Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Ronald Caza, avocat
En 1997, Ronald Caza devient une grande personnalité du monde franco-ontarien. C’est lui qui est choisi pour défendre l’hôpital Montfort contre le gouvernement de l’Ontario. A l’époque c’est vu comme une bataille de David contre Goliath. Comment les francophones d’Ottawa vont-ils convaincre les tribunaux que le gouvernement n’a pas le droit de fermer un hôpital dans la province. Mais très méthodiquement ce jeune avocat d’Ottawa a présenté ses arguments. Et en bout de ligne, la Cour d’appel de l’Ontario lui a donné raison.
L’avocat originaire de Chelmsford, près de Sudbury est devenu un des héros de la cause pour sauver Montfort. Aujourd’hui, Ronald Caza relève un autre défi. Après des années passées à travailler pour des grandes firmes canadiennes, il a décidé, avec un associé, d’ouvrir son propre cabinet de litige à Ottawa. Caza, Saikaley a vu le jour l’an dernier. Le rêve de Ronald Caza : représenter des francophones peu importe où ils se trouvent au pays.
Réalisateur: Simon Madore
Année de production: 2013
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Générique d'ouverture
Titre :
Carte de visite
Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, on montre des images d'archives de la lutte juridique menée par l'avocat RONALD CAZA contre le gouvernement de l'Ontario en 1997 ainsi que des images récentes de son nouveau cabinet.
GISÈLE QUENNEVILLE
En 1997, Ronald
Caza devient une grande
personnalité du monde
franco-ontarien. C'est lui qui
est choisi pour défendre
l'Hôpital Montfort contre le
gouvernement de l'Ontario.
À l'époque, c'est vu comme une
bataille de David contre
Goliath. Comment les
francophones d'Ottawa vont-ils
convaincre les tribunaux que
le gouvernement n'a pas le
droit de fermer un hôpital dans
la province? Mais très
méthodiquement, cet avocat
d'Ottawa a présenté ses
arguments. Et en bout de ligne,
la Cour d'appel de l'Ontario
lui a donné raison.
L'avocat originaire de
Chelmsford près de Sudbury est
devenu un des héros de la
cause pour sauver Montfort.
Aujourd'hui, Ronald Caza relève
un autre défi. Après des années
passées à travailler pour des
grandes firmes canadiennes, il
a décidé, avec un associé,
d'ouvrir son propre cabinet de
litiges à Ottawa.
Caza Saikaley a vu le jour l'an
dernier. Le rêve de Ronald
Caza: représenter des
francophones, peu importe où
ils se trouvent au pays.
L'entrevue suivante se déroule dans la demeure de RONALD CAZA.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ronald Caza, bonjour.
RONALD CAZA
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
On associe Ronald Caza à la
francophonie d'Ottawa.
Pourtant, vous avez grandi à
Chelmsford de parents qui eux
viennent de Windsor.
Parlez-nous un petit peu de
votre arbre généalogique.
RONALD CAZA
En effet, ma mère vient de
Tecumseh, qui est un petit
village assez francophone
pas loin de Windsor.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je connais bien, oui.
RONALD CAZA
En effet, vous connaissez bien
Tecumseh. Et mon père
venait de Windsor.
Donc mon père, lui, était homme
d'affaires. Il avait un
magasin. Finalement, il avait
un genre d'entreprise à
Windsor. Ensuite, il s'est
installé à Serpent River,
qui est près de Elliot Lake.
C'est un genre de petit village
de rien. Et finalement,
il avait un genre de dépanneur,
mais avec boucherie, etc.
Et puis il était là, et pendant
qu'il était là, à un certain
point, il est allé voir ma mère,
il a continué à sortir avec ma
mère pendant qu'il était là. Et
à un certain point, il a amené
ma mère là, puis je dois dire
quand tu pars de Windsor et
Tecumseh, et que t'arrives
à Serpent River,
c'est pas évident. Et puis,
finalement, ils se sont mariés
et mon père a déménagé à
Chelmsford. Chelmsford, c'est
un village, je dirais que,
peut-être je me trompe, mais je
dirais qu'il est peut-être 80%
francophone. Et puis, il s'est
installé sur la rue Main, avec
une quincaillerie. Ça s'appelait
"Jerry's Hardware".
Et puis en 1967, la
quincaillerie a passé au feu.
Donc, il a tout perdu. Puis y a
toute une histoire, il a tout
perdu et y avait pas assez
d'assurances, c'est toujours la
même histoire. Donc fallait
qu'il recommence à zéro.
