

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Vidéo transcription
Michel Lalonde, Garolou
C’était l’un des plus grands groupes des années 1970 et 1980. Garolou s’est fait connaître avec son folk progressif. Et une des voix derrière le groupe, c’était celle de Michel Lalonde.
Michel Lalonde fait toujours de la musique… en Saskatchewan maintenant. Et des projets d’avenir, il n’en manque pas.
Réalisateur: Alexandra Levert
Année de production: 2014
video_transcript_title-fr
Début générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Carte de visite
Fin formation à l'écran
Fin générique d'ouverture
On présente un extrait vidéo d'un spectacle du groupe Garolou. Cet extrait se poursuit alors que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, le chanteur MICHEL LALONDE. On continue d'entendre la musique en sourdine.
Début extrait vidéo
MICHEL LALONDE
(Chantant en spectacle)
♪ J'entends la chanson sereine
du rossignolet joli ♪♪
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était un des plus grands
groupes franco-canadiens des
années 70 et 80. 250 000 albums
vendus, des tournées au Québec,
au Canada, aux États-Unis et en
Europe. Garolou s'est fait
connaître pour sa musique folk.
Et une des voix derrière le
groupe, celle de Michel
Lalonde. Ce Franco-Ontarien
était là au début, en 1978. Il
était là quand le groupe s'est
dissout en 1983 et il était là
lors de retrouvailles en 2000,
Michel Lalonde fait toujours de
la musique. En Saskatchewan
maintenant. Et des projets
d'avenir, il n'en manque pas.
MICHEL LALONDE
(Chantant en spectacle)
♪ Il l'a prise par sa main
blanche
Au jardin l'a emmenée
J'entends la chanson sereine ♪♪
(Fin extrait vidéo)
(L'entrevue suivante se déroule dans la demeure de MICHEL LALONDE.)
GISÈLE QUENNEVILLE
Michel Lalonde, bonjour.
MICHEL LALONDE
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes né à Cornwall et
vous avez grandi juste à côté,
à Glen Robertson, un petit
village. Qu'est-ce qu'il y avait
à Glen Robertson à l'époque?
MICHEL LALONDE
Il y avait une centaine
de familles.
Surtout des familles qui étaient
venues, à l'origine, du Québec.
On était vraiment collé sur la
frontière. Mais... c'est ça.
Un petit village dont j'ai
beaucoup de très bons
souvenirs.
Tout le monde se connaissait,
c'était vraiment... Faut dire
qu'à l'époque où j'ai grandi
aussi, on n’était pas encore à
l'époque d'internet et tout ça.
Donc y avait vraiment une vie
communautaire. Je pense que ça
a beaucoup fait que un peu plus
tard, quand j'ai commencé à
faire de la musique, tout ça,
l'idée de travailler en gang,
d'avoir... de coopérer, tout ça,
c'était vraiment à la base de
ce que j'ai connu comme valeurs
jeune. Je pense que ça a eu
beaucoup d'influence sur ce que
j'ai fait plus tard.
GISÈLE QUENNEVILLE
Glen Robertson, c'est vraiment
juste sur la frontière entre
l'Ontario et le Québec. C'est
du côté ontarien. Est-ce que
vous vous sentiez Ontariens ou
Québécois?
MICHEL LALONDE
C'est ça, on se sentait
vraiment, je dirais, sur la
clôture. Même, à un moment
donné, j'en parle dans une des
chansons. C'est un peu
comme ça. C'est qu'on avait un
pied au Québec, un pied en
Ontario. C'est sûr qu'on se
sentait pas Québécois, parce
que je veux dire, on allait à
l'école en français, mais
c'était le curriculum ontarien.
Les plaques de voiture, nos
permis de conduire, tout ce qui
nous rappelait... tout ce qui
était officiel, c'était Ontario,
mais notre culture était
très québécoise, dans le sens
qu'on était à une heure de
Montréal, les gens chez nous
lisaient La Presse, écoutaient
beaucoup la télé, la radio de
Montréal à l'époque. Donc pour
nous... on suivait le Canadien,
évidemment, on n’était pas des
fans des Leafs. Il y avait toute
cette espèce de dichotomie,
je dirais, culturelle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'il y avait de la
musique, beaucoup de musique
chez vous en grandissant?
