Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Ronald Bourgeois : auteur-compositeur-interprète
Ronald Bourgeois chante ce qu’il connaît le mieux : son coin de pays, la mer, le vent. Il chante l’Acadie, sa famille et ses proches. Au fil des ans, Ronald Bourgeois a signé plus de 300 chansons, interprétées par lui-même ou par d’autres. Sa musique est un mélange de blues, de country et de folk. Sa voix est chaleureuse et profonde. Ses textes sont simples, mais émouvants.
En plus de 40 ans de carrière, Ronald Bourgeois a laissé sa marque. En Nouvelle-Écosse, au Canada, en Louisiane et en France.
Réalisateur: Joanne Belluco
Année de production: 2015
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Générique d'ouverture
Titre :
Carte de visite
Pendant que GISÈLE QUENEVILLE présente son invité, RONALD BOURGEOIS, auteur, compositeur et interprète, on montre des images d'Halifax. La musique de RONALD BOURGEOIS accompagne les images.
GISÈLE QUENEVILLE
Il chante ce qu'il connaît: son
coin de pays, la mer, le vent.
Il chante l'Acadie, sa
famille et ses proches.
RONALD BOURGEOIS
♪
Joe LeBlanc comment ça va? ♪
♪ Ça fait longtemps
qu'on s'voit pas ♪
♪ Comment t'as passé l'hiver? ♪
GISÈLE QUENEVILLE
Au fil des ans, Ronald Bourgeois a
signé plus de 300 chansons,
parfois interprétées par
lui-même, souvent par d'autres.
Sa musique: un mélange de blues,
de country et de folk. Sa voix:
chaleureuse et profonde. Ses
textes: simples, mais émouvants.
RONALD BOURGEOIS
♪ On m'dit qu'tu vis
sur le bord d'la Magré ♪
♪ T'as une ferme et
les gens t'aiment bien ♪
GISÈLE QUENEVILLE
En plus de 40 ans de carrière,
Ronald Bourgeois a laissé
sa marque en Nouvelle-Écosse, au
Canada, en Louisiane
et jusqu'en Europe.
RONALD BOURGEOIS
♪ Avec ton p'tit
coup de whiskey ♪
♪ Mais moi j'suis
seul en Louisiane ♪
♪ Avec les autres
qui ne sont pas oh restés ♪
♪ Des lettres jaunes
de vieils amours ♪
♪ Je chasse le diable
soir et jour ♪
♪ Avec mon p'tit coup
de whiskey ♪
♪ Ici Joe les femmes
elles sont fines ♪
♪ Et belles comme
un coucher de soleil ♪
♪ Un peu d'français
avec un accent yankee ♪
♪ Yeah ♪
♪ Vingt dollars
c'est l'amour garanti ♪
L'entrevue suivante se déroule dans la demeure de RONALD BOURGEOIS.
GISÈLE QUENEVILLE
Ronald Bourgeois, bonjour.
RONALD BOURGEOIS
Allo!
GISÈLE QUENEVILLE
M. Bourgeois, vous avec
écrit... pff! plus de 300
chansons dans votre carrière
jusqu'à maintenant, parce que
c'est pas fini, sans doute.
RONALD BOURGEOIS
J'espère que non.
GISÈLE QUENEVILLE
Qu'est-ce qui vous inspire,
qu'est-ce qui vous donne
le goût d'écrire?
RONALD BOURGEOIS
Ça change avec les années.
Je pense, au début, les
premières chansons que j'ai
écrites, c'était dans les
années 1981, je pense,
et à ce moment-là, j'ai choisi
des choses que j'étais très
proche. Je sais pas, c'était
juste trouver les choses que
j'avais pas à inventer, qui
étaient devant moi. Ça fait que
je parlais beaucoup de l'Acadie,
de la perspective de ma famille,
parce qu'il y a toute une
histoire du bord de ma mère avec
la déportation et tout ça.
GISÈLE QUENEVILLE
Mais on veut la connaître.
C'est quoi, cette histoire-là?
RONALD BOURGEOIS
Bien, une de mes premières
chansons, c'est
Joe LeBlanc,
et c'est l'histoire de deux
frères, mais ça, c'est, un, mon
arrière-arrière-grand-père, et
il est monté ici pendant la
déportation. Il y a un frère qui
a fini à La Nouvelle-Orléans
et l'autre frère a
fini au Cap-Breton.