Donc, l'ironie, c'est qu'il
avait pas assez d'assurances,
donc il a vendu de l'assurance
pour peut-être un an ou deux,
puis ensuite, il a ouvert un
Canadian Tire. Et donc le
Canadian Tire à Chelmsford, qui
a ouvert, je pense, en 1970,
écoute, en ce temps-là, moi
j'avais huit, neuf ans...
On a tous été élevés
au Canadian Tire!
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça vous tentait pas de prendre
la relève du Canadian Tire?
RONALD CAZA
En effet, c'est intéressant,
parce qu'à l'époque... Puis
Canadian Tire, c'est une
entreprise incroyable. Gisèle,
si t'as la chance d'avoir un
Canadian Tire, laisse tomber
TFO, prends le Canadian Tire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourtant, vous avez choisi de
vous diriger dans le droit.
Pourquoi?
RONALD CAZA
Y avait la question de
commerce, mais en effet, en
première année d'université...
Moi, j'ai commencé en commerce.
Mes deux premières années
étaient en commerce.
Et puis, j'avais regardé avec
mon père pour en effet
acheter un commerce.
Puis c'est drôle, parce que ça
a passé très, très proche,
Finalement, ça a pas fonctionné
à cause d'une certaine
condition que nous autres on
voulait, que l'autre côté
refusait, mais écoute,
si j'étais allé dans ce
commerce-là, c'est clair que
j'aurais jamais continué en
droit. Mais j'avais eu des
expériences à l'école
secondaire. J'avais participé
entre autres à l'équipe de
débat, j'étais sur l'équipe de
débat, au Collège Notre-Dame où
j'ai fait des études. Et,
j'avais beaucoup, beaucoup aimé
ça. J'avais trouvé ça
extraordinaire comme
expérience. Toute l'idée...
on prenait des sujets, fallait
faire les recherches à fond,
ensuite fallait qu'on aille
convaincre des juges, et y
avait l'autre côté qui essayait
de convaincre le juge de
l'autre côté, puis fallait
qu'on travaille en équipe, il
fallait travailler ensemble.
J'avais trouvé ça, comme
expérience, absolument
extraordinaire. Puis, je pense,
c'est là que j'ai commencé à
regarder: écoute, peut-être ce
serait incroyable de pouvoir
gagner sa vie de même. Puis
aussi faut dire que quand
t'essaies de réfléchir, y a
bien des professions, y a
toutes sortes de professions,
elles sont toutes importantes.
Y a pas une profession qui est
plus importante qu'une autre.
Honnêtement. Moi, je regarde
des électriciens, des gens qui
filment, etc. Tout le monde,
toutes des professions
importantes ou intéressantes.
Mais si t'essaies de regarder
une profession où tu peux de
façon plus directe avoir un
impact et de vraiment aider
quelqu'un, c'est vraiment
avocat. Où finalement quelqu'un
vient te voir, puis ils ont des
défis extraordinaires, ils ont
subi des préjudices
incroyables, des dommages,
y a toutes sortes de choses.
Puis vraiment la responsabilité
de l'avocat, c'est de s'assurer
d'aider quelqu'un à obtenir un
peu de la justice et ce qu'ils
ont besoin pour pouvoir se
remettre sur leurs pieds, suite
à quelque chose, une injustice
incroyable qu'ils ont subie.
Et ça, c'est quelque chose
d'extraordinaire. C'est
vraiment une opportunité et un
privilège de pouvoir le faire.
Donc, y avait tous ces éléments,
puis, une chose amenait une
autre puis finalement, je suis
devenu avocat.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez étudié à
l'Université d'Ottawa en
français. C'était un
incontournable pour vous de
faire votre droit en français?
RONALD CAZA
Oui. En effet, j'ai commencé
à l'Université Laurentienne.
J'ai eu mon bac à l'Université
Laurentienne. Ensuite, y a pas
d'école de droit à Laurentienne,
donc... Je voulais étudier en
français, c'était toujours
l'important. J'étais toujours
impliqué dans les activités
étudiantes, au collège, à
l'école secondaire, à
l'Université Laurentienne.
Donc, j'avais fait
une demande pour
étudier à l'Université d'Ottawa,
mais j'avais aussi fait une
demande pour étudier à
l'Université de Moncton, parce
qu'y avait deux programmes
francophones en droit. Puis
j'avais fait des demandes à
différentes places. J'avais
reçu une lettre, où j'étais
accepté à Harvard.