MICHEL LALONDE
Du côté de mon père, c'était
pas mal tous des musiciens. Mon
père chantait, évidemment. Moi,
j'ai commencé à chanter avec
mon frère à l'époque où on
allait chanter à l'église, parce
que mon père était
maître-chantre. Ça donnait un
« break » à ma mère aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous étiez combien
dans la famille?
MICHEL LALONDE
On était sept. Marc et moi, on
était les deux plus vieux.
Donc, on a commencé très jeunes
à chanter comme ça à l'église.
Et puis évidemment, nos voix
avaient pas encore mué à
l'époque, donc on chantait
avec les femmes; on chantait
les parties d'alto. Puis après
ça, quand on est devenus
adolescents, on est tombé sur
les ténors. Pas dans les
basses, j'ai jamais été dans
les basses. Mais c'est là que
j'ai appris vraiment, je pense,
les rudiments de la musique,
de l'harmonie, puis l'amour
aussi pour la musique
était beaucoup là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez commencé à faire des
spectacles assez jeune. Mis à
part la messe de minuit, vous
avez commencé assez jeune.
MICHEL LALONDE
Je pense qu'à 16 ans, je me
souviens, c'est les premières
fois que je suis monté sur une
scène. Surtout dans la
paroisse, des soirées
d'amateurs, des choses comme
ça. On avait un trio. Au tout
début, je me souviens avec mon
frère Marc et puis un autre
guitariste du coin. Nos
premières armes vraiment, c'est
à la salle paroissiale pour
des soirées communautaires. Par
après, évidemment, on a
commencé à jouer dans des
groupes pour jouer dans des
bars, des clubs les fins de
semaine, mais ça, ça a été
peut-être un an ou deux
plus tard.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourtant, vous vous êtes lancé
dans l'enseignement.
MICHEL LALONDE
D'abord moi, l'école, j'avais
aucune méthode de travail, mais
j'écoutais, j'étais attentif.
Pour moi, c'était un peu un
métier qui m'attirait à la
base. Puis je pense que le fait
que mon père avait été
enseignant aussi. On est un peu
influencé. Aussi peut-être le
fait que je savais pas trop
quoi faire. Donc, j'ai dit...
Alors j'ai fait mon cours
d'enseignant. Je pense que j'ai
enseigné à temps plein peut-être
trois ans. Puis les fins de
semaine, on jouait.
Éventuellement, j'ai dit:
pourquoi pas? Ma mère
comprenait pas trop, au début.
Puis mon frère Marc aussi était
enseignant. Les deux, on a
décidé d'abandonner ça, sachant
qu'on pouvait y revenir
éventuellement. On s'est dit
que pour un an ou deux, on va
suivre l'aventure de la
musique. C'est ce qu'on a fait.
On apprenait les chansons que
les gens entendaient à la
radio.
(Propos en anglais et en français)
On était ce qu'on
appelle aujourd'hui des cover
bands. On interprétait.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment vous avez formé
ce premier groupe?
MICHEL LALONDE
Il a eu tellement de
permutations, le groupe.
Un moment donné, à toutes les
deux semaines, on changeait de
noms. Mais c'était...
On est passé par toutes
les modes aussi.
Beaucoup en anglais évidemment,
parce qu'on faisait beaucoup de
chansons d'interprétation en
anglais à l'époque. Mais avec
mon frère, ça a été beaucoup
avec lui qu'on a fait les
premiers groupes. Ensuite, y a
eu un autre de nos copains,
Émile Lefebvre qu'il
s'appelait, qui venait de la
région d'Alexandria aussi,
qui était dans nos
premiers groupes.
Et puis, c'était le noyau un peu
de ce qui est devenu
Lougarou, puis Garolou puis
après. Mais y a eu quand même
une bonne période. D'ailleurs
en 70, c'est là qu'on a
rencontré Michel Deguire, qui
était le batteur du groupe
Garolou évidemment. Puis avec
lui, on a parti un groupe qui
était vraiment de
l'interprétation. Ça, c'est
avant, pré-Garolou aussi.
Donc, déjà là, on avait un bon
noyau de ce qu'allait devenir
ce groupe-là. Et puis, ça, ça a
été jusqu'à peu près en 72. à
ce moment-là, moi, j'ai décidé
de partir à l'aventure aussi.
