Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Guillaume Côté, danseur et chorégraphe, ballet national du Canada
Le ballet a toujours fait partie de la vie de Guillaume Côté. Il n’avait trois ans quand ses parents ont invité une professeure de Montréal à venir ouvrir une école dans son village du Lac-St-Jean. Cette professeur a découvert chez son jeune élève, un grand talent. Au point où à l’âge de 11 ans, Guillaume fait ses valises et part pour Toronto. Il poursuit ses études en danse à l’école du ballet national de Toronto, la seule école dans l’est du pays à offrir un programme pour les garçons. À 17 ans, Guillaume devient membre du corps de ballet du Ballet national du Canada. Une année plus tard, il obtient le premier rôle dans Roméo et Juliette. Sa Juliette s’appelle Heather Ogden—-celle qui deviendra son épouse plusieurs années plus tard. En 2004, Guillaume Côté devient premier danseur pour la troupe. Heather le devient aussi à son tour. Guillaume et Heather sont invités à danser partout dans le monde——seul ou en couple——à Milan, à Londres et New York. Mais là où ils sont le plus heureux c’est dans leur maison de Toronto et sur les planches du Ballet national du Canada.
Réalisateur: Karen Vanderborght
Année de production: 2013
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Générique d'ouverture
Titre :
Carte de visite
Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, GUILLAUME CÔTÉ, danseur et chorégraphe au Ballet national du Canada, on montre des images d'archive de GUILLAUME CÔTÉ. L'entrevue se déroule dans un local de ballet.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le ballet a toujours fait
partie de la vie de Guillaume
Côté. Il n'avait que trois ans
quand ses parents ont invité une
professeure de Montréal à venir
ouvrir une école dans son
village du Lac-St-Jean. Cette
professeure a découvert chez son
jeune élève un grand talent, au
point où à l'âge de 11 ans,
Guillaume fait ses valises et
part pour Toronto. Il poursuit
ses études en danse à l'école du
Ballet national de Toronto, la
seule école dans l'est du pays à
offrir un programme pour les
garçons.
À 17 ans, Guillaume devient
membre du corps de ballet du
Ballet national du Canada.
Une année plus tard, il obtient
le premier rôle dans Roméo et
Juliette. Sa Juliette s'appelle
Heather Ogden, celle qui
deviendra son épouse plusieurs
années plus tard. En 2004,
Guillaume Côté devient premier
danseur pour la troupe.
Heather le devient aussi à son
tour. Guillaume et Heather sont
invités à danser partout dans le
monde, seuls ou en couple: à
Milan, à Londres et à New York.
Mais là où ils sont le plus
heureux, c'est dans leur maison
de Toronto. Et sur les planches
du Ballet national du Canada.
Guillaume Côté, bonjour.
GUILLAUME CÔTÉ
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
La danse, vous en avez fait
toute votre vie. Donnez-nous une
idée de l'importance qu'a la
danse dans votre vie
aujourd'hui.
GUILLAUME CÔTÉ
C'est... ma passion. C'est
vraiment mon destin, je pense.
J'étais très jeune quand j'ai
commencé. J'avais 3 ans ou 4
ans, mais mes parents, ils
avaient fait partie de la
création d'une nouvelle école de
danse, au Lac-St-Jean.
Cette école de danse s'appelait
Le Prisme culturel. Elle est
toujours présente. Puis toute ma
famille, mes cousins, tout ça,
ils voulaient vraiment comme
supporter ma famille, mes
parents, fait que tout le monde
dansait dans ma famille.
Fait que c'était vraiment
spécial, parce que pour un petit
garçon, moi, j'ai beaucoup de
questions, surtout aujourd'hui.
"C'était pas bizarre pour un
petit garçon..."
GISÈLE QUENNEVILLE
Ouais?
GUILLAUME CÔTÉ
"......du Lac-St-Jean de faire du
ballet?" Puis je dis toujours
non, parce que j'étais vraiment
dedans complètement. J'étais là
avec tous mes cousins. Puis
j'avais plusieurs cousins, parce
que la famille de mon père sont
13 enfants. La famille de ma
mère sont 9 enfants. Je pense
qu'il y a un certain temps qu'on
était 13 ou 14 garçons dans ma
classe de ballet. J'ai jamais
réalisé que c'était quelque
chose de non commun dans le fond
pour un petit garçon.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais justement, à l'âge de 7-
8-9 ans, est-ce qu'on se dit:
Oui, moi, je veux être danseur
de ballet dans ma vie, ou est-ce
que c'est une activité comme une
autre activité?
