une
personne, même si c'est juste
pour une heure ou deux heures.
C'est quand même fantastique.
Alors ça, c'est la première
chose. La deuxième chose, c'est
que... tu sais, mes parents
m'ont appris:
(Propos en français et en anglais)
"If you are not
a part of the solution, you are
a part of the problem"...
Si on fait pas quelque chose,
pour aider le problème, on fait
partie du problème. Et y a
plein de choses dans lesquelles
je pourrais m'impliquer, moi,
j'ai choisi ça parce que ça
m'attirait, j'aime beaucoup les
pays où j'ai voyagé, où j'ai
travaillé. C'est des pays
magnifiques, c'est des sociétés
qui sont souvent beaucoup plus
anciennes et plus complexes dans
un certain sens que la nôtre.
Et j'apprends tellement,
j'apprends tellement...
de moi-même dans ces
situations-là.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous dites que vous aimez ça
pouvoir faire une différence
même si ce n'est que
pour une personne.
Pourtant, vous êtes dans ces
régions-là, et vous avez pas
tous les outils à votre
disposition. Ça doit être
frustrant par moments, ça.
MICHAEL SCHULL
C'est-à-dire, ça dépend du
problème. Souvent les problèmes
médicaux sont pas complexes.
Si c'est une question d'accès
à l'eau propre, si c'est une
question d'accès à des
médicaments de base, si c'est
une question d'accès à la
nutrition de base, c'est pas
nécessairement des problèmes
extrêmement complexes du côté
médical à résoudre, alors en
amenant... même sans avoir tous
les outils, même avec les
outils qu'on a, on peut quand
même faire une énorme
différence pour une population.
Alors ça, c'est pourquoi je me
sens pas vraiment limité parce
que j'essaie pas de faire de la
chirurgie, j'essaie pas de
traiter le cancer, j'essaie pas
de traiter les maladies
chroniques... dans une
situation comme ça. Par contre,
quand on parle du VIH, là,
c'est une maladie chronique et
on a réussi vraiment à faire
des différences énormes. C'est
pas d'une semaine à l'autre,
mais en travaillant pendant des
années avec les gens locaux
qui travaillent là, qui vivent
là, c'est possible de faire
vraiment des miracles, on peut
dire, en termes d'améliorer
l'accès aux médicaments,
de redonner à des villages,
à une population, vraiment
l'espoir que la vie de leurs
enfants pourrait être mieux
que leur vie.
GISÈLE QUENEVILLE
Un exemple... lorsque vous
étiez à l'étranger, que ce soit
pour le VIH ou autre chose,
un exemple où vous vous êtes
dit: j'ai pris la bonne
décision de venir ici et
de faire une différence.
MICHAEL SCHULL
Quand j'étais au Malawi,
par exemple, pour l'année avec
Josée et les enfants, moi,
je faisais de la recherche,
je ne faisais pas de travail
clinique; Josée faisait du
travail clinique. Mais moi, ma
recherche, c'était de trouver
des façons d'aider les
infirmiers, les infirmières,
les assistants médicaux, les
médecins du Malawi pour mieux
faire leur travail. Et ça m'a
apporté énormément de plaisir
parce que j'étais en admiration
totale avec ces travailleurs-là
parce qu'ils avaient un débit
énorme. On parle des urgences
congestionnées ici, ça n'a rien
à voir avec ce qu'ils vivaient.
Ils avaient facilement 200
patients à voir tout seuls,
avec beaucoup moins que ce que
j'aurais même dans une mauvaise
journée à l'urgence.
Et ils le faisaient jour après
jour. C'était pas comme l'aide
humanitaire où tu vas, tu fais
ça pendant six mois puis tu
sais que tu peux t'en aller.
Ça, c'était leur vie. Alors si
je pouvais amener de l'aide...
Ce qu'on faisait, c'est un
système d'entraînement pour
aider à mieux intégrer les soins
du VIH et de la tuberculose
dans les soins primaires. Et ça
leur donnait beaucoup plus
de confiance, ils ont pu
améliorer la qualité de leurs
soins et vraiment, ils étaient
contents, ils trouvaient que ça
les aidait à faire leur travail
de tous les jours. Ça, ça me
donnait énormément de plaisir
et de satisfaction.