GISÈLE QUENNEVILLE
Wow.
RONALD CAZA
Ouais, c'était peut-être wow,
le wow a duré à peu près
5 secondes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parce qu'après ça,
on a vu le prix?
RONALD CAZA
Exactement. On a vu le prix,
puis fallait déposer de
l'argent, un montant
incroyable, dans une banque
à Boston à une certaine
date. J'ai dit: écoute, c'est
vraiment pas important pour moi
de pouvoir me retrouver dans une
situation de même. Et je
voulais étudier en français.
Moncton m'avait accepté, je suis
allé voir l'Université d'Ottawa,
j'ai dit: écoute, Moncton m'a
accepté, j'ai besoin de savoir
d'ici trois jours, parce qu'il
faut que je m'organise.
Ils m'ont accepté.
(Propos en français et en anglais)
Puis, c'est un programme
de common law en
français. Ça faisait quelques
années que ça existait, mais
c'était extraordinaire parce
que c'était un groupe qui était
pas gros, donc on venait à
connaître ceux qui étaient en 3e
année, parce qu'y avait
plusieurs activités pour qu'on
vienne à se connaître.
L'association des juristes
d'expression française de
l'Ontario, l'AJEFO, existait,
c'était très fort, donc on
venait à connaître les avocats
francophones de partout en
province. On avait des liens
étroits assez avec eux.
Donc, c'est une très
belle expérience. On a
appris beaucoup et on
l'a fait en français.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez fait surtout du
litige, vous l'avez dit. Du
litige, ça se fait en anglais,
en français, ça a pas vraiment
de langue. Mais vous vous êtes,
au fil des années, spécialisé
en quelque sorte dans
les droits linguistiques.
Est-ce que c'était intentionnel
de faire ça ou vous êtes un peu
tombé là-dedans?
RONALD CAZA
C'est absolument pas
intentionnel. C'est arrivé
qu'on a eu ce dossier-là. Ce
qui est arrivé finalement,
écoute, on a eu le dossier
Montfort, et puis par après, on
a connu du succès, donc y a
d'autres personnes qui
communiquent avec nous, ils
ont d'autres dossiers, etc.
Et finalement, j'ai eu plusieurs
dossiers de droit linguistique,
et une spécialisation dans le
litige constitutionnel. Mais un
tournant intéressant a été de
représenter les anglophones au
Québec. Et en effet, dans trois
dossiers à la Cour Suprême du
Canada, représenter les
anglophones, le dernier, où
finalement on a fait déclarer
une partie de la Charte de
la langue française
inconstitutionnelle. Donc ça
c'est intéressant parce que...
Donc là, on a rencontrait les
avocats du procureur général du
Québec. Eux autres ils
disaient: écoute, on trouve ça
extraordinaire ce que t'as fait
pour les francophones en
Ontario, mais qui est-ce que tu
fais ici? Les francophones du
Québec... Je leur disais:
écoutez, vous comprenez pas
ce que vous faites aux
anglophones, quand vous leur
enlevez des droits, si vous
avez gain de cause, les mêmes
arguments sont utilisés par le
gouvernement de l'Ontario
contre nous. Nous sommes des
minorités linguistiques, et les
précédents qui sont développés
sont des précédents qui
affectent toutes les minorités
linguistiques.
Une partie de l'entrevue se déroule à l'extérieur de la demeure de RONALD CAZA.
GISÈLE QUENNEVILLE
On sait qu'un avocat, ça a un
rythme de vie très effréné,
c'est un travail stressant.
Qu'est-ce que vous faites pour
décompresser? Est-ce que vous
décompressez des fois?
RONALD CAZA
En effet, j'aime beaucoup
lire. J'aime beaucoup... je fais
la pêche, je fais de la chasse
à la perdrix. Ensuite, j'aime
beaucoup lire. J'aime beaucoup
passer du temps avec ma
famille, mon épouse. Je passe
pas assez de temps, évidemment,
autant que j'aimerais, mes
enfants, mes petits-enfants.
On essaie de voir les
petits-enfants aussi souvent
que possible. Mais je pense que
c'est surtout le voyage. C'est
de mettre du temps de côté pour
aller faire des voyages. Je
pense que c'est peut-être la
meilleure détente, aller
découvrir des nouveaux pays.
L'entrevue reprend à l'intérieur, dans la demeure de RONALD CAZA.