On vivotait un peu avec les
groupes. Alors je suis allé
vivre dans les Maritimes; je
suis allé vivre à
l'Île-du-Prince-Édouard, puis
c'est là que j'ai commencé à
faire du théâtre pour enfants,
faire autre chose. Puis c'est là
qu'est vraiment né le vrai
projet de Garolou. Puis là,
j'ai rappelé mes chums avec qui
j'avais fait de la musique
avant, puis là, on a fait un
démo, puis on est parti à
l'aventure avec ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais Garolou, avant de
s'appeler Garolou, ça
s'appelait Lougarou.
MICHEL LALONDE
Oui, voilà.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, ça a pas marché.
MICHEL LALONDE
Bien, c'est-à-dire que...
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça a marché, mais le nom
a pas marché.
MICHEL LALONDE
C'est exactement ça.
C'est qu'il y avait une troupe
de danse qui s'appelait
L'ensemble folklorique les
loups-garous. Nous autres, dans
ce temps-là, on tripait
sur les légendes et tout ça,
puis on a pensé au loup-garou,
on a pensé que c'était un nom
qui se disait bien aussi en
anglais The Lougarou. Ça fait
qu'on a décidé de s'appeler
tout simplement Lougarou. On
l'a écourté; on a enlevé le P.
Tout ça pour dire que l'album
est sorti, puis là, on s'est
retrouvé avec une injonction.
Le matin du lancement de
l'album, on panique. Dans notre
entourage, on a pas eu le
choix, il a fallu changer de
nom. On préparait le 2e album.
C'était un peu traumatisant.
Puis là, c'était aussi des
discussions de comment on va
s'appeler maintenant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bien voilà. Comment vous êtes
arrivés... Ça me paraît simple,
ce que vous avez fait.
MICHEL LALONDE
Ça paraît simple, mais c'est
drôle, parce qu'il y avait des
discussions interminables. Y a
beaucoup de gens qui nous
suggéraient: appelez-vous
Garolou, Garolou...
Moi, je trouvais ça un peu... Je
sais pas, ça me disait pas
grand-chose vraiment. Je sais
pas pourquoi. Mais il y en
avait une couple d'autres dans
le groupe qui ont pensé: On
pourrait peut-être s'appeler
Lougarock. Hein?
GISÈLE QUENNEVILLE
(Sceptique)
Hum.
MICHEL LALONDE
Dans le fond, je suis content
qu'on ait choisi Garolou.
GISÈLE QUENNEVILLE
Moi aussi.
MICHEL LALONDE
On a voté et à ce moment-là,
c'est ça, y a eu un vote qui a
été pris puis c'est devenu
Garolou. Puis le 2e album est
sorti, puis après ça, ça a fait
un sujet de conversation.
(On présente un extrait vidéo d'un spectacle de Garolou.)
(Début extrait vidéo)
[Début information à l'écran]
« La complainte du maréchal Biron » 1978
MICHEL LALONDE
(Chantant en spectacle)
♪ Quand Biron rentra dans Paris
C'est pour jouer avec la reine
Arrête arrête
Charles Biron ♪♪
(Fin extrait vidéo)
(MICHEL LALONDE interprète en entrevue la même chanson que celle faite en spectacle.)
MICHEL LALONDE
♪ Tu vas coucher
dans les prisons
Va dire au roi
T'en souviens-tu
Quand nous étions
en promenade
Je t'ai sauvé la vie 3 fois
Sauve-la-moi donc une fois
Une fois
Une fois ♪
♪ Quand Biron rentra dans Paris
C'est pour jouer
Avec la reine
Arrête arrête
Charles Biron
Tu vas coucher
dans les prisons ♪♪
GISÈLE QUENNEVILLE
Michel Lalonde, Garolou,
c'était gros là. Il y avait des
milliers, voire même des
dizaines de milliers de gens à
vos spectacles. Y a eu des prix
Félix, des tournées un peu
partout. Est-ce que votre
succès vous a surpris?
MICHEL LALONDE
On l'a pas vu, dans le temps,
franchement. Nous, on suivait
le train. Dans le fond, on
voyait pas vraiment, je pense,
l'impact de ce qu'on faisait,
parce qu'on était préoccupés
par produire des nouveaux
albums, la tournée...
rentabiliser l'opération. Il y
avait plein de trucs dont il
fallait s'occuper. Puis je
dirais aussi, le simple fait
d'être en tournée, c'est quand
même un travail qui est très
accaparant. Mais c'est juste
par après, je dirais une fois
qu'on est sortis, qu'on s'est
rendu compte jusqu'à quel
point... Puis même aujourd'hui,
je rencontre encore des gens
qui me disent: Ah, j'ai écouté
ces albums-là. Mais faut dire
qu'on est arrivé à un moment
assez opportun. Y a une espèce
d'explosion, y a plein de
groupes qui arrivent en même
temps. Et il y a aussi le FM,
la radio FM, qui change.