La femme de MICHAEL SCHULL, JOSÉE SARRAZIN, ainsi que leurs deux filles et leur fils prennent part à une partie de l'entrevue.
GISÈLE QUENEVILLE
L'idée de ce voyage, d'amener
toute la famille en Afrique
pour un an, ça vient d'où?
MICHAEL SCHULL
C'était quelque chose dont on
avait discuté depuis longtemps.
J'avais travaillé en Afrique
avant, avant de rencontrer
Josée, mais je savais que
ça l'intéressait beaucoup.
GISÈLE QUENEVILLE
Gabriel, ça te tentait-tu?
FILS
Euh, moyen.
GISÈLE QUENEVILLE
Moyen.
FILS
Parce qu'on devait laisser
tous nos amis...
JOSÉE SARRAZIN
En fait, c'était beaucoup plus
compliqué partir que de rester
au Malawi, en fait.
Rester au Malawi, c'était d'une
simplicité incroyable. Il y
avait une maison, une école,
un marché. Il n'y en avait pas
de décisions à prendre.
MICHAEL SCHULL
Une fois rendus, leur vie
était là. Alors leurs amis
étaient là puis ils
s'intéressaient vraiment pas
à e-mail ou Facebook.
Alors la vie est où tu es.
FILLE AÎNÉE
On a vraiment vécu dans la
communauté. C'était pas comme
si on était allés faire un
voyage de deux semaines.
On a bâti une école et puis
on est partis après.
MICHAEL SCHULL
Je pense qu'ils ont appris
beaucoup sur l'Afrique.
La réalité, c'est que c'est pas
tout de la maladie puis de
la pauvreté...
FILLE AÎNÉE
Et puis tout le monde était
vraiment gentil. C'était pas
comme s'ils rejetaient les
Blancs ou des affaires comme
ça. Ils étaient vraiment...
ils nous acceptaient.
L'entrevue se poursuit avec MICHAEL SCHULL.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous avez trois enfants.
Un médecin et trois enfants,
et une femme qui reste à la
maison, c'est beaucoup.
Mais deux médecins avec trois
enfants, ça doit pas être
évident.
MICHAEL SCHULL
C'est la seule vie que j'ai
connue, alors je sais pas
à quoi la comparer.
Oui, c'est beaucoup, mais on est
chanceux, nos enfants sont
super, et... je pense que...
Moi, je le dis toujours à Josée
que je pense que c'est
fantastique que les enfants
et surtout nos filles ont le
modèle d'une mère qui travaille,
qui s'implique dans la société,
qui aide le monde...
qui vraiment fait partie
de notre société.
Ça veut pas dire que les femmes
qui restent à la maison,
qu'elles ne font pas ça de
d'autres façons, mais c'est un
modèle que je trouve qui a des
avantages pour nos enfants.
Et je pense que Josée serait pas
du tout contente à la maison.
Alors c'est sûrement mieux
pour tout le monde qu'elle
travaille.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous attendez-vous à ce
que vos enfants deviennent
médecins?
MICHAEL SCHULL
Non, je ne m'attends pas à ça.
GISÈLE QUENEVILLE
Est-ce qu'il y a un intérêt
pour ça à ce moment-ci?
MICHAEL SCHULL
Euh, je dirais que non, il n'y
en a pas un qui l'a manifesté.
Ils trouvent qu'on travaille
beaucoup. Ils trouvent qu'on
parle trop de choses un peu
dégueulasses, quand on parle
de ce qui se passe à l'hôpital.
Mais je ne sais pas.
On les pousse pas vers ça,
on essaie de les laisser trouver
leur propre chemin. S'ils
décident de choisir la
médecine, je serai très
content... s'ils décident de
faire autre chose, je vais être
content aussi.
GISÈLE QUENEVILLE
En 2009, vous avez décidé
de partager votre passion pour
l'aide humanitaire avec la
famille, avec ce voyage d'un an
au Malawi. Pourquoi justement
en faire une histoire de
famille?
MICHAEL SCHULL
Premièrement, parce que Josée
et moi, on avait toujours eu
l'idée d'aller ensemble en
Afrique pour travailler.
