Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Marie Turgeon : comédienne
Marie Turgeon a de nombreuses personnalités : elle est la Lucie Gauthier d’Au secours de Béatrice, la Marie Pichette de Subito Texto et la Sandra de Rumeurs, son rôle le plus marquant.
Marie Turgeon est une comédienne touche-à-tout; elle est à l’aise autant à la télévision qu’au théâtre ou au cinéma.
Elle est née au Québec, a fait ses classes à Ottawa et a travaillé à Toronto, notamment comme animatrice à TFO. Vous vous souvenez sûrement d’elle à la barre de l’exigeante quotidienne Volt.
En déménageant à Montréal, Marie Turgeon abandonnera l’animation pour devenir pleinement comédienne.
Réalisateur: Joanne Belluco
Année de production: 2015
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Pendant que DANIEL LESSARD présente son invité, MARIE TURGEON, comédienne, on montre des images extérieures de la ville de Montréal.
DANIEL LESSARD
Elle est
la Lucie Gauthier d'Au secours
de Béatrice, la Marie Pichette
de Subito Texto et la Sandra
de Rumeurs, son rôle
le plus marquant.
Marie Turgeon est la comédienne
touche-à-tout. Et encore
aujourd'hui, elle est à l'aise
autant à la télévision qu'au
théâtre ou au cinéma.
Elle est née au Québec, a fait
ses classes à Ottawa et Toronto
comme animatrice à TFO.
Vous vous souvenez sûrement
d'elle à la barre de l'exigeante
quotidienne
Volt.
En rentrant à Montréal, Marie
Turgeon abandonne l'animation
pour devenir comédienne.
MARIE TURGEON
Quand je suis
arrivée ici, j'avais 34 ans.
Les gens se demandaient surtout:
"D'où c'est qu'elle sort?"
L'entrevue se déroule chez MARIE TURGEON.
DANIEL LESSARD
Marie Turgeon, bonjour.
MARIE TURGEON
Bonjour, Daniel.
DANIEL LESSARD
Ça va bien?
MARIE TURGEON
Ça va très bien.
DANIEL LESSARD
Oui, est-ce que Marie
Pichette, Lucie Gauthier
vont bien aussi?
MARIE TURGEON
J'espère qu'elles vont bien.
Oui, je pense qu'elles vont
bien. C'est des beaux petits
personnages que j'aime
bien travailler, oui.
DANIEL LESSARD
À partir de quand t'as pensé à
devenir comédienne? Toute jeune?
MARIE TURGEON
D'aussi loin que je peux
me souvenir, ce qui me touchait,
moi, quand je regardais les
péplums à la télévision...
Je regardais ça avec
beaucoup d'émotion.
Je pense que c'est
le côté judéo-chrétien en moi
qui revenait à la surface.
DANIEL LESSARD
Pensionnat chez les soeurs...
MARIE TURGEON
Pensionnat chez les soeurs
et tout ça, servante de messe.
Probablement que je me projetais
beaucoup dans le personnage de
Marie, qui portait le même nom.
Je me disais: Oh,
c'est un signe!
Pas parce que je voulais
nécessairement embrasser
une vocation religieuse,
mais plus parce que ça me
touchait beaucoup.
Et à un moment donné, je me
souviens très bien avoir dit
un jour: "J'aimerais ça
faire pleurer les gens."
Est-ce que c'est parti de là?
Peut-être que c'est parti de là.
Les faire pleurer, les toucher,
les atteindre, faire vivre des
émotions, les bouleverser. Je
pense que c'était plus ça qui...
DANIEL LESSARD
Oui. Mais avant d'en arriver
à la comédie, à l'animation,
il y a eu des idées, à un moment
donné, de médecine, non?
MARIE TURGEON
Ce que j'aimais, quand j'étais
jeune, c'était tout ce qui était
scientifique. J'aimais ça.
J'étais bonne en sciences,
j'étais bonne en
mathématiques, tout ça.
J'avais une facilité. En toute
humilité, au niveau académique,
je performais assez bien.
DANIEL LESSARD
Hum-hum, première
de la classe.
MARIE TURGEON
Parce que j'aimais ça!
Pas au primaire, au secondaire,
oui. Puis au Cégep, oui.
À l'université, j'aimais ça.
J'ai fait un an en biologie
parce que j'ai pas été acceptée
tout de suite en médecine.
On parle au début des années 80.
Donc, la contingence est
assez forte dans tous les
programmes universitaires.
C'est là où on met aussi
beaucoup d'infirmières, beaucoup
de monde à la porte. Et...