À l'époque d'ailleurs, je me
souviens, j'habitais à Montréal
puis on se promenait dans le
métro puis on disait: C'est
quoi le nouveau FM québécois?
Parce qu'avant, CKOI, qui est
devenu un peu un fer de lance,
il s'appelait CKVL-FM. C'était
de la musique d'ascenseur.
C'était de la musique de
pépère, comprends-tu? Et là,
tout allait changer. Il y avait
eu CHOM, tout ça. Donc, il y
avait une espèce de vent de
changement aussi au niveau de
la diffusion. Donc eux, CKOI,
ils arrivent en ondes la même
semaine que notre album sort.
Alors là, tout à coup, on
entend nos chansons 5, 6 fois
par jour à la plus grosse radio
commerciale de Montréal.
Et puis, dans un sens, c'était
très organique, puis c'était
très frais. Ça nous a gardés
aiguisés. On prenait rien
pour acquis, on travaillait
fort. On a continué à
travailler en équipe, puis je
pense que ça nous a servi.
Quand les gens venaient nous
voir en show, ils avaient
toujours l'impression qu'ils
entendaient le disque. Puis
pour nous autres, c'était un
« must » que si on faisait quelque
chose en studio qu'on soit
capables de le rendre sur scène.
Puis ça, les gens s'en
rendaient compte. Je pense que
ça a toujours été quelque chose
qui est resté auprès de notre
public, c'est qu'ils avaient
l'impression qu'on approchait
ça avec une... On n’était pas là
juste parce que ça pognait.
On était là parce qu'on voulait
être bons. Puis ça a toujours
été une préoccupation avec la
gang du groupe. Puis je pense
que ça a contribué à l'impact
qu'on avait auprès de notre
public.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quoi ressemblait votre
processus de création
et d'écriture?
MICHEL LALONDE
Le nôtre était très différent,
c'est qu'on n’écrivait pas nos
chansons. Nous, ce qu'on
faisait, c'est qu'on prenait
vraiment des chansons du
terroir, à l'époque, et là, on
les retravaillait ensemble.
C'était presque, je dirais, une
espèce de création collective.
Un arrivait avec je sais pas,
moi, un couplet puis une
mélodie. Puis l'autre pensait
à une intro, on pensait à
moduler ça. Donc, il y avait
une approche qui était très
classique, je dirais presque...
orchestrale dans un sens, parce
que tout le monde ajoutait sa
couleur à une œuvre qui
existait déjà. Le processus
créatif, le fait de créer en
gang, puis de travailler en
gang, ça apportait une autre
dimension à ce qu'on a fait.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelles étaient vos influences
musicales? Parce que ce que
vous faisiez, ça se faisait pas
avant. Ça se faisait pas non
plus ailleurs.
MICHEL LALONDE
C'était sûrement pas la
Bottine souriante ou... je sais
pas Yves Albert ou des gens
comme ça qui ont chanté du
folklore, ou Louise Forestier
avant nous, c'était pas ça.
Parce que nous, on n’a pas écouté
cette musique-là.
Nous, on a écouté... Moi, j'ai
grandi avec les Beatles; je
suis un inconditionnel. Les
Stones, The Animals... toute
l'espèce d'école des groupes
britanniques des années 60,
début des années 70. Gentle
Giant, Pink Floyd... y en a
beaucoup. On baignait
là-dedans, parce que c'était
aussi notre époque; c'était ce
qui nous attirait. Il faut dire
que dans le groupe, il y avait
aussi le claviériste, Réginald,
qui lui avait fait l'école de
musique. Il avait fait beaucoup
de jazz, donc il apportait ces
couleurs un peu plus
progressives. C'était vraiment
du prog rock assis sur du
folklore. Il y avait vraiment
un travail créatif à ce
niveau-là qui était très
différent de ce que les autres
groupes faisaient. Mais notre
école, nos assises musicales,
c'était pas de la musique
traditionnelle, c'était de la
musique rock.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous aviez également, quand on
vous voyait sur scène, c'est un
peu ça, c'était... c'était les
cheveux longs, vous étiez des
produits de votre époque.