GISÈLE QUENNEVILLE
Si je me souviens bien,
en 1995, Ronald Caza n'est
peut-être pas l'avocat le plus
en vue en Ontario français.
Comment est-ce que vous êtes
arrivé à représenter Montfort
dans sa cause contre le
gouvernement de l'Ontario?
RONALD CAZA
En 1996, vers la fin de
l'année, on m'a invité pour
siéger sur le conseil
d'administration de l'Hôpital
Montfort. En effet, j'avais
participé à peine à une ou deux
réunions, lorsque finalement,
y a eu une réunion assez
dramatique, et puis,
y avait une restructuration
qui se passait en Ontario, et le
gouvernement avait annoncé
au mois de février 2007
- ça faisait à peine quelques mois
que j'étais sur le conseil
d'administration
- que finalement l'intention
était de fermer
l'Hôpital Montfort.
Donc, on a eu une réunion
d'urgence, et c'était pas
seulement avec le conseil
d'administration. Ils avaient
invité plusieurs personnalités
de la communauté francophone,
les chefs de file de la
communauté francophone,
et on devait dresser
un plan de match.
C'est là où j'ai commencé à être
impliqué, puis finalement, une
des choses qu'on disait, c'est
que les gens avaient dit:
écoute, faut faire
un ralliement.
C'est important de faire un
ralliement. Et puis Gisèle
Lalonde était là. Ça avait été
décidé assez vite que ce serait
important d'avoir un chef de
file pour mener la charge, et
Gisèle avait été le choix
unanime pour mener la charge.
Là, ce qu'on voulait faire,
c'est d'organiser le
ralliement. Moi, j'avais jamais
été impliqué dans rien, je
venais d'arriver à l'Hôpital
Montfort, je connaissais pas
grand-chose. J'avais été
impliqué comme...
Jeune, j'ai été président
des associations étudiantes,
etc., mais j'avais jamais,
en tant qu'avocat,
j'avais pas eu vraiment de
dossier constitutionnel
linguistique. De toute façon,
je me suis levé, j'ai trouvé le
numéro de téléphone, j'ai
appelé le Centre civique, j'ai
dit: écoute, on aimerait
louer, on s'entend-tu sur
une date? J'ai dit, j'ai le
Centre sur la ligne. Donc, on a
réservé le 22 mars, et puis une
chose amenant une autre,
j'étais responsable,
coprésident d'organiser le
ralliement. Donc, c'est là que
ça a commencé.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais vous étiez l'avocat à
l'avant-plan dans cette
affaire. Est-ce que vous saviez
au tout début qu'est-ce que
vous alliez utiliser comme
arguments devant les juges pour
plaider la cause?
RONALD CAZA
En effet, Gisèle, c'est
intéressant, parce qu'y avait
pas d'arguments. Non, je suis
très sérieux. C'était devenu
évident que les choses allaient
mal. C'est-à-dire vis-à-vis
le gouvernement et ce qui était
pour se passer avec Montfort.
Donc ils ont nommé un comité
pour aller trouver quelqu'un
pour plaider, donc ils ont
interviewé différentes
personnes dans la province.
Donc là on a été choisis. Et
moi quand j'ai été choisi, j'ai
dit: moi je ne suis pas
un constitutionnaliste. Je
ne suis, encore aujourd'hui,
pas un constitutionnaliste.
Moi, je fais du litige, j'ai
toujours fait du litige dans
tous les domaines de droit,
incluant évidemment le domaine
constitutionnel, mais j'ai dit:
écoute, faut aller chercher un
constitutionnaliste. Y a des
milliers de décisions en droit
de constitution puis y en a pas
une qui a moins de 75 pages,
faut aller trouver quelqu'un
qui s'y connaît. De là, on a
trouvé Marc Cousineau.
Et puis, Marc a accepté de se
joindre à l'équipe, et c'était
très important. Le problème,
c'est qu'y avait pas
d'arguments juridiques. Y en
avait pas. On avait pensé que
possiblement, on pourrait avoir
comme argument... Puis faut
comprendre qu'on avait des
arguments de droit
administratif. Administratif,
si tu réussis à faire mettre de
côté des décisions, mais les
décisions peuvent être
reprises, puis on peut les
refaire, faut juste suivre une
certaine procédure, etc. Donc,
c'est important, mais c'est pas
ça que ça prend pour gagner.