Par restriction budgétaire.
Puis moi, je voulais faire mon
bonhomme de chemin là-dedans.
Je venais d'un milieu où ma
mère, évidemment... Ma mère
était infirmière. Donc, c'était
un milieu où j'entendais
ces termes-là, les termes
médicaux à la maison.
Ça me parlait. J'avais
l'impression d'avoir déjà
un pied dedans. Et puis,
finalement, ça s'est pas
réalisé, puis... Et puis, c'est
pas grave. C'est pas grave.
Mais j'ai toujours eu une
curiosité par rapport à tout
ce qui est soins, infirmier,
médecine et tout ça. J'aimais
ça. J'aimais disséquer,
là, ça a pas de bon sens.
DANIEL LESSARD
Disséquer?
MARIE TURGEON
Oh, j'aimais tellement ça!
DANIEL LESSARD
Des bibittes?
MARIE TURGEON
Oui. Oh, oui, au secondaire,
faire des dissections de
lombrics ou de grenouilles...
DANIEL LESSARD
Médecine, biologie, ça,
c'est à l'Université d'Ottawa,
MARIE TURGEON
À l'Université de Montréal.
J'ai fait un an à l'Université
de Montréal, oui.
DANIEL LESSARD
Et ensuite, t'es arrivée
à Ottawa, pourquoi?
MARIE TURGEON
Parce que j'étais pas acceptée
en médecine après mon année
de biologie à l'Université
de Montréal. J'ai fait: "Bon,
dans quoi je vais appliquer?"
Je me suis inscrite en droit, je
me suis inscrite à l'Université
de Sherbrooke, je me suis
inscrite en éducation physique,
à l'Université de Montréal.
À Ottawa, je me suis inscrite
en théâtre et communication,
mais j'avais aucune idée
c'était quoi, communication.
Parce que sciences sociales,
j'avais jamais étudié
qu'est-ce qu'étaient
les sciences sociales.
Et à Ottawa, ce qui était
intéressant, ce qui m'a séduite
dans la proposition qu'on me
faisait, c'était: "Viens à
Ottawa, on va te payer une
bourse d'excellence." Donc, j'ai
une bourse d'excellence pour
rentrer là-bas, parce que
mes résultats scolaires
étaient bien.
Et l'Ontario m'attirait
parce que mon père venait
de Fort Frances.
DANIEL LESSARD
Hum-hum.
MARIE TURGEON
Et ça m'avait toujours
un peu... titillée.
Quelle est cette province
jumelle, l'Ontario,
que je connais pas?
J'avais plus de famille à cette
époque-là, évidemment. Mon père
est né là, mais c'était vraiment
aux années de la Dépression,
tout ça. Mon grand-père
est né en 1924, donc...
Mon grand-père était allé là-bas
pour le travail, comme en
Nouvelle-Angleterre, comme
les gens se déplaçaient
en Nouvelle-Angleterre
aussi, à l'époque.
Et je voulais découvrir,
savoir qu'est-ce que c'était,
cette autre province-là.
Et j'ai tellement aimé ça
que je suis restée là 15 ans.
Donc, j'ai commencé à
l'Université d'Ottawa.
J'ai demeuré dix ans à Ottawa.
DANIEL LESSARD
La plupart des gens qui
viennent du Québec, qui arrivent
à Ottawa... Ça a été mon cas,
mais bon. Ça leur prend du
temps avant d'aimer ça.
Toi, tout de suite?
MARIE TURGEON
Bien, je peux pas dire
que je m'ennuyais de Montréal.
Ce que j'ai aimé... Je me
suis trouvé une communauté
franco-ontarienne. Je me suis
identifiée assez rapidement
à cette communauté-là,
à ce combat-là aussi.
J'ai embrassé ça vraiment...
DANIEL LESSARD
Dès le départ.
MARIE TURGEON
Dès le départ.
DANIEL LESSARD
Tu parles anglais?
MARIE TURGEON
Je parlais pas anglais
à l'époque. Je parlais...
baragouinais. Là, je l'ai parlé
mieux par la suite. Et j'ai
parlé mieux encore quand je suis
allée à Toronto. Maintenant,
depuis que je suis à Montréal,
je le perds.
DANIEL LESSARD
Donc, t'as fait ton cours
à l'Université d'Ottawa.
MARIE TURGEON
Oui, théâtre et communication.
DANIEL LESSARD
Et t'as fait beaucoup de
théâtre aussi, à ce moment-là.
MARIE TURGEON
Beaucoup, oui. J'ai fait du
théâtre avec le département de
théâtre. Ma première pièce,
c'était
Hamlet.
Je faisais Ophélie.
J'ai eu un agent à Ottawa
tout de suite, Kate Mensour,
puis j'ai commencé à faire du
travail, même encore étudiante.
DANIEL LESSARD
Robert Lepage,
à un moment donné.
MARIE TURGEON
Oui, un peu, oui, parce
qu'on faisait... Lui, il était
directeur artistique du Centre
national des arts, à l'époque.
Il avait mis sur pied un
groupe qui s'appelle Arto.
En fait, ce qu'il voulait
faire avec ce groupe-là, c'était
développer une troupe locale,
parce qu'il trouvait
que les gens arrivaient,
étaient toujours de passage,
mais qu'ils restaient pas.
DANIEL LESSARD
Hum-hum.
MARIE TURGEON
Et c'est vrai. Ottawa,
souvent, on est de passage.
Donc, j'ai décidé de faire
partie de ce groupe-là. Enfin,
j'avais été choisie, en fait.
C'est pas moi qui décide.
Dans le métier que je fais,
on choisit rarement--
DANIEL LESSARD
Et t'as joué beaucoup aussi...
Je regardais la liste de tout
ce que t'as fait au théâtre
à Ottawa avec Naubert,
qu'elle s'appelait... qui
était très connue à l'époque.
MARIE TURGEON
Oui, Claire. C'était Claire
Faubert. Oui, très connue.
DANIEL LESSARD
Claire Faubert, c'est ça.
Oui, qui était... Oui, oui.
MARIE TURGEON
En fait, c'est elle
qui m'a enseigné tout
mon jeu artistique,
le jeu dramatique, en fait,
à l'Université d'Ottawa. Elle
était professeure à l'époque.
Oui, elle, elle m'a dirigée
beaucoup. On a fait
La Poupée de Pélopia.
DANIEL LESSARD
Ah, OK.
MARIE TURGEON
Oui, ça, c'était ma première
pièce professionnelle, quand
je suis sortie de l'université.
DANIEL LESSARD et MARIE TURGEON sont dans un grand parc.
DANIEL LESSARD
Marie, ce parc, qu'est-ce
qu'il a de spécial?
MARIE TURGEON
C'est la raison pour
laquelle j'ai acheté ici.
DANIEL LESSARD
Ah, oui?
MARIE TURGEON
Oui, parce qu'on est proches
d'un point d'eau. On est proches
du Saint-Laurent. C'est pour
moi un antre de paix. C'est
l'endroit où je vais réviser
mes textes, régler le sort de
ma vie. C'est un endroit de
ressourcement pour moi. J'ai
besoin de marcher, de faire
le vide. Et toutes les saisons y
passent. C'est les odeurs aussi
qui sont très différentes d'une
saison à l'autre. Ça me connecte
vraiment. C'est là où on
débranche et on se donne
le temps, un espace-temps et un
espace physique pour le faire.
DANIEL LESSARD
T'es très active.
MARIE TURGEON
Oui, je pense que ça fait
partie. Mon corps, c'est mon
outil de travail. Les pianistes,
c'est le corps aussi,
c'est les doigts.
Je me vois comme un instrument.
Mon corps est un instrument
pour mon travail, donc...
Il y a pas que ça...
MARIE TURGEON désigne son visage.
MARIE TURGEON
...il y a
tout ça. Il y a tout ça.
MARIE TURGEON désigne le reste de son corps.
DANIEL LESSARD
Tout le reste...
MARIE TURGEON
Oui. Parce que tout ça, si
ça va pas bien, ça parait là.
C'est ça, il faut faire
attention à soi.
On nous présente en rafale plusieurs extraits de l'émission Volt, animée par MARIE TURGEON.
L'entrevue avec DANIEL LESSARD se poursuit.
DANIEL LESSARD
Après Ottawa, on aurait pu
croire, Marie, que t'allais
rentrer à Montréal, mais
non, t'es allée à Toronto.
C'est quoi, l'idée?
MARIE TURGEON
Bien, en fait, TFO m'avait
offert un travail à l'époque. Je
travaillais déjà à TFO à partir
d'Ottawa. Je faisais une
émission qui s'appelait,
à l'époque,
Imagine,
une émission qui était
bihebdomadaire.
Magazine jeunesse.
On développait tout le côté
jeunesse de TFO, à l'époque.
C'était sous le règne de
Pierre Touchette. C'est Pierre
Touchette qui était venu me
chercher. Donc, c'est ça.
On a fait ça pendant quelques
années, puis après ça,
il voulait développer une
quotidienne, donc un magazine
quotidien.
Volt a pris son envol,
et je me suis ramassée à Toronto
pour faire une quotidienne.
DANIEL LESSARD
Quelle sorte de magazine
c'était? "Volt", ça veut dire
quoi? Ça veut rien dire.
MARIE TURGEON
Oh, c'est le magazine
branché, baveux... C'était ça!
DANIEL LESSARD
À l'image de l'animatrice.
MARIE TURGEON
Oh, non! Moi, j'étais la
partie sérieuse. On avait
des chroniqueurs et j'avais
quelqu'un, Simon Garneau,
qui était avec moi, qui était
l'acolyte par excellence, qui
lui avait beaucoup de mordant.
Il faisait des espèces
d'éditoriaux très durs.
Ça se voulait déjanté. Ça
se voulait proche de la jeunesse
franco-ontarienne. On voyageait
aussi, on allait à Hearst,
Sudbury. On s'est déplacés
aussi pendant ces années-là.
L'émission a survécu...
a vécu 17 ans à l'antenne.
Mais on était les premiers
instigateurs, ceux qui ont
créé, modelé ce magazine-là.
Ce qui se rapproche le
plus au Québec, ça serait
Les Pieds dans la marge,
animée par Mathieu Pichette,
qui a déjà animé--
DANIEL LESSARD
C'est un
Franco-Ontarien aussi.
MARIE TURGEON
Oui, et qui a déjà
animé Volt. Et c'est
la même productrice,
c'est Thérèse Pinho.
Et donc, c'est ça. C'était
un magazine où on avait pas
carte blanche, mais...
DANIEL LESSARD
Presque.
MARIE TURGEON
Pas loin.
On nous présente un extrait de l'émission Volt, où MARIE TURGEON est dans un spa avec des naturistes.
MARIE TURGEON
Pratiquer le naturisme et
pratiquer le nudisme, c'est
pas tout à fait la même chose.
On va découvrir ça en compagnie
de Stéphane et de Thomas
tout à l'heure.
Mais j'aimerais ça savoir,
quand on pratique le naturisme,
c'est quoi la chose
la plus désagréable?
NATURISTE
Il y a pas de poche
pour l'argent. Ça peut
être difficile.
L'entrevue avec DANIEL LESSARD se poursuit.
MARIE TURGEON
Et vu que c'était une petite
équipe, on travaillait avec les
moyens du bord, et on essayait
de profiter de chaque minute
qu'on avait. C'est-à-dire qu'on
écrivait des scénarios pour
faire des fausses pubs. On
faisait des fausses publicités.
On faisait évidemment des
entrevues avec les
bands rock
qui étaient... Vraiment, à
l'époque, pour moi, c'était
les bands canadiens comme
Barenaked Ladies, entre
autres, qu'on interviewait.
On faisait des entrevues studio
aussi, sur des dossiers
plus importants.
Bon, quand on faisait un dossier
sur tout ce qui peut toucher
la santé des jeunes: l'anorexie,
le suicide, la boulimie,
les études, la difficulté
de rencontrer les relations
interpersonnelles,
relations amoureuses.
On a fait des lignes ouvertes.
Même les deux dernières années,
on allait jusqu'aux lignes
ouvertes pour avoir
des commentaires,
des suggestions, évidemment,
de nos téléspectateurs,
mais aussi une ligne ouverte
sur la sexualité, par exemple.
On avait fait cette
thématique-là. On a fait des
bingos. On a fait des bingos
live. Le Bingo du vendredi soir,
une fois par mois. On avait
un fun fou. On se déguisait...
C'était vraiment une époque
où l'imaginaire était
à la puissance 1000.
Toujours être en train
d'interagir puis de voir,
de créer en fait quelque chose
qui n'a pas existé avant.
Ou évidemment, on se dit...
On y allait avec le talent
qu'il y avait puis avec
le costumier qu'on avait.
Et c'était pour moi,
un terrain... un terreau
très fertile. Et c'était
un endroit aussi où j'ai
tout appris de la télé.
J'avais fait de la télé
quand j'étais à Ottawa,
à Skyline avant Rogers.
DANIEL LESSARD
Une télévision communautaire.
MARIE TURGEON
Télévision communautaire.
Une émission qui s'appelait
Métro 22, trois fois semaine.
Donc j'apprenais mon milieu.
Ce qui m'a aidé aussi à
apprendre ce qu'était la
communauté franco-ontarienne
et à l'apprécier et à l'aimer
et à embrasser ça.
Donc, ça, c'était dans
les années... C'est ça qui
m'avait préparée à
Volt. Volt, bien, c'était aussi
parce qu'on avait tellement
de place à l'imaginaire.
Bon, je pouvais travailler
des personnages, travailler
dans un peu plus la folie
et la création.
Donc, ça joignait le tout.
Ça faisait vraiment un tout.
Et c'est là où je peux dire
que c'était vraiment là
où j'étais le plus...
Toutes mes capacités autant
créatrices que mes capacités
d'intervieweur étaient appelées.
DANIEL LESSARD
Et pourquoi t'as laissé
ça pour rentrer à Montréal?
MARIE TURGEON
TFO est passée, à ce
moment-là, du ministère de
la Culture au ministère de
l'Éducation... est retournée
au ministère de l'Éducation.
Et tout ce qui était pas à
proprement parlé "éducatif",
on a passé sous le couperet.
DANIEL LESSARD
Ah bon. Donc, c'est moins
intéressant pour toi.
MARIE TURGEON
C'est sûr que l'amour
était aussi au rendez-vous.
DANIEL LESSARD
Ah bon! Ça aide toujours.
MARIE TURGEON
Et ce qui a fait que ça
m'a rapatrié à Montréal.
DANIEL LESSARD
Mais pas pour être animatrice,
pour être comédienne,
à ce moment-là.
MARIE TURGEON
Bien, c'est un choix que j'ai
fait quand je suis arrivée à
Montréal. En fait, quand je suis
arrivée à Montréal, j'ai dit:
"Si j'arrive puis que je vais
me proposer aux différentes
stations comme animatrice,
je pourrai pas jouer."
C'est sûr. L'inverse est plus
probable. On peut arriver
comme comédienne et dire:
"Oh, bien, là, je peux faire
de l'animation." Ça, c'est
crédible. Mais animatrice,
devenir comédienne, c'est comme:
"Bien, oui, right. Non!"
L'étiquette est très forte au
Québec. On peut pas... On peut
difficilement passer l'autre
côté. Puis, j'ai décidé de dire:
"Bon, je vais tenter
ma chance à Montréal."
J'ai eu un agent tout de suite.
J'ai eu un agent avec...
Jean-Jacques Desjardins,
c'est mon agent. J'ai fait
contact avec lui,
puis de fil en aiguille,
assez rapidement...
DANIEL LESSARD
Ça a pas été
trop dur au début?
MARIE TURGEON
Je pense que j'étais
vraiment... Je suis arrivée
au bon temps, au bon moment
avec le bon
background.
DANIEL LESSARD
Et le talent.
MARIE TURGEON
Avec un peu de talent. Avec
ce que j'avais. Mais forte de
l'expérience. Quand je suis
arrivée ici, j'avais 34 ans.
Les gens se demandaient surtout:
"D'où c'est qu'elle sort?"
C'était vraiment:
"D'où c'est qu'elle sort?"
DANIEL LESSARD
"Qui c'est ça?"
MARIE TURGEON
"Qui c'est ça?"
Parce que... forte de mon
expérience antérieure, à l'âge
que j'avais, mais j'étais
pas connue au Québec.
DANIEL LESSARD
Hum-hum. Quelle sorte de rôles
on te confiait au début?
MARIE TURGEON
Euh... Les premiers rôles,
j'ai eu... C'était Louis
Choquette qui m'avait proposé
quelque chose dans
Deux frères.
DANIEL LESSARD
Un téléroman?
MARIE TURGEON
Un téléroman. C'était dur. Des
personnages durs. Puis pourtant,
c'est ça, moi, j'avais fait
au théâtre surtout beaucoup
d'ingénues, beaucoup de premiers
rôles: Ophélie, des choses
comme ça. Miranda, dans
La Tempête avec Robert Lepage.
Puis des choses très douces.
Puis ce qu'on me proposait,
c'était... Je pense que ma
nature est quand même...
J'ai une nature proactive, hein.
DANIEL LESSARD
Une fonceuse.
MARIE TURGEON
Fonceuse, un peu.
Puis on me proposait des choses
assez dures. Pas des choses
nécessairement que j'ai vécues,
mais des choses que j'aimais
beaucoup incarner.
DANIEL LESSARD
Et ça, c'est des défis. Tu
refuses jamais un rôle comme ça,
quel qu'il soit? Même si
ça correspond pas à ta
personnalité, tu rentres dans
le personnage puis point à la
ligne. Tu le joues, tu dis
jamais non, j'imagine.
MARIE TURGEON
Oh, bien, en fait, c'est
là qu'est la beauté de la chose,
c'est là qu'est le défi.
On nous présente un extrait d'un spectacle de danse où plusieurs danseurs sont sur scène et dansent à l'unisson.
MARIE TURGEON (Narratrice)
Sylvain Émard Danse célèbre
cette année ses 25 ans. Et en
2009, Sylvain Émard, qui est
un grand créateur, un grand
danseur de chez nous, de danse
contemporaine, a décidé de faire
un retour aux sources. Lui a
fait du continental, la danse
en ligne comme on connait à
l'époque, et il a voulu ramener
ça au goût du jour avec une...
pour célébrer la danse,
pour démocratiser la danse.
On est une trentaine de tout
horizon. Il y a des danseurs,
des avocats, des notaires, des
comptables, des comédiens, des
comédiennes et on fait ce qu'on
appelle un continental:
trois chorégraphies qui
sont présentées lors d'une
soirée-bénéfice pour ramasser
des fonds pour la compagnie
Sylvain Émard Danse.
Et cette année, ils
ont accumulé 50 000$.
On nous présente un extrait de l'émission Rumeurs dans lequel le personnage de SANDRA, interprété par MARIE TURGEON, discute avec le personnage de PIERRE-PAUL.
SANDRA
Pierre-Paul? J'ai téléphoné à
ta maison, la gardienne, elle
m'a dit que je te trouverai ici.
J'ai apporté tes affaires
du bureau.
PIERRE-PAUL
Quoi? Bien, merci. Mais...
Vous auriez pu me les
envoyer par messager.
SANDRA
Je suis désolée. Pour moi,
c'était un jeu puis j'ai
jamais pensé que c'était--
PIERRE-PAUL
Regarde, c'est correct. C'est
correct, excuse-toi pas, là.
Je suis majeur, vacciné, j'avais
mille bonnes raisons de pas
embarquer dans cette folie-là
et j'ai choisi de les ignorer.
SANDRA
T'as pas parlé
à personne? À Sarah?
PIERRE-PAUL
Disons que ces temps-ci,
je me fais plus souvent
raccrocher la ligne au nez.
Comment j'ai pu embarquer
tant de monde dans une histoire
pareille pour un
cheap thrill?
SANDRA
Pardon? Un
cheap thrill?
C'est moi que t'appelles un
cheap thrill? T'es-tu regardé
dans un miroir dernièrement?
PIERRE-PAUL
Hé, je me rappelle pas avoir
eu à supplier personne, moi.
L'entrevue avec DANIEL LESSARD se poursuit.
DANIEL LESSARD
Rumeurs, Marie, c'est là
que t'es devenue super
vedette, grande vedette.
MARIE TURGEON
Oh, non. Je dirais pas super
ni grande, mais plus connue,
oui, plus connue. C'était
un personnage coloré.
C'est un personnage fort
et phare pour moi, c'est sûr.
C'est un personnage qui m'a mise
sur la map, comme on dit au
Québec. Donc, oui, c'était tout
un personnage: une ex-mannequin
avec certains troubles
de la personnalité.
DANIEL LESSARD
Tu te reconnaissais
un peu dans...
MARIE TURGEON
Oh, dans ses petites
problématiques de vouloir
être bien, belle mise...
DANIEL LESSARD
Parfaite.
MARIE TURGEON
Oui, parfaite, un peu. Pas
dans son... dans son
delivery,
comme on dit en bon français.
Non, je me reconnaissais
pas là-dedans, mais je me
reconnaissais dans certaines
problématiques physiques.
Je l'aimais beaucoup, Sandra.
J'avais beaucoup d'affection
pour elle. C'est un personnage
qui aurait pu être très
détestable. Mais les plus
beaux commentaires que j'avais
là-dessus, c'était les gens qui
me disaient qu'on aimait l'haïr,
parce qu'elle disait souvent
tout fort ce que les gens
osaient pas dire.
DANIEL LESSARD
Oui, oui.
MARIE TURGEON
Elle disait: "Moi, j'aimerais
tellement ça que tu viennes dans
mon bureau." Il y avait des
gens qui me faisaient ce
commentaire-là. Ça a été
marquant. C'est encore à
l'antenne en ce moment. C'est
sur Prise 2. Il y a encore
des gens qui m'en parlent,
autant que ce que je fais
d'autre comme personnage.
DANIEL LESSARD
Qu'est-ce que ça fait de...
Enfin, devenir vedette...
Je sais que t'aimes pas
l'expression. Personne n'aime
l'expression, mais bon.
D'être connue, la notoriété,
d'être reconnue dans la rue,
à l'épicerie, les gens vous
parlent, vous accrochent,
t'aimes ça? Tu vis bien ça?
MARIE TURGEON
Je vis bien ça parce que c'est
un choix. Sinon on fait pas un
travail public. Je travaille...
Ce que je fais, c'est que je
remplis des rôles, je fais des
personnages pour que les gens
s'identifient et évidemment, la
moindre des choses que je peux
faire, c'est honorer le fait
qu'ils m'adressent à la parole.
DANIEL LESSARD
Hum-hum.
MARIE TURGEON
C'est la moindre des choses.
Donc, oui, j'y prends plaisir.
Je veux savoir qu'est-ce qui les
intéresse, qu'est-ce qu'ils ont
aimé dans l'intrigue. Je suis
vraiment réellement intéressée.
Si ça me tente pas un matin ou
cette journée-là, bien,
j'irai pas. Je vais aller
faire l'épicerie à 8h
le matin, c'est tout.
Mais sinon, ça fait partie de ma
vie. Ça fait partie de ma vie.
Des fois, ça peut être long.
Ma fille, elle trouve ça
un peu long, mais bon...
Moi, je trouve ça
très nourrissant.
DANIEL LESSARD
Ça vient avec le travail
et c'est une partie qu'on
peut pas négliger.
MARIE TURGEON
C'est pour ça qu'on le fait.
DANIEL LESSARD
Cinéma et théâtre. Théâtre,
d'abord. Explique-moi une chose.
Tous les gens, quand vous lisez
un truc sur une comédienne ou
sur un comédien, au Québec,
au Canada, aux États-Unis,
vous disent toujours: "Il y a
rien comme le théâtre."
Qu'est-ce qu'il y a de si
spécial dans le théâtre?
MARIE TURGEON rit.
MARIE TURGEON
Il y a ce qu'on n'a pas ici.
On peut toujours faire
du montage.
Au théâtre, il y a pas de filet.
C'est sans filet. C'est ça. Ça
va être différent à chaque soir.
C'est le même texte que tu
défends pendant deux mois.
DANIEL LESSARD
Et c'est vraiment cette
adrénaline-là qui est importante
dans le théâtre, parce que
vous devenez pas millionnaire
en jouant en théâtre.
MARIE TURGEON
Oh, non, mon Dieu...
Oh que non! C'est un luxe.
Faire du théâtre, c'est
très, très nourrissant.
Pas nourrissant... C'est pas le
beurre sur le pain, mais c'est
très nourrissant artistiquement.
C'est très, très nourrissant.
Le théâtre, c'est une famille.
Tu composes une famille. Tu
travailles sur tes répétitions.
Tu fais ton travail de table.
Tu viens en répète. Après ça,
les liens qui se forment dans
la loge, soir après soir...
Ça augure pas la même chose.
C'est sûr que dans le contexte
d'un long téléroman comme
Rumeurs, ça a été six ans.
Providence, aussi, ça a été
pendant des années aussi.
Mais six ans avec les mêmes
collègues, bien, c'est sûr que
ça devient une famille. C'est
du même ressort, mais...
Oui, c'est ça.
DANIEL LESSARD
Cinéma.
MARIE TURGEON
Cinéma, bien, moi, j'en fais
pas... J'en ai fait un peu, mais
j'en ai pas fait beaucoup.
Mais... c'est... c'est un art
où on prend plus le temps.
On travaille le plan,
on travaille l'intention.
Aujourd'hui, la télé, ça va
tellement vite. On propose
quelque chose. "Oui, oui, c'est
parfait. OK.
Let's go." On est
rendu quasiment deux plans
plus loin. Donc, c'est rapide.
Ça veut pas dire qu'on
travaille moins bien.
On travaille plus vite.
DANIEL LESSARD
T'es impliquée aussi
dans plusieurs causes
fort intéressantes sur
l'alphabétisation, la jonquille
pour le cancer, la lecture.
On vient te chercher ou si
c'est des choses qui te
tentent de faire ou...
MARIE TURGEON
On vient me chercher. Puis si
je dis oui, c'est parce que
ça me tente de les faire.
On a un métier public, c'est
ce que je disais tantôt. On a
la chance d'être un porte-voix.
On embrasse les causes qui
nous tiennent à coeur.
Et la moindre des choses, c'est
de rendre aussi, de redonner.
L'énergie qu'on me donne
quand on m'arrête dans la rue en
me disant: "Oh, j'aime tellement
votre personnage! Lucie, elle
est toute petite, c'est tout
fin. Elle est toute gentille.
On aimerait ça, l'avoir
comme infirmière."
Ça, c'est très gratifiant.
On a parlé d'égo tantôt. Mais
c'est très... Ça, c'est très
enrichissant. La seule chose que
je peux faire, à tout le moins,
c'est prendre ça et redonner.
Dire: "Bon, moi, je porte
ma voix à La lecture en cadeau."
C'est rendu la 17e édition.
Je l'ai fait pendant huit ans.
C'est pas parce que j'étais
tannée, mais je me suis dit:
C'est le temps de passer le
flambeau, je l'ai fait huit ans.
Et la cause est toujours aussi
importante à mes yeux. Et là,
c'est Salomé Corbo qui le
fait. Elle le fait très bien.
Mais c'était pour moi important
de dire: "Ça se peut pas qu'on
ait une personne sur cinq au
Québec qui arrive pas à lire
une posologie de médicament."
DANIEL LESSARD
C'est incroyable, oui.
MARIE TURGEON
Ça se peut pas. Je peux pas
croire. Ça m'a ouvert les yeux
sur un paquet de choses. Donc,
si je peux être porte-voix pour
sensibiliser la population
et les gens à ça, à cette
problématique-là, bien,
mon Dieu, faisons-le!
C'est de là, l'engagement,
il vient de là. Il vient du fait
que moi, je pensais avant que
tout le monde lisait. Comme
parent, tout le monde lit à ses
enfants avant de dormir ou tout
le monde les prend sur ses
genoux puis on ouvre un livre.
Il y a des livres dans toutes
les maisons, pour moi,
au Québec, à l'époque.
DANIEL LESSARD
C'est pas
nécessairement vrai.
MARIE TURGEON
Mais non!
Et donc, ça devient...
Pour moi, c'était quelque chose
d'important à lancer et à
souligner, à faire en sorte
de dire, en tout cas, avec
ma petite expérience de vie:
"C'est important de faire ça.
C'est garant de l'avenir." C'est
garant aussi de moments très
précieux avec ma fille.
C'est des moments encore
extraordinaires.
DANIEL LESSARD
Parlons-en, de ta fille. On
l'a rencontrée avant l'entrevue.
Elle est absolument adorable,
comme sa mère, je dirais.
Bon, je suis flagorneur.
T'as tout le temps que tu
souhaites à lui consacrer ou des
fois tu dis: "Merde, je devrais
être là puis je peux
pas, il y a le travail."
MARIE TURGEON
Non, en fait, je pense que
ma balance travail-vie privée,
c'est un joyeux équilibre.
Je dirais que j'ai atteint
un certain équilibre.
C'est sûr qu'on travaille.
Je tourne le matin. Des fois,
je suis pas là pour lui dire
au revoir quand elle part
pour l'école, mais...
On travaille pas de 9h à 5h
à tous les jours, hein.
Donc, moi, au niveau des
journées de tournage, je
pense qu'elle en souffre
pas tant que ça. Elle est
rendue maintenant à 14 ans.
Donc, non, elle est capable.
Ça lui donne aussi pleine
possession de ses moyens,
l'autonomie qui
embarque, et tout.
Non, je pense que je suis
capable de faire la balance.
Mais je garde du temps très,
très précieux à chaque
jour avec Béatrice.
Que ce soit autant pour
les devoirs que de faire une
rétrospective sur sa journée,
que de dire: "OK, puis?
Comment ça va?"
DANIEL LESSARD
Et vous passez beaucoup
de temps ensemble finalement?
MARIE TURGEON
Oui. Bien, en fait,
on est toujours ensemble.
DANIEL LESSARD
Tu l'élèves seule?
MARIE TURGEON
Oui, tout à fait. Oui, oui.
C'est lourd à porter, peut-être,
pour elle, mais c'est l'amour
de ma vie.
DANIEL LESSARD
Oh, je suis sûr que c'est pas
lourd à porter pour elle.
MARIE TURGEON rit.
DANIEL LESSARD
Merci, Marie.
MARIE TURGEON
Bien, ça me fait plaisir. Ça
me fait vraiment plaisir. Ça a
passé comme un coup de vent!
DANIEL LESSARD
Trop vite.
MARIE TURGEON
Merci, Daniel.
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