J'avais déjà travaillé en
Afrique auparavant, avant de
rencontrer Josée. Et on a
voyagé. Premièrement, on a fait
un voyage en Afrique ensemble,
juste en touristes, et Josée
est tombée en amour avec
le continent. Et puis je pense
qu'on voyait ça comme une
opportunité fantastique,
une opportunité fantastique
professionnelle, mais aussi une
opportunité de couple et de
famille pour voir l'Afrique
à travers les yeux de nos
enfants, pour avoir
l'expérience ensemble. C'était
très, très enrichissant. Et je
pense que ce qui était vraiment
extraordinaire, c'était le
temps qu'on avait en famille,
juste de passer du temps
ensemble. Ça, c'était quelque
chose qu'on n'a pas pu...
on n'a pas pu le répéter avant
ni après.
GISÈLE QUENEVILLE
Les enfants étaient quand même
assez petits: 10 ans, 8 ans,
5 ans. Comment ils ont réagi
à cette idée-là de quitter leur
vie ici pour aller vivre
là-bas?
MICHAEL SCHULL
En fait, ils avaient quelques
anxiétés, des questions...
Une des raisons pour lesquelles
on était allés avec les enfants
avant d'aller pour l'année pour
vrai, c'était pour qu'ils
voient l'école où ils allaient
étudier, pour qu'ils voient
plus ou moins le village et
avoir une idée de la maison
où on vivrait, pour qu'ils
puissent l'imaginer un petit
peu. Honnêtement, les enfants,
c'était pas mal simple. Ils
étaient excités par l'idée.
Une fois qu'on était rendus,
je savais que le premier mois,
ça serait un peu délicat parce
que les gens, bon, c'est pas
toujours comme on pensait,
et on s'est pas encore fait des
amis, tout ça... Mais on a
voyagé un petit peu au début,
on a rendu ça assez le fun, et
on avait déjà des amis en
Afrique du Sud qu'on a visités,
alors ç'a été... Honnêtement,
ç'a été assez facile, sortir les
enfants d'ici, les établir ou
établir la famille en Afrique,
et le retour, je peux dire que
c'était assez simple comme
projet.
GISÈLE QUENEVILLE
Et vous, vous êtes allé
travailler là-bas. Vous, vous
avez travaillé, Josée a
travaillé également. Qu'est-ce
que vous avez fait au juste?
MICHAEL SCHULL
Moi, je travaillais pour un
organisme humanitaire
qui s'appelle Dignitas
International qui est basé
à Toronto,
mais qui travaille au Malawi.
Et j'étais en charge d'un projet
de recherche. Et ce qu'on
essayait de faire, c'était de
créer et de tester une nouvelle
façon d'entraîner les
travailleurs dans le système de
la santé dans les cliniques du
Malawi, pour qu'ils puissent
amener une meilleure qualité
de soins pour les gens qui
souffraient du sida et de la
tuberculose. Et ça, on faisait
ça en essayant d'intégrer les
soins avec les soins primaires.
Parce que généralement au
Malawi, les soins pour le sida
se passaient dans les hôpitaux.
Alors c'était un peu spécialisé
et en même temps, c'était
à une grande distance de la
majorité de la population.
Alors ils n'avaient pas un bon
accès. Nous, on a amené ces
soins-là dans les cliniques de
soins primaires qui sont
réparties un peu partout dans
le pays. On voulait étudier la
façon qu'on faisait cet
entraînement pour être sûrs que
ça marchait. Et ce qu'on a
découvert, en fait, c'était que
les travailleurs trouvaient que
c'était quelque chose qui leur
amenait beaucoup d'aide, qui
augmentait leur confiance quand
ils traitaient des patients qui
avaient le sida, et que leur
qualité de soins s'améliorait.
Alors, cette étude, en fait,
continue. Maintenant, on avait
commencé dans un district du
Malawi avec une population
d'à peu près 600 000,
et maintenant, ça se répand
partout à travers le pays.
Alors on est très, très excités
pour ça.
GISÈLE QUENEVILLE
À quel point est-ce que cette
année au Malawi vous a changé,
vous a transformé en tant que
médecin, en tant que père
de famille?
MICHAEL SCHULL
Je suis pas sûr que ça m'a
changé en tant que médecin.
Je pense que j'ai vu à quel
point, par exemple, on peut
utiliser nos talents, pas juste
comme médecin mais aussi de
recherche pour essayer
d'améliorer une situation,
et surtout pour laisser quelque
chose quand on part, pour que
notre effort ne s'évapore pas
à la minute où l'on rentre dans
l'avion et on quitte.