GUILLAUME CÔTÉ
C'était une activité comme une
autre activité, mais j'en
faisais tellement que ça faisait
partie de ma vie, comme une
habitude, dans le fond.
C'est la même chose. Puis j'ai
jamais brisé l'habitude. J'ai
toujours été très physique,
j'étais quelqu'un qui avait
beaucoup d'énergie, puis
j'aimais toujours danser. Fait
que je me suis jamais dit comme:
Je veux devenir danseur de
ballet, parce que je savais même
pas ce que ça voulait dire...
GISÈLE QUENNEVILLE
Aviez-vous vu un vrai ballet à
ce moment-là?
GUILLAUME CÔTÉ
Non. Pas vraiment.
GISÈLE QUENNEVILLE
Outre le Chat botté du Lac-St-
Jean?
GUILLAUME CÔTÉ
Non, vraiment pas, parce que
dans ce temps-là, y avait pas
Internet. On avait pas vraiment
l'accès aux vidéos de ballet, de
danse. J'étais pas vraiment
familier avec la carrière de
danseur professionnel. Ce que je
savais, par contre, c'est que si
je poursuivais mes études en
danse, peut-être que j'allais
pouvoir aller à Toronto puis
apprendre l'anglais. Fait que
moi, j'ai décidé à un très jeune
âge que je voulais être une
vedette de rock, puis je jouais
de la guitare. J'étais comme:
"Ouais, va falloir que
j'apprenne l'anglais un jour."
Puis je me suis dit ça dans ma
tête. Ce qui est dur dans la
danse, c'est que tu vois pas
vraiment un jeune garçon puis tu
te dis: Ça, c'est le candidat
parfait pour devenir une star ou
un danseur principal.
Parce qu'il y a tellement de
choses dans le processus de
faire un danseur principal
que... tu sais jamais. Tu peux
avoir la personne la plus
talentueuse du monde, mais le
physique, tu grandis pas d'une
bonne façon, l'instrument se
développe pas d'une façon
organique ou... Le training
aussi. Puis ça prend un mental
très fort. Fait que d'un côté,
je pense que ça m'a aidé de pas
avoir le mental de: oui, je veux
devenir un danseur principal. Je
suis arrivé à l'École nationale
de ballet, puis je travaillais
fort, je faisais mes classes,
tout ce qu'on me disait de
faire.
Mais c'est sûr que je faisais
encore de la musique, j'avais
des amis en dehors de la danse.
Fait que je faisais autre chose
aussi en même temps. Ça m'a
donné un peu plus de bases pour
me dire que, dans le fond, la
danse, c'est pas tout non plus.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes venu à Toronto à
l'École nationale de ballet à
l'âge de 11 ans. C'est jeune,
ça. Parlez-moi de ce
déménagement-là et l'impact que
ça a eu sur votre vie.
GUILLAUME CÔTÉ
C'est sûr que ça a changé ma
vie à jamais. Les gens pensent
que c'est plus dur quand t'es
plus jeune, mais dans le fond,
c'est beaucoup plus facile quand
t'es plus jeune. Moi, je dis que
c'est mes parents, dans le
fond... ça a été plus dur pour
eux autres que pour moi, parce
que... Je me souviens, les deux
premières semaines, c'était
incroyablement difficile, parce
que je parlais même pas anglais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Étiez-vous seul? Ou est-ce que
vous parents étaient avec vous?
GUILLAUME CÔTÉ
Non, j'étais ici tout seul.
Je suis arrivé tout seul en
résidence. Y a un cousin qui est
venu avec moi, Raphaël.
C'était un de mes cousins, qui
est entré dans l'école en même
temps que moi. Puis on parlait
pas anglais, mais vraiment pas
du tout. Fait que ça a été un
choc au début.