Tu dois avoir un argument
constitutionnel. Parce qu'un
argument constitutionnel,
qui est-ce qui arrive, c'est que
les gouvernements ont beaucoup
de discrétion, ont une
discrétion énorme, finalement,
les lois qu'ils veulent passer,
les décisions qu'ils veulent
prendre, sauf qu'ils doivent
respecter la constitution.
Donc s'ils violent la
constitution, la décision peut
être mise de côté, ou la loi
peut être mise de côté.
Sauf que lorsqu'on regardait le
droit constitutionnel, le seul
argument possible qu'on voyait,
puis c'était Marc Cousineau qui
développait l'argument, c'était
l'article 15 qui parlait du
droit à l'égalité, puis c'était
un peu l'égalité francophones-
anglophones. Mais la Cour
d'appel de l'Ontario avait
déjà dans une autre décision -
puis finalement, c'était comme
pas la partie principale de la
décision, on dit "obiter
une petite partie"
- suggérait que l'article 15
ne s'appliquait
pas au droit linguistique.
Donc, je me souviens, puis on
avait commencé l'action,
fallait qu'on s'organise pour
essayer de trouver l'argument,
et puis, je conduisais mon
auto, je m'en allais au bureau,
et j'écoutais Radio-Canada. Ils
ont donné une entrevue avec
un journaliste, puis le
journaliste venait d'arriver de
la Cour Suprême, il dit:
écoute, ils viennent de rendre
une décision dans la Cour
Suprême. Cest quoi la
décision? Le renvoi sur la
sécession du Québec.
Il expliquait le renvoi sur
la sécession du Québec,
puis il dit: c'est intéressant,
dans le renvoi, il parle
des minorités linguistiques.
Ce qui arrive, c'est que tu
regardes la décision, et ça
commence avec: le renvoi sur la
sécession du Québec. Quelles
sont les procédures qui doivent
être respectées si une province
va vouloir se séparer?
Ils regardent et ils disent:
si une telle situation arrive,
faut appliquer les principes
constitutionnels écrits et ceux
qui sont non écrits.
On regarde ça. On regarde les
non écrits, et un des principes
non écrits, c'était la
protection des minorités.
Wow! Nous autres on est en
train de chercher un argument
constitutionnel! Les principes
non écrits. Donc, on continue à
lire. Dans les principes
non écrits, protection des
minorités. Pas juste des
minorités, les protéger.
Puis pour les protéger, il faut
protéger leurs institutions.
Écoute, ce jugement-là nous
arrive du ciel, là! Comme nous
autres, on est une minorité
linguistique, et on cherche à
protéger une institution, on
pourrait pas l'avoir plus
clairement. C'est un jugement
de la Cour Suprême du Canada!
Et puis ensuite, ce qui s'est
rattaché à cet argument-là,
c'était la Loi sur les services
en français et la désignation
en vertu de la Loi sur les
services en français. Puis ça,
finalement, ça a fait tout
l'argument qui a mené le
dossier à travers le système
judiciaire avec succès.
On a été très, très chanceux.
Finalement quand on regarde ce
qui est arrivé, c'est
incroyable, toutes les
choses sont tombées en place.
Comme c'est important que les
gens réalisent jusqu'à un
certain point que la communauté
était déchirée. Parce que le
gouvernement nous offrait des
bonbons. Il nous offrait ci,
on va vous donner tant de lits,
on va vous bâtir ci, on va
faire ça... Puis y avait des
gens qui avaient tellement peur
de finir avec rien. Donc au
lieu de finir avec ce qu'on a
besoin, y a des gens qui se
disaient: au moins on va finir
avec quelque chose. Donc, y
avait toujours un peu cet
argument et cette confrontation
entre ceux qui disaient non, on
peut pas aller en cour, on va
finir avec rien, on est mieux
d'accepter un peu ce qu'on nous
offre, et d'autres qui disaient
non, il faut qu'on aille
jusqu'au bout parce qu'il faut
qu'on ait un précédent
important pour protéger notre
institution. Et juste sur ce
point-là, je me souviens, à un
certain point, on avait
embauché un expert, et c'était
Raymond Breton. Y en avait deux
experts, mais Raymond Breton
qui avait été embauché, et lui
avait enseigné à Harvard, puis
il avait développé un concept
qui s'appelait le Concept de
complétude institutionnelle,
ce qui est finalement un des
fondements de la décision de
comment que pour survivre une
communauté a besoin
d'un réseau d'institutions,
incluant dans notre cas, écoute,
t'as besoin d'avoir un hôpital.
