Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Guy Proulx - Neuropsychologue & professeur
Gisèle Quenneville s’entretient avec le Dr Guy Proulx, neuropsychologue et professeur au Collège Glendon.
Réalisateur: Simon Madore
Année de production: 2013
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Titre :
Carte de visite
Sur l'image d'un cerveau, puis d'images successives représentant des coupes de cerveau, l'animatrice GISÈLE QUENNEVILLE présente le neuropsychologue et professeur du Collège de Glendon, GUY PROULX, Ph.D., C. Psych., par une brève biographie. Des images d'archives accompagnent la présentation.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Troubles de mémoire, démence,
maladie d'Alzheimer, Guy Proulx
les étudie depuis presque 50
ans. Ce neuropsychologue a même
développé des outils pour aider
à dépister ces différentes
maladies. Guy Proulx n'avait que
16 ans lorsqu'il a obtenu son
premier emploi dans un hôpital
de soins chroniques d'Ottawa.
C'est là où il a fait ses
premiers contacts avec les
différents troubles cognitifs.
Il poursuivra ses études dans
le domaine et se rendra vite
compte que la maladie n'atteint
pas seulement le patient, mais
toute sa famille. Comme
directeur du département de
neuropsychologie du centre de
gériatrie Bay Crest de Toronto,
Guy Proulx se rend compte que
les personnes atteintes de
démence ont du mal à déchiffrer
l'écriture. Il remplace donc
les différents panneaux du
centre par des oeuvres d'art
pour aider les patients à
s'orienter plus facilement. Y a
quelques années, M. Proulx a
fait une autre découverte: que
souvent, une personne bilingue
qui apprend sa 2e langue plus
tard dans la vie est à risque
de perdre cette 2e langue si
jamais la démence ou l'Alzheimer
s'installent. Le prochain rêve
de Guy Proulx: mettre sur pied
une clinique de dépistage et un
centre de recherche pour venir
en aide à ces francophones.
Dans une grande salle fenestrée, GISÈLE QUENNEVILLE est assise face à GUY PROULX, son invité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Monsieur Proulx, bonjour.
GUY PROULX
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Monsieur Proulx, on entend
souvent parler de troubles de
mémoire, de démence, de la
maladie d'Alzheimer. Est-ce
qu'on parle de la même chose
dans les trois cas?
GUY PROULX
La démence, c'est comme dire:
"Je suis malade." Quelle maladie
as-tu? Moi, quand j'ai commencé
en 1980, j'ai eu mon doctorat...
Je travaillais à l'hôpital
St-Vincent. On parlait... La
démence, c'était une chose. On
parlait de démence sénile.
Aujourd'hui, c'est une bonne
douzaine de différentes
démences. C'est pas si simple
que ça. Donc la démence
d'Alzheimer, les démences
vasculaires sont vraiment...
C'est un groupe. Ces deux-là
sont très importantes. Et puis
souvent, on a des comorbidités.
Très souvent. Dans 40% et
peut-être plus, on a une
combinaison de troubles
vasculaires et d'une autre
maladie comme Alzheimer. Puis
les deux ensemble, ça fait
vraiment une mauvaise compagnie.
Donc il faut... séparer les
maladies d'avec le
vieillissement cognitif. Puis
ça, c'est assez nouveau comme
idée.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parce qu'en quelque part,
c'est normal d'avoir des trous
de mémoire, d'avoir
des blancs de mémoire.
GUY PROULX
Oui. Quand on parle du
vieillissement normal, moi, y a
des collègues avec qui je
travaillais dans les années...
2001, en l'an 2000, qui ont
vraiment changé la façon dont
on comprend le vieillissement
puis ce qu'on appelait des
troubles de mémoire soi-disant
normaux. Elle, elle faisait de
la neuro-imagerie. Elle était
neuropsychologue. Et elle a
pris des jeunes en santé de 20
ans. Une vingtaine de jeunes en
santé. Puis une vingtaine de
personnes de 70 ans en bonne
santé. Elle leur a fait une
tâche de mémoire assez simple.
C'est des séries de deux mots
pour voir si tu peux apprendre
quelque chose de nouveau. C'est
deux choses qui vont pas
ensemble comme cravate et
biscuit soda, plume-chou. OK?