Tu rentres dans une résidence
avec 40 garçons, dans une grande
ville comme Toronto, puis moi,
je suis un petit garçon du Lac-
St-Jean. Ma ville de 950
personnes au Lac. Fait que ça a
fait un gros choc, mais après
deux semaines, je me suis fait
des amis. J'ai appris l'anglais
assez rapidement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez réussi à maintenir
votre français.
GUILLAUME CÔTÉ
Même mon accent du Lac.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment ça se fait, ça?
GUILLAUME CÔTÉ
Euh, c'est parce que ma
famille, quand même, est toute
au Québec.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais vous les voyez souvent?
GUILLAUME CÔTÉ
On se parle souvent, oui.
Ils viennent me visiter. Puis
aussi, y a des Québécois dans la
compagnie aussi. Je suis très
fier de ma culture aussi. Je
trouve qu'on est un peu comme
ça, les Québécois. Fait que
j'essaie de rester un peu à jour
avec les choses qui se passent
au Québec.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez pas d'enfants
encore, mais est-ce que c'est le
genre de vie ou d'expérience que
vous voudriez pour votre enfant?
GUILLAUME CÔTÉ
Ça, c'est dur à répondre.
C'est une question qui m'a
vraiment hanté beaucoup, parce
que d'un sens, je me dis
toujours: le sacrifice que mes
parents ont fait, c'était
tellement un beau sacrifice pour
ma vie à moi, mais c'était
vraiment un sacrifice pour eux.
Si ton enfant a une passion pour
quelque chose, que ça soit le
soccer, n'importe quoi, si c'est
vraiment leur passion, c'est la
responsabilité, moi, je trouve,
d'un parent de vraiment aider à
développer cette passion-là.
Parce que la passion, c'est ça
qui fait que la vie est belle.
Des gens qui veulent performer
au plus haut niveau, au niveau
mondial, il faut qu'ils
apprennent des meilleurs. Puis
les meilleurs, ils sont pas
nécessairement à côté de chez
vous. Mes parents, ils ont
vraiment voulu vivre au Lac-St-
Jean, mais ils m'ont pas fait
souffrir à cause qu'on a vécu
là. Ils m'ont tout donné.
GISÈLE QUENNEVILLE
Votre avenir était un peu, je
pense qu'on peut dire: tracé
d'avance. Est-ce qu'il y a eu un
moment dans votre vie où vous
vous êtes rebellé?
Vous vous êtes dit: Non, je veux
plus rien savoir de cette vie-
là?
GUILLAUME CÔTÉ
Oui, c'est sûr que d'un côté,
y a rien de tracé d'avance.
Puis c'est ça qui était dur à un
certain point. Pendant 5 ans,
j'étais au Ballet national, à
l'école, puis pendant 5 ans, ils
m'ont donné des rôles, j'avais
des choses, je dansais bien.
Ils me disaient que: "Oui, tu
vas avoir beaucoup de succès."
Bon. Tu rentres dans la
compagnie, puis tout d'un coup,
non, tu retombes complètement au
bas de l'échelle, dans tous les
sens. Puis c'est dur, parce que
t'étais quand même haut quand
t'es sorti de l'école. Fait que
c'est sûr que c'est vraiment là
que tu commences à te poser des
questions. Te poser des
questions sur pourquoi tu fais
ça. Est-ce que tu le fais
seulement parce que t'es bon?
Parce que les gens veulent que
tu le fasses? Fait que,
vraiment, tu te poses des
questions différentes. Fait que
moi, je suis déménagé à New York
pendant un certain temps. J'ai
recherché aussi mes intérêts à
moi. J'ai fait beaucoup de
musique, d'autres choses, de
composition aussi.
Puis j'ai vraiment jamais voulu
arrêter la danse. Puis y a eu
plusieurs échelons aussi dans ma
carrière. Quand j'ai commencé
avec le Ballet national, ça a
été très rapidement quand même.
J'ai été soliste, tout ça, mais
après ça, j'ai eu des blessures
sérieuses. J'ai eu une blessure
très sérieuse, qui m'a arrêté
pendant un an complet. Puis
durant cette année-là, c'est
vraiment quelque chose que tu...
te poses des questions aussi.
