Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Mavis Arnaud Frugé : cofondatrice, Centre communautaire NUNU (Louisiane)
Mavis Arnaud Frugé, 77 ans, est une descendante directe de Jacques Arnaud, un Français qui arriva en Louisiane en 1805. Aujourd’hui, Madame Frugé tente par tous les moyens de faire revivre la langue française dans son coin de pays.
Le petit village d’Arnaudville en Louisiane fut d’ailleurs fondé par lui, et elle l’habite toujours.
Enfant, lorsqu´elle est entrée à l´école, Mavis était unilingue française. Comme tous ses amis. Ses grands-parents aussi étaient unilingues français et l´ont été toute leur vie.
Réalisateur: Linda Godin
Année de production: 2015
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Titre :
Carte de visite
Des images de Arnaudville défilent pendant la présentation de MAVIS ARNAUD FRUGÉ, cofondatrice du Centre communautaire Nunu.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Arnaudville est un village de
1500 habitants situé au coeur de
la Louisiane sur le Bayou Teche.
Ici, on est en pays cadien.
35% de la population parle
encore français.
Le village a été fondé par
un Français, Jacques Arnaud,
en 1805. Et les Arnaud y sont
toujours, plus de 200 ans
plus tard.
Mavis Arnaud Frugé est en
quelque sorte la marraine
du village. Elle est une rassembleuse
et une organisatrice.
Elle tente par tous les moyens
de faire vivre la langue
française dans le Sud des
États-Unis. Et quand Mavis
demande un service, on est
incapable de lui dire non.
Dans le centre communautaire Nunu, GISÈLE QUENNEVILLE converse avec MAVIS ARNAUD FRUGÉ.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mavis Arnaud Frugé, bonjour.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Bonjour, Gisèle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mavis, votre nom de famille,
Arnaud, ressemble drôlement
à votre village, Arnaudville.
Il y a un lien entre les deux?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, tout à fait.
C'était trois frères français
qui sont venus d'une petite
ville qui s'appelle Jausiers.
GISÈLE QUENNEVILLE
En France?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
En France, oui, le sud-est
de la France. Et puis, qui sont
venus ici en 1825. Et la famille
a donné un terrain de terres
pour construire la première
chapelle catholique. Plus tard,
ils ont donné cet honneur
de choisir le nom de la ville,
qui était La Jonction,
ils ont choisi Arnaudville.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y a toujours eu
des Arnaud à Arnaudville?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui. Yes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous êtes
quelle génération?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Je suis la septième.
GISÈLE QUENNEVILLE
La septième génération. Vous
êtes née ici, vous avez grand
ici: à quoi ressemblait Arnaudville
quand vous étiez petite?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
À une petite ville en pleine
campagne avec... Ça a pas
tellement changé beaucoup. Sauf
qu'on avait une école catholique
qui n'existe plus. C'est toujours
une petite ville de campagne,
on n'a pas de McDo,
il y a pas de Walmart. C'est des
petits restaurants des familles
d'ici. Le supermarché,
c'est une famille d'ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et la population, c'est
combien de monde ici?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Ici, dans les limites de la
ville, c'est 1500, et à peu près
autant en dehors des limites
de la ville.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, en grandissant, vous
avez toujours parlé français?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
C'était ma première langue,
oui. Et mes grands-parents
ne parlaient que le français. On
n'a pas appris d'un livre, alors
on fait beaucoup de fautes de
français. Mais c'est les nôtres!
On dit... Si tu demandes à une
femme pour "sécher", to dry,
elle va te dire "chésser".
Transpose. Et c'est comme ça.
On l'a appris. Si on disait
quelque chose qui était pas
bien, on l'aurait eu comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous l'avez appris comme ça.
C'est ça. Est-ce que vous l'avez
appris donc à la maison?
Est-ce que vous avez appris
du français à l'école?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, en high school. En
high school, oui. Mais pour
la plupart, le français qu'on
a appris, c'était avec les
parents, les grands-parents,
et tout le voisinage
parlait la même chose.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous
savez écrire en français?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Maintenant, un petit peu.
Mais avec beaucoup d'erreurs.
(En riant)
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce qu'on faisait à
Arnaudville? C'était quoi
l'activité économique ici?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Les fermes. Les fermes.
Mon papa était un fermier et
il faisait l'élevage du coton,
du maïs et des patates douces.