Puis on a tous une espèce d'idée
de c'était quoi, un « band » de
musique rock à cette époque-là.
Est-ce que c'était comme ça?
MICHEL LALONDE
C'était comme ça à plusieurs
niveaux, évidemment. Parce que
c'était l'époque aussi, je veux
dire, on était comme tout le
monde. C'était l'incertitude
toujours de savoir un peu... Tu
tournais, t'étais en tournée,
dans un mois, t'étais pas trop
sûr. Des fois, y avait des
choses qui s'ajoutaient à la
dernière minute. On était parti
des fois des mois de temps.
C'était pas toujours la gloire.
Souvent à 2 h du matin, tu
finissais le « show », puis les
bénévoles qui étaient là
pour aider avec l'équipement,
ils étaient saouls. Puis là, les
techniciens étaient en train de
monter le stock, ça fait qu'on
embarquait le
stock avec eux
autres. Mais en bout de ligne
aussi, y avait aussi beaucoup
d'ouvrage, beaucoup de sueur
aussi, beaucoup de temps passé
à travailler pour arriver
à un résultat.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez piqué ma curiosité.
Une bonne histoire de tournée,
ça ressemble à quoi?
MICHEL LALONDE
Je me souviens entre autres,
à Thetford-Mines, notre
guitariste qui était un peu à
part, qui aimait ça passer du
temps puis aller prendre une
marche le matin, méditer.
Il s'en va sur le bord de la
rivière, puis il s'assit puis
nous autres, on s'en va à
Québec. On part dans deux
véhicules. On arrive
là-bas: où est-ce qu'est
Gilles? Il est pas là. Il est
pas avec vous autres?
(Propos en anglais et en français)
Il prend l'autobus, il arrive
à 4 h 30, juste à temps pour le
sound check.
Des choses comme ça.
Il y en a eu quand même... Ou
chercher quelqu'un le matin. Le
gars qui était parti en fin de
soirée avec... il s'était
retrouvé avec quelqu'un, puis
le matin, on partait en
tournée, il fallait prendre
un traversier. Où est-ce qu'il
est? Où est-ce qui est Marc?
On le trouve pas. Frapper
aux maisons.
Des choses comme ça.
Mais y avait eu trop de
mésaventures qui nous ont causé
des ennuis, en tout cas, à long
terme. C'était toutes des
choses dont on pouvait rire un
peu plus tard.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous et votre frère, tous les
deux Franco-Ontariens, est-ce
que vous aviez l'impression
d'être un groupe
franco-ontarien? Est-ce que
vous vous voyiez comme ça?
MICHEL LALONDE
Quelle belle question.
Dans notre cas, c'est drôle,
parce qu'il y avait trois des
musiciens qui étaient
québécois, puis il y en avait
trois qui étaient ontariens,
à l'époque. On avait Bobby
Lalonde, qui était avec nous au
début. Donc, lorsqu'on était en
Ontario, tout le monde nous
prenait pour un groupe
franco-ontarien, puis lorsqu'on
était au Québec, on était un
groupe québécois.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous aviez le meilleur
des deux mondes.
MICHEL LALONDE
Dans le fond. Écoute...
De l'âge de 17 ans jusqu'à l'âge
de peut-être 24, 25 ans, avec
Garolou, on avait toujours
tourné au Québec. On avait
voyagé partout,
au Lac-Saint-Jean,
en Beauce, en Gaspésie... Donc
on connaissait beaucoup le
Québec. Puis pour nous, la
référence culturelle était pas
difficile à trouver. On se
sentait pas dépaysé. On
n’arrivait pas comme des gens
qui se sentaient... comme un
poisson hors de l'eau. Mais en
même temps, notre accent était
pas le même. Je pense que notre
philosophie, notre façon de voir
les choses étaient pas
pareilles. Ça fait qu'on vivait
vraiment cette espèce de
dualité-là. Puis je pense
qu'elle nous a peut-être nui
dans un sens. On n’a jamais été
perçu comme un groupe vraiment
québécois. Lorsqu'on parle de
toute cette époque-là, on va
parler d'Offenbach, on va
parler de Beau Dommage, on va
parler de... d'Harmonium.
On va parler d'Octobre. On parle
rarement de Garolou. On a
toujours été perçu un peu de
façon différente.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que ça vous est déjà
passé par la tête, à l'époque,
de faire carrière en anglais?