Parce que tout d'un coup, t'as
plus ça. T'as plus cette
passion-là dans ta vie. Tu sais,
il te manque de quoi.
Veux, veux pas, tu cherches
d'autres choses à faire. Tu sens
vraiment que ça te manque dans
ta vie.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et chez vous, est-ce qu'il y a
eu un moment où vous vous êtes
dit: Ouais, pour moi, ça va
marcher? Ou est-ce que ça s'est
passé graduellement?
GUILLAUME CÔTÉ
Non. Ça a été très
graduellement. C'est à chaque
fois, à chaque jour, c'est de se
reposer cette même question-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Même aujourd'hui?
GUILLAUME CÔTÉ
Ouais. C'est toujours à
refaire. C'est pas une
carrière... C'est un peu ça,
être artiste, non? C'est essayer
de se renouveler à tous les
jours. Renouveler les idées, ta
perspective, ton toi-même, dans
le fond. Puis je pense que c'est
ce qui fait un bon artiste:
c'est d'essayer de pas répéter
la même chose, mais de faire une
nouvelle chose à tous les jours,
tu sais? C'est sûr que c'est une
carrière qui demande beaucoup.
Fait que c'est toujours
difficile de penser que, comme
tu dis, de dire: "Ah, tout est
beau," s'asseoir sur ses
lauriers. Puis faut vraiment
jamais penser comme ça. Faut
toujours penser: y a un plus
jeune, meilleur, juste en
arrière de moi, qui va prendre
ma job. Tu sais? C'est vraiment
une compétition... toujours.
On voit des images de GUILLAUME CÔTÉ qui danse dans son local de répétition.
GISÈLE QUENNEVILLE
Guillaume, à quoi ressemble
une journée typique dans votre
vie ici, au Ballet national?
GUILLAUME CÔTÉ
Heather puis moi, on se
réveille vers 7 h 30. On essaie
d'arriver au travail vers 9 h.
D'habitude, c'est un
réchauffement avant la classe.
Des fois, plus tôt que ça un
peu. Des fois, un workout le
matin, quelque chose comme ça,
pour réveiller les muscles.
Puis après ça, à 10 h, on
commence une classe. De 10 h à
11 h 15, ça, c'est une classe de
réchauffement, qu'on fait à tous
les jours.
C'est une série d'exercices,
comme à peu près 30-45 minutes à
la barre. Ça veut dire avec la
barre. Puis après ça, y a comme
des pirouettes, des choses comme
ça au centre.
Après ça, y a un réchauffement
des sauts pour réchauffer le
corps au complet. Après ça, à 11
h 30, on commence les répètes.
Ça, c'est des blocs d'une heure
d'habitude.
Puis y a 6 blocs. Ça veut dire
qu'on répète les répétitions de
11 h 30 à 18 h 30, avec une
heure de break de 14 h 30 à 15 h
30. Puis ça, dans ces blocs-là,
on alterne entre des ballets
différents. Dans une saison,
d'habitude, on a 4 ou 5 ballets
par saison. Puis après, on fait
toujours un ou deux ballets
complets. Ça veut dire Le Lac
des cygnes, Roméo et Juliette.
Fait que, à tous les jours, on a
comme 6 heures de répétitions
sur différentes choses.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça doit être dur sur le corps.
GUILLAUME CÔTÉ
Ouais, c'est très dur.
Faut faire attention, être
intelligent pour maximiser son
physique dans le fond, puis de
ne pas y aller trop fort pour
trop longtemps une journée,
parce que sinon, la journée
d'après, tu vas avoir de la
difficulté à t'en remettre.
Dans un sens, avec l'âge, c'est
plus difficile de se remettre,
mais d'un côté, on est plus
intelligent, plus établi, dans
un sens, parce qu'on sait ce qui
marche et ce qui marche pas.
Fait qu'on perd un peu moins de
temps.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand on vous donne un rôle,
comment est-ce que vous vous
préparez à incarner ce rôle-là?
