

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Vidéo transcription
Lina Payeur : Conseil des arts de Hearst
Lina Payeur a contribué à la vitalité culturelle et artistique de sa région à titre de directrice du Conseil des arts de Hearst pendant 13 ans.
Grâce à un effort collectif, la communauté s’est dotée d’une Place des arts, un lieu unique qui accueille les artistes locaux et de passage.
Lina Payeur est peut-être une artiste dans l’âme, mais elle a certainement le flair pour les affaires…
Réalisateur: Alexandra Levert
Année de production: 2014
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RACHEL DESAULNIERS rencontre des personnalités francophones et francophiles; des politiciens, des artistes, des entrepreneurs ou des scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
[Fin information à l'écran]
Fin générique d'ouverture
Pendant que RACHEL DESAULNIERS présente son invitée, des photos et extraits vidéos de LINA PAYEUR et du Conseil des Arts de Hearst défilent à l'écran.
RACHEL DESAULNIERS
Les gens du Nord de l'Ontario
sont reconnus pour leur
résilience et leur
détermination. Lina Payeur ne
fait pas exception à la règle.
Elle a contribué à la vitalité
culturelle et artistique de sa
région, à titre de directrice
du Conseil des Arts de Hearst
pendant 13 ans. Grâce à un
effort collectif, la communauté
s'est dotée d'une Place des
Arts, qui accueille les
artistes locaux et de passage.
Lina Payeur est peut-être une
artiste dans l'âme, mais elle a
certainement le flair pour les
affaires. Issue d'une famille
où on encourage la
débrouillardise et
l'ingéniosité, elle a été
propriétaire d'un commerce avec
sa soeur pendant quelques
années. Elle connaît bien les
rouages de l'économie et a
contribué à la mise en place
d'une politique culturelle
auprès de la municipalité de
Hearst. Lina Payeur continue à
jouer un rôle actif sur la scène
artistique. Elle contribue au
rayonnement des arts et de la
culture de Hearst à titre de
coordonnatrice du Salon du
livre. Son enthousiasme est
vraiment contagieux.
(RACHEL DESAULNIERS et LINA PAYEUR sont assises face à face dans le salon du domicile de cette dernière.)
RACHEL DESAULNIERS
Lina Payeur, bonjour.
LINA PAYEUR
Bonjour, Rachel.
RACHEL DESAULNIERS
Merci de nous accueillir chez
vous, à Jogues. Pour ceux
qui ont pas l'occasion
nécessairement de faire la
route souvent dans le Nord de
l'Ontario, décrivez-nous votre
coin de pays.
LINA PAYEUR
Oh, mon Dieu! Jogues, c'est un
petit village au sud de Hearst.
Comme beaucoup de villages
dans le Nord de l'Ontario, il
est un peu en déclin.
Mais y a encore beaucoup de
monde de ma famille ici puis
c'est bien plaisant de vivre ici.
RACHEL DESAULNIERS
Vous avez été présidente du
Conseil des Arts dans la région
pendant 13 ans. Hearst est
reconnue pour son dynamisme
culturel. Qu'est-ce qui
vous a attirée vers
le Conseil des Arts?
LINA PAYEUR
J'ai été directrice générale
du Conseil des Arts à partir de
1999 jusqu'à janvier 2012. Les
arts, ça a toujours été quelque
chose que j'ai trouvé important
dans ma vie. Ça m'a habitée...
toute mon enfance en fait, toute
ma vie. Et c'était un peu un
rêve qui se réalisait d'entrer
à la direction de cet
organisme-là que j'adorais
en fait.
RACHEL DESAULNIERS
Parlez-nous d'une
programmation du Conseil des
Arts. Vous avez des invités qui
viennent de partout. Une saison
typique, dans votre temps,
ça ressemblait à quoi?
RACHEL DESAULNIERS
Un calendrier au Conseil des
Arts, un calendrier annuel,
c'est au-delà de... de 40
événements. Y a des spectacles.
Y a des événements bénéfices.
