Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Shawn Jobin : slammeur fransaskois
Pas évident d’être un slammeur francophone dans l’ouest canadien : c’est le pari que relève pourtant chaque jour Shawn Jobin.
Il dénonce les injustices. Il critique la société. Il parle pour sa génération. Et ses paroles ne sont pas enrobées de jolies mélodies. Le slam, c’est parlé, rythmé, saccadé.
Shawn Jobin surprend par son talent, son succès et même ses prises de position.
Et si sa musique est urbaine, le gars, lui, ne l’est pas. Il a passé une partie de son adolescence dans les prairies de la Saskatchewan…
Réalisateur: Linda Godin
Année de production: 2015
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Des images d'un garage couvert de graffitis défilent.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Il dénonce les injustices, il
critique la société, il parle
pour sa génération, mais ses
paroles ne sont pas enrobées
d'une jolie mélodie.
On présente SHAWN JOBIN en spectacle.
SHAWN JOBIN
Dire que j'ai tout donné
Pour finir déboutonné
Sous la cloche sonnée
d'un autre décès
Des cerfs-volants s'évadent
Donc finis ton dessert
Car le sablier lui
ben il a fière allure
Lorsqu'il laisse tomber
son dernier morceau
Morsure de vie cicatrise ta peau
Plusieurs images de villes défilent.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
Le rap, c'est parlé, rythmé,
saccadé. Et si la musique est
urbaine, le gars, lui, ne l'est
pas. De son enfance dans une
petite ville du Québec à son
adolescence sur les Prairies de
la Saskatchewan, Shawn Jobin
surprend avec son talent,
son succès et ses
prises de position.
On présente un vidéoclip de SHAWN JOBIN chantant du rap.
SHAWN JOBIN
Dans les couloirs
des châteaux de l'Angleterre
J'veux un pays libre
et non un presbytère
J'veux pas qu'on se sépare
j'veux juste parler français
Dans tout le Canada
bref dans mon pays
C'est le tien aussi
donc enlève ton étiquette
De minorité ce pays
nous l'avons bâti aussi
Avec la télé non tu m'auras pas
Avec la radio non tu m'auras pas
GISÈLE QUENNEVILLE rencontre SHAWN JOBIN, rappeur et animateur jeunesse, dans un restaurant de Régina.
GISÈLE QUENNEVILLE
Shawn Jobin, bonjour.
SHAWN JOBIN
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Shawn, tu reviens de Montréal,
il y a pas si longtemps, où tu
as travaillé sur ton nouvel album.
C'est ton troisième album, je pense.
Comment ça se passe?
Comment ça s'est passé?
SHAWN JOBIN
Bien, ça se passe super bien.
Super bon... Belle énergie dans
le studio qui se passe. En fait,
c'est mon deuxième album.
J'ai lancé un EP entre
les deux albums.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc ça compte pas, ça?
SHAWN JOBIN
Euh, non...
C'est un 4 titres plutôt, plus
promotion et tout ça, lancer des
trucs. Mais oui, c'est pour ça
que je suis très, très, très
heureux de travailler là-dessus,
parce que c'est le real deal.
GISÈLE QUENNEVILLE
Le real deal?
SHAWN JOBIN
Le real deal voulant dire:
c'est un album complet. Fait que
si j'ai un concept derrière ça,
si je veux vraiment emmener
l'auditoire dans mon univers,
bien, c'est la façon de le faire.
C'est d'inciter les gens à venir
dans mon univers en écoutant
l'album.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu'est-ce que tu veux faire
cette fois-ci avec cet album-ci?
SHAWN JOBIN
Bien, je pense que depuis le
premier, le premier est sorti
déjà en 2009, fait que j'ai
grandi mentalement,
mais pas physiquement.
Je suis un petit homme.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais en 2009, t'avais quel âge?
SHAWN JOBIN
16 ans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Wow!
SHAWN JOBIN
C'est ça! Fait que c'est un
peu une crise d'adolescence
que j'ai comme mise sur papier.
Mais en fait, elle était
très appropriée au moment...