GUILLAUME CÔTÉ
Dans le fond, nous, faut faire
avec ce qu'on a. Ce qu'on a,
c'est les pas, la chorégraphie
qui nous est donnée. Fait que,
c'est bien beau de te dire: OK,
je suis Roméo; tu peux lire
Roméo et Juliette tant que tu
veux, nous, ça va dépendre du
chorégraphe. Ça dépend de la
personne qui te donne les pas à
faire. Fait que, premièrement,
c'est d'apprendre les pas, la
chorégraphie, de respecter le
chorégraphe, sa vision à lui.
Parce que tu racontes pas
nécessairement l'histoire de
Shakespeare, tu racontes
l'histoire du chorégraphe,
d'Alexei Ratmansky. Ou pour Le
Lac des cygnes, tu racontes
vraiment l'histoire de James
Kudelka. Tu racontes son
histoire à lui, parce que c'est
lui qui la construit, il la
réécrit, l'histoire, dans un
sens. Il la réécrit, l'histoire,
avec ses pas. Fait qu'il faut
que tu sois vraiment intelligent
à développer le rôle qui va
marcher avec son histoire à lui.
Puis y a peut-être des
subtilités qui sont différentes
avec le livre ou l'histoire
originale. Fait que c'est
toujours de vraiment rentrer
dans le studio à chaque fois
avec une perspective différente,
ouvert d'esprit.
Dans Le Lac des cygnes, j'avais
19 ans. J'avais pas d'expérience
avec l'amour du tout. Puis là,
maintenant, j'ai 32 ans, puis je
suis marié. Puis je suis à une
place différente dans ma
carrière complètement, puis j'ai
beaucoup d'expérience. J'ai fait
ce rôle-là plusieurs fois.
Fait que moi, comme personnage,
je vais approcher Siegfried
d'une façon complètement
différente maintenant
naturellement, instinctivement,
que je l'ai fait y a 14 ans.
Ça veut dire qu'il faut que
j'essaie de trouver une nouvelle
façon de raconter la même
histoire, d'une façon aussi
pertinente. Ça veut dire qu'on
répète beaucoup plus que les
gens le réalisent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum.
GUILLAUME CÔTÉ
Tu sais, même ma grand-mère,
c'est drôle parce que toutes les
fois qu'on la voit, elle dit:
"Qu'est-ce que vous faites toute
la journée?" C'est vrai, dans un
sens.
GISÈLE QUENNEVILLE
Elle voit que le spectacle.
GUILLAUME CÔTÉ
C'est ça. Quand les gens
voient le spectacle: "Oui, vous
apprenez beaucoup de pas, tout
ça, mais qu'est-ce que tu fais?"
Mais c'est long. C'est beaucoup
de travail d'essayer de... Le
jeu, la comédie, d'essayer de
jouer d'une façon cohérente
aussi. Puis c'est 60 personnes
sur scène aussi.
T'es pas tout seul. Fait que
c'est de tout travailler les
relations que t'as avec les
personnes. C'est beaucoup de
temps, beaucoup d'efforts.
Puis à chaque fois, c'est tout à
refaire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez mentionné Heather,
tout à l'heure. Heather Ogden,
c'est votre épouse, qui est elle
aussi danseuse principale au
Ballet national du Canada.
Ça fait un bon bout de temps que
vous vous connaissez. Votre
rencontre amoureuse, est-ce que
ça s'est fait en coup de foudre,
un peu comme un ballet?
GUILLAUME CÔTÉ
Euh, non. D'un côté, moi et
Heather, c'est le fun, parce
qu'on a vraiment une histoire un
peu différente. Dans un sens, on
était des amis. Pas dans un
sens: on était vraiment des bons
amis avant qu'on commence à
sortir ensemble.
On a vraiment dansé ensemble,
grandi ensemble dans la
compagnie. Puis on était
toujours avec d'autres
personnes. Moi, j'avais une
blonde puis elle, elle avait
quelqu'un. Puis on a appris à se
connaître en travaillant
ensemble, à vraiment avoir une
bonne fondation, comme, de
collègues. Puis c'est dur de
danser ensemble. Ça te demande
beaucoup de sacrifices, de
communication, puis de
communication aussi non verbale.
C'est difficile d'avoir un bon
partnership avec quelqu'un. Fait
qu'on a vraiment développé ça
pendant 6 ans.