Et tout alentour du voisinage où
j'habitais, c'était ça. C'était
ça les récoltes. Et c'était
la même vie pour tous.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez épousé
un francophone?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
J'ai épousé mon beau de quand
j'avais 16 ans qui habitait à
deux minutes de chez nous, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vos filles
parlent français? Oh oh...
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Fallait pas me faire
cette question.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oh, excusez-moi.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Mon mari et moi, on se parlait
en français quand on ne voulait
pas que les enfants comprennent.
Alors, ils comprennent beaucoup,
mais dire qu'ils pourraient
vraiment faire une conversation
avec vous, c'est pas trop facile.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous devez trouver
ça difficile.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, et ça fait du mal à
mon coeur, parce que quand
j'ai réalisé... J'ai encouragé les
petits-enfants à apprendre.
Alors, j'en ai un qui a 24 ans,
il parle très bien français. Il a même
fait un été à Sainte-Anne en
Nouvelle-Écosse et je suis très
fière de ça. Et une petite
fille, enfin deux, qui parlent
français. Ça fait que
je suis contente.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et pourquoi vous êtes revenue
à Arnaudville après avoir
déménagé et vécu un peu partout
dans le monde? Qu'est-ce
qui vous a ramenée ici?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
La famille, la culture.
Tout ce qui était nos
traditions, ça me manquait.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et quand vous êtes revenue,
est-ce qu'on parlait autant
français à Arnaudville que
quand vous étiez petite?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Non. Non, on ne parlait
pas autant, mais...
Si je parlais à quelqu'un
en français, il me répondait
en anglais, et ça me prenait
plusieurs fois en français
pour lui faire savoir que...
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous vouliez parler en français.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, exact. Oui, c'est ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que c'était difficile
de convaincre les gens de
vous parler en français?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Tu sais qu'on a été...
How do you say, to be
put down. C'était...
GISÈLE QUENNEVILLE
Abaissés?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Abaissés. Des "stupides",
des "bêtes", des...
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, vous avez vécu ça
dans votre jeunesse.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui. Pas dans ma famille, les
membres de ma famille, parce que
mes parents étaient fiers de qui
ils étaient. Ils étaient
capables de parler le français.
On n'a jamais été punis chez nous.
On était toujours encouragés
pour parler notre langue. Mais
il y a des personnes qui avaient
été punies et par rapport à ça,
ils sont pas fiers de parler
français. Et ça a pris du temps
comme ici, comme je fais
le matin de français...
On pouvait parler à l'entier
pour rejoindre des étrangers qui
viennent faire des interviews.
Ça, c'était pas facile au début,
quand j'ai commencé à faire ça,
dix ans passés pour convaincre
les gens de la ville que notre
français, avec toutes ses
erreurs, c'est le nôtre. C'est
notre héritage. Et il faut
pas l'oublier.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous dites que vous avez été,
pas vous, mais les gens, les
Cadiens de votre époque, ont été
punis pour avoir parlé français.
Punis de quelle façon?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
De quelle façon? Il y en a
qui avaient été frappés sur les
doigts avec... with the ruler,
par la maîtresse. Ou écrire
des lignes. Même, il y a
un chanteur qui s'appelle Hadley
Castille: "I must not speak
French on the school ground."
200 lignes, il a eu pour
l'écrire 200 fois. "Il faut
pas que je parle en français
à l'école." "I must not."
Comment... les gens ont pu... ne
pas se révolter contre ça?
Moi, ça me...
It amazes me that they
allowed this to happen to us.
C'était: "Oh, you speak a
foreign language." Non!
C'est pas foreign language
pour nous autres, c'est...
GISÈLE QUENNEVILLE
Parce que ça a été
interdit dans les écoles.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Yes. For a time. Jusque
dans les années... 68?
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum hum. Vous avez voyagé
un peu partout dans le monde.
Comment vous, vous avez réussi
à garder votre français?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Parce que je l'aime.
GISÈLE QUENNEVILLE se trouve à l'extérieur avec MAVIS ARNAUD FRUGÉ et une dame nommée RITA.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, mesdames, si je
comprends bien, ici à
Arnaudville, on est presque
sur la frontière entre le pays
cadien et le pays créole.
Est-ce que c'est ça, Mavis?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, c'est mêlé tous les deux.