Et puis, c'est pire quand tu
l'as puis que tu perds
l'institution. Mais on le
contre-interrogeait, c'était
l'avocat, et puis le
gouvernement, ils sont pas allés
avec le dos de la cuillère, sont
allés chercher un des avocats
qui était le plus reconnu au
Canada dans un des plus gros
bureaux pour les représenter.
L'expert contre-interrogeait,
et il dit à l'expert: la
communauté est déchirée
sur cette question.
L'expert dit: je le sais.
Il dit, y en a qui disent que la
communauté est déchirée sur
cette question. L'expert dit:
je le sais. Il dit: y en a qui
disent que ce que le
gouvernement offre, c'est
raisonnable. Y en a d'autres
qui disent... C'est vrai.
Il dit: écoute, la communauté
elle-même ne sait
pas trop ce qu'elle veut, donc
vraiment c'est quoi?
Finalement, la bonne
décision... le gouvernement
peut prendre autant une bonne
décision... Ça démontre qu'y a
un problème dans la communauté.
Et lui, sa réponse a été: Non.
Quand tu regardes une
communauté où y a de la chicane
de même, y a des discussions,
puis les gens sont pas
d'accord, ça démontre que c'est
une communauté qui est en vie.
Y a de l'énergie. Les gens, ça
leur fait quelque chose ce qui
arrive, puis ça, c'est très
important.
Une partie de l'entrevue se déroule à l'extérieur de la demeure de RONALD CAZA.
GISÈLE QUENNEVILLE
Là, on est dehors chez vous,
on a l'impression d'être dans
la forêt. C'est important pour
vous d'être dans la nature?
RONALD CAZA
En effet, puis vous avez pas
juste l'impression, vous êtes
dans la forêt ici.
(Propos en français et en anglais)
C'est près du bog
de la mer Bleue. Oui,
c'est important. C'est très
important. Je dois dire
qu'aussi, ce qui est
extraordinaire, c'est que je
suis à 20 minutes du bureau, et
puis écoute, on est ici et
c'est littéralement du bois. Y a
à peine 3-4 mois, on a compté,
je pense qu'y avait
13 chevreuils ici en même temps.
Et puis, c'est calme. C'est
beau. Et aussi, quand tu viens
du Nord de l'Ontario, c'est
vraiment ta réalité. Tout le
monde a des chalets, tout le
monde passe beaucoup de temps
dans le bois. Moi, j'aime
beaucoup la nature. Donc, non,
je suis très chanceux de
pouvoir vivre ici à l'intérieur
de la capitale nationale. Je
trouve ça extraordinaire.
L'entrevue reprend à l'intérieur, dans la demeure de RONALD CAZA.
GISÈLE QUENNEVILLE
Les francophones au Canada ont
eu un certain succès au niveau
juridique pour leurs droits
depuis... 20, même 25 ans.
Ça a commencé avec la cause
Mahé en Alberta, pour la
gestion scolaire, y a eu
Montfort également. Et tout ça,
c'est en quelque sorte à cause
de la Charte des droits et des
libertés du Canada. À quel
point la Charte est un outil
positif important pour les
minorités francophones?
RONALD CAZA
C'est important, mais y a
pas de formule magique.
Je veux dire,
on a eu gain de cause dans les
divers dossiers que vous avez
mentionnés et y a eu d'autres
dossiers très importants, puis
je pense entre autres le dossier
Caldech, Desrochers-Caldech,
qui était très important,
finalement pour le principe
de dire qu'il faut prendre
en considération les
besoins spécifiques de la
minorité linguistique lorsqu'on
offre des services.
Donc, c'est un rôle très
important. Sauf que c'est
pas... Y a des défis. Et les
défis, y en a toujours et il va
toujours y en avoir. Le plus
gros défi, c'est celui-ci. Pour
avoir gain de cause, il faut
qu'on se batte. Puis c'est pas
parce que quelqu'un est de
mauvaise foi, c'est parce que
c'est de même que ça
fonctionne dans tous les
domaines, pas juste dans le
droit linguistique. Nous
autres, c'est très important
dans le domaine du droit
linguistique, mais les
gouvernements pour toutes sortes
de raisons, c'est très difficile
pour eux de simplement donner
des droits. C'est assez
exceptionnel, le gouvernement
libéral qu'on a eu ici en
Ontario, on a pas eu à se
battre pour avoir des droits.