Y a des expositions. Ça n'arrête
pas. T'as pas vraiment de temps
pour toi quand tu travailles au
Conseil des Arts. Tu rencontres
plein de gens. Tu dois aussi te
déplacer pour aller voir des
vitrines de spectacles, pour
voir ce qui circule. Tu dois
aussi t'occuper du financement.
C'est très, très important.
Même que des fois,
tu te demandes... Tu veux
te faire plaisir avec les
artistes, avec les spectacles,
avec la programmation, mais
t'as le devoir de voir à ce que
tout ça se finance. Puis ça,
c'est pas le côté le plus...
mettons, plaisant ou évident
dans ce travail-là.
LINA PAYEUR
Dans la région de Hearst,
vous êtes majoritairement
francophones. 90% de la
population est francophone.
Selon vous, est-ce que c'est un
facteur qui témoigne du
dynamisme? Est-ce que le succès
du Conseil des Arts dépend du
fait que vous avez vraiment 90%
de la population qui peut aller
voir vos spectacles?
RACHEL DESAULNIERS
Oui. Beaucoup ça, oui,
qu'on est une majorité forte,
francophone. Le fait aussi qu'on
est isolés. Le fait aussi qu'on
a l'université sur place. Et
plusieurs entrepreneurs locaux
qui sont propriétaires de
l'entreprise. Tout ce
dynamisme-là, ça fait que, oui,
c'est spécial à cause de ça.
LINA PAYEUR
Oui.
RACHEL DESAULNIERS
Sous votre habile direction,
vous avez obtenu votre Place des
Arts qui fait probablement
l'envie de plusieurs
communautés du Nord et de la
région de Sudbury. C'était un
édifice qui appartenait aux
Chevaliers de Colomb.
Racontez-nous cette aventure.
Comment vous avez été en mesure
de créer cette Place des Arts?
LINA PAYEUR
Dès mon arrivée en 99, j'en
revenais pas de ce qu'on avait
à faire pour obtenir, pour
avoir un spectacle: de placer
des petites chaises de cuisine,
à installer... de tout
recommencer à chaque fois, pour
que le spectateur ait une
expérience le moindrement
plaisante. Et aussi... tu sais,
y avait l'horaire... qui était
prioritaire premièrement pour
les Chevaliers ou pour les
activités autres qu'artistiques
et culturelles. Alors des fois,
on ratait des occasions de
recevoir des artistes qu'on
aurait aimés. Parce que, bien
entendu, plus l'artiste a une
renommée, plus évidemment c'est
compliqué, ou plus l'horaire de
cet artiste-là est serré, en
tout cas, dans le temps. Alors
c'était important aussi qu'on
ait toute la flexibilité de ce
côté-là. Et aussi que
l'expérience du spectateur soit
à son maximum, à son meilleur,
qu'on soit bien assis, qu'on ait
un bon éclairage et du son et
tout. Tout ça devait, à mon
avis, être meilleur.
RACHEL DESAULNIERS
Quand vous êtes arrivée au
Conseil des Arts, vous étiez
l'unique employée.
LINA PAYEUR
Oui.
RACHEL DESAULNIERS
À la fin de votre mandat,
13 ans plus tard,
c'est une équipe de sept
personnes. De quelle façon vous
êtes arrivée à bâtir cette équipe?
LINA PAYEUR
Là aussi, c'est venu
tranquillement. Dès que je suis
arrivée en poste, je me suis
dit: Il faut quelqu'un d'autre.
S'il y avait... Dans ce
temps-là, on recevait les
Katimavik. Je sais pas si vous
connaissez le programme. Y avait
un Katimavik.
RACHEL DESAULNIERS
Des stagiaires un peu, qui
vont dans des régions faire
du bénévolat.
LINA PAYEUR
Oui. Y avait un quelqu'un
comme ça qui était avec moi.
Et puis je me disais: Là, on va
avoir besoin de plus de
permanence que ça.
Parce qu'ils faisaient
des petits séjours de
trois mois, eux, et ils
restaient à peu près un mois,
quand je suis arrivée.
Alors j'ai demandé,
avec une subvention,
de pouvoir embaucher
des jeunes pour un an.