Alors ça, j'ai bien aimé ce
côté-là. Comme père, faudrait
peut-être demander aux enfants.
Je pense que... un, je pense que
je connais mieux mes enfants
qu'avant. La possibilité de
passer tellement de temps
ensemble, de manger chaque
repas ensemble pendant toute
une année, c'est quelque chose
qui va probablement jamais se
reproduire. Et aussi, juste le
rythme de vie est tellement
plus lent, tellement plus
calme... qu'on a juste plus de
temps à penser, à jouer, à
parler. Moins de distractions.
Ça, ça me manque beaucoup.
Est-ce que ça veut dire que
je suis un meilleur père quand
je suis là? Je le sais pas.
Je pense que je ne peux pas
être le juge.
GISÈLE QUENEVILLE
Est-ce que c'est une
expérience à refaire, à revivre?
MICHAEL SCHULL
Absolument, absolument.
Je le referais demain si je
pouvais. Quand je parle à mes
collègues, mes collègues en
médecine, je leur dis tous de
prendre une année sabbatique
parce que ça... on se recharge,
on se ressource, et c'est...
c'est absolument super.
La femme de MICHAEL SCHULL, JOSÉE SARRAZIN, ainsi que leurs deux filles et leur fils prennent part à une partie de l'entrevue.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous avez vu papa et maman
à l'oeuvre, au travail dans un
pays d'Afrique. Est-ce que
c'est le genre de travail que
vous, vous aimeriez faire?
Ou est-ce que vous voulez
rien savoir?
FILS
Je les ai pas vraiment vus
faire leur travail...
Chaque fois que je les ai vus,
c'est quand ils revenaient à la
maison, puis le matin.
JOSÉE SARRAZIN
C'est vrai parce qu'on les a
pas amenés dans l'hôpital parce
que c'est quand même un
endroit, c'est une autre
expérience, à un autre niveau,
puis je pense que ça, ça aurait
été un petit peu, dirons-nous,
brutal. En général, ils sont pas
très convaincus à propos de la
médecine. Je pense pas que
ça soit leur vocation.
L'entrevue reprend avec MICHAEL SCHULL.
GISÈLE QUENEVILLE
On a tous une impression de
l'urgence à travers des
émissions de télévision.
À quoi ressemble une journée
typique à l'urgence?
MICHAEL SCHULL
Exactement comme ça.
GISÈLE QUENEVILLE
C'est exactement comme ça?
MICHAEL SCHULL
Euh... Non, écoutez, les
journées qui sont difficiles
à l'urgence, généralement,
c'est pas à cause que t'as un
patient qui est très malade ou
qui meurt, quelque chose
comme ça,
ça, c'est une autre sorte de
difficulté, mais c'est pas ça
qui rend la vie vraiment
stressante, c'est plutôt juste
quand tu arrives puis t'as 30
patients qui attendent pour
être vus, puis tout le long de
la journée, tu cours. Puis
quand tu finis ton quart de
travail, il y a 40 personnes
qui attendent parce que...
(Propos en français et en anglais)
you can never catch up...
Ça, c'est stressant.
GISÈLE QUENEVILLE
Parlons du système de santé
parce que je sais que vous
faites beaucoup de recherche
dans notre système de santé
à l'heure actuelle, et
commençons justement avec les
urgences. Vous avez dit qu'on a
fait des progrès depuis
quelques années. Parce que
l'image qu'on a, même encore
aujourd'hui des urgences, c'est
que, quand on y va, on sait pas
quand est-ce qu'on va sortir.
Qu'est-ce qui s'est fait au
niveau des urgences qui fait en
sorte que c'est moins pire que
c'était avant?
MICHAEL SCHULL
Premièrement, c'est sûr que
c'est pas prévisible. On peut
pas dire que si vous allez à
l'urgence aujourd'hui, vous
allez attendre pour X nombre de
minutes, X nombre d'heures.
C'est sûr que ça change, ça
varie avec le débit, avec le
nombre de patients qui sont
plus malades que vous, et alors
vous êtes derrière eux dans
la file. Mais qu'est-ce qu'on a
fait, c'est que premièrement,
le gouvernement, le ministère de
la Santé a identifié ça comme
une priorité. Dans n'importe
quel système, surtout le
système de santé, c'est très
complexe, il y a beaucoup de
problèmes partout, alors ça
marche avec les priorités.