Puis là, on répète quatre-cinq
fois. Quatre fois, cinq fois et
puis on t'en donne une liste de
10. On prend les jeunes... on
les met dans la machine et puis
on donne le mot cravate,
biscuit soda, plume, chou. Il
a appris. Il a 100% sur le
test de mémoire. Et puis tu
vois l'imagerie vraiment
intéressante. OK? Très localisé.
OK? L'hémisphère droit. Bon. La
personne âgée, 100% sur le
test. Un est aussi bon que
l'autre. Mais la révolution,
c'était que l'imagerie était
complètement différente. Chez la
personne âgée, c'était beaucoup
plus distribué. Donc ce qu'il
faut dire, en vieillissant,
c'est qu'au lieu de se comparer
toujours à des jeunes... à 15
ou à 18, il faut comprendre que
la mémoire, elle change. Elle
est différente au cours de la
vie. Et puis ces différences-là
sont vraiment très importantes.
Donc on peut
penser qu'il y a peut-être
trois actes à la vie. Le premier
acte, 1 à 30 ans. Donc
l'acquisition de l'information
est très importante.
Ils sont comme des éponges.
Ils sont capables de
faire du focus incroyable. De
30 à 60, c'est la
consolidation de l'information.
Puis dans le 3e acte, 60 à 90,
c'est la transmission de
l'information, la culture et
tout ça. Donc il doit y avoir
une raison qu'on vit 40 années
après la ménopause. Il doit y
avoir une raison pour ça. Donc
c'est pas juste à cause des
forces de la sélection
naturelle. Dans la biologie...
de la sélection naturelle, y a
une grande importance pour les
êtres humains de transmettre
l'information.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais y a également ces moments
dans la vie où on commence à
perdre l'information qu'on a
emmagasinée pendant toutes ces
années. Parce que je sais que
vous vous êtes rendu compte
à un moment donné que les
troubles cognitifs, c'était pas
une affaire seulement du
patient, mais c'est une affaire
pour toute la famille. Alors
quand un proche commence à
perdre la mémoire, qu'est-ce
qu'on doit chercher comme
symptôme?
GUY PROULX
Aujourd'hui, on fait du
diagnostic beaucoup plus
précoce. Parce qu'encore en
2013, la démence, y a deux
critères. Il faut prouver qu'il
y a une détérioration
neurologique. Donc tu vois ton
médecin à tous les six mois. Tu
vois des spécialistes. Et tu
vois que tu détériores. Deuxième
critère, faut que tu sois
dépendant dans tes activités de
tous les jours. C'est très
avancé là. OK. Aujourd'hui, on
voit les gens beaucoup plus tôt.
Si on les suit pendant cinq
ans... 70% de ces gens-là
peuvent progresser à des niveaux
de démence. Mais t'as 30% qui
se stabilisent ou même
reviennent à la normale. La
recherche a démontré ça. Donc
moi, ce que je dirais, c'est que
les gens, plus on est éduqué
dans le domaine, plus on est
informé, plus on peut...
intervenir beaucoup plus tôt.
Plus tôt au niveau médical, au
niveau neurologique, au niveau
de nos habitudes de vie. Puis
il est jamais trop tard, parce
que tu peux faire des
changements.
Puis là, on essaye de
comprendre: Mais pourquoi y en
a 30% qui progresse vers la
démence, puis y a des gens qui
vont avoir... peut-être 5-6-7%
vont maintenir les problèmes
cognitifs. Puis là, on se dit:
Qu'est-ce qu'on peut faire? Là,
ce qu'il faut faire, c'est de
prendre l'environnement pour
compenser pour les problèmes de
mémoire. Parce que si ça
arrivait dans votre vie,
quelqu'un que vous aimez
beaucoup, des parents, moi, je
vous dirais... Vous avez parlé
de la mémoire, bien moi, je vous
corrigerais. Je dirais que ça
existe pas une mémoire. Y en a
au moins six complètement
autonomes et interactives. Puis
dans les maladies... troubles de
mémoire, de la démence, souvent,
c'est un de ces systèmes de
mémoire. Très important. Qui se
détériore puis cause des grands
problèmes. Entre autres, la
mémoire épisodique. Cette
machine merveilleuse à voyager
dans le temps, qui nous aide à
aller dans le passé, réimaginer
et recapturer des mémoires du
passé puis anticiper ce qui va
se passer dans le futur pour
pouvoir mieux s'adapter
aujourd'hui. Ce qui fait qu'au
niveau pratique, les gens se
rappellent même pas, peuvent
pas voyager dans le temps et
savoir où ils ont stationné
leur voiture y a deux heures.