Puis moi, j'étais toujours
intéressé un peu. J'avais
toujours quelque chose qui me
disait que c'était vraiment une
fille spéciale, vraiment un beau
sens de l'humour. Puis j'ai
toujours aimé ça être avec elle.
Puis c'est sûr, on se lapsait
pas vraiment. Ça aurait été
vraiment plate de perdre ce
qu'on avait, parce que ce qu'on
avait était vraiment spécial
déjà. Fait qu'on a vraiment été
intelligents. Puis je pense que
c'est elle qui a plus été
intelligente... à me faire
patienter. Puis on a patienté un
bon moment, quand tout était
comme à la bonne place. Puis on
était tous les deux tout seuls,
on a commencé à sortir ensemble
de façon organique. Puis là, ça
a bien marché. De danser avec
son épouse dans quelque chose
comme Roméo et Juliette, ou dans
Le Lac des Cygnes, c'est
vraiment réel. Puis ça fait que
le spectacle est très spécial,
parce que moi, c'est pas
seulement à propos de moi. C'est
à propos de nous, de notre
spectacle à nous. Puis elle,
c'est la même chose. Fait que je
pense que les gens le sentent
aussi. Parce que moi, je prends
soin d'elle, parce que c'est mon
tout, dans le fond.
Fait qu'il y a une chimie entre
nous. Tu peux pas récréer ça si
t'es pas vraiment en amour avec
la personne.
Dans son local de répétition, GUILLAUME CÔTÉ est en entrevue aux côtés d'HEATHER OGDEN, son épouse.
HEATHER OGDEN
(Propos en anglais)
Passons directement
à la demande en mariage.
C'était très romantique, en Italie.
GUILLAUME CÔTÉ
(Propos en anglais)
J'avais été absent pendant
environ deux mois avant,
donc j'ai dû acheter
la bague avant et tout
planifier le voyage.
HEATHER OGDEN
(Propos en anglais)
Il était assez bizarre
partout où on allait.
Normalement, dans notre relation,
c'est moi qui dit
«plaçons nos choses dans
le coffre-fort», ou
«rangeons nos passeports
quelque part», et cette fois-ci,
c'était lui qui disait
« C'est correct, je m’en occupe».
Je me demandais un peu
ce qui se passait!
La demande en mariage s'est faite
sur un beau pont à Florence
en face du Ponte Vecchio,
pendant que le soleil se couchait.
C'était tout à fait parfait.
L'entrevue au local de ballet se poursuit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Autrefois, on allait au
ballet. Là, je vais peut-être
dire une bêtise, mais bon, j'y
vais quand même. On allait au
ballet pour voir la danseuse. Le
danseur, sa job, finalement,
c'était de soulever la danseuse
que tout le monde regardait.
Est-ce c'est encore comme ça
aujourd'hui, ou est-ce que le
rôle de... l'homme, du danseur a
évolué?
GUILLAUME CÔTÉ
C'est une très bonne question.
Moi, je trouve que oui.
C'est sûr que, dans la danse
classique, je trouve que c'est
toujours la famille qui demeure
au premier plan. Depuis qu'il y
a eu Rudolf Nureyev, puis des
gens comme Mikhail Baryshnikov,
eux autres, ils ont vraiment
révolutionné la danse pour les
hommes. Les Russes sont rentrés,
puis tout d'un coup, les
garçons, ils avaient beaucoup de
danse à faire, puis c'étaient
vraiment des nouveaux
chorégraphes qui sont rentrés,
puis qui ont révolutionné le
monde de la danse. Roland Petit,
Maurice Béjart, des très grands
chorégraphes qui ont, tout d'un
coup, ils ont vraiment commencé
à chorégraphier beaucoup plus
pour l'homme que pour la femme.
Fait que ça a fait qu'ils ont
créé des ballets incroyables
pour les hommes, puis les hommes
sont devenus de meilleurs
danseurs. Puis je trouve que
c'est vraiment intéressant de
voir comment les choses ont
évolué dans le fond, parce que
tu regardes des gens comme
Rudolf Nureyev danser il y a 15
ans, puis ils sont pas au niveau
où on est maintenant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Voilà.
GUILLAUME CÔTÉ
Mais il était tellement bon
pour ce temps-là, tu sais?