Qu'est-ce qui est prioritaire?
Et ça, ç'a été défini comme
étant une priorité parce que
la population le demandait,
parce que les urgences sont une
ressource très importante pour
la population, et ils disaient à
leurs élus qu'il y a vraiment
des problèmes, on attend trop
longtemps, et il y a des
problèmes de qualité de soins
et tout ça. Alors un, ils ont
identifié ça comme une
priorité; deux, ils ont établi
des normes. Alors combien de
temps, c'est quoi le maximum
que tu devrais attendre quand
tu vas là? Si t'es malade ou
votre mère est malade ou votre
enfant, et tout ça, quelles
sont les normes? Alors on a
établi les normes qui sont
provinciales. On a commencé à
mesurer la performance. On a
commencé à savoir, bon,
l'urgence de Sunnybrook ou de
St. Michael's ou de North Bay,
comment est-ce que vous
fonctionnez aujourd'hui, cette
semaine, ce mois-ci? Et ça,
maintenant, c'est public, toute
cette information-là est sur un
site web, tout le monde sait
quelles sont les bonnes
performances, quelles sont les
mauvaises performances.
Ils ont investi dans des
incitatifs, dans des...
(Propos en français et en anglais)
des systèmes de "pay for
performance" pour les hôpitaux.
Ceux qui s'amélioraient
gardaient plus d'argent que
ceux qui ne s'amélioraient pas.
Et encore une fois, le système
répond à ce genre
d'incitatifs-là. Et aussi, je
pense que... ils ont fait appel
à la communauté de médecins
et d'infirmières à travers
l'hôpital pour dire: c'est pas
juste un problème de l'urgence,
c'est un problème de l'hôpital,
c'est un problème du système.
Et ça, on pensait pas comme ça
il y a six ou sept ans. Si on
parlait du problème des
urgences, ceux qui n'étaient
pas dans les urgences disaient:
"Ça, c'est un problème de
l'urgence, ils ne savent pas ce
qu'ils font, c'est juste comme
ça tout le temps, ça sera
toujours comme ça..."
Et on a pu convaincre nos
collègues qu'en fait, c'est pas
un problème d'urgence, c'est un
problème de l'hôpital. Il faut
qu'on travaille ensemble pour
le résoudre. Il y a eu beaucoup,
beaucoup de progrès. Moi, je
vois ça comme étant quelqu'un
qui travaille dedans, et je
dois dire qu'il y a beaucoup de
patients maintenant qui se
présentent puis qui vont
rentrer et sortir en dedans de
deux heures, avec un problème
mineur... même moins que ça.
Mais c'est pas garanti, puis
j'entends encore des histoires
où les gens attendent trop
longtemps. On a encore du
travail à faire. Mais il faut
savoir qu'on a amélioré de
beaucoup, en même temps que les
volumes de patients ont augmenté
de beaucoup depuis quelques
années. Alors, même si les
volumes ont augmenté, le nombre
de patients qui se présentent
augmente, notre performance
continue de s'améliorer.
GISÈLE QUENEVILLE
Maintenant, une fois qu'on
rentre à l'hôpital, c'est par
les urgences souvent qu'on
passe. Si on a réglé le
problème qu'il y avait ou
amélioré le problème qu'il y
avait aux urgences, il semble
encore y avoir ce problème au
niveau de l'engorgement
des lits d'hôpitaux...
MICHAEL SCHULL
Absolument.
GISÈLE QUENEVILLE
Dans d'autres secteurs.
Et ça fait en sorte qu'il y a un
effet boomerang, là, chez les
urgences. Qu'est-ce qu'on doit
faire pour libérer ces lits,
pour que finalement, le système
fonctionne de façon plus
fluide?
MICHAEL SCHULL
Je pense que c'est pas un
problème simple. Le problème
dans les maisons de soins de
longue durée, par exemple,
qui sont... ces lits-là sont
occupés, les patients qui sont
dans les lits dans les hôpitaux,
qui n'ont plus besoin de soins
d'hôpitaux, qui attendent pour
les lits dans les maisons de
soins de longue durée ne
peuvent pas sortir parce qu'il
n'y a pas de disponibilité,
alors les patients attendent
à l'urgence pour leurs lits.