Alors au fil du temps,
on a embauché à chaque fois avec
une aide comme celle-là, pour
quelques mois ou un an. Puis
là, c'était après ça de bâtir du
solide, on va dire. De bâtir le
poste de façon à ce qu'il soit
permanent. C'est là qu'était le
défi après.
RACHEL DESAULNIERS
On sait que dans plusieurs
cas, c'est les finances qui
déterminent la programmation.
Mais dans votre cas, est-ce que
vous vous qualifiez comme la
fée des demandes de subventions?
Franchement, d'aller chercher
autant de financement, d'une
part pour bâtir la Place des
Arts, pour monter une équipe,
avez-vous des secrets
quelconques pour les demandes de
subventions?
Comment vous faites?
LINA PAYEUR
Je sais pas comment dire ça,
mais je me dis, moi: Dans le
Nord, on en veut nous aussi des
sous, des sous du fonds
public. On en veut dans le
Nord. On devrait en avoir plus
d'ailleurs. Mais aussi,
beaucoup de ces sommes-là
ont été amassées dans la
communauté. Ça, faut dire qu'on
a toujours eu un appui. Et quand
tu remplis une demande de
financement à n'importe quel
bailleur de fonds, ce qui est
important, c'est de démontrer
que t'as des appuis
communautaires. Ça, c'est
essentiel dans toute demande. Et
puis aussi, pour que le projet
se réalise, c'est aussi
essentiel. Alors là, dès que
t'as ça, t'es gagnant. Puis il
faut aussi être déterminé. Puis
quand je me mets dans la tête
qu'il faut qu'on ait quelque
chose, on met tout en oeuvre
pour que ça arrive.
(RACHEL DESAULNIERS et LINA PAYEUR sont à présent debout dans l'entrée du Centre des Arts de Hearst. LINA PAYEUR tient un trophée entre ses mains.)
RACHEL DESAULNIERS
Du temps où vous étiez
directrice au Conseil des Arts,
vous avez eu l'occasion de
remporter plusieurs prix
prestigieux. Prix Vision, Prix
Franco Flamme. Celui que vous
tenez, le Trille Or, vous l'avez
remporté en 2005 pour quelle
catégorie et dans quel
contexte?
LINA PAYEUR
C'était la catégorie meilleur
diffuseur. C'était un moment
exceptionnel. Y avait Damien
Robitaille à côté de moi puis
il venait de passage à Hearst.
Alors ça a été: Wow! Il était
très heureux pour nous puis...
En tout cas, c'est celui-là que
je valorise le plus, je pense.
RACHEL DESAULNIERS
Vous avez aussi été
finaliste dans plusieurs autres
catégories, avec le Réseau
Ontario. Y a celui-ci, qui est
votre Félix. C'est rare les
gens qui ont des Félix, des
diffuseurs. Racontez-nous
pourquoi vous avez reçu
celui-ci.
LINA PAYEUR
Ce Félix-là, c'est dans le
cadre de Coup de coeur
francophone. On est devenus
membres de Coup de coeur
deux, trois années avant d'avoir
ce Félix-là. C'est un réseau
pancanadien qui offre des
spectacles francophones. Y avait
neuf partenaires au moment où,
nous, on est rentrés dans
l'équipe. Ça, c'est
extraordinaire de s'asseoir à
une table puis de parler à
chaque province représentée du
Canada, de dire: "Wow, les
artistes francophones vont
d'une ville à l'autre." Puis on
était responsables aussi que
ces artistes-là aillent dans
les communautés autour de nous.
Alors y avait des spectacles
satellites aussi. Ça, c'est
quelque chose dont on est
très fiers.
(RACHEL DESAULNIERS et LINA PAYEUR sont à présent assises face à face dans le salon du domicile de cette dernière.)
RACHEL DESAULNIERS
Une chose qui vous
caractérise, Lina Payeur, vous
avez vraiment une tête pour les
affaires et le coeur pour les
artistes. Vous mentionniez
tout à l'heure que quand vous
êtes déterminée, que vous avez
une idée en tête, vous allez de
l'avant. D'où vous vient cette
détermination-là? Chez vous, par
exemple, est-ce que vos parents
étaient le même type? Est-ce que
vous diriez qu'ils étaient des
modèles pour vous?