MICHEL LALONDE
C'est encore un dilemme auquel
je fais face. Je me dis: je
suis pas mal parfaitement
bilingue, puis j'écris en
anglais. Mais on dirait que si
je voulais faire une carrière en
anglais, il me semblait qu'il
faudrait que je me redéfinisse
comme un auteur-compositeur
anglais. Pour moi.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Acquiesçant)
Hum, hum.
MICHEL LALONDE
Et puis, l'exercice, je le
fais quand même, parce que je
continue, de temps en temps y a
une chanson qui va sortir en
anglais. Je me suis jamais
vraiment arrêté à me dire:
OK là, je vais faire un effort.
Les prochains 6 mois, je vais
travailler ça. Puis même avec
le groupe, à l'époque, on a
toujours pensé que c'était
possible pour nous de voyager
puis faire notre musique, comme
je le pense aujourd'hui, puis
de chanter dans ma langue,
qui est le français. Moi, c'est
toujours un peu comme ça que je
le vis aujourd'hui, puis à
l'époque, c'était comme ça
aussi. Souvent, les gens de mon
âge, parce que je suis un
baby-boomer, on a tous les
défauts collés dans le front.
On veut plus décoller, on veut
plus laisser notre place aux
jeunes, on a tout eu... En tout
cas. Ça fait que j'ai décidé, à
un moment donné, que j'étais
pour faire une chanson pour
raconter un peu l'histoire de
ce que c'était d'être un
baby-boomer aujourd'hui.
Voilà ce que c'est.
(MICHEL LALONDE interprète une chanson.)
MICHEL LALONDE
♪ Y a plus rien à comprendre
Plus de promesses à expliquer
Plus de partis à défendre
Et toutes les cartes sont jouées
Et mon coeur qui fait boum
pour un bourgeon au printemps
Tout retourne
Boum baby boum
Y a le soleil qui dévore
les neiges qu'on croyait
éternelles
Et les enfants qui découvrent
que leur père a foutu le bordel
Et mon âme qui fait boum
sous le poids de cette planète
Tout retourne
Boum baby boum ♪♪
GISÈLE QUENNEVILLE
Michel, Garolou, ça a fini en
1983. Ça a repris à quelques
reprises depuis, mais ça a fini
en 83. Pourquoi? Qu'est-ce qui
a mené à ça?
MICHEL LALONDE
La raison pour laquelle le
groupe, finalement, a pris une
longue pause, parce qu’après
ça, on s'est retrouvé, comme on
l'a souligné, c'était qu'en 83,
y a eu toutes sortes de choses
qui se sont passées.
D'ailleurs, tout le monde du
disque a commencé à être
perturbé. Il y avait des
multinationales qui achetaient
d'autres multinationales, des
compagnies qui fermaient. Notre
étiquette de disque, à l'époque,
on était chez London et ensuite
Québec-disque... Il y a eu
plein de changements. On se
rendait compte aussi, ça faisait
peut-être un an ou deux, on
tournait dans les mêmes salles,
on avait l'impression de
tourner en rond, on avait
l'impression d'arriver à un
certain plafonnement. Et puis
ça a jamais vraiment débloqué
en France. Ce qui a fait qu'à un
moment donné, on s'est dit: On
va prendre une pause. On prend
une pause. Puis on a pris une
longue pause. On s'est retrouvé
dix ans plus tard à La nuit sur
l'étang pour le 20e
anniversaire de La nuit sur
l'étang. À ce moment-là, ça
faisait dix ans qu'on n’avait pas
joué ensemble. Ça fait que là,
on y a repris goût. Puis là,
c'est Paul Tanguay qui nous
avait pris sous son aile. Il
dit: on va monter une tournée,
puis tout ça. C'est parti
vraiment autour de cet
événement-là, en Ontario, qui
nous a un peu relancés sur
l'idée de faire des « shows ».
Pendant quelques étés, on a fait
des « shows ». Puis encore une fois,
y a jamais eu vraiment de
développement qui est allé plus
loin que ça. Ça a été le fun.
Ça a été le fun de se
retrouver, de retrouver notre
public, mais à un moment donné,
on a fait un album. Puis
l'album aussi, ça a été... Je
pense que la formule de son
ne concordait plus à l'époque.