Et il y a des lettres qui
ont été écrites d'un frère
à l'autre, et à un moment
donné, c'était comme toutes les
rencontres familiales du bord
des LeBlanc à Magré, la rivière
de Magré, à la vieille ferme. Ça
finissait toujours avec ce
LeBlanc qui n'était pas revenu,
qui était pas revenu. Mais
c'était lui. Et en tout
cas, j'ai écrit une chanson
là-dessus, et finalement, c'est
une chanson qui a assez tourné,
qui a été reprise par plusieurs
personnes. Avec le temps, j'ai
commencé à devenir plus voyeur
et à m'inspirer de qu'est-ce qui
se passe dans la rue et des
conversations que j'entends, et
ça va inspirer une
chanson. Ça fait que...
GISÈLE QUENEVILLE
Est-ce que vous voyez ça comme
un travail? Est-ce que vous
voyez ça comme une job? Est-ce
que vous vous dites: Bon,
bien, aujourd'hui, j'écris une
chanson, et je m'assois à
mon bureau avec ma
guitare et j'écris.
RONALD BOURGEOIS
Oui, bien, je pense que si
je voyais ça comme une job,
j'aurais peut-être écrit plus de
chansons. La musique, pour moi,
c'est une des choses... J'ai
commencé très jeune. J'ai
commencé à faire de la musique
avant, je pense, que je pouvais
sortir de la maison. Et j'allais
dehors, c'était pour jouer.
Ça fait que pour moi, ça a été
un aspect... ça fait partie de
ma vie. Heureusement que j'ai pu
faire un peu d'argent
avec ce métier-là.
Mais j'ai tellement d'autres
choses dans ma vie, avec
laquelle je suis passionné.
Ça fait que c'est une des choses
que je fais. Ça fait que pour
moi, écrire, c'est... Pour
trouver le temps d'écrire,
c'est difficile. Ça fait que si
j'écris, il faut que je sois
vraiment inspiré. Et là, dans
une journée, dans deux journées,
je peux en sortir deux, trois.
Ou bien non, ça peut prendre
un an et j'en sors une.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous écrivez beaucoup, mais
vous enregistrez un peu moins.
RONALD BOURGEOIS
Très peu.
GISÈLE QUENEVILLE
Parce que dans votre carrière,
vous avez eu trois albums: un en
1994, c'était
Amène le vent,
et quelques années plus tard,
c'était
Le long retour, et là,
tout récemment, c'était un autre
album... live,
finalement, en direct.
RONALD BOURGEOIS
Oui.
GISÈLE QUENEVILLE
Pourquoi pas enregistrer
davantage? Pas le temps,
pas l'inspiration?
RONALD BOURGEOIS
Des bifurcations. Des
tournants le long de la route
qui t'amènent ailleurs et que,
finalement, c'est pas là, c'est
pas le temps. Un exemple: en
2004, on a eu le Congrès mondial
acadien ici en Nouvelle-Écosse.
On n'est pas beaucoup
en Nouvelle-Écosse.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous êtes combien d'Acadiens?
RONALD BOURGEOIS
Moi, je dirais qu'on est
à... Des gens qui s'affirment,
francophones, langue... parlent
en français, Acadiens, je pense
qu'on est peut-être à
32 000, quelque chose de même,
maintenant. Fait qu'on roule
autour du 4, 4,5, 5%. Mais il
y a beaucoup plus d'Acadiens que
ça, mais ils sont anglophones.
Ça fait qu'il faut savoir... Là,
ça rentre dans la définition:
qu'est-ce qu'on définit
comme un Acadien?
Ça, je vais pas rentrer là. Mais
en tout cas, en 2004, ça fait
qu'il y a eu le congrès.
Ça fait que moi, j'ai embarqué
dans le congrès parce que
j'avais de l'expérience dans la
production d'événements et des
trucs de même. Mais je m'en suis
aperçu... Ça, ça m'a pris deux
ans, et ensuite, ça m'a amené à
la télé, et je me suis aperçu
qu'il y avait dix ans qui
avaient passé, j'avais rien
fait, au niveau de... J'avais
fait des choses, j'avais fait de
la tournée un petit peu,
mais des disques, non.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous écrivez des chansons, et
très souvent, ce sont d'autres
qui les enregistrent,
ces chansons-là.