Ils ne peuvent plus sortir du
temps et de l'espace. Ils
peuvent pas. Mais ces gens-là,
leur mémoire perceptuelle est
intacte. Donc ce qu'ils voient
devant eux, c'est parfait. Donc
il faut vraiment travailler avec
l'environnement pour minimiser
le problème de sortir du temps
présent puis de s'imaginer ce
qui s'est passé. Ils ne peuvent
plus faire ça. Ils ne peuvent
plus voyager dans le temps.
Quand tu sais ça, que c'est pas
une mémoire, c'est un système
de mémoires, on peut prendre
tous les systèmes de mémoire,
les éléments intacts puis
compenser pour celle qui est
vraiment affectée puis qui peut
même progresser. Donc tu peux
avoir des gains fonctionnels
dans la vie de tous les jours,
qualité de vie, tout en
comprenant que la maladie va
progresser puis pas régresser.
GENEVIÈVE QUINTIN, Directrice de cours et psychométricienne au Collège Glendon, montre un des tests de dépistage à GISÈLE QUENNEVILLE dans un laboratoire. GUY PROULX est aussi présent.
GENEVIÈVE QUINTIN
Donc disons on montre à la
personne pendant 10 secondes
quelque chose comme ça. Ce qui
est important ici, en fait,
c'est de se rappeler de
l'endroit où les points se
retrouvent.
GISÈLE QUENNEVILLE
D'accord. OK.
GENEVIÈVE QUINTIN
Et puis par la suite, ce que
je fais, je tourne la page et
je vous dis: "Prenez les jetons
que je vous ai donnés ici et
essayez de les placer au même
endroit où vous les aviez vus
exactement." Tout à fait. Donc
si on regarde, c'est exactement
au même endroit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça veut dire quoi, ça?
GENEVIÈVE QUINTIN
Quelqu'un qui a la maladie
d'Alzheimer, éventuellement,
peut avoir de la difficulté
à faire ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc c'est la mémoire
court terme.
GENEVIÈVE QUINTIN
La mémoire court terme.
Exactement. On appelle ça la
mémoire de travail.
Une des choses qu'on est
capables de faire aussi avec les
évaluations, c'est de dire à la
personne: "Non, moi, je pense
que tes oublis, c'est quelque
chose de normal."
Parce que tout le monde en
vieillissant commence à avoir
des fois un peu plus d'oublis
qu'auparavant.
GISÈLE QUENNEVILLE
J'aime pas ça dire
que je vieillis.
GUY PROULX
Mais ils ont des forces
ailleurs.
GISÈLE QUENNEVILLE
Moi, je dis que c'est parce
que le cerveau est trop bourré
de choses.
GUY PROULX
Non...
GENEVIÈVE QUINTIN
Non, c'est pas ça?
GUY PROULX
Pas tout à fait. En
vieillissant, on a tellement
plus d'expérience, on peut
voir un patron puis un thème,
puis le détail, on en a pas
besoin, parce qu'on a vécu
tellement d'expériences qu'on
voit l'ensemble des choses.
GENEVIÈVE QUINTIN
L'expertise.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est la sagesse finalement.
GUY PROULX
L'expertise. Donc ça va
beaucoup plus rapidement. Puis
jamais complètement ciblé.
De retour à l'entrevue avec GUY PROULX dans la salle fenestrée.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quel moment, monsieur
Proulx, est-ce que
vous avez décidé que "Moi, je
vais devenir neuropsychologue?"
GUY PROULX
Oui. Bien dans mon cas, c'est
très concret. À l'âge de 16
ans, à quelques coins de rue de
chez nous, y avait un hôpital
qu'on appelait l'hôpital
chronique dans ce temps-là.
Tout le monde avait des troubles
neurologiques. Donc c'était
tout le monde du vieillissement
anormal.
Puis j'ai eu un travail
d'infirmier. J'étais infirmier
puis je voyais des gens qui
avaient des troubles
neurologiques de toutes sortes.