Y a eu une espèce de raison qui
a fait qu'on s'est dit: bon
bien, on va arrêter. Écoute, le
groupe est pas mort. C'est pas
dit qu'on se retrouvera pas à un
moment donné pour faire des
retrouvailles. C'est quelque
chose qu'on s'est dit: on verra
bien. Mais entre-temps,
tous les gars du groupe sont
partis, je pense, avec une
impression qu'on était
satisfaits de ce qu'on avait
fait, puis contents aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc pas de regret,
pas d'amertume de ce côté-là?
MICHEL LALONDE
Pas vraiment.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous avez fait
une carrière solo après ça.
MICHEL LALONDE
Bien en 83, 84, justement,
après ça, j'ai fait un album. Et
puis l'album a marché plus ou
moins. Y a eu des chansons qui
ont tourné quand même. Mais
encore une fois, on est à une
époque où toute l'industrie du
disque est vraiment en péril,
dans le fond. Moi, pendant un an
ou deux, j'ai tourné, je
faisais des « shows » en solo.
J'ai continué un peu à rouler ma
bosse, de sorte qu'à un moment
donné, j'ai dit: je vais faire
autre chose. Et c'est là que
j'ai décidé de venir dans
l'Ouest.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais pourquoi la Saskatchewan?
MICHEL LALONDE
Parce que j'avais rencontré
une femme en Saskatchewan
lors d'un de mes passages.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est toujours de même, hein.
MICHEL LALONDE
Je suis revenu pour une
visite, puis y avait un poste
d'artiste en résidence. Je me
suis dit: qu'est-ce que ça fait,
un artiste en résidence?
GISÈLE QUENNEVILLE
Ouais.
MICHEL LALONDE
Je suis allé travailler dans
la communauté de Prince-Albert
pendant un an. Là, j'ai monté
une comédie musicale avec les
jeunes. J'ai, dans le fond, fait
profiter de mon expérience à
d'autres. Aussi, j'avais du
temps pour écrire. Je me suis
remis un peu plus sérieusement
à explorer ce que je voulais
faire comme artiste. C'est de
là que c'est parti, puis par
après, j'ai été un an à
Gravelbourg, au Collège Mathieu,
où j'ai continué à faire du
coaching. Là, c'est un côté de,
je dirais, de ma vie
artistique que j'ai commencé
à développer. Parce que avant de
venir dans l'Ouest, j'avais
vraiment pas... J'étais pas
conscient de ce que j'avais
sous la ceinture comme métier.
Une fois arrivé ici, les gens
m'ont dit: ça te tenterait pas
de diriger un « show », de faire du
coaching, de faire ci et ça? Et
j'avais jamais pensé le faire.
C'est là que mes espèces de
réflexes d'enseignant sont
revenus.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui.
MICHEL LALONDE
Et ça m'a laissé découvrir une
autre facette de ce que j'avais
à partager comme artiste.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et les jeunes que vous
coachez, est-ce qu'ils se
rendent compte de c'est qui,
le coach?
MICHEL LALONDE
À l'époque oui, il y a 15-20
ans, peut-être plus. Maintenant,
c'est un souvenir plus lointain.
On dirait qu'il y a juste moi
qui vieillis pas. Mais
maintenant c'est beaucoup
plus, je rencontre des gens: ah
oui, quand j'étais jeune, mes
parents écoutaient ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait chaud au cœur, hein?
MICHEL LALONDE
C'est ça. J'ai vu les disques
de ma grande sœur, qui est 10
ans plus vieille que moi.
Enfin, c'était des choses
comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez dit tout à l'heure
que l'industrie a beaucoup
changé dans les années 80.
Et je pense que depuis ce
temps-là, ça a aussi beaucoup,
beaucoup changé. Quand vous
êtes avec les jeunes artistes,
qu'est-ce que vous leur donnez
comme conseils aujourd'hui?
MICHEL LALONDE
C'est sûr que je pense que
moi, je reviens à la base. C'est
important de faire ses classes,
monter sur scène. Je trouve
qu'aujourd'hui, y a beaucoup
d'artistes... Ce que j'admire
beaucoup, c'est leur culot,
c'est leur confiance en soi. Ils
vont arriver puis ils
connaissent deux accords, ils
vont monter sur une scène puis
ils vont jouer pareil.
Ils vont s'exécuter puis ils
vont s'exprimer. Puis parfois,
y a des gens qui ont beaucoup
de génie, d'autres gens qui
auront peut-être, selon moi...