LINA PAYEUR
Ah, oui. C'est certain. On a
jamais connu la sécurité
d'emploi chez nous. Papa a
changé d'emploi assez
fréquemment quand j'étais
petite.
RACHEL DESAULNIERS
Il travaillait à son propre
compte, votre père?
LINA PAYEUR
Oui, un bout de temps. Au
début, il a été soudeur. Il
faisait du fer forgé de
fantaisie pour les galeries.
Il décorait dans les maisons,
tout ça, oui.
RACHEL DESAULNIERS
Et ce côté artistique vous
a touchée sans doute. Comme
adolescente, vous rêviez au
théâtre. Vous aimiez la musique.
Parlez-nous de votre attachement
avec tout ce qui est artistique.
LINA PAYEUR
Oui, c'est vrai, aussi loin
que je me rappelle, j'aimais
ça. J'ai pas de talent
particulier, mais j'appréciais
beaucoup Les Beaux Dimanches
quand j'étais jeune, à la télé.
J'aimais ça regarder...
J'adorais ça même.
La musique à la radio.
Et ensuite, j'ai fait...
On faisait du théâtre
à la petite école de Jogues dans
ce temps-là. J'avais toujours
un rôle. Et... après ça, à
l'adolescence, je suis entrée
dans les comités de théâtre à
l'école secondaire, puis comité
de la radio, comité des...
On faisait des danses.
C'était bien, bien le fun.
J'étais tout le temps
dans quelque chose, des
activités communautaires et
culturelles, oui. J'adorais ça.
RACHEL DESAULNIERS
Dans la région, à Hearst comme
à Ottawa, comme à Montréal,
les années 70, c'était vraiment
l'explosion culturelle,
identitaire. On pense à Robert
Paquette, à CANO. Dans la
région ici, c'était Donald
Poliquin, Paulette Gagnon,
Guy Lizotte, les Cantin, les
Tanguay. Vous avez eu ces
gens-là. Est-ce qu'ils vous ont
influencée d'une certaine façon?
LINA PAYEUR
Oui, absolument. Oui. Je les
ai tous admirés quelque part.
Oui, je me souviens de Donald à
l'école, avec les cours de
guitare. Je me souviens
du spectacle de CANO,
la première fois que je
les ai vus, à l'université
justement, au gymnase, comment
j'avais adoré. Paulette,
j'adore Paulette dans tout ce
qu'elle fait. Je me souviens
aussi, elle donnait des ateliers
en théâtre que j'avais suivis.
Puis oui, j'aurais aimé faire
partie de l'équipe à ce
moment-là, de l'audace qu'ils
avaient. Du talent à revendre,
tout ce monde-là.
RACHEL DESAULNIERS
Après l'école secondaire, vous
vous êtes mariée. Vous vous êtes
lancée dans un commerce avec
votre soeur. Un commerce qui
s'appelait L'Aiguille dorée.
C'était quoi les défis, deux
jeunes femmes, à se lancer en
affaires? Parlez-nous
de ce projet.
LINA PAYEUR
Ça, c'est Rose-Hélène, ma
soeur, qui a eu l'idée la
première, qui m'a appelée voir
si ça me tentait. Parce qu'elle,
elle était très bonne
couturière. Elle l'est encore
d'ailleurs. Très talentueuse.
C'est ça. On a embarqué à pieds
joints là-dedans et l'aventure
a duré un peu plus de quatre
ans. C'était vraiment plaisant.
Mes enfants étaient jeunes à
cette époque-là. Et ça me
permettait de fabriquer leurs
vêtements. Puis on vivait des
réparations qu'on faisait en
fait, pour les clients qui
étaient de passage. Puis ça nous
faisait un bel horaire pour les
deux mamans justement, pas trop
d'heures pour pouvoir voir à la
famille en même temps aussi.
RACHEL DESAULNIERS
Vous avez poursuivi par la
suite, à l'Université de Hearst,
fait un bac en art avec une
concentration en gestion.
Pourquoi c'est important pour
vous d'aller chercher un
diplôme, compte tenu du fait que
vous avez déjà plein
d'expériences? Pourquoi
retourner à l'université?