GISÈLE QUENNEVILLE
OK. Et Rita, vous,
vous êtes créole?
RITA
Créole.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous parlez créole?
RITA
Créole et cajun.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et c'est quoi la différence?
RITA
C'est une grande différence.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui?
RITA
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que quand vous parlez
à Mavis, vous parlez en cadien?
RITA
Cajun. Mais quand je vais à
Cecilia, 7 miles de l'autre
bord de la--
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est pas loin Cecilia,
c'est juste là-bas.
RITA
Dès que j'arrive à Cecilia,
mon créole revient right back.
Je parle créole là-bas.
Mais quand je viens à
Arnaudville, c'est cajun.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, c'est quoi le créole?
Pouvez-vous me parler un petit
peu en créole pour
que je l'entende?
RITA
Comme, je vais dire:
« J'ai été à Arnaudville. »
et créole c'est :
« M'a courir Arnaudville. »
« M'a aller courir à Lafayette.
Mon nom c'est Rita. Et moi
été à l'école à Cécilia. »
GISÈLE QUENNEVILLE
OK. Est-ce qu'il y
a beaucoup de gens avec qui vous
parlez encore créole à Cecilia?
RITA
En créole, Cecilia,
c'est tout créole.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que tous les gens de
Cecilia qui parlent créole
parlent également le cadien?
RITA
Euh... Non, pas trop.
C'est plus le créole.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous, Mavis, est-ce que
vous arrivez à comprendre
le créole?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, je comprends assez bien,
oui. Pour moi, c'est je pense
parce que je l'ai entendu
toute ma vie aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'il y a des jeunes
personnes qui parlent
encore le créole?
RITA
Oh oui. Il y en a qui
parlent le créole, à Cecilia.
On revient au centre communautaire Nunu avec MAVIES ARNAUD FRUGÉ.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mavis, nous sommes au centre
NUNU en ce moment à Arnaudville.
C'est un centre que vous avez
aidé à mettre sur pied il y a
une dizaine d'années.
Qu'est-ce qu'on fait ici?
GISÈLE QUENNEVILLE
On fait toutes sortes
de belles et bonnes choses.
Ma préférée, c'est de faire
ma table de français
une fois par mois.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est quoi une table de français?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Une table de français... Les
tables de français ont commencé
dans un restaurant à Lafayette.
C'est: si tu t'assieds
à cette table, de 7h à 8h le mardi matin,
c'est que le français qui est parlé
à la table. Mais ici, on le fait
tout le matin. On commence à
9h30 et ça dure jusqu'à midi,
des fois plus tard. Et je vais
choisir un thème, et un de mes
préférés, c'était le matin où on
a parlé de l'amour. Ça donne des
bonnes histoires. Ça fait que
chaque personne raconte comment
il est tombé en amour, comment
il a demandé au père de la fille
sa main en mariage.
Des choses comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors vous faites des tables
françaises ici, et quoi d'autre?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Ici, on fait le troisième
vendredi du mois, on fait potluck.
Chaque personne qui
vient apporte un plat pour
partager avec les voisins
et tous ceux qui sont ici,
et il y a des musiciens
qui vont jouer gratuitement. Il
y a des gens qui veulent danser,
on danse. Il y en a qui aiment
le line dancing, ils vont
nous montrer comment faire
le line dancing.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je vois des oeuvres d'art...
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Beaucoup!
GISÈLE QUENNEVILLE
Et des articles qui, je pense,
ont été confectionnés ici. Alors
il y a des gens qui viennent ici
faire de l'art, ou vous
exposez? C'est une galerie?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
C'est a collective.
It's like an artisan coop.
GISÈLE QUENNEVILLE
Une coopérative.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
C'est comme vous voyez,
de tout. Mais parfois, ils vont
donner des cours de... Celle qui
va décorer, elle va prendre
des vieux vêtements et elle va
améliorer de quelque façon.
Alors, elle va nous montrer
comment faire, changer un petit
peu, ajouter de la broderie,
des petites perles, ou
des choses comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Dites-moi, ça veut dire quoi
NUNU? Ça vient d'où ce mot-là?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
NUNU, c'était le petit nom du
père de George Marks, le jeune
artiste qui a réellement
commencé. C'était son atelier
au début. Le nom de son père,
c'était Elridge Marks, mais tous
les gens, tous les voisins
l'appelaient Nunu. Pourquoi?
I don't know. Mais comme on
appelle, c'était un petit nom.
Et juste après que George soit
retourné à Arnaudville, son père
est décédé. Alors, il l'a nommé
en l'honneur de son père.
GISÈLE QUENNEVILLE
En quoi ce centre-ci, ce
centre culturel communautaire,
a changé la ville d'Arnaudville?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Tout à fait! On avait un artiste,
Vincent Darby, qui est bien connu,
qui a un atelier dans Arnaudville.
Mais pour dire on avait
des soirées de potluck, des
soirées de musique, des soirées
avec quelqu'un qui va venir
présenter de la poésie:
on n'avait rien comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, vous avez découvert
des talents locaux,
des talents d'ici?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Tout à fait! Comme, on savait
que Larry Bourque était un
charpentier. On ne savait pas
qu'il pouvait découper une
armoire avec ces beaux oiseaux,
et c'est incroyable
le talent qu'il a.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment vous financez
vos activités?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Cette place n'existe
qu'avec des bénévoles.
Si moi, j'ai... Comme moi, je
peux faire la table de français,
j'amène le café, j'amène le
sucre, j'amène le lait, j'amène
les serviettes en papier,
j'amène les tasses: c'est mon
projet. Alors, si tu veux faire
quelque chose, c'est le tien.
GISÈLE QUENNEVILLE
S'il n'y avait pas NUNU
à Arnaudville, Arnaudville
ressemblerait à quoi?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Je peux pas le penser.
Ça serait... Nul.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça fait dix ans que ça existe
maintenant. Qu'est-ce que NUNU
vous a apporté à vous, Mavis?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
C'était juste après le décès
de mon mari. Il y a quelqu'un
qui m'a dit: "Tu sais que George
Marks est revenu à Arnaudville."
Moi, j'avais travaillé dans les
banques et j'avais un bureau ici
à Arnaudville, et George,
c'était un de mes clients.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, c'est le cofondateur de NUNU?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Il était installé dans une
ancienne station d'essence.
C'était ça, son premier
atelier, le premier atelier à Arnaudville.
Dans cette bâtisse, j'ai dit:
est-ce que tu me laisserais faire
un matin en français?
"Tu penses que ça marcherait?"
J'ai dit oui. "Pourquoi tu crois que ça
marcherait? Parce que les
gens aiment pas trop parler
français." J'ai dit: Oui, ça
va marcher, parce que ça les
intéresse un peu et je vais les
appâter. "Qu'est-ce que tu veux
dire, les appâter?"
I will offer free coffee and beignets.
Like, Café Du Monde Beignets,
de New Orleans. J'ai commencé
dans le mois de juin et à
un moment donné, George, il
m'attrape le bras, il me secoue
et il dit: "Je sors, compté
125 personnes qui sont là
pour parler français!"
GISÈLE QUENNEVILLE
Aviez-vous assez de beignets?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui!
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui!
(En riant)
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui! Oui, et ça... J'ai pas
125 qui viennent tous les mois,
mais le mois passé, il y
en avait 75. Oui, ça
marche très bien.
(Toujours dans le centre communautaire Nunu, GISÈLE QUENNEVILLE s'entretient avec MAVIS et GEORGE MARKS, fondateurs du centre.)
GISÈLE QUENNEVILLE
(Propos traduits de l'anglais)
Je suis avec les fondateurs du
Centre Nunu, Mavis et George.
Tout ce que je peux dire
c'est que vous êtes un couple
atypique...
Comment avec-vous créé
le Centre Nunu ensemble?
GEORGE MARKS
(Propos traduits de l'anglais)
Quand je suis revenu
à Arnaudville, il y a 12 ans,
je devais changer les choses
pour pouvoir y vivre.
Plusieurs choses avaient disparu.
Des entreprises avaient
fermé boutique.
Je trouvais qu'on pouvait
mettre à profit les atouts
culturels existants.
Et Nunu est né.
Nous avons utilisé les
ressources culturelles
et créé une plateforme
pour les gens d'ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Propos traduits de l'anglais)
D'où vient le nom?
GEORGE MARKS
(Propos traduits de l'anglais)
Nunun est le surnom de mon
père. Le centre portait
un autre nom, mais tout
le monde l'appelait Nunu.
Après l'incendie du premier
centre, nous avons eu
une campagne sur l'image
de marque et la conclusion;
il faut que le centre s'appelle
Nunu. C'est écrit dans le ciel.
GISÈLE QUENNEVILLE
(Propos traduits de l'anglais)
Après 10 ans, êtes-vous
surpris de votre succès?
GEORGE MARKS
(Propos traduits de l'anglais)
Nous sommes époustouflés
par le succès du centre.
Les gens continuent à venir.
Le réflexe des gens,
de dire que ceci ne peut
se produire dans un petit
village, doit disparaître.
C'est possible, en s'appuyant
sur des personnes comme Mavis.
GISÈLE QUENNEVILLE
(En s'adressant à MAVIS)
(Propos traduits de l'anglais)
Et vous, êtes-vous surprise
du succès du centre?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
(Propos traduits de l'anglais)
C'est tout à fait incroyable!
Ç'a changé le visage de cette
communauté.
GEORGE MARKS
(Propos traduits de l'anglais)
C'est un endroit sécuritaire
pour les artistes de montrer
leur art et pour les francophones
de parler français,
sans en avoir honte ou
être ridiculisés.
Nunu est la somme de tout ça.
GISÈLE QUENNEVILLE se trouve devant le centre avec MAVIS ARNAUD FRUGÉ et deux bénévoles du Centre Nunu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mavis, ici au centre NUNU,
vous vous fiez beaucoup sur
des bénévoles, n'est-ce pas?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, tout à fait. C'est
comme ça qu'on existe. C'est du
soutien très, très fort ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, on est ici avec deux
bénévoles du centre NUNU.
Alors, Jimmy, qu'est-ce
que vous venez faire ici?
JIMMY
Les autres viennent de temps
en temps pour causer français
avec le monde alentour et
visiter avec notre beau
"padna", faire des soupers
et des choses comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
OK. Eric, et vous?
ERIK
Même affaire. Je viens
d'Arnaudville. Je reste à
Lafayette, mais je viens
d'Arnaudville. Ça fait que
j'aime venir ici parce que je
connais un tas de monde ici.
Et puis, c'est bon de pratiquer
le français parce que c'est
un peu dur. J'avais l'habitude
de parler avec mes parents,
mais astheure, c'est un peu plus
difficile de trouver du monde.
Ça fait que je viens ici. Moi et
Jimmy, on a fini l'école au même
high school. Ça fait que c'est
un bon moyen pour se rencontrer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais Mavis, je pense que vous
pouvez compter sur ces messieurs
si vous avez du travail
à faire ici.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Exactement. Par exemple,
on fait un projet avec LSU.
GISÈLE QUENNEVILLE
L'université.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
On fait une semaine
d'immersion et deux profs
viennent avec une quinzaine
d'étudiants, et on fait une
soirée de bourre. Bourre, c'est
un jeu de cartes et Eric et Jimmy,
ils savent comment ce jeu
va très bien. Alors, à une
table, je vais mettre les deux
avec trois étudiants. Mais ce
sont des gens que je dis,
comme j'avais besoin de gens qui
parlent français ce matin, je
sais que je peux appeler Eric
et Jim. Et malgré qu'ils avaient
des plans pour aller à la pêche
aujourd'hui, ils sont ici
pour vous rencontrer!
On reprend l'entrevue principale avec MAVIS ARNAUD FRUGÉ à l'intérieur du Centre Nunu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mavis, quand on est
francophone en Louisiane, est-ce
qu'on se sent seule? Est-ce
qu'on se sent loin des autres
francophones de la planète?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Moi, non. J'ai jamais eu honte
de la manière dont je parle.
Mes amis français, mes amis
canadiens, ils comprennent bien
la manière dont on parle.
Et non, je me sens pas
seule, réellement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Je sais que vous organisez
des programmes d'échange, des
programmes d'immersion. Je pense
qu'il y a des gens de partout
dans le monde qui viennent ici,
autant la France que le Canada,
même le Manitoba, et il y a des
Haïtiens qui viennent ici pour
faire des programmes d'échange.
Pourquoi alors faire des
programmes comme ça?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
On croit qu'on a quelque chose
qui est très spécial. Le fait
qu'on a gardé les traditions, on
a gardé la langue, c'est notre
héritage. Et réellement, on ne
voudrait pas perdre tout, parce
qu'on a perdu déjà. Et faire
des projets comme ça,
ça fait voir aux gens...
... que notre français a de
la valeur après tout et malgré
les erreurs qu'on fait. On a
toujours de la valeur. Et
je crois, le fait, c'est...
On a la porte grande ouverte
pour accueillir des personnes
qui viennent pour...
... connaître les gens de
la Louisiane, pour connaître les
Acadiens qui habitent ici. Pas
juste les Acadiens, mais tous
les gens qui parlent le français
de la Louisiane, que ça soit
les Créoles, que ça soit les
Indiens ou les Cajuns. Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce qui surprend
les gens d'ailleurs quand
ils arrivent ici chez vous
à Arnaudville en Louisiane?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Je crois, le fait qu'on
accueille avec bon coeur.
Qu'on parle, on sort avec
des mots... Je dis: que tu es faraud!
GISÈLE QUENNEVILLE
Que tu es faraud?
Ça veut dire quoi ça?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Faraud: F-A-R-A-U-D.
Tu es bien habillé.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ah!
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Tu es faraude, Gisèle. Et le
monsieur me dit... Parce qu'il
avait un papillon, il avait
une chemise fleurie, il avait
un papillon. Il me dit: "Mavis,
j'ai pas entendu ce mot 'faraud'
depuis que ma grand-mère
est décédée."
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien moi, je l'ai jamais entendu.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Ah, tu vois? Ce sont des vieux
mots et on tient tout ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce qu'on doit faire
maintenant, Mavis, pour
encourager les jeunes à
continuer? Parce que vous,
vous allez devoir passer le
flambeau à un moment donné.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce qu'il y a des jeunes
qui sont là pour le prendre,
le flambeau?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Oui, je suis fière de le dire,
parce que... avec les programmes
d'immersion dans le temps, il y
a des jeunes qui, réellement,
ils sont fiers d'être capables
de parler français.
Et aussi, je crois, le fait que
la musique zarico, la musique
cajun et tout ça, les jeunes
qui apprennent à jouer
de ces instruments qui sont
nécessaires pour ça, ils
entendent les plus vieux
musiciens qui chantent
en français; ça, c'est une
belle chose aussi, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez le centre NUNU ici
à Arnaudville, mais je pense
que vous avez également
d'autres projets en tête...
... pour la francophonie ici.
Est-ce que vous pouvez
nous en parler un peu?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Avec plaisir. Il y a, dans la
petite ville, un hôpital...
dans le beau centre de la ville,
qui a fermé il y a à peu près dix ans.
Un jour, David Chéramie, que
vous avez rencontré, il nous
visitait. Il a dit:
"Quel dommage, vous avez pas une
grande place où on pourrait
faire des cours de français."
Parce qu'on envoie des appels
souvent à CODOFIL. Il était
directeur de CODOFIL dans ces
jours-là. Et on a dit: "On a
une bâtisse." Et puis, on a
été tourner alentour de l'hôpital
un peu. Et LSU est venue voir
cette bâtisse cinq fois.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça, c'est l'Université de la Louisiane.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
L'Université de l'État à Bâton-Rouge.
Et on a appris à parler avec
les politiciens, comment on
pourrait faire. Et ça
va toujours, cinq ans. Cinq ans
on fait des rêves
par rapport à ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu'est-ce que vous voulez
faire dans cet ancien hôpital?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
On veut faire un centre
culturel, on veut faire des
cours d'immersion, on veut faire
comme Sainte-Anne à la
Nouvelle-Écosse, on veut...
réellement comme ça. Mais on
pourrait faire autre chose
aussi. On "envisionne" de faire
la crèche en français.
On envisionne aussi voir
du soin... pour des vétérans,
des choses comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, Arnaudville deviendrait
une destination francophonie?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Exactement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que ça va voir le jour?
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
J'ai espoir. Maintenant, on a
huit universités qui nous
parlent qu'elles vont venir
passer une journée. On a juste
eu contact avec deux autres:
l'University of Indiana et
New York State University,
qui voudraient venir
faire ce projet.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, faut que ça se fasse.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Ah! Absolument. C'est
mon rêve. C'est mon rêve.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, je vous souhaite
que ce rêve se réalise.
Mme Frugé, merci beaucoup.
MAVIS ARNAUD FRUGÉ
Merci à vous, merci à l'équipe
pour venir à Arnaudville
et parler de nos rêves.
Merci, Gisèle.
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