GISÈLE QUENNEVILLE
Un peu moins.
MICHEL LALONDE
Qui pourraient gagner à faire
ce qu'on a fait, nous, à
l'époque, qui était d'avoir
à bûcher puis apprendre
le répertoire.
Je trouve qu'il manque un
petit peu. Souvent, aux jeunes,
le leur dis ça, c'est que...
apprenez, passez du temps à
perfectionner ce que vous
faites, à vous réécouter,
à voir si ce que vous faites,
ça ressemble à quelque chose
d'autre ou si c'est différent.
Dans le fond, c'est de trouver
la façon de se mesurer. Pour
moi, à l'époque, la façon dont
on se mesurait, c'est lorsqu'on
montait sur scène, les gens
venaient nous dire: hé, telle
ou telle chanson que vous
faites, c'est exactement comme
on l'entend à la radio. C'était
un peu ça la mesure qu'on
avait. On savait qu'on était
arrivé à un certain niveau.
C'est un peu comme un pianiste
classique que son professeur
dit: écoute, là, t'es à tel
niveau. Je trouve que c'est ça
qui manque un peu aujourd'hui
au niveau des jeunes. C'est que
c'est pas l'occasion de créer.
Ils ont tellement d'outils,
tellement d'occasions. C'est
souvent le
« feed-back » ou la façon
de se mesurer qui leur manque.
C'est un peu ça que j'essaie un
peu de leur donner. C'est une
façon de se voir, de se
regarder puis de peut-être
écouter d'autres choses. Sortir
de leur zone de confort. De pas
juste penser que parce qu'ils
ont une façon de faire quelque
chose, que c'est nécessairement
la seule ou la bonne.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Acquiesçant)
Hum, hum.
MICHEL LALONDE
Puis ça, écoute, tout le monde
découvre son chemin.
GISÈLE QUENNEVILLE
Garolou, est-ce que
c'est fini?
MICHEL LALONDE
Écoute, je pense pas que c'est
fini, dans le sens qu'on est
tous vivants. Tant qu'on est
tous vivants...
Mais y a pas un désir brûlant
non plus de remonter sur
scène. Moi, je vais avouer que
personnellement, j'aimerais ça
me retrouver puis m'asseoir avec
mes vieux chums puis faire un
« show » de Garolou. Mais ça, c'est
vraiment un fantasme plus
personnel.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Acquiesçant)
Hum, hum.
MICHEL LALONDE
Ça veut pas dire que ça pourra
pas arriver dans le contexte
peut-être d'une participation
à un autre show, quelque chose.
Mais pour le moment, on va dire
que ça dort de son sommeil.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait quoi, 20 ans, 25 ans,
que vous êtes en Saskatchewan
maintenant?
MICHEL LALONDE
Oui. J'étais venu pour un an.
C'est drôle, hein.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est toujours comme ça
que ça marche, hein.
Êtes-vous ici pour rester
ou vous avez d'autres projets
en tête?
MICHEL LALONDE
Écoute, moi, comme toujours,
les hivers commencent à me peser
un peu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ha! Ha! Ha!
MICHEL LALONDE
J'aime beaucoup les gens,
j'aime beaucoup la communauté.
L'eau me manque aussi, parce que
j'ai vécu quand même quelques
années à
l'île-du-Prince-Édouard, au
tout début de Lougarou. C'est
là qu'on a fait nos premiers
démos, tout ça. J'ai vécu à
Québec, le fleuve et tout ça...
Je dirais qu'éventuellement,
j'aimerais ça me retrouver
où il y a de l'eau, puis
les hivers, une place un peu
plus chaude. Ça fait que c'est
sûr que Saskatchewan c'est...
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est pas la place pour vous.
MICHEL LALONDE
C'est pas les deux mêmes
critères que je recherche.
Mais en même temps,
je suis bien ici. Je pense pas
que je vais mourir ici. En tout
cas, je le sais pas. Mais en
même temps, je suis venu ici
sans compter les années, puis
ça a passé très vite. Je me suis
fait beaucoup de bons amis.
Je me suis réalisé beaucoup
aussi. J'ai eu la chance de
faire beaucoup de choses.
Donc vraiment, pour moi ça a
été vraiment, je dirais, une
terre très fertile.
GISÈLE QUENNEVILLE
Michel Lalonde,
merci beaucoup.
MICHEL LALONDE
Ça me fait plaisir.
(Générique de fermeture)
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