Ça a vraiment inspiré les gens.
C'est ça qui a vraiment fait un
déblocage dans la danse pour les
hommes. Moi, je trouve que ce
qui est intéressant, c'est
vraiment dans les 2 ou 3
dernières années, je trouve que
la mentalité des gens commence à
changer un peu. Les stéréotypes
commencent à tomber un peu, puis
je trouve que ça, c'est vraiment
important. Puis ça fait
longtemps aussi que j'en parle,
de ces stéréotypes-là qui
doivent tomber. Les gens ont
accès à tout avec Internet, fait
que tu peux vraiment voir pour
toi-même que la danse, pour les
hommes, c'est vraiment quelque
chose de spécial, quelque chose
d'athlétique, physique,
masculin. C'est pas du tout ce
que ces stéréotypes-là pensent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je me souviens, y avait une
époque où y avait pas assez
d'hommes en danse.
Bon, presque n'importe qui...
bien, peut-être pas n'importe
qui, pouvait réussir une
carrière en danse. Est-ce qu'il
y a assez d'hommes, est-ce qu'il
y a plus d'hommes maintenant qui
font de la danse, le ballet, le
classique?
GUILLAUME CÔTÉ
Je pense que c'est important
de dire que ça a jamais été
comme ça en Europe, ni en
Russie. En Russie, les hommes,
c'était autant que les femmes.
Puis c'est juste ici, au Canada.
On a vraiment du potentiel au
Canada, surtout parce que
culturellement, on est des gens
assez ouverts à tout. Puis je
trouve que maintenant, ça
débloque, tout d'un coup.
Y a beaucoup de garçons dans les
classes de danse. Beaucoup plus
d'appréciation pour ce qu'on
fait, même si c'est pas
nécessairement de la danse
classique. Juste la danse en
général, je trouve que c'est la
plus belle discipline au monde!
Surtout si t'es un homme qui
aime être physique, qui aime les
femmes, je trouve que c'est la
meilleure discipline parce que,
tout d'un coup, tu peux avoir
beaucoup de plaisir, puis c'est
la plus belle discipline au
monde.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, vous faites de la danse,
mais vous faites également un
peu de chorégraphie. On a parlé
de musique, parlons de
chorégraphie d'abord. Euh, est-
ce qu'il est plus difficile
d'incarner un rôle ou de créer
un rôle?
GUILLAUME CÔTÉ
J'ai plus d'expérience à
incarner un rôle, ça, c'est sûr.
Parce que c'est quelque chose
que je fais depuis que je suis
tout jeune. Moi, je trouve que
la création, c'est un exercice
en générosité. Dans le sens
qu'il faut être généreux avec la
personne avec qui tu crées.
De travailler avec la personne
pour amplifier la beauté de
cette personne-là. Ma carrière
de chorégraphe m'a vraiment
donné une nouvelle perspective
en tant que collègue, parce que
tout d'un coup, je vois mes
collègues de façon différence.
Je vois mes collègues beaucoup
plus humains. Je vois la beauté
de toutes les autres personnes
avec qui je danse. Parce que
c'est vraiment ça, en tant que
chorégraphe, qui m'inspire: de
gagner l'appréciation pour tout
ce qui est autour de toi. Puis
aussi, je gagne beaucoup
d'appréciation pour la danse
classique. Plus je vieillis,
plus je vois vraiment ce qu'il y
a de plus beau dans la danse
classique. C'est ce qui est le
plus pur, le plus difficile,
mais... tu sais, tu passes un
temps dans ta carrière où tu te
dis: Pourquoi il y a des
centaines de personnes qui ont
dansé ce rôle-là avant moi?
Pourquoi je vais me mettre des
collants?
Pourquoi, devant 2000 personnes,
faire ça? Ça donne quoi?
Puis maintenant, plus je fais de
la chorégraphie, plus je réalise
pourquoi c'est quelque chose qui
dure depuis des centaines et des
centaines d'années. La beauté de
la finesse du classicisme est
quelque chose de vraiment
touchant. Puis ce que je trouve
de plus le fun en tant que
chorégraphe, c'est de
redécouvrir ce que je fais, dans
le fond.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parlons de musique maintenant.