Quand c'est sorti, c'était
approprié au moment, tu sais.
GISÈLE QUENNEVILLE
OK.
SHAWN JOBIN
Entre temps, en 2012,
j'ai sorti : Tu m'auras pas, qui
était le EP avec les quatre titres
que j'ai réalisé avec Claude Bégin.
Et c'est ça. Astheure, 2015,
on travaille sur le nouvel album,
un album full concept,
extraordinaire, j'espère.
GISÈLE QUENNEVILLE
T'as quand même fait pas mal
de choses dans ta carrière, qui
est quand même une carrière de
huit ans, d'artiste, ou six,
sept ans d'artiste. Quel a été
le grand moment pour toi
jusqu'à maintenant.
SHAWN JOBIN
Ouf, le grand moment jusqu'à
maintenant? Il y en a eu plusieurs.
Il y en a eu plusieurs
dans certains niveaux
de carrière où j'étais. Voulant
dire, mettons, quand j'étais
émergeant, j'ai gagné des
concours qui étaient super, qui
m'aidaient à aller au prochain
niveau qui était le niveau
professionnel.
Fait que là, dans mes débuts
professionnels, j'ai aussi participé
à certains concours que j'ai gagnés.
Et ensuite de ça, je pense, les
invitations astheure, au point
où je suis rendu dans ma
carrière, c'est des invitations,
aller jouer dans des festivals
à l'extérieur que je vois
comme point culminant.
Astheure, comme par exemple, cet
été, j'ai eu la chance d'aller
me produire en Europe aux
Francofolies de Spa,
à Pause Guitare à Albi.
Ça, pour moi, c'était...
Depuis que je suis
jeune, je suis comme: mais il
faut que j'aille voir l'Europe!
Faut que j'aille partager ma
musique là! Et ça, c'est arrivé,
mais encore une fois, c'est
un point culminant, c'est
next step, prochaine
chose, tu sais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors tu es un rappeur
francophone en Saskatchewan.
Il me semble que ces trois mots-là
dans la même phrase,
ça marche pas.
SHAWN JOBIN
Ça fait dur.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oh?
SHAWN JOBIN
C'est pas que ça fait dur,
non, mais c'est vrai que c'est...
C'est très intéressant
parce que même sur scène,
moi, je le dis. Je dis qu'on
n'associe pas souvent le rap
à la Saskatchewan. On associe
souvent, tu sais, je sais pas...
GISÈLE QUENNEVILLE
Ni le francophone
à la Saskatchewan.
SHAWN JOBIN
Non, exactement, tu sais. En
fait, c'est drôle, mais c'est
possible. Et c'est pour ça que
j'aime ça en parler, parce
que je veux montrer aux gens que
c'est possible. Et j'ai toujours
pensé depuis que je suis en
Saskatchewan que c'est une terre
d'opportunités. Et en étant une
terre d'opportunités, bien, je
suis une preuve vivante que tu
peux devenir ce que tu veux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que le rap qu'on fait
en Saskatchewan est différent
du rap qu'on fait à Montréal,
à Paris ou à New York,
par exemple?
SHAWN JOBIN
Euh, oui. La musique qui
va refléter ta région, c'est sûr
que c'est différent. Comme
moi, ma musique est plus
centrée autour de ce que je
vis personnellement, de ce que
j'aborde, de tous les...
C'est sûr aussi, c'est revendicateur
au côté de la langue française
parce que tu sais, on vit
en minorité. Tandis que tu sais,
dans des grosses villes comme
Montréal, Paris, des choses
comme ça, t'as plus de choix,
t'as plus de personnes qui sont
dans ce style-là, t'as plus de
possibilités. Fait que c'est sûr
et certain que le rap va
refléter d'où tu viens.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que t'en fais juste
en français ou ça t'arrive
d'en faire en anglais aussi?
SHAWN JOBIN
Juste en français.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourquoi?
SHAWN JOBIN
En f... Bien, c'est
une bonne question.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parce que tu parles anglais.
SHAWN JOBIN
Oui, oui, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Couramment.
SHAWN JOBIN
Oui, oui, oui. Je parle anglais.