Des troubles démentiels y
allaient pour ça. C'était
chronique. Puis là, tu vois...
ce qu'on appelait des
patients... Un monsieur qui
avait un problème... un
accident cérébro-vasculaire.
Il était paralysé du côté
droit. Puis là, on m'explique -
parce que j'étais infirmier,
j'avais pas droit au dossier -
qu'il avait eu une lésion
cérébrale du côté gauche au
cerveau. Dans ce temps-là, on
parlait d'hémiplégie droite.
Mais c'est bien plus qu'une
hémiplégie droite. Je voulais
savoir ce que ça voulait dire.
Puis il y avait des médecins
qui faisaient de la recherche.
Ils disaient: "C'est bien plus
compliqué que ça. C'est pas
juste une hémiplégie." Ça peut
aussi expliquer ses problèmes
de langage. Parce que ce
patient-là pouvait pas parler.
Puis c'est moi qui le lavais le
matin. Le préparer pour la
journée. Parce qu'il était
paralysé, tout ça. C'était
sévère quand même. Y avait une
chanson que je connaissais. Une
chanson de l'armée que mes
oncles chantaient.
(En fredonnant)
Je la connais par coeur. Il se
met à chanter! Il pouvait pas
parler, il était aphasique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais il pouvait chanter.
GUY PROULX
Bien là, c'était incroyable.
J'étais vraiment bouleversé.
Moi, je me suis dit: Je vais
essayer de comprendre comment
le cerveau... comment le cerveau
est capable de langage, être
capable de mémoire, est capable
de perception. Je voulais
comprendre. Donc c'était pour
moi une fenêtre sur le
fonctionnement des fonctions
cognitives.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez... vous êtes un
francophone d'Ottawa. Pourtant,
les 25 dernières années, vous
les avez passées ici à Toronto,
qui est quand même un milieu
anglophone. Pourquoi vous avez
fait ce choix-là?
GUY PROULX
C'est parce que dans mon
domaine, en neuropsychologie,
c'est... Dans le temps, les
années 80, c'était... C'est un
domaine qui est pointu et puis
il y avait à l'université de
Toronto un groupe de...
psychologues qui s'intéressaient
à la neuropsychologie cognitive.
Des grands spécialistes de la
mémoire. Donc... dans mon temps,
y a longtemps, quand je suis
rentré en 86, y avait peut-être
15 ans entre ce qu'on savait et
ce qu'on pouvait appliquer dans
les sciences cliniques. Puis
moi, mon rêve, c'était de
réduire cet écart puis
travailler avec ces gens-là pour
mieux appliquer puis faire une
différence dans la vie de tous
les jours chez ces gens qui
avaient des troubles de mémoire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le fait de travailler en
anglais, ça vous a pas dérangé?
GUY PROULX
Non, parce que... la science,
le cerveau, tout ça, c'est...
c'est ni français, ni anglais.
Ça appartient à tout le monde.
Si français... si la langue
était toute dans le cerveau,
tout le monde au Canada serait
français. Puis y a 6 000 langues
sur la planète. Donc...
qu'est-ce qu'il y a de commun
entre les gens qui parlent les
6 000 langues, c'est ce
qui m'intéresse.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le fait d'être bilingue,
est-ce que ça a un impact sur
nos capacités cognitives en
vieillissant? Est-ce que c'est
un avantage ou un désavantage?
GUY PROULX
Le bilinguisme semble... selon
les recherches, avoir... un
effet... un effet... Comment
dirais-je? Modérateur. Mais
tout comme... tout
apprentissage intensif, sérieux.
C'est pour ça qu'il y a une
grande corrélation entre
l'éducation puis souvent
l'apparition des symptômes de
la démence.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais si on revenait à cette
personne qui, bilingue, a
appris la 2e langue, dans ce
cas-ci l'anglais plus tard dans
la vie, atteint d'une
maladie cognitive...
GUY PROULX
Dégénérative, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Perd sa 2e langue, vit dans un
milieu où sa première langue,
donc dans ce cas-ci est le
français... qu'est-ce qui lui
arrive à cette personne-là?
GUY PROULX
Là, vous comprenez que cette
personne-là a un problème
dégénératif et neurologique.