Vous êtes venu à Toronto pour
apprendre l'anglais plus devenir
un rock star...
GUILLAUME CÔTÉ rit.
GUILLAUME CÔTÉ
Ça a pas vraiment marché.
Bien, on sait jamais.
GISÈLE QUENNEVILLE
On sait jamais, il est pas
trop tard. Mais bon, au niveau
musique, vous composez
également.
GUILLAUME CÔTÉ
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, est-ce que c'est un passe-
temps ou c'est quelque chose
ou... vous aimeriez aller plus
loin avec ça?
GUILLAUME CÔTÉ
Bien, à un certain point, j'ai
commencé à en faire beaucoup.
Mais c'est vraiment une vie
dure. C'est beaucoup de travail
essayer de percer là-dedans, de
te faire un nom, une carrière.
Faut que tu joues beaucoup dans
les bars. J'ai décidé que ça,
c'était peut-être pas mon avenue
dans le fond, parce que je suis
tellement spécialisé dans le
monde de la danse en tant que
danseur. Ce qui s'est passé,
dans le fond, c'est que
Dominique Dumais, une très
grande chorégraphe, elle est
directrice adjointe au Manheim
Ballet, puis elle a travaillé au
Ballet national en tant que
chorégraphe quand moi, j'étais
dans l'école.
Je lui avais montré de la
musique, parce qu'elle était du
Lac-St-Jean. Le monde est petit.
Puis on était amis, fait que je
lui ai comme donné de la
musique.
Puis tout d'un coup, elle a
adoré ma musique, puis elle
voulait vraiment qu'on travaille
ensemble. Fait que j'ai commencé
à faire un peu de musique avec
elle. Puis ça, c'était vraiment
plaisant. J'ai vraiment adoré
ça. Mais à un certain point,
j'ai vraiment décidé que c'était
trop de travail, puis que ça me
séparait un peu aussi de ma
carrière de danseur. Fait que
j'ai commencé à dire: "OK, je le
fais juste pour le loisir, pour
le fun, parce que je veux pas
aucune pression."
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, vous
êtes un danseur de renommée
internationale. Vous avez dansé
sur les grandes scènes du monde
entier, mais vous êtes toujours
resté ici, au Ballet national du
Canada. Vous aviez pas envie
d'aller ailleurs faire carrière?
GUILLAUME CÔTÉ
J'ai dansé ailleurs, puis je
peux danser ailleurs. Puis c'est
pour ça que j'ai décidé de
rester ici, parce que c'est chez
moi. C'est mon pays.
C'est ma ville. Toronto, j'ai
grandi ici. Puis d'avoir une
directrice que te comprend-
GISÈLE QUENNEVILLE
On parle de Karen Kain, bien
sûr.
GUILLAUME CÔTÉ
Oui. Quelqu'un comme ça qui me
comprend, qui a eu une carrière
similaire à ma carrière, c'est
pas tous les directeurs dans le
monde qui ont la même relation
avec leurs danseurs. Puis aussi,
bien, je crois vraiment au
potentiel que le Canada a.
Je pense que la danse se
développe de plus en plus, puis
très rapidement au Canada.
Puis moi, j'aime beaucoup ça
inspirer les jeunes, les jeunes
garçons surtout, à vouloir
danser. J'ai fait des choses,
des films... Puis avec les
ressources que j'ai aussi au
Canada, en tant que Canadien qui
travaille au Canada, je trouve
que c'est ma responsabilité en
tant que Canadien de... Oui,
c'est le fun d'aller danser
ailleurs: à New York, à Londres,
à la Scala, mais d'un côté, je
trouve que c'est mieux de danser
chez soi, où tu peux faire une
différence. Parce que c'est nous
qui allons faire une différence.
Frank Augustyn, Rex Harrington,
des gens qui ont vraiment changé
le monde de la danse ici, au
Canada. Moi, je trouve que je
veux faire partie de ça. De
cette legacy-là.
J'ai ma Heather aussi.
J'ai ma femme, on est très
heureux ici, ensemble. Puis on
est chanceux d'avoir la liberté
de danser ailleurs et ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
Guillaume Côté, merci
beaucoup.
GUILLAUME CÔTÉ
Plaisir.
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