RONALD BOURGEOIS
La majorité, oui.
GISÈLE QUENEVILLE
Comment ça se passe? Est-ce
que la chanson est écrite et on
vous appelle, et on dit: "Bon,
bien, j'aimerais enregistrer
cette chanson-là." Ou est-ce que
c'est des commandes, ce sont des
collaborations? Quel est le
contact que vous avez avec
l'artiste, l'autre artiste?
RONALD BOURGEOIS
C'est un peu différent. Comme
avec Lennie Gallant,
qui est Acadien de
l'Île-du-Prince-Édouard.
Lui, il travaille en anglais et
en français. Et parfois, c'est
juste qu'on s'assoit ensemble
pour traduire ses chansons
qu'il a faites en anglais.
Mais c'est comme réécrire
une chanson. Fait que de ce
contexte-là, il m'appelle et il
dit: "Hé, j'ai trois ou quatre
chansons que je veux vraiment...
J'ai des versions anglaises, je
veux des versions françaises. On
se rencontre, et dans une
matinée, on essaie
d'en faire au moins deux.
Et c'est intense. Et avec
Lennie, c'est très intense, dans
le sens que c'est un grand
auteur. Il a travaillé
beaucoup avec d'autres auteurs à
Nashville, fait qu'il a une
procédure. Mais moi, j'ai pas de
procédure. Ça vient et je vais
chanter la même phrase 25 fois
jusqu'à tant que je
trouve la deuxième.
Mais lui, c'est pas ça, tu
touches pas la guitare. C'est
juste les paroles, les paroles.
Je trouve ça intéressant aussi.
Ça fait que c'est une autre
forme, ça me fait du bien.
Et des fois, c'est plutôt: "Il y
a-tu quelque chose dans tes
tiroirs? Il te reste-tu quelque
chose dans tes tiroirs, Ronald?"
Et dans ce cas-là, des fois:
"Oui, j'ai quelque chose",
et je l'envoie, si ça va.
Des fois, il y a des chansons
que j'ai endisquées que
je trouve qui ont pas été
interprétées parce que dans ce
temps-là, j'étais à mes débuts
et... ça a pas fini par se
rendre où je pensais que
ça aurait pu aller. Des fois, je
vais en envoyer une ou deux pour
voir s'il y a quelqu'un qui va
les reprendre. Tu sais,
ça, ça arrive aussi.
GISÈLE QUENEVILLE
Quand vous écoutez une de
vos chansons interprétée par
quelqu'un d'autre, est-ce que
vous êtes toujours satisfait? Ou
est-ce que des fois, vous dites:
Hum, j'aurais dû
l'enregistrer moi-même.
RONALD BOURGEOIS
Une fois que tu donnes une
toune, après ça, c'est à
l'interprète d'interpréter. Ça
fait qu'il y a toute
une autre création.
Tu sais, la création finit
une fois que la chanson est
"masterée". Ça fait qu'autant
chaque musicien va y amener
quelque chose, le directeur
artistique ou le directeur
musical va amener quelque chose.
Et parfois, ça peut être
des sonorités, tu sais, le
technicien de son qui dit:
"Si on essaie ça de même..." et
(Propos en français et en anglais)
tout d'un coup, t'as un vibe
rétro qui marche, et c'est tout
un autre contexte. Fait que pour
moi, une fois que tu donnes la
chanson, elle est plus à toi, tu
devrais pas avoir rien à dire.
RONALD BOURGEOIS interprète une chanson.
RONALD BOURGEOIS
♪♪♪
♪ Si ton coeur bat si fort ♪
♪ Qu'il fait trembler
tout ton corps ♪
♪ N'aie pas peur ♪
♪ Si ton corps brûle toujours
à la fin de chaque jour ♪
♪ N'aie pas peur ♪
♪ Si tes lèvres
ont un goût de miel ♪
♪ Chaque matin
quand tu te lèves ♪
♪ N'aie pas peur ♪
♪ C'est juste l'amour
qui voit le jour ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ Qui t'a trouvé ♪
♪ Laisse-toi bercer ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
♪ Si tes rêves
prennent des ailes ♪
♪ Et te portent vers le ciel ♪
♪ N'aie pas peur ♪
♪ Si la lumière te suit
même au milieu de la nuit ♪
♪ N'aie pas peur ♪
♪ Si tes pieds veulent danser
et t'as besoin de chanter ♪
♪ N'aie pas peur ♪
♪ C'est juste l'amour
qui voit le jour ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ Qui t'a trouvé ♪
♪ Laisse-toi bercer ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
♪ Tu tu tu dou dou tu ♪
♪ Tou dou dou dou dou dou ♪
♪ Dou dou dou dou ♪
♪ Tou dou dou dou dou ♪
♪ Dou dou dou dou dou dou dou ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ Qui t'a trouvé ♪
♪ Laisse-toi bercer ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ C'est juste l'amour ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
♪ Et puis ton coeur
qui découvre enfin le bonheur ♪
L'entrevue reprend.
GISÈLE QUENEVILLE
Ronald, aujourd'hui, vous
habitez à Halifax depuis
déjà plusieurs années, mais
vous venez de Chéticamp...
RONALD BOURGEOIS
Oui.
GISÈLE QUENEVILLE
Sur l'île du Cap-Breton.
Pour les gens qui connaissent
pas Chéticamp,
décrivez-nous Chéticamp.
RONALD BOURGEOIS
Chéticamp est en
plein milieu de la côte ouest du
Cap-Breton, entre Ingonish,
qui est au bout, au Cape North
au bout, et Port Hawkesbury.
On montre des images du paysage de Chéticamp.
RONALD BOURGEOIS
C'est situé dans les montagnes.
Tu sais, c'est sur le bord de la
mer, mais c'est entouré de
montagnes. T'as les Appalaches
qui grossissent au sentier
Cabot, du côté des Cape
Breton Highlands, les
Hautes-Terres-du-Cap-Breton.
C'est un village majoritairement
francophone. Pêcheurs, touristes
qui sont principalement les
industries. Moi, j'ai grandi
complètement en français,
sauf que j'ai été éduqué en
anglais. Je pense que j'ai
commencé à voir plus que ma
grammaire française... Je pense
qu'on était en dixième quand on
a commencé à voir
l'histoire en français.
Une perspective assez
intéressante par rapport...
entouré d'Écossais. Ça fait que
t'as toute la culture celtique
qui était très forte. Mais nous
autres, notre culture acadienne,
elle était forte, mais elle
était pas... c'était pas quelque
chose qu'on publicisait. Par
exemple, si t'allais dans des
maisons, c'est souvent que
la guitare serait sortie ou
l'accordéon, et ça aurait été...
Ou un violon. Et ça aurait été
des chansons traditionnelles.
Mais le violon, ça aurait
été des tounes écossaises.
GISÈLE QUENEVILLE
(Impressionnée)
Hum!
RONALD BOURGEOIS
Ça fait que t'avais ce
mariage-là entre les deux. Et
même que les Français d'à côté
avaient influencé le travail de
l'archet du violon à cause de la
culture un peu plus agressive.
En tout cas, famille: enfant
unique, mais d'une grosse
famille, frères... et tu
sais, oncles, et tantes avec des
cousins puis des cousines.
Et la musique a toujours été
présente. J'aurais jamais fait
un athlète, mais la première
fois que je me rappelle, c'est
la musique. Un de mes premiers
souvenirs, c'est d'être assis,
et j'étais bébé. Je suis sûr que
j'étais pas... Mon père avait 57
chèvres et j'étais assis en
arrière parce que j'entendais de
loin de la musique et mon père
était en train de chanter, ma
mère était en train de chanter,
et la radio était...
à la planche.
GISÈLE QUENEVILLE
C'était le fun.
RONALD BOURGEOIS
Oui. Mais je me rappelle de ce
moment-là. Je sais pas pourquoi.
Et la deuxième fois que j'ai
eu ce choc-là de musique,
c'était... les pompiers
faisaient une levée de fonds
chaque été et mes cousins
avaient commencé un band qui
s'appelait Les Phantoms.
Ils jouaient de la musique
anglophone. Et ils répétaient
dans le salon de barbier de mon
grand-père et de mon oncle, et
les samedis après-midi, c'était
fermé. Ça fait qu'ils répétaient
le samedi après-midi. Fait que
souvent, j'allais les écouter,
mais je les avais pas vus devant
un public. Et ce soir-là,
c'étaient les pompiers, une
levée de fonds au Centre
acadien, et mes cousins arrivent
sur scène et ils commencent à
jouer de la musique des Beatles
et tout le monde a... pfuit!
Et moi, j'étais comme...
Dans la famille, le band est
devenu comme le premier emploi.
C'était notre première job. Et
moi, heureusement, j'étais assez
vieux, j'étais juste au bon
temps où il y en a plusieurs qui
ont quitté le groupe pour
aller à l'université.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous aviez quel âge quand vous
vous êtes joint au band?
RONALD BOURGEOIS
13 ou 12, je pense.
GISÈLE QUENEVILLE
Papa, maman étaient
d'accord avec ça?
RONALD BOURGEOIS
Ah oui, oui, oui, au début. Et
j'ai grandi dans une place où il
y avait l'amour pour la musique,
il y avait l'amour pour la
culture. On n'essayait pas de
définir c'est quoi un
Acadien; on le vivait.
Je trouve qu'au jour
d'aujourd'hui, on essaie de
définir puis de définir ou de
la sauver, et je trouve que ça,
c'est toute une différente
approche que moi une fois que
je grandissais. Pour moi,
c'était... on vivait pas
dans... C'était normal.
GISÈLE QUENEVILLE
Mais dites-moi, à quel moment
est-ce que vous avez commencé
à chanter, à écrire en français?
Parce que là, jusqu'à
maintenant, tout est en anglais
à votre adolescence. Il y a eu
un déclic à un moment donné?
RONALD BOURGEOIS
Oui, bien, à un moment donné,
tu sais, 1755 arrive, Édith
Butler arrive, Beau Dommage
qui... tu sais, on
entend Beau Dommage.
Et là, t'as le 375e anniversaire
de l'Acadie, et il y a des fonds
fédéraux qui sortent et il y
a des tournées, et le groupe
Garolou vient chez nous.
Et là, j'ai des frissons parce
que, tu sais, pour la première
fois, les gens de Chéticamp
entendent leur musique faite
d'une chanson complètement
nouvelle qui est contemporaine
et qui est leur chanson. La
majorité du répertoire de
Garolou vient de Chéticamp. Tu
sais, ça vient de père Anselme
et la cueillette de tout ce
qu'il avait fait au niveau de
la chanson traditionnelle.
Et... wow! Ça, ça a comme...
ça fait quelque chose
d'extraordinaire à la
communauté, spécialement les
musiciens et surtout
mes cousins. Ça fait
qu'éventuellement, on a formé un
groupe un peu plus tard, qui
s'appelait le Groupe LeLièvre
parce que les trois principaux,
c'étaient des LeLièvre. Et moi,
c'est en 1981, et j'ai
commencé à écrire.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous avez encore une
maison à Chéticamp.
RONALD BOURGEOIS
Oui, sur l'île de Chéticamp.
GISÈLE QUENEVILLE
Et je pense que
votre maman vit toujours.
RONALD BOURGEOIS
Ma mère, oui. Ma mère est dans
ses 90 ans. Mais très, très,
très fine, très smart. Elle a
toutes ses compétences, et
je suis encore son petit garçon.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous lui avez écrit une
chanson récemment.
RONALD BOURGEOIS
Oui. C'est une chanson qui
s'appelle
Raconte-moi, et
c'était vraiment... Elle est
la dernière de la lignée des
Leblanc, du bord des petits
Sioux. Ça, c'est une longue
histoire. Mais les petits
Sioux, c'est le sobriquet qu'on
donnait à la ligne particulière
dans... a ma mère et dont je
suis, je suis un petit Sioux.
Et... vu qu'elle est la plus
vieille, tous les cousins sont
partis, ses frères, ses soeurs
sont tous partis. Ça fait qu'une
soirée, on était ensemble, et
c'était le décès de sa dernière
soeur, et c'était dur. On allait
l'enterrer la prochaine matinée
et elle a dit: "Je sais pas...
Il y a plus personne avec qui je
peux parler, et parler du bon
vieux temps et qu'il y ait
des gens qui comprennent."
Puis enfin, j'ai dit: "Bien,
parle-moi, tu sais." On a eu une
belle soirée. On boit du thé, et
jase, et la prochaine matinée,
j'écris cette chanson-là. C'est
là qu'est l'inspiration, des
moments forts. Pour moi, ça
prend un genre de déclic. Vu que
je travaille pas ça à plein
temps ou tous les matins, en
fait, d'écrire, ça me prend
un moment qui me fesse puis
celle-là est sortie
cinq minutes.
Mais c'est un peu... tout des
petits bouts de conversations,
des mots, tu sais: "frères,
soeurs, la ferme, la
vallée, trésors, secrets."
Ça finit que t'as une chanson.
RONALD BOURGEOIS interprète une chanson.
RONALD BOURGEOIS
♪♪♪
♪ Dis-moi où le
temps est passé ♪
♪ Rappelle-moi
tous ces moments ♪
♪ Tellement de bouts
que j'ai manqués ♪
♪ Raconte-moi ♪
♪ Raconte-moi ♪
♪ Parle-moi du temps
sur la rivière ♪
♪ De cette ferme
au long de la vallée ♪
♪ De frères et de soeurs
qui sont partis ♪
♪ Raconte-moi ♪
♪ Raconte-moi ♪
♪ Où les années ont tous filé ♪
♪ Mille éclairs
d'éternité ont disparu ♪
♪ Où sont passés
toutes ces étés ♪
♪ Sur l'air du temps
ils se sont envolés ♪
♪ Montre-moi où tu as caché ♪
♪ Tous ces trésors
si longtemps gardés ♪
♪ Tous ces secrets
jamais partagés ♪
♪ Raconte-moi ♪
♪ Raconte-moi ♪
♪ Où les années ont tous filé ♪
♪ Mille éclairs d'éternité
ont disparu ♪
♪ Où sont passés
toutes ces étés ♪
♪ Sur l'air du temps
ils se sont envolés ♪
♪ Où sont passées
toutes ces années ♪
♪ Mille éclairs d'éternité
ont disparu ♪
♪ Où sont passés
toutes mes étés?
♪ Sur l'air du temps
ils se sont envolés ♪
♪ Sur l'air du temps ♪
♪ Sur l'air du temps ♪
♪ Sur l'air du temps
ils se sont envolés ♪
♪♪♪
L'entrevue reprend.
GISÈLE QUENEVILLE
Ronald Bourgeois, bon,
vous êtes compositeur, vous êtes
artiste, vous êtes musicien,
mais vous faites également autre
chose dans la vie. Entre autres,
vous avez siégé pendant un bon
bout de temps comme aviseur
au gouvernement de la
Nouvelle-Écosse sur la culture.
Vous avez étudié la question:
est-ce que, en tant que
francophone en Nouvelle-Écosse,
est-ce qu'il est possible de
vivre de son art, peu
importe ce qu'on fait?
RONALD BOURGEOIS
Ouf! Oui et non. Oui, je
pense... Ça dépend si tu
veux vivre, si tu veux...
C'est où tu pratiques ton art et
où est ton marché. Si t'es un
artiste visuel, oui, parce que
là, la langue est pas le facteur
pour transmettre l'art. Ça fait
que de ce côté-là, j'ai des
amis qui sont des sculpteurs
extraordinaires, où des
touristes arrêtent et ils
vendent leurs produits à
travers le monde.
Ça, c'est une chose. Si, de
l'autre côté, la transmission de
ton art, c'est la langue, que ce
soit le théâtre, que ce soit
l'écriture ou la chanson, c'est
beaucoup plus difficile parce
que t'as pas de masse critique
ici. Même la masse critique en
Acadie des francophones est pas
assez grande pour
vivre de ton art.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous, vous avez travaillé
au Québec, vous êtes resté
longtemps à Montréal, et un
jour, vous êtes rentré
en Nouvelle-Écosse.
RONALD BOURGEOIS
Oui.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous aviez le
mal du pays ou...
RONALD BOURGEOIS
Moi, j'ai déménagé à Montréal
en 1981, après que j'avais gagné
Granby. Moi, c'est la famille
qui m'a ramené, parce que je
suis enfant unique, et mon
épouse a un frère, mais le frère
est très loin, et nous autres,
nos parents vieillissaient, fait
qu'on est venu. On est revenu et
je regrette rien, parce que ce
que ça m'a donné, moi, c'est
toute l'expérience que j'ai
pu acquérir au Québec ou en
Ontario, à Toronto. Et j'ai
ramené ça avec moi et je l'ai
mis au bénéfice de la culture
acadienne, en travaillant pour
la Fédération acadienne et la
Fédération culturelle acadienne.
Et... le Conseil culturel,
à un moment donné.
GISÈLE QUENEVILLE
Vous, vous avez travaillé,
bon, beaucoup en français, c'est
clair, mais aussi en anglais ici
en Nouvelle-Écosse, dans le
secteur musical. Et quand on
pense à la Nouvelle-Écosse,
quand on parle musique, il y a
un son. Moi, on me dit "musique,
Nouvelle-Écosse", il y a quelque
chose qui me vient en tête.
Qu'est-ce qu'il y a ici?
Et je sais pas si c'est juste en
anglais ou si ça traverse
également au français. Mais
qu'est-ce qu'il y a ici qui fait
qu'il y a un son particulier?
Et on dirait qu'il y a une
industrie... mais avec les East
Coast Music Awards, bien sûr,
il y a une industrie, mais
qu'est-ce qui fait que ça perce
et que ça se
distingue à la fois?
RONALD BOURGEOIS
Je pense qu'il y a une
richesse culturelle ici en
Nouvelle-Écosse extraordinaire.
Que tu prennes les Celtes, que
tu prennes les Acadiens, que tu
prennes les Autochtones,
ce métissage-là, avec les Noirs,
crée que t'as... quelque
chose de très spécial.
GISÈLE QUENEVILLE
Est-ce qu'il y a une
différence? Est-ce que le son
qui se fait du côté des Acadiens
de la Nouvelle-Écosse ressemble,
a des similarités avec ce qui se
fait du côté des Acadiens du
Nouveau-Brunswick? Parce qu'on a
tendance à mettre tout le
monde dans le même panier.
RONALD BOURGEOIS
Mon accent va me permettre de
faire des rimes que normalement
je pourrais pas faire si
j'étais Français.
GISÈLE QUENEVILLE
Par exemple?
RONALD BOURGEOIS
Je vais dire, tu sais:
"poumme". C'est pas une pomme,
c'est une poumme. Ça fait
que moi, je peux rimer
"poumme" avec "boum",
et où ce qu'un Français va dire:
"pomme, bomme". Ah non, c'est
pas la même affaire, mais moi je
peux le faire. "Houmme, femme,
houmme, poumme." Mais ça,
c'est juste mon accent.
GISÈLE QUENEVILLE
Puis ça passe.
RONALD BOURGEOIS
Oui, bien oui, parce
que je suis authentique.
GISÈLE QUENEVILLE
L'authenticité,
c'est important, hein?
RONALD BOURGEOIS
Oui. Moi, j'essaie de rester
authentique et je pense que
tu retrouves ça beaucoup en
Nouvelle-Écosse, spécialement
au niveau des expressions
artistiques qui sont enracinées
dans la culture. Là,
c'est authentique.
GISÈLE QUENEVILLE
De toutes les chansons que
vous avez écrites, est-ce que
vous avez une préférée,
des préférées?
RONALD BOURGEOIS
Joe LeBlanc, qui est ma
première,
Amène le vent,
Johnny. C'est à peu près... Ça
dépend de la soirée. Non, mais
il y a des soirées où je suis
dans un mood et cette toune-là a
une valeur, et dans
une autre soirée...
Mais je veux dire,
Joe LeBlanc,
c'est quand même une chanson que
je sais que je peux chanter
n'importe quand, n'importe
où, et ça passe. Et dans
mes nouvelles... celles que
j'appelle "nouvelles", c'est
les derniers six, sept ans, par
exemple
C'est juste l'amour,
que je trouve que dans sa
simplicité elle a
fait quelque chose.
L'autre, c'est
Raconte-moi,
que j'ai écrite pour ma mère.
Ça, c'en est une autre. Je
dirais ces deux-là dans le
catalogue récent. Ça va se
tenir. C'est des chansons que je
vais pouvoir chanter et que
je me lasse pas de chanter.
GISÈLE QUENEVILLE
Eh bien, Ronald Bourgeois,
merci beaucoup. Merci pour les
chansons et merci
pour cet entretien.
RONALD BOURGEOIS
Bien, merci d'être venue
en Nouvelle-Écosse et à
Halifax nous voir.
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