Comme on peut voir, c'est un
problème qui est très complexe.
Alors il faut travailler
à plusieurs niveaux.
Pour une chose, je pense qu'il
faut regarder des alternatives.
On peut pas continuer à bâtir
plus de lits. Alors, par
exemple, l'effort pour rendre
disponibles plus de soins à
domicile, le programme Home
First, où l'idée, c'est que même
si t'es dans un lit d'hôpital
et que tu attends un lit de
longue durée, c'est possible de
retourner le patient à sa
maison avec des soins à
domicile pour attendre à la
maison, et ce qu'ils ont
trouvé, c'est que dans une
grande proportion de cas,
peut-être 30%, les patients
éventuellement n'ont plus
besoin de lit de longue durée.
Ils peuvent rester dans leur
maison avec les soins à
domicile. Alors je pense
que c'est ce genre
d'intervention-là qui fait en
sorte qu'on repense comment
on donne les soins. Une autre
chose où il y a beaucoup de
travail aujourd'hui, c'est sur
la collaboration et
l'intégration des soins, pour
faire en sorte que les gens
âgés, les gens qui présentent
une multimorbidité, ça veut
dire plusieurs maladies
chroniques, soient entourés
d'une équipe, pas juste un
médecin de famille, pas juste
un spécialiste, ou encore pire,
cinq spécialistes, mais une
équipe qui travaille vraiment
ensemble avec un médecin de
famille, les spécialistes qu'il
faut, mais les infirmières, les
pharmaciens, les travailleurs
sociaux, et aussi les
psychiatres, les travailleurs
qui font affaire avec les
maladies mentales, les
addictions, tout ça, pour
entourer le patient.
GISÈLE QUENEVILLE
Pour faire ça, est-ce qu'il
faut changer des mentalités?
Est-ce que tout le monde
embarque dans cette nouvelle
façon de faire les choses?
MICHAEL SCHULL
C'est sûr, mais il faut faire
plus que ça encore parce que
les mentalités, c'est une
étape, mais après ça, il faut
changer la façon qu'on est
payé. Les médecins sont pas
nécessairement payés d'une
façon qui va les inciter
à faire les choses pour
travailler en équipe. Alors les
gens répondent à comment
le système est créé.
Et puis... alors la question
se pose: Est-ce qu'il faut
réinventer le système ou
est-ce qu'on peut le changer
de façon... une étape
à la fois? Moi, je suis plutôt
de ce bord-là, de dire:
on va pas recréer un
nouveau système demain.
Il faut travailler pour
l'améliorer. Il faut regarder
aussi les exemples ailleurs aux
États-Unis, en Angleterre,
en France, les places où il y a
vraiment des exemples où
ils ont réussi à faire ce qu'on
veut faire. Alors, regardons
comment ils l'ont fait et
essayons de le reproduire ici.
GISÈLE QUENEVILLE
Si vous étiez ministre de la
Santé et que vous ayez une
priorité, un budget illimité,
qu'est-ce que vous feriez
en premier?
MICHAEL SCHULL
Euh, je pense que ça serait
de travailler vraiment sur
l'intégration des soins. Si
j'avais un budget illimité,
ça serait fantastique d'avoir
par exemple les systèmes
d'information qui nous
permettraient vraiment de
travailler bien en équipe.
On est vraiment limités
aujourd'hui par ça. Mais je
pense que c'est pas vraiment...
le budget limité, c'est pas
vraiment ça le problème.
On a beaucoup d'argent dans
le système de santé, on est
comparable, à part les
États-Unis qui payent, qui
dépensent des sommes
incomparables sur leur système
de santé, et ils n'ont pas des
bons résultats en plus, on paye
à peu près la même chose que
l'Angleterre, que l'Australie,
que la France, etc. C'est pas
un manque d'argent. Mais la
façon que c'est réparti, nos
choix de comment payer ceux qui
travaillent dans le système,
je pense que c'est encore des
obstacles qu'il faut...
qu'il faut changer.
GISÈLE QUENEVILLE
Michael Schull, merci
beaucoup.
MICHAEL SCHULL
Merci beaucoup à vous.
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