Non seulement ça...
Ses capacités fonctionnelles...
Parce que les gens s'accommodent
pas. Font pas des accommodements
puis essayer de minimiser le
problème. Parce qu'il est pas
dans un milieu culturel
propice. Se détériore à ce
niveau-là aussi. Donc on peut
minimiser, on peut diminuer de
beaucoup, faire des petits
miracles si on entoure ces
personnes-là avec un
environnement très familier.
Puis tous les automatismes qu'on
a appris dans notre vie, tous
les automatismes... si c'est
autour de nous, c'est retenu.
Les automatismes, ça relève d'un
autre système de mémoire. La
mémoire procédurale. Donc si
t'es Alzheimer et que tu sais
que t'as appris à conduire une
bicyclette, tu peux conduire une
bicyclette. Si t'es Alzheimer
et que tu savais jouer du
piano, tu peux jouer du piano,
parce que ce système-là est
intact. Mais... si t'as un
trouble cognitif sérieux, OK?
Bien tu veux avoir accès à tes
automatismes. Tout ce qui a été
appris, surappris, qui
deviennent une habitude. Donc
c'est un autre système de
mémoire qu'il faut aller
chercher. Donc même quelqu'un
qui est complètement bilingue a
besoin de l'environnement, a
besoin de soutien qui peut
comprendre qui la personne est.
On est de nouveau dans le laboratoire avec GUY PROULX et Docteur JOSÉE RIVEST, Ph. D, C. Psych., neuropsychologue et professeure au Collège Glendon.
GISÈLE QUENNEVILLE
Maintenant, si je suis
bilingue, est-ce que si je suis
trilingue, ça améliore encore
plus ou...
GUY PROULX
Dr Rivest, aidez-moi avec
celle-là. Je suis...
GISÈLE QUENNEVILLE
Techniquement, je parle trois
langues. Alors là...
GUY PROULX
Moi, j'en suis persuadé.
Dr. JOSÉE RIVEST
N'importe quel exercice
cognitif qui est très développé
et avancé, exigeant, va
définitivement aider.
Mais y a des études par...
Helen Bialystok, qui est
professeure et chercheur à York
ici, qui montrent aussi que le
début de démence est retardé
d'à peu près quatre années chez
les gens bilingues.
Dans un corridor, GUY PROULX discute avec GISÈLE QUENNEVILLE.
GUY PROULX
Si vous faites de la recherche
de la science, il faut vraiment
être sécure dans l'insécurité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui. D'accord.
GUY PROULX
L'ouverture d'esprit. Bon.
Donc le dogmatisme, le noir, le
blanc, c'est pas le domaine...
Faut pas aller là. Si vous
cherchez la vérité. La vérité
est toujours... en évolution.
On revient à l'entrevue principale dans la salle fenestrée.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'il y a moyen de
prévenir des troubles
cognitifs?
GUY PROULX
Oui. Parce que... par
exemple... On dit que... C'était
bien connu depuis 60 ans. On a
réduit de 60% les problèmes
cardiaques. Bien il reste un
40%. Mais 60%, c'est
quelque chose.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes très positif.
GUY PROULX
Moi, ce qui me rend... c'est
toute la connaissance, la
science. On peut pas faire
autrement.
Mais faut être réaliste. D'une
façon, il faut être réaliste.
Parce que moi, je suis vraiment
conscient que... le corps humain
est fait... Je sais pas, moi.
Dix trillions de cellules.
Chacune a 35 000 en moyenne de
protéines. Un instant. C'est
compliqué. Puis le cerveau,
c'est très, très... Je dirais
pas... Complexe! Puis on
commence vraiment à... à avoir
accès à tout ça. Puis... ce qui
est bien positif pour moi. Vous
imaginez, moi, au début des
années 80, c'est quand les gens
avaient des lésions cérébrales
qu'on allait voir ce qui se
passait à l'intérieur.
Aujourd'hui, on peut voir dans
des cerveaux normaux. C'est
incroyable! C'est difficile de
pas être positif. Moi, quand
j'ai fait mon doctorat, c'était
avec des potentiels évoqués en
neurophysiologie. Je donnais des
stimuli au cerveau et puis je
pouvais analyser, moi, ce
stimulus-là à un millième de
seconde jusqu'à 300 millièmes de
seconde. Pour que l'information
au cerveau devienne consciente,
c'est à 250-300 millièmes de
seconde. Donc... toutes les
paroles qui sortent de ma
bouche puis qui entrent dans
vos oreilles et qui sont
analysées par le cerveau, ça
prend 300 millièmes de seconde.
Donc on est calibrés pour...
C'est immédiat. Mais cette
technique-là, vous saurez qu'au
cerveau, 300 millièmes de
seconde, c'est l'éternité. C'est
très long. Donc... c'est
difficile de pas être...
positif puis enthousiaste.
Bon! Mais t'as un écart entre
la connaissance et souvent les
applications. Et puis souvent,
ce qu'on voit au cerveau avec
ces machines-là, ça fait juste
rendre les choses encore plus
incroyablement complexes.
Mais ça fait rien. On...
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors revenons avec la
prévention. Qu'est-ce que je
fais pour pas avoir de problèmes
cognitifs plus tard?
GUY PROULX
60% pour les maladies...
On pourrait vous dire que...
qu'il y a beaucoup de gens
qui sont d'accord
et qui diraient:
"Écoute..." Le 60%, comment on
y est arrivé, c'est tout ce
qu'on appelle les phénomènes
épigénétiques. T'as deux
jumeaux. OK? Un fume la
cigarette, l'autre fume pas.
Pensez pas, vous, en fumant la
cigarette pendant 30 ans
que ça active pas des gènes?
Mais c'est bien sûr.
Puis ce que ça active à
vos gènes, ça peut causer des
toxicités qu'on connaît très
bien. Et puis on sait que 50%
des gens qui fument en meurent.
Et puis la malbouffe,
l'inactivité... Bien c'est la
liste des petites choses qui
affectent l'épigénétique.
Les gens, ce qu'ils savent pas,
c'est qu'il y a des comportements
nocifs. Moi, je suis psychologue.
Des comportements nocifs peuvent
vous tuer. On le sait.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors si je fume pas, si je
fais de l'exercice, si je mange
bien, ça va préserver mon
cerveau?
GUY PROULX
Ça peut vous aider. Tu
peux mettre les chances
de ton côté.
GISÈLE QUENNEVILLE
Y a souvent des petits quiz,
des mots croisés qu'on nous dit
que ça aide. Est-ce que ça aide
vraiment, ça?
GUY PROULX
Moi, je déteste les mots
croisés. Moi, ça me nuirait
beaucoup. Hein? Moi, je fais
d'autres choses.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, qu'est-ce que vous
faites? C'était ça ma dernière
question. C'est à savoir
qu'est-ce que vous faites
pour tenir votre cerveau en
forme.
GUY PROULX
Pour être honnête, je dirais
que c'est mon épouse qui me fait
le faire, parce que je le
ferais pas.
Elle adore, elle, découvrir de
nouvelles... des grandes
villes. Elle aime beaucoup les
grandes villes. OK. New York,
je connais. Montréal, je
connais. Bon, je connais bien
des villes. Mais là,
amène-moi-z-en un autre. OK.
Amsterdam, faut que je
recommence. Puis on parle de
tous les quartiers, puis on fait
ça à pied. Puis c'est à grands
coups d'une vingtaine de
kilomètres par jour. C'est
merveilleux. Puis je vous mens
pas, moi, quand je l'écoute
puis j'y vais avec elle, je
reviens... Je pète du feu en
dedans. Ça fait un bien énorme.
Vraiment, je sens qu'il y a un
rebond d'énergie. Mes
fonctions cognitives sont
vraiment aiguisées. Donc...
moi, je préfère faire des choses
comme ça et puis apprendre
d'autres langues. Moi, je suis
dans un quartier italien. Puis
ça m'agace beaucoup que mon
italien, je le baragouine. Donc
je voudrais vraiment... Bon, je
le fais, j'essaye. Chaque fois
que je vais en Italie, ça va de
mieux en mieux. Quand j'aurai
plus de temps, il va être moins
baragouiné. Je vais parler
trois langues: le français,
l'anglais puis l'italien l'un
aussi bien que l'autre. Parce
que ça fait partie de qui
je suis.
GENEVIÈVE QUINTIN
Monsieur Proulx, merci
beaucoup.
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