LINA PAYEUR
Ça m'a toujours manqué. Puis
là, je me disais: Il est grand
temps que j'y aille. Alors c'est
ça que j'ai fait. Puis dès que
j'ai commencé à l'université,
j'avais aussi un emploi pour la
Ville de Hearst, pour organiser
le 75e anniversaire de la ville.
Et je travaillais aussi à
la Chambre de commerce à ce
moment-là. Alors ça m'a permis
de connaître plein de gens dans
la communauté et aussi, c'est
là que j'ai démarré
l'organisation d'événements.
J'ai aimé ça beaucoup.
RACHEL DESAULNIERS
C'est à peu près au même
moment, en 2007, que vous avez
aidé à rédiger une politique
culturelle pour la ville de
Hearst. Qu'est-ce que c'est,
cette politique, et pourquoi
c'est important de formaliser
cette intention-là dans une
politique comme telle?
LINA PAYEUR
C'est-à-dire c'est ça, avec
le cheminement au Conseil des
Arts, on était rendus là à
vouloir une politique
municipale par rapport aux
arts et la culture. Alors on a
tout simplement...
On s'est mis à la tâche puis on
a écrit cette politique-là. Et
aussi, faut avoir le plan
d'action qui va avec. Puis
c'est à ça, maintenant,
qu'il faut s'attaquer.
RACHEL DESAULNIERS
Puis dans l'aspect
économique, dans la région, on
sait qu'il y a plusieurs
industries, le bois, les
commerçants, la partie des arts
représente quoi comme
contribution à l'économie
de la région?
LINA PAYEUR
Je le sais pas, mais je sais
que la Ville de Hearst
contribue quand même un peu pour
le Conseil des Arts et pour les
arts en général, la culture à
Hearst. Y a une partie du
budget. C'est jamais assez,
bien entendu. C'est pas moi qui
vais vous dire que c'est
suffisant. Mais je crois que le
Conseil des Arts apporte... sa
programmation génère des
activités économiques bien
entendu. C'est important.
Je crois pas que c'est
négligeable. Je l'ai pas
chiffré par contre. Je
pourrais pas vous donner
davantage de détails
là-dessus, mais c'est clair que
ça pourrait se développer
davantage, ça, c'est évident.
Ça pourrait devenir une petite
industrie en soi, les arts et
la culture. On pourrait avoir
une école. Ça pourrait aller
beaucoup plus loin que... que
c'est présentement. Les
possibilités sont toutes là.
RACHEL DESAULNIERS
Parlant de possibilités, les
vôtres. Avec votre expérience
en gestion, les gens vous
connaissent dans la région, vous
avez joué un peu dans la
politique municipale avec la
politique sur les arts. Est-ce
que c'est quelque chose qui vous
a déjà encouragée ou interpellée
à faire de la politique?
LINA PAYEUR
Je sais pas pourquoi, mais ça
fait plusieurs personnes qui
me disent ça, que je pourrais
aller en politique. Et non,
j'ai jamais pensé à ça. J'aime
travailler avec les politiciens
par contre et j'ai eu beaucoup
de plaisir à travailler avec
nos politiciens municipaux,
ainsi que ceux qui sont à
d'autres paliers. J'apprécie.
On a besoin d'eux tellement.
Mais non, je veux pas m'engager
dans la politique.
RACHEL DESAULNIERS
La Place des Arts de Hearst a
été inaugurée en 2010. L'idée,
c'est de réunir des groupes sous
un même toit. Qui sont les
agences, les associations qu'on
retrouve à la Place des Arts?
LINA PAYEUR
On a des locataires. Les
Chevaliers sont devenus
locataires, eux qui étaient
propriétaires avant. On a les
Filles d'Isabelle, qui ont un
local. Y a l'école publique
francophone aussi derrière,
temporairement, qui est ici.
Ils sont établis à Hearst
récemment. Et bien entendu le
Conseil des Arts, qui a une
programmation variée. Y a une
galerie d'art, une salle de
spectacle. Y a des salles de
rencontre avec cuisine ou...
dépendamment de l'activité.