Pourquoi je décide de le faire
en français? Bonne question.
Euh... C'est pas
pour l'argent, ça, c'est sûr.
(Riant)
En fait, c'est juste par principe
et par amour de la langue.
Parce que j'ai toujours trouvé
que le rap en français, ça
sonnait... Ça résonne plus, ça
sonne mieux et je trouve que...
C'est pas contre le rap en
anglais. J'adore, j'en écoute
tout le temps.
Mais lorsque j'entends du rap
francophone, on dirait que mon
cerveau, en tout cas, je parle
personnellement, le prend plus
au sérieux. Tu sais, ça devient
plus un message qui veut être
passé, qui veut être reçu à
quelque part. Fait que là,
je "move", j'écoute.
Tandis qu'en anglais,
je vais plus avoir tendance,
tu sais, je mets ça dans mon char,
c'est pour "chiller", "head-banger",
écouter en background.
Mais ça, c'est juste moi,
c'est personnel.
GISÈLE QUENNEVILLE
T'as mentionné que tes textes
parlent parfois de ta situation
de minoritaire francophone au
Canada, en Saskatchewan en
particulier. Pourquoi tu sens
le besoin de parler de ça?
SHAWN JOBIN
Bien, en fait...
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est pas quelque chose
dont on parle normalement
dans un rap par exemple.
SHAWN JOBIN
Non. Bien, c'est sûr que
le rap, c'est un outil très
revendicateur. C'est très...
T'as quelque chose à dire et tu
fais passer ton message, tu veux
que ça passe, le rap, c'est le
meilleur style, à mon avis.
Ça ou le punk, tu sais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui!
SHAWN JOBIN
C'est dur de... En tout cas.
L'album, bien, le EP
Tu m'auras pas.
Je pense que j'ai la paix
un peu avec mon côté, tu sais:
"J'ai besoin de parler de ma
minorité, j'ai besoin de parler
de revendiquer." Quand j'ai
écrit la pièce : Tu m'auras pas,
c'était un cri de ralliement
voulant dire que: écoute, on est
là, on est dans l'ouest, on
parle français, il y a des
convaincus et on n'est pas
obligé de convaincre les
convaincus de vouloir parler
français. Mais là, il s'agit
juste de s'affirmer, de se
mettre debout et de dire:
"Eille, écoutez, on est là."
That's it.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et tu t'adresses à qui?
Tu t'adresses aux autres
francophones de la Saskatchewan?
Aux Québecois? Aux anglophones?
SHAWN JOBIN
Dans la toune, je m'adresse
aux Québecois, je m'adresse...
Bien en fait, c'est drôle parce
qu'il y a une ligne où je dis:
on comprend que la fleur de lys
peut aussi pousser dans les
Plaines. Pas les plaines
d'Abraham, tu sais. Ça, c'est
tout simplement un message
au Québec voulant dire qu'il y a
pas juste, tu sais, chez vous
qu'elle pousse, cette belle
fleur-là. Mais oui, non, je
m'adresse à tout le monde.
Tout le monde au Canada entier.
De nouveau, un extrait d'une videoclip de SHAWN JOBIN : « Au nom de la Nation », 123 Go Productions, est présentée.
SHAWN JOBIN
(Rappant)
Les Fransaskois
les Franco-Manitobains
Louis Riel Gabriel Dumont
se sont battus pour le bien
Pour une cause pour
que les gens comprennent
Que la fleur de lys peut
aussi pousser sur les plaines
Pas les plaines d'Abraham
les plaines remplies d'avoine
À vrai dire elle pousse partout
jusque dans les montagnes
On retourne au restaurant où GISÈLE QUENNEVILLE poursuit son entretien avec SHAWN JOBIN.
GISÈLE QUENNEVILLE
Tu fais du rap et du rap,
c'est vu comme étant quelque
chose de très urbain, très ghetto.
Toi, t'es pas très urbain,
t'es pas très ghetto.
T'as grandi à Saint-Raymond
au Québec et en Saskatchewan.
Est-ce que ça te crée des
problèmes d'image des fois?
