Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Le père Thomas Rosica : Prêtre
Gisèle Quenneville s’entretient avec le Père Thomas Rosica. Ce prêtre, aussi branché qu’il est ouvert et polyglotte, a notamment chapeauté l’organisation des Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ), qui ont eu lieu à Toronto en juillet 2002. Le rôle clef qu’il a occupé au sein du service de presse du Vatican, à la suite de la démission du pape Benoît XVI, le projettera à l’avant-scène mondiale. Le père Rosica occupe présentement le poste de PDG de la chaîne de télévision catholique, Sel + Lumière.
Réalisateur: Simon Madore
Année de production: 2013
video_transcript_title-fr
Début générique d'ouverture
Titre :
Carte de visite
Fin générique d'ouverture
Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, le Père THOMAS ROSICA président-directeur général de la Fondation catholique Sel et Lumière, on montre des images du prêtre en réunion de travail dans une église dans un studio de télévision et au Vatican.
GISÈLE QUENNEVILLE
Au fil des dernières années,
le père Thomas Rosica est
devenu le visage de l'Église
catholique au Canada et même
dans le monde. En 2002, des
milliers de jeunes catholiques
de partout se sont donné
rendez-vous à Toronto pour
les Journées mondiales de la
jeunesse. Le père Rosica en
était l'organisateur principal.
L'année suivante, on a recruté
Thomas Rosica pour diriger
une nouvelle station de
télévision catholique au Canada,
la télévision Sel et Lumière.
Mais c'est l'an dernier que le
père Rosica s'est retrouvé au
centre des événements de
l'Église en agissant comme
porte-parole du Vatican lors
de la retraite du pape Benoît
XVI et pendant le conclave
des cardinaux qui a élu le pape
François. Durant cette période,
Thomas Rosica a accordé plus
de 165 entrevues médiatiques
en anglais, en français, en
italien, en espagnol et en
allemand. Il faut dire que ce
père basilien est un prêtre du
XXIe siècle. Il a embrassé
les médias traditionnels
et plus récemment les
médias sociaux avec son blogue
et son compte Twitter, qui à lui
seul compte plus de 2000
abonnés.
L'entrevue se déroule dans le bureau de l'invité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Père Rosica, bonjour.
PÈRE THOMAS ROSICA
Bonjour et bienvenue.
GISÈLE QUENNEVILLE
Merci. Vous êtes devenu prêtre
durant les années 70. Je peux
m'imaginer qu'il y a pas
beaucoup de jeunes garçons
qui aspiraient à la prêtrise
durant ces années-là. Qu'est-ce
qui vous a poussé à consacrer
votre vie à l'Église?
PÈRE THOMAS ROSICA
C'est-à-dire que je suis
entré en religion, dans la vie
religieuse en 78. Et puis j'ai
été ordonné en 86.
Non, on n'était pas très
nombreux. Mais je crois que
quand je repense maintenant,
ces dernières années, on avait
de très bons modèles prêtres.
Et puisque j'étais dans un
collège des pères basiliens,
Aquinas Institute. On avait des
pères qui étaient au collège.
Et moi, je me suis dit, je m'en
rappelle très, très bien, je
voulais jamais être un prêtre
comme eux parce qu'ils étaient
vraiment forts en discipline.
Et de m'imaginer comme
professeur qui faisait la
discipline au collège... Mais
c'était à cause d'un directeur
du collège, qui vit toujours,
un de mes confrères et puis
un autre professeur au collège,
qui m'ont tellement frappé,
pas par leur discipline, mais
par leur amour pour l'Église,
pour la simplicité et aussi
pour la générosité.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes né, vous avez
grandi à Rochester dans l'État
de New York, vous êtes donc
américain. Mais je pense que
vous vous identifiez comme
canadien.
PÈRE THOMAS ROSICA
J'ai double citoyenneté. Mais
je me sens beaucoup plus
canadien. Parce qu'il faut dire
la vérité, j'ai quitté les
États-Unis en 1980, après
l'université, et je n'ai jamais
été nommé aux États-Unis.
C'était toujours ailleurs. J'ai
des racines américaines
aux États-Unis, bien sûr, mais
je me sens très à l'aise ici
au Canada. Je connais très bien
le territoire. J'ai eu un
passeport en 1998 quand j'étais
aumônier de l'Université de
Toronto. Et souvent, je voyage
avec le passeport canadien.
Quelques fois, quand je rentre
aux États-Unis, le passeport
américain, mais moi,
j'appartiens au monde aussi.
Je me sens très bien là
où je suis. J'ai vécu partout
dans le monde.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez... je pense qu'on
peut dire que vous avez presque
toujours travaillé avec les
jeunes, vous l'avez mentionné,
à l'Université de Toronto, au
Centre Newman. Vous avez
organisé les Journées
mondiales de la jeunesse. Quels
sont les défis de travailler
avec des jeunes de nos jours?
PÈRE THOMAS ROSICA
Toute ma vie religieuse et
tout mon sacerdoce, c'est
consacré à la jeunesse. Et
pourquoi? Il y avait une des
plusieurs leçons que j'ai
apprises de Jean-Paul II.
C'était en... 2001, l'été avant
les JMJ. On était à Castel
Gandolfo avec le pape,
avec mon équipe, c'était très
intime la visite. Et puis j'ai
demandé au Saint-Père avant de
quitter: "Donne-moi quelques
conseils, quelques mots
d'inspiration, parce que j'ai
un immense projet devant moi
maintenant pour les JMJ."
J'oublierai jamais ce qu'il
m'avait dit. Il m'a dit: "Tom,
il faut garder les jeunes
proches de toi, parce qu'ils
vont te garder fidèle. Ils vont
te garder jeune." Mais c'est eux
qui me donnent vie et c'est moi
qui les encourage à ne pas
avoir peur. Je passe la plupart
de mon temps, soit comme
aumônier de l'Université de
Toronto, soit comme professeur
d'exégèse du Nouveau Testament,
soit comme directeur général
de la télévision, en disant aux
jeunes: "N'aie pas peur, tu
pourras le faire." Et puis
toujours, ils me disent: "Mais
qu'est-ce que tu vois en moi?
Je ne peux pas le faire." Je
dis: "Tu pourras le faire.
Vas-y, vas-y. Allez, allez."
Et puis quand ils font des
succès, ils ont de grands
succès, ils sont devant les
écrans, ils parlent à la
télévision et sont capables
d'écrire, moi, je rends grâce
à Dieu. Je rends grâce en
disant: ils peuvent le faire.
Et souvent, notre rôle, c'est
d'être au deuxième plan, au
troisième plan, pour voir les
talents, pour les encourager et
pour dire aux jeunes: "Vous
êtes témoins, tu es témoin,
vas-y. N'aie pas peur." Alors
c'est ça mon rôle. C'est comme
un coach spirituel.
GISÈLE QUENNEVILLE
En 2002, il y a eu les JMJ.
Des milliers de jeunes de
partout dans le monde ici
à Toronto.
PÈRE THOMAS ROSICA
J'ai survécu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le pape Jean-Paul II
également. Qu'est-ce que ça
a apporté comme défis pour
vous d'organiser un événement
comme celui-là?
PÈRE THOMAS ROSICA
C'était ma pénitence pour tous
les péchés de ma jeunesse.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous en aviez fait alors
beaucoup de péchés!
PÈRE THOMAS ROSICA
Il y a quelques mois, j'ai
donné une conférence. Il y avait
beaucoup de monde. Et puis
une dame qui lève la main en
disant: "Père, quand tu étais
petit, est-ce que tu as songé,
rêvé à être directeur général
des JMJ un jour?" J'ai dit:
"Madame, ce serait un
cauchemar." C'était un immense
projet, plein de défis:
le temps, le terrorisme, le 11
septembre, les abus aux
États-Unis, la maladie du pape.
Je me suis dit: Seigneur,
qu'est-ce que tu veux de moi?
Qu'est-ce que tu veux de plus?
Mais c'était le plus beau projet
de ma vie. Parce que tout le
monde... beaucoup de personnes
n'avaient pas confiance,
n'avaient pas foi dans les JMJ.
On pensait que ça allait
échouer. Et la grâce, c'était la
lumière, c'était l'espoir. Tout
le monde en parle toujours. Et
pourquoi? C'était pas un rave
party, c'était pas un concert
de rock, c'était pas les Jeux
olympiques, le Canada avait
besoin des JMJ à ce moment-là
pour secouer, pour réveiller,
pour donner courage et pour
dire que nous sommes ici comme
catholiques, nous sommes ici,
des jeunes, des chrétiens, et
nous n'avons pas peur.
GISÈLE QUENNEVILLE
Aux JMJ, dans les
universités, vous avez enseigné,
que ce soit l'Université de
Toronto ou ailleurs, vous êtes
entouré de jeunes catholiques
qui sont convaincus. Mais
j'oserais dire que pour chaque
jeune catholique convaincu,
il y en a des dizaines, même
plus qui ne le sont pas. Est-ce
que vous allez les chercher ces
jeunes-là? Et si oui, comment?
PÈRE THOMAS ROSICA
Je passe tout mon temps
à travailler pour eux. Ceux qui
sont avec moi dans ce projet de
Sel et Lumière, ceux qui
travaillent avec moi dans
l'équipe des JMJ, ceux qui
étaient sur l'équipe pastorale
de l'Université de Toronto,
ce sont des agents pastoraux.
Ce sont des agents, des
ambassadeurs. Et pour
qu'ils puissent convaincre les
autres, il faut qu'eux-mêmes
soient convaincus.
Alors moi, je travaille avec ces
jeunes qui sont ici. On dit que
c'est la crème de la crème,
ils sont les meilleurs.
Mais ils sont ici, pas pour
un privilège, ils ont
une mission.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'il est difficile de
les convaincre?
PÈRE THOMAS ROSICA
C'est très difficile. Il faut
connaître leur vocabulaire,
il faut connaître leurs
défis, leurs souffrances,
il faut connaître aussi les
ambiguïtés dans lesquelles ils
vivent. Et puis, il faut ouvrir
une porte pour eux. Pas fermer
les portes, mais ouvrir
les portes et leur dire: "Venez
voir. On a quelque chose de très
beau à vous offrir. On a une
personne qui ne déçoit pas.
Et cette personne a un nom et
son nom est Jésus."
L'entrevue se déplace dans un studio de télévision. Le prêtre présente une équipe de jeunes hommes à la journaliste.
PÈRE THOMAS ROSICA
Ce jeune homme, il paraît
qu'il a 18 ans. C'est un expert
de télévision. C'est lui qui
s'occupe de tout le secteur
chinois. Il parle français.
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
Ici, c'est l'un de nos grands artistes
INFO GRAPHISTE
Bonjour
PÈRE THOMAS ROSICA
Il est graphiste de profession.
Tu peux lui parler en français.
INFO GRAPHISTE
Ah, mon français est mauvais.
(Propos traduits de l'anglais)
Vous ne pouvez pas me
prendre au dépourvu
comme ça!
Le prêtre se déplace dans une autre partie du studio.
PÈRE THOMAS ROSICA
Pedro. C'est un de nos
anciens. Il fait une grande
série sur l'écologie,
actuellement, mais aussi la
radio. On a toute une présence
sur la radio et c'est lui qui
est en charge de ça.
Il présente un autre jeune homme.
PÈRE THOMAS ROSICA
C'est un théologien, c'est
un jeune homme qui aime
l'Église. Il est très
intelligent, c'est un grand
sportif aussi. Et c'est lui qui
va faire la grande émission
maintenant sur François,
un an après.
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
Voici la grande série
que Sébastien a faite.
Images de la série sur un écran
Propos traduits de l'anglais
Nous sommes vos animateurs
Sebastien Gomes et
Cheridan Sanders.
Aujourd'hui, nous parlons de
l'éducation catholique.
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
C'est assez bien, non?
GISÈLE QUENNEVILLE
(Propos traduits de l'anglais)
Oui, c'est très moderne.
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
Nous ne sommes pas ennuyeux.
Le prêtre entraîne la journaliste devant un autre écran.
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
Voici John Kerry qui a été
reçu au Vatican. Nous sommes
en train de recevoir les images
et elles seront aux nouvelles
ce soir.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Propos traduits de l'anglais)
Vous recevez les image d'où?
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
De Rome.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Propos traduits de l'anglais)
Vous avez donc une ligne directe?
PÈRE THOMAS ROSICA
(Propos traduits de l'anglais)
Oh oui!
La journaliste est avec un jeune journaliste qui parle français.
JEUNE JOURNALSTE
Moi, j'ai fait une école de
journalisme, j'ai étudié à
Paris. J'ai fait un master en
radio et télévision. J'ai fait
mon stage de fin d'études à
Radio-Vatican. Je suis resté là
pendant un an et demi à peu
près, donc à Rome, à couvrir
les grands événements de
l'Église. Et j'ai rencontré
ensuite, aux JMJ à Madrid,
le père Thomas Rosica,
pendant une confession.
PÈRE THOMAS ROSICA
Sa pénitence, j'ai dit: "Il
faut que tu viennes au Canada."
L'entrevue se poursuit dans le bureau du prêtre.
GISÈLE QUENNEVILLE
On parlait tantôt des JMJ,
eh bien, un des résultats des
JMJ, c'est ici où on est en ce
moment, la télévision Sel et
Lumière, la télévision que vous
dirigez. Comment est-ce que
vous, vous avez réagi lorsqu'on
vous a demandé de diriger une
station de télévision?
PÈRE THOMAS ROSICA
Je rigolais.
Je n'aurais jamais cru dans
ma vie que d'abord, je serais
directeur général fondateur
d'une télévision catholique.
Et deuxièmement, que ce serait
la suite des JMJ. Parce que moi,
j'étais tout près... Après les
JMJ, j'ai demandé un repos
de six mois au moins. Parce que
quand même, il fallait mettre
le paquet pour les JMJ. J'ai
passé trois ans de ma vie
à préparer les JMJ. C'était
en novembre 2002, donc à la
suite des JMJ. On nettoyait,
on vendait des articles, etc.
J'ai été convoqué à une réunion
chez l'évêque auxiliaire de
Toronto, un des évêques
auxiliaires. Et il y avait
présente une famille italienne,
Galliano, les fondateurs de
St. Joseph Corporation, la plus
grande imprimerie et société
médiatique. Ils ont dit: "Nous
avons une licence pour
transmission des programmes
à la télévision, c'est ici. Et
on veut que tu sois le président
fondateur. Je dis: pourquoi
moi? Ils ont dit: "On t'a
regardé pendant trois ans devant
les écrans, devant les caméras,
sur les écrans à la télévision,
et puis on veut que tu sois le
fondateur de cette télévision."
Et carrément, j'ai refusé en
disant: "J'ai fait mon service
militaire, merci beaucoup."
Puis, il y avait une certaine
pression sur moi, non seulement
de la famille, mais d'autres
personnes. Et puis le pape
était engagé dans cette affaire
aussi. Je ne savais pas,
parce que j'allais à Rome
quelques jours après. Et puis en
discussion avec Jean-Paul II
autour de la table, un repas
avec le cardinal Ambrozic et
quelques autres évêques. Et
le Saint-Père... c'est venu en
discussion, la télévision. Et
je me rappelle très bien, le
pape m'avait dit: "Qu'est-ce
que tu vas faire? Qu'est-ce
qu'ils t'ont offert à faire
maintenant?" Et j'ai dit: "Il y
a une famille italienne qui
veut que je crée une
télévision." Et je n'oublierai
jamais sa voix...
(Propos en italien)
"Télévision catholique au
Canada, vous êtes dans un pays
de mission, il faut le faire."
Je me suis dit: ah, Seigneur
Jésus! Après quelques
discussions avec le pape et
puis avec ses collaborateurs,
et puis avec mon grand ami et
patron, celui qui m'a enseigné
à faire les JMJ, c'était le
cardinal Jean-Marie Lustiger
à Paris. Donc je me rendais
à Paris en rentrant au Canada
et j'ai passé quelques jours
chez lui. Et puis je lui ai
dit: "Qu'est-ce que tu penses
de cette affaire?" Il m'a dit:
"À Paris, après les JMJ en 97,
on a fondé une télévision qui
s'appelle KTO. Vas-y, je vais
t'ouvrir les portes en France."
Et moi, je suis ici, presque
12 ans après.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce que vous faites?
Décrivez-moi ce que vous
faites ici.
PÈRE THOMAS ROSICA
C'est plus qu'une télévision
catholique où on fait des jolies
messes et des prières et des
chapelets, etc. On fait tout ça.
Mais c'est une fondation
catholique, Sel et Lumière.
Et on a choisi le nom exprès...
Il y en a quelques-uns qui
pensent que c'est un nom de
nourriture, c'est "light salt",
etc. Non, c'est pas du tout ça.
Sel et Lumière, c'était le
thème des JMJ en 2002. Vous
êtes le sel de la terre et la
lumière du monde. C'est pas
un thème inventé, mais ça vient
de l'Évangile de Matthieu, des
béatitudes de Jésus. Et puis le
but de tous nos efforts, c'est
la nouvelle évangélisation.
On ne peut plus penser que la
seule façon de transmettre les
nouvelles aujourd'hui pour les
catholiques, c'est une revue,
c'est un journal, etc. On
travaille et puis on donne, on
jette, on sème cette bonne
nouvelle à travers des choses
imprimées, à travers l'internet.
On a la radio, on a Twitter, on
a tous ces moyens pour
transmettre la bonne nouvelle.
Et qu'est-ce que c'est, cette
bonne nouvelle? D'abord, c'est
la personne de Jésus, c'est
l'annonce de l'Évangile, c'est
l'histoire de l'Église, c'est
les nouvelles, c'est les
documentaires. Parce que
quand même, on s'est spécialisé
ces dernières années. On a fait
45 documentaires et films. On a
16 émissions qu'on fait depuis
ici. Et puis on a un
département chinois,
département français, en italien
et puis le monde anglophone.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais c'est pas très grand ici
quand même.
PÈRE THOMAS ROSICA
C'est trop petit même. On est
très serré. Et tout le monde me
demande... Quand mes amis
de Radio-Canada et de CBC
viennent ici, ils disent:
"Pauvre vous!" Parce qu'on
était supposé de rester ici
simplement pour un an. Un an,
dans le langage de l'Église, ça
veut dire 12 ans, 15 ans, etc.
On est proche maintenant, on
est très proche de notre
prochaine étape de construire
un studio à Toronto. Et ça,
j'en suis très content.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous dites que vous faites des
nouvelles. Je pense que vous
avez également une émission
d'affaires publiques. Est-ce
qu'il est possible pour la
télévision Sel et Lumière d'être
objective? Ou est-ce que vous
prétendez être objectif
vis-à-vis de l'Église et son
enseignement?
PÈRE THOMAS ROSICA
La bonne question: qu'est-ce
que ça veut dire objectivité?
Parce que ce que vous entendez
par objectivité, ça veut dire
objectivité pour un autre tout
à fait différent, et pour un
autre. On est ici, pas pour
être serviteur ou esclave de
l'objectivité, mais d'être
serviteur de la vérité. Il y a
une grande différence. Et
qu'est-ce que ça veut dire la
vérité? On est pas ici comme
bureau de promotion pour
l'Église. C'est pas les
relations publiques pour
l'Église pour faire bella
figura avec tous les problèmes
de l'Église. On est là pour
raconter ce qui se passe. Par
exemple, au milieu de tous
les scandales dans l'Église, on
n'était pas ici pour couvrir, pour
nier, mais pour dire: voilà ce
qui est arrivé, voilà ce que
l'Église fait pour répondre
à cette situation, voilà
l'espoir et l'espérance qui est
pour nous et voilà les
meilleures procédures, best
practices, que l'Église peut
offrir au monde. On est là pour
ça. On n'a rien à cacher. Mais
il y a une manière de parler,
de faire la vérité dans la
charité, de raconter la vérité
avec la charité. Parce qu'il
faut dire des choses souvent
que le monde n'acceptera pas.
Mais ça dépend de la manière
dont on parle de ces choses.
Mais aussi, c'est l'amour.
Parce que souvent, c'est dans
les yeux. Quand vous traitez
avec une personne, si vous
voyez dans les yeux d'une
personne rancoeur, si vous
voyez la haine, si vous voyez
violence, alors ce qui va
sortir de la bouche, c'est la
violence. Mais si vous voyez
l'amour pour les personnes,
il n'y a rien de plus beau que
la personne humaine qui est
devant moi, quelle que soit sa
condition, où il vit, sa
situation... Et puis d'inviter
cette personne à entrer
en dialogue. Et je crois
que ça, c'est la base de notre
travail en journalisme chrétien
et catholique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je regarde ici, il y a
beaucoup de jeunes qui
travaillent ici et je sais que
Sel et Lumière, c'est un
résultat des JMJ. Est-ce que
votre public est jeune
également? Est-ce qu'il a moyen
pour vous d'évaluer ça?
PÈRE THOMAS ROSICA
Il y a moyen. Et je sais
que nous touchons beaucoup de
jeunes. Mais c'est comment nous
touchons les jeunes qui est très
intéressant. La plupart des
jeunes aujourd'hui ne regardent
pas la télévision, ils regardent
le cell phone, ils regardent le
iPhone, ils regardent
l'ordinateur, etc. Alors, on
atteint beaucoup de ces jeunes
à travers nos émissions. Ceux
qui sont à la maison, les
personnes âgées, nos parents,
etc., eux, ils regardent à
travers la télévision. Alors
on a une idée qu' on est en
train de parler avec beaucoup
de personnes. Souvent,
le grand problème des
télévisions catholiques,
des médias catholiques, c'est
pointé, c'est dirigé vers
les personnes âgées. Je voulais
éviter ce risque.
Notre message, c'est pour
tout le monde, avec une
spécialisation, si on pourrait
dire, les personnes qui sont
jeunes et qui sont jeunes pour
un peu de temps aussi.
L'entrevue se déplace dans le studio des nouvelles télévisées. Le prêtre montre le fond de scène qui représente des fenêtres en ogives et le change pour une photo de la coupole du Vatican.
PÈRE THOMAS ROSICA
Ici, on fait les nouvelles tous
les soirs. Ça, c'est très connu
maintenant quand on voit
les décors, mais on a fait
ça... par exemple, quand
il y a des événements du
Vatican, on change.
GISÈLE QUENNEVILLE
On change de décor.
PÈRE THOMAS ROSICA
Et puis on se croit à Rome.
On fait comme ça.
On montre ici des images de studios, de consoles de mixage, d'opérateurs en action.
PÈRE THOMAS ROSICA
Aujourd'hui, il y a beaucoup qui
considèrent chaîne de
télévision... Et qu'est-ce
qu'il faut avoir? Il faut avoir
un sous-sol, un ordinateur,
un clavier et puis YouTube,
et puis tu pourras dire et
transmettre n'importe quoi.
Mais pour les vraies chaînes de
télévision qui sont liées avec
l'Église, qui desservent tout un
pays, il y en a peu. Parce que
ça coûte très cher. La clé de
la vraie télévision
communication catholique, c'est
de travailler en collaboration
avec l'Église. Pas au-dessus
de l'Église, pas de créer
une autre église, c'est pas de
s'annoncer comme un magistère
à part l'Église, mais d'être
au service.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes un des visages de
l'Église catholique au Canada
de par les Journées mondiales
de la jeunesse, de par la
télévision Sel et Lumière. Mais
vous êtes aussi devenu un des
visages, je pense qu'on peut le
dire, de l'Église catholique
dans le monde. Vous avez été
porte-parole du Vatican lors de
la démission du pape Benoît,
et lors du conclave et
l'élection de François. Quelle
était votre relation avec le
Vatican avant ces deux
événements, plus tôt l'année
dernière?
PÈRE THOMAS ROSICA
C'est-à-dire que j'avais
toujours un bon rapport, une
collaboration avec le
Saint-Siège, avec le Vatican.
En 2008, j'étais porte-parole
du synode sur la parole de Dieu.
Ça veut dire que j'ai passé tout
le mois d'octobre en 2008 au
synode des évêques. C'est
une réunion internationale des
pasteurs de l'Église
universelle autour de la parole
de Dieu. Et c'était à moi
d'animer les conférences de
presse tous les jours, de
résumer les interventions des
évêques, des pères du Synode.
Puis on m'a appelé encore
une fois en 2012 pour la même
chose, pour être porte-parole
coordinateur de la presse
anglophone pour le Synode sur
la nouvelle évangélisation.
Dans l'entre-temps des deux
synode, le pape Benoît m'avait
nommé comme conseiller, comme
consultant au Conseil pontifical
pour les communications
sociales. Bref, c'est
d'assister à une réunion une
fois par année avec des experts,
des cardinaux, des évêques pour
discuter les choses du Vatican,
les choses de l'Église, la
méthode de l'Église de
communiquer au monde.
La surprise est venue le jour
après la démission du Saint-
Père Benoît XVI. Grande surprise
pour nous tous. Quand le père
Lombardi, qui est porte-parole
du Vatican, directeur de la
salle de presse du Vatican
m'a téléphoné en disant
c'est un grand ami, le père
Lombardi "Quand est-ce
que tu viens?" J'ai dit: "Venir
pour quoi? Je viendrai pour
le conclave comme chaque
chaîne de télévision
catholique." Il m'a dit...
(Propos en italien)
"Viens tout de suite." J'ai dit:
"Qu'est-ce que ça veut dire?"
"Demain." J'ai dit: "Qu'est-ce
que tu veux dire?" Il m'a dit:
"Demain, on a besoin de toi.
C'est un peu le déluge des
journalistes." Alors, étant
arrivé à Rome, après trois
jours, je lui ai dit: "C'est
pas un déluge de journalistes,
c'est un tsunami." C'était
incroyable. À la fin, il y
avait 6400 journalistes.
Et puis ils m'ont dit: "Tu
t'occupes des journalistes
anglophones du monde entier.
Un peu porte-parole pour eux,
c'est toi. Débrouille-toi."
C'était une expérience
formidable, épuisante,
excitante. C'était l'Église
universelle. Je me suis dit:
c'est la Providence.
La Providence qui fait des
choses comme ça. Parce que
je n'étais pas un inconnu dans
le monde du Vatican. J'étais là
au synode. Mais cette fois,
c'était à moi de raconter au
monde tout ce qui se passait.
Parce qu'il faut dire aussi que
la dernière fois qu'il y
avait une démission du pape,
c'était 1294. On n'avait pas
des archives, ni des films ou
des images, ni un livret pour
dire ce qu'il faut faire. Et
puis j'étais dans la chapelle
Sixtine pour l'ouverture du
conclave. C'était un moment...
j'avais des frissons en me
rendant compte... Quand j'étais
petit, j'ai vu ces choses
à la télévision dans les films.
Et puis j'ai dû raconter à la
salle de presse, tous les
journalistes qui étaient là,
qu'est-ce que c'était le
sentiment, le feeling,
l'atmosphère. La beauté, c'était
une très, très belle
expérience. C'est une
expérience qui m'a marqué.
GISÈLE QUENNEVILLE
Les catholiques de nos jours,
depuis l'arrivée de François,
je pense qu'on peut dire qu'ils
sont exposés à deux styles de
pape. Il y avait eu Jean-Paul,
il y avait eu Benoît qui,
certains disaient étaient
des papes conservateurs.
Certains disent que François
est beaucoup plus
progressiste. Je ne sais pas si
vous êtes d'accord avec ces
termes-là, mais je pense qu'on
peut être d'accord sur le fait
que ce sont des styles
différents. Comment est-ce que
vous, en tant que porte-parole,
jusqu'à un certain point, de
l'Église, vous arrivez à
réconcilier ces deux styles-là?
PÈRE THOMAS ROSICA
Les mots "conservateur" et
"libéral" ne font pas justice
à la réalité. Ce sont des mots
qui sont tirés, empruntés du
monde politique. Pour moi, il y
avait une transition, il y
avait une continuité entre
Jean-Paul II, que j'ai connu et
j'ai aimé, Benoît XVI, peut-être
le plus grand théologien que
l'Église n'a jamais eu.
Intéressant que tout le monde
considérait Benoît XVI le grand
conservateur et tous les autres
noms qu'ils ont... les
étiquettes qu'ils ont affichées
à lui. Mais l'acte le plus
libéral d'un pape, ç'a été fait
par Benoît XVI. Parce que si on
est aujourd'hui dans la lumière
de François, c'est grâce
à Benoît XVI. Je suis convaincu
que si Benoît XVI était décédé
et puis qu'il y avait un
conclave, le résultat ne serait
pas le même. Parce que ce que
Benoît XVI a fait, en donnant
cette possibilité de penser au
futur... Il n'y avait pas
l'atmosphère des funérailles.
Il y avait pas de sentiment de
tristesse, de perte comme on
avait vécu après la mort de
Jean-Paul II. Pendant les
réunions des cardinaux qui
précédaient le conclave, il y
avait une immense liberté de
parler des choses sérieuses, de
tracer le portrait, le profil.
L'Église a besoin de quelle
sorte de pasteur actuellement?
Et puis j'étais là, j'ai vu.
Les cardinaux ont traité tous
les thèmes possibles. Et puis
quand ils sont entrés en
chapelle Sixtine le 12 mars pour
le conclave, ils savaient déjà.
Voilà, l'Église a besoin d'une
telle personne, un tel pasteur.
Et c'est pourquoi le conclave a
duré très peu de temps.
J'admire François pour plusieurs
choses. Mais je crois que la
chose la plus importante, c'est
son immense liberté. Il n'a pas
peur. Et puis cet homme, sa vie
est basée sur l'Évangile.
Et c'est ça la beauté. C'est
un homme qui nous présente
Jésus par ses gestes, sa
simplicité, son amour pour
les pauvres. Moi, j'entre dans
un taxi à Toronto avec
un musulman, avec un sikh,
avec un autre... qu'est-ce que
c'est la première chose qu'ils
me disent? "Hi, father. I love
your pope."
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait longtemps que vous
avez pas entendu ça.
PÈRE THOMAS ROSICA
J'ai jamais entendu ça. Moi,
je monte en avion avec mon col
romain, je m'assois, je
voulais m'endormir. "Hi,
father. Ton pape est très chic.
Ton pape est merveilleux."
Je me suis dit: mais qu'est-ce
qui se passe à travers ça?
C'est pas simplement
des choses cute qu'ils sont en
train de dire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je pense qu'on peut dire que
l'Église catholique a eu, et je
pense que jusqu'à un certain
point, a encore un problème
d'image de par sa façon de--
PÈRE THOMAS ROSICA
Depuis le commencement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui. Et de nos jours, de par
sa façon de voir les femmes,
les homosexuels, de par les
scandales, les abus sexuels
des curés, est-ce que ça, ça va
changer avec le changement
d'une personne à la tête de
cette Église-là?
PÈRE THOMAS ROSICA
Les scandales et les péchés
ne changeront jamais parce que
nous sommes des êtres humains.
Et depuis le commencement,
on avait toujours ce problème
des scandales et des péchés.
Mais ce qui va changer, ce qui
est en train de changer, c'est
l'idée que l'Église est dans le
monde. Et l'Église est beaucoup
plus concernée avec toutes
ces personnes qui vivent à la
périphérie. C'est pas
simplement les gens qui sont
à l'intérieur de la chapelle,
mais c'est les pauvres, les
personnes en difficulté,
c'est les personnes en
tristesse, les personnes
désespérées. L'Église est là
pour eux. Au concile Vatican
II, il y avait un document très
important qui s'appelle Gaudium
et Spes, joie et espérance.
C'est le document, la
constitution pastorale de
l'Église. Et les premiers mots
de ce document, c'est les mots
de l'avis de François, le pape
François: "L'Église est là pour
partager les souffrances, les
joies, les difficultés, les
peines de tout le monde." Et
quand l'Église partage ces
expériences, l'Église est
fidèle à sa mission. Si l'Église
est repliée sur elle-même,
comme François dit souvent,
que nous sommes... nous
prêchons, nous existons pour
les querelles de sacristie.
L'Église n'est pas là pour ça.
L'Église est là pour le monde,
au service du monde, pour
prêcher Jésus, pour prêcher
l'Évangile.
Et nous vivrons au milieu de
tous ces scandales, de toutes
ces difficultés et l'Église
continue après 2000 ans.
Et pourquoi cette Église
continue? Parce que c'est pas
un projet des hommes, c'est
voulu par Dieu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Père Rosica, merci beaucoup.
PÈRE THOMAS ROSICA
Merci.
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