RACHEL DESAULNIERS
Et les artistes de passage
qui viennent de l'extérieur
découvrent Hearst grâce à la
programmation du Conseil des
Arts. Racontez-nous un peu des
témoignages, des réactions. Les
artistes de passage réagissent
comment quand ils viennent
à Hearst?
LINA PAYEUR
Souvent, ils sont étonnés de
voir à quel point Hearst est
francophone, à quel point
justement y a des francophones
aussi loin dans l'Ontario. Ça,
c'est une des réactions qui est
assez courante. Puis y a
aussi... quelquefois, on
remarque des particularités de
Hearst, que c'est une ville qui
a beaucoup de camions. Y a un
camion à chaque maison. Ça, je
me souviens qu'on entendait
souvent cette remarque-là.
C'est ça. Des petites choses
comme ça. La motoneige beaucoup
ici. Oui.
RACHEL DESAULNIERS
Vous investissez beaucoup de
votre temps, de votre énergie,
de votre talent pour faire la
promotion des arts et la
culture dans la région de
Hearst. Et vous investissez
aussi votre argent. Parce que
vous offrez une bourse aux
festivals de musique, la bourse
Geneviève-Brisson, nommée pour
votre fille qui est décédée à
l'âge de 13 ans. Qui était
Geneviève? Parlez-nous d'elle.
LINA PAYEUR
Geneviève, c'était une
musicienne. Elle aimait beaucoup
la vie. Une épicurienne,
on peut dire.
C'était une fille toujours de
bonne humeur, pas compliquée du
tout. Rassembleuse. Très, très
aimante. C'est ce dont on
se souvient d'elle. Et elle
adorait jouer du piano. Et elle
jouait à l'école beaucoup,
pendant les récréations, même
vers la fin de sa vie. Et y a
une plaque sur le piano de
l'école, où elle était au moment
de son décès. Et ça dit quelque
chose comme: C'est toujours le
temps de chanter, parce que
c'est toujours le temps de la
joie. Quelque chose qui est
parfois lié.
Et... c'est tellement elle.
RACHEL DESAULNIERS
Parlez-nous du type de
maladie... Les gens dans la
région, c'est pas quelque chose
qui paraissait, on savait pas
qu'elle était malade,
Geneviève.
LINA PAYEUR
Non, y a beaucoup de gens de
l'entourage qui savaient pas
qu'elle était malade. Parce que
ça s'appelle la sclérose
tubéreuse, ce qu'elle avait. Et
les symptômes pour Geneviève,
c'était des crises d'épilepsie,
qu'elle faisait surtout la
nuit. Alors le jour, elle
fonctionnait à peu près comme
tout le monde. Sauf vers la
fin, là où y avait des épisodes
où... elle n'avait plus de
mémoire. Temporairement,
mais c'est comme ça qu'on a vu
que ça allait pas. Ça allait
vraiment pas.
RACHEL DESAULNIERS
En raison de la maladie de
Geneviève, vous avez dû voyager
énormément pour avoir les
soins. Que ce soit aller à
Timmins, à Sudbury ou à Toronto.
Vous, de votre point de vue,
d'avoir vécu cette
expérience-là, quel bilan
faites-vous des soins de santé
dans le Nord de l'Ontario?
LINA PAYEUR
Disons que... je veux dire,
le fait qu'on était éloignés
comme ça, ça a eu un gros
impact sur les conséquences de
sa maladie. Parce que, à trois
ans, on a eu le diagnostic de
ça. Et là, on nous avait
avertis que si Geneviève avait
des maux de tête et des
vomissements, c'était une
période de 24 heures pour
qu'elle obtienne les soins
nécessaires à Toronto. Alors
là, imaginez, c'est quand même
un gros stress pour des
parents, de savoir que si ces
symptômes-là se présentent, les
heures sont comptées. Et...
veux veux pas, c'est une maladie
inconnue. Alors l'hôpital de
Hearst, je veux dire... il
fallait qu'elle soit transférée
quand les problèmes se
présentaient. Alors c'est ça
qui fait que... on sait pas les
conséquences... Est-ce qu'elle
serait encore là si on avait
habité dans le sud ou pas? On
a aucune idée. Mais il reste que
les chances sont... sont
meilleures d'avoir des soins
à proximité, hein.