SHAWN JOBIN
Pfff... Je m'en fous
complètement. Parce que j'ai
passé un... Quand j'ai commencé
dans le rap, c'est sûr et certain
que l'image était très importante.
C'est quelque chose
que tout le monde, tous les
rappeurs veulent. Mais... La
réalité te frappe et tu réalises
qu'être toi-même, ça vaut... tout!
Ça vaut toute une carrière.
Si t'es capable de
faire ta carrière en étant toi,
je trouve que t'as un certain
succès. Mais tu sais, ça varie
d'artiste en artiste. Mais
moi, j'ai découvert ça.
GISÈLE QUENNEVILLE et SHAWN JOBIN se trouvent devant une oeuvre peinte sur un mur extérieur près d'un stationnement dans la ville de Régina.
GISÈLE QUENNEVILLE
Shawn, tu vis à Regina.
Parle-moi de ta ville
et qu'est-ce que t'aimes de ta ville.
SHAWN JOBIN
Bien, Regina, je trouve que
les artistes se mélangent. Et je
pense qu'à la première approche
que tu peux voir le plus,
mettons, sans rentrer dans une
galerie ou bien, peu importe,
aller à une exposition ou bien
écouter un album, bien, c'est
les arts de rue, voulant dire
les graffitis.
On présentent quelques graffitis qui ornent les murs de la ville de Régina.
SHAWN JOBIN (Narrateur)
Et ce qui est cool,
c'est que les graffitis,
ils sont faits par des artistes
locaux et les personnes qui ont
les magasins ou peu importe sont
totalement ouvertes, prêtent
leur structure comme pièce d'art.
Fait que ça, c'est vraiment
la première chose que
tu peux voir à Regina que j'aime
montrer, parce que justement,
c'est tout du local et c'est intéressant.
GISÈLE QUENNEVILLE (Narratrice)
C'est drôle, parce que quand
je pense à Regina, je pense
pas à des graffitis. Pourquoi,
qu'est-ce qu'il y a sur cette
scène culturelle là, cette scène
artistique là qui pousse les
gens à faire des graffitis?
SHAWN JOBIN (Narrateur)
En fait, ça, je le sais pas.
Je me rappelle, la première fois
que je suis venu à Regina, c'est
une chose que j'ai trouvée super
intéressante. En fait, un des
meilleurs graffeurs de Regina
est aussi un rappeur qui
s'appelle Def 3, qui a certaines
pièces autour de la ville
qui pour moi, sont super
interpellantes. Et comme j'ai dit,
ils ont tous chacun une
histoire individuelle. Et c'est
la première chose que tu peux
voir artistiquement à Regina.
On revient dans le stationnement pour conclure la portion extérieure de l'entrevue.
GISÈLE QUENNEVILLE
Un peu comme les rappeurs.
SHAWN JOBIN
Exactement.
Un nouvel extrait de la vidéo : « Au nom de la nation » de SHAWN JOBIN, 1 2 3 Go Productions est présenté.
SHAWN JOBIN
J'veux pas
qu'on se sépare
j'veux juste parler français
Dans tout le Canada
bref dans mon pays
C'est le tien aussi
donc enlève ton étiquette
De minorité ce pays
nous l'avons bâti aussi
Avec la télé non tu m'auras pas
Avec la radio non tu m'auras pas
Avec les médias non
tu m'auras pas
Au nom d'une nation
plus d'assimilation
Avec la télé non tu m'auras pas
Avec la radio non tu m'auras pas
Avec les médias non
tu m'auras pas
Au nom d'une nation
plus d'assimilation
J'ai mal au coeur
lorsque je vois l'ignorance
Les anglophones qui rêvent
de notre retour en France
Des Maritimes jusqu'en
Colombie-Britannique
Y compris les Territoires
on se serre les coudes
lorsqu'il fait noir
On retourne dans la salle à manger d'un restaurant où GISÈLE QUENNEVILLE s'entretient avec SHAWN JOBIN.
GISÈLE QUENNEVILLE
Shawn, qu'est-ce qui te pousse
à écrire un texte?
SHAWN JOBIN
Qu'est-ce qui me pousse
à écrire un texte?
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y a un élément déclencheur?
SHAWN JOBIN
Oui, en fait... Ça vient un peu en...
Comment dire? En petits morceaux.
Mettons que je vais
avoir une discussion
avec quelqu'un et il va me
partager quelque chose qu'il a
vécu. Et là, dans ma tête, je
mets ça un peu dans mes mots,
ça m'inspire un peu, je mets ça
de côté et là, je reviens plus tard.
Ce qui m'inspire le plus,
c'est les connexions humaines.
C'est vraiment les histoires
qui va se faire partager autour
d'une table et comment les
gens se sont sentis et les trucs
comme ça. Mais aussi des
choses que moi je vis.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais est-ce qu'il faut
que ce soit quelque chose
qui te révolte?
SHAWN JOBIN
Pas vraiment, non. Non, non.
C'est sûr qu'au début, oui. Faut
vraiment que, tu sais,
comment dire? Fallait vraiment que ça
m'atteigne pour écrire quelque
chose. Non, je pense
que j'ai comme...
GISÈLE QUENNEVILLE
T'as une maturité.
SHAWN JOBIN
Oui, j'ai motivé mon cerveau
à être capable de travailler.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quel moment as-tu écrit
tes premiers textes?
SHAWN JOBIN
Ouf! J'avais 14, 13-14 ans. Et
j'ai été voir un show de hip-hop
dans le comté de Portneuf à
Pont-Rouge et c'était :
Sans Pression avec Joe BG.
En tout cas, c'était un show hip-hop
extrême. Les culottes, tu sais,
en bas des genoux, c'était deux
heures de gros beat. Et moi, là,
j'étais jeune, j'avais à peu
près 12 ans, et mon grand-frère
m'a emmené là. Et j'étais
dans la foule et je voyais ça et
j'étais comme: wow!
Like no questions asked,
c'est ce que je veux faire,
tu sais, c'est sûr et certain.
Fait que je suis retourné chez nous
et de là, j'ai commencé à écrire
des petits bouts de phrase
sur des papiers qui voulaient pas dire
grand-chose. Et je me rappelle,
on avait trouvé une cassette.
J'avais un demi-frère et...
En tout cas, on avait trouvé une
cassette avec des beats dessus
et on écoutait tout le temps
la cassette avec des beats
et on rappait, on faisait des
freestyles dessus. Et c'est
ça, ça a commencé comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Toi, tu as grandi au Québec?
SHAWN JOBIN
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
T'es né au Québec, t'as grandi
au Québec, mais t'es allé
à l'école anglaise au Québec.
Comment ça?
SHAWN JOBIN
En fait... Ma mère, elle a
étudié, alors ça me donne le
droit d'aller à l'école en
anglais. Et mon père a toujours
dit que ça allait être utile
dans mon futur, ce qui est très
vrai d'ailleurs. Mais du coup,
ça m'a mis dans une situation
minoritaire quand même, parce
que dans le comté de Portneuf,
il y avait juste une école
anglophone primaire qui était
Portneuf Elementary School et
on était 60 de la première
à la sixième année. Fait que,
tu sais, tout le monde est
un peu lié des amis.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors comment tu t'es
retrouvé en Saskatchewan?
SHAWN JOBIN
Bonne question. En fait,
comment je me suis retrouvé
en Saskatchewan: ma mère, elle
avait un emploi ici. C'est la
DG du Réseau santé en français
à Saskatoon? Bien, de la
Saskatchewan, mais les bureaux
étaient à Saskatoon. Ça, c'était
en 2007. Et à mon adolescence,
j'avais un peu un parcours...
Comment dire? Cahoteux.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était tough à l'école.
SHAWN JOBIN
C'est ça. C'était pas facile. Et...
GISÈLE QUENNEVILLE
T'avais pas des bons amis? T'étais...
SHAWN JOBIN
Bien non, je me faisais
beaucoup influencer par des
choses très négatives, tu sais.
Et c'est ça, j'étais tout
simplement pas bien influencé
et