Mais c'était la première fois.
Tu regardes dans les autres
provinces, presque tout le
temps vous devez vous rendre
devant les tribunaux, au moins
menacer puis y arriver.
Lorsqu'on a finalement nommé
récemment l'Hôpital Montfort
comme étant un hôpital du
groupe universitaire, groupe A,
pouvoir faire l'enseignement,
avoir ce mandat-là... Montfort
s'est pas rendu devant les
tribunaux pour avoir ça. Y a
personne qui s'est rendu devant
les tribunaux, puis finalement
ça a été accordé, le
gouvernement l'a reconnu.
Et là, on peut voir qu'y a une
deuxième vague qui s'en vient.
Et puis, y a la décision
récente des conseils scolaires
en Colombie-Britannique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Où le conseil scolaire va
devoir traduire ses documents
pour les présenter au
gouvernement. Est-ce que c'est
un recul, ça?
RONALD CAZA
Je dirais pas que c'est un
recul, parce que dans le
domaine du droit linguistique,
c'est vraiment souvent des
clarifications. Parce que ce
qui est arrivé ici, c'est qu'on
peut voir un nouveau défi à
l'horizon et c'est celui-ci:
pour toutes fins pratiques,
la Cour Suprême a dit: c'est
vrai qu'y a des droits
linguistiques, c'est vrai qu'y
a un des principes non écrits
qui est important, c'est les
droits linguistiques.
Mais c'est pas le seul. Y a
aussi le droit du fédéralisme.
Le principe non écrit de
fédéralisme. Nous sommes une
fédération de différentes
provinces. Il faut qu'on
respecte le droit de
différentes provinces de faire
et de prendre certaines
décisions. Et en
Colombie-Britannique, parce que
c'est tout basé sur une vieille
loi de l'Angleterre, mais ils
ont jamais modifié cette loi-là
qui dit que finalement toute la
documentation qui est présentée
en cour doit être présentée en
anglais. Ils l'ont pas modifiée,
ils ont le droit de pas la
modifier. Et donc, d'un côté,
t'as ce qui est important, les
principes non écrits de
protéger les minorités et de
les encourager, puis finalement
que les lois... les langues
officielles soient reconnues,
français, anglais comme étant
égales, qui est important. Puis
l'autre aussi, la province qui a
le droit de gérer la langue
finalement de la documentation
de la preuve qui va être
déposée puisque la Cour Suprême
a dit 4 contre 3, y avait une
dissidence de 3 sur un banc
de 7, mais la majorité a décidé
que non, ici, le fédéralisme,
c'est important de respecter le
fédéralisme et donc, cette
décision-là, on l'accepte. Bon.
Donc là, on regarde cette
situation-là, on dit: bon, la
communauté francophone,
qu'est-ce qu'on fait avec ça?
Je parle des minorités
linguistiques. On dit les
francophones, mais au Québec,
c'est les anglophones.
On revient à quelque chose que
Marc Cousineau et Gisèle
Lalonde disaient dans les
années 90. Ils ont circulé la
province pour dire à tout le
monde: c'est important de faire
enchâsser dans la constitution
les droits de la communauté
francophone. La Cour Suprême
dit: au Nouveau-Brunswick,
c'est enchâssé, les droits.
Mais, c'est pas évident que
c'est enchâssé pour les autres.
Donc, de là l'importance. Je
pense ça va devenir très
important les droits que
les francophones ont en
Ontario, parce qu'on a les
droits. Mais un gouvernement
peut venir les changer, parce
que, s'ils sont pas enchâssés
dans la constitution, on a un
gouvernement qui arrive, qui
aime pas ça et qui décide de
changer ces droits-là...
Donc, je fais juste dire...
Écoute, c'est pas évident
jusqu'à quel point il pourrait
les changer facilement,
mais une des protections
peut-être qu'on veut,
c'est la même protection
qu'au Nouveau-Brunswick, c'est
de faire ces droits-là
enchâssés. Parce que la Cour
Suprême a dit: en
Colombie-Britannique, ce serait
extraordinaire qu'ils adoptent
une loi ou qu'ils changent le
règlement pour dire que oui,
t'as le droit de déposer tes
documents en français.
Mais ils l'ont pas fait encore.
Donc jusqu'à ce qu'ils le
fassent, faut respecter ça.