RACHEL DESAULNIERS
La perte d'un enfant, c'est un
défi pour la famille, les
parents. Vous avez vécu le
décès de quelle façon et la
suite après? Comment va la
famille maintenant?
LINA PAYEUR
La famille va bien. On est...
résilients, qu'ils disent. Oui.
Ça va bien. Geneviève était
tellement malade à la fin que
je t'avoue que... quand elle
est décédée, je me suis dit: Ça
devient mon problème maintenant.
Ce n'est plus le sien, c'est le
mien. Puis c'était un peu un
soulagement, ça, quelque part
de dire que je n'avais plus à
être témoin de ma fille qui
souffre. C'était mon problème.
Puis on apprécie les gens qui
sont avec nous aujourd'hui. Je
t'avoue qu'on a changé beaucoup
à partir de ce moment-là.
Y a une urgence de vivre qui
s'installe. Puis d'apprécier
tous les petits moments qui
s'offrent à nous quand on est
capable de le faire, c'est
très important, ça.
RACHEL DESAULNIERS
Vous avez perdu un membre de
la famille, mais vous avez fait
place à quelqu'un d'autre dans
votre famille. Vous vous êtes
tournée vers l'intégration
communautaire, à l'intégration
communautaire. Vous avez
rencontré Yvon. Parlez-nous
d'Yvon. C'est qui Yvon?
LINA PAYEUR
Quand Geneviève est partie,
moi, je vivais avec le fait que
la maladie existe puis elle est
dans notre maison. Puis c'est
ça la réalité. Quand elle est
partie, je me disais: Mon Dieu!
Je perdais tous mes repères.
Je me disais: Mon Dieu que la
vie... C'était pas réel pour
moi d'avoir tout le monde en
santé tout autour de moi.
Ou quand tout va très bien.
Alors j'ai vu Yvon à
l'intégration communautaire. Et
puis on s'est regardés puis je
me suis informée après. Il avait
personne, Yvon, dans sa vie.
Alentour.
RACHEL DESAULNIERS
C'est un homme
de quel âge environ?
LINA PAYEUR
Yvon, à ce moment-là... Là, il
a 62. Alors si tu recules de
18-19 ans. Sa famille était pas
autour. Ils habitaient assez loin.
RACHEL DESAULNIERS
Quelle condition est-ce
qu'il a?
LINA PAYEUR
Il est trisomique, Yvon.
Et c'est ça. Puis il a plusieurs
petits problèmes de santé aussi.
RACHEL DESAULNIERS
Vous l'avez adopté au sein
de la famille.
LINA PAYEUR
Oui. Je l'ai invité à venir,
et puis les dimanches, Yvon
venait chez nous. Il vient
encore, mais un petit peu moins
souvent, parce qu'il est un
peu plus vieux. Puis aussi, on a
plein de petits-enfants, puis
la maison est toujours pleine.
Mais Yvon fait partie de
la gang.
RACHEL DESAULNIERS
Si on fait le tour à Hearst,
entre autres, pour faire un
genre de sommaire, vous avez
votre université, vous avez vos
écoles, l'hôpital, des
commerçants, votre librairie, la
Place des Arts, le Salon du
livre. Vous avez même votre
distillerie avec le Loon Vodka.
Franchement, qu'est-ce qu'on
pourrait faire pour améliorer
Hearst?
LINA PAYEUR
Mon Dieu! Y a plein de
possibilités pour s'améliorer.
On peut toujours s'améliorer.
C'est clair que...
Diversifier l'économie,
c'est ça qu'on a besoin
à Hearst. Je crois que c'est
ça dont on a le plus besoin.
Ça reste pas à l'état primaire.
Qu'on pense à la transformation,
ou qu'on aille complètement
ailleurs, comme je le disais,
avec des écoles en art. Pourquoi
pas? Ça serait vraiment le fun.
RACHEL DESAULNIERS
Merci beaucoup, Lina Payeur.
LINA PAYEUR
Ça fait plaisir.
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