Donc, je pense que c'est là le
défi peut-être, un des nouveaux
défis. Mais la bonne nouvelle,
je pense que c'est une nouvelle
extraordinaire, c'est que tu
regardes partout au pays, y a
jamais eu une ouverture aussi
grande puis une réalisation de
l'importance des deux langues
officielles et des deux
cultures qu'aujourd'hui. Les
sondages qu'ils ont faits
le démontrent, les écoles
d'immersion sortent
plusieurs milliers de jeunes
qui sont beaucoup plus sensibles
à la réalité de la minorité
linguistique, puis pas juste
ça, qui embrassent la langue et
la culture de la minorité, qui
les aiment! Donc, là, on peut
voir que c'est peut-être
un temps où on a l'énergie,
le support nécessaire pour
procéder aux prochaines étapes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et quelles sont les
prochaines étapes?
RONALD CAZA
Ça commence, je pense,
avec chacun, d'être fier,
et de parler français
à toutes les occasions,
de s'assurer de continuer à
finalement inscrire vos enfants
dans les écoles françaises,
de continuer à vivre en
français, de participer aux
réalités de la culture
francophone, les concerts, les
festivals, y participer, que ça
devienne une partie de notre
réalité. De continuer à lutter
comme on l'a toujours fait.
C'est important d'embarquer les
jeunes dans ça. Et je pense que
c'est important aussi de ne
jamais rien prendre pour
acquis. Donc les droits qu'on a,
faut pas les prendre pour
acquis, faut être sensible.
Sensible au fait qu'on a gagné
beaucoup, mais on pourrait
encore le perdre.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce qu'on les prend
ces droits-là pour acquis
vous pensez?
RONALD CAZA
Je dirais pas qu'on les prend
pour acquis, mais peut-être que
les gens ont un peu
l'impression que tout a déjà
été gagné. Tu sais, on a gagné
le dossier Montfort, on a gagné
d'autres dossiers, mais non,
tout a pas été gagné. Il faut
qu'on continue tout le temps
avec cette lutte. Puis cette
lutte, c'est pas négatif.
C'est pas quelque chose de
négatif, c'est quelque chose
qui fait partie de la réalité
d'être membre d'une minorité
linguistique, et faut juste
continuer à monter, toujours
monter au front. Je regarde les
jeunes d'aujourd'hui, puis je
vois qu'ils ont beaucoup
d'énergie, puis ils sont très
fiers. On regarde ce qui se
passe dans les écoles
secondaires, etc., y a beaucoup
de fierté. Faut que ça
continue. Puis là, je regarde,
un dossier que je trouve
qui est important, c'est celui
d'une université
franco-ontarienne.
On regarde qui mène le combat
tout de suite pour une
université franco-ontarienne,
c'est les jeunes. C'est des
jeunes étudiants universitaires
francophones qui mènent ce
combat-là. Ils disent qu'on
on a besoin de l'obtenir.
Et c'est vrai qu'on a besoin
d'avoir une université
franco-ontarienne, une
université finalement où...
Toute la réalité culturelle -
c'est pas juste une question de
langue- la réalité culturelle,
les besoins spécifiques d'une
minorité linguistique, qui
touchent toutes les dimensions
de l'éducation. C'est pas juste
les cours, les professeurs,
c'est toutes les dimensions.
C'est important. Je pense que
c'est finalement la prochaine
étape. On a nos collèges, je
pense que c'est important
maintenant de procéder... En
effet, c'est plus qu'important,
c'est essentiel de procéder à
avoir des universités, parce
que là ce que tu fais, c'est
qu'on arrive avec la prochaine
dimension des chefs de file,
nos futurs chefs de file qui
finalement vont être en mesure
d'obtenir une éducation
universitaire, où toutes les
valeurs et la culture
franco-ontarienne vont faire
partie de leur réalité. Puis si
on regarde dans d'autres
universités, l'Université de
Moncton, au Nouveau-Brunswick,
et d'autres universités
à travers...
les autres universités
francophones des minorités
linguistiques, ils ont formé
des chefs de file. Les chefs de
file viennent de ces
universités-là. Donc, je pense
que c'est la prochaine étape.
Faut jamais sous-estimer la
volonté de ceux qui ont des
décisions à prendre. Ceux qui
sont en position de prendre des
décisions. Je parle, aux
gouvernements, ailleurs.
Comment pour eux c'est
important, les minorités
linguistiques. Faut jamais le
sous-estimer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ronald Caza, merci beaucoup.
RONALD CAZA
C'est moi qui vous remercie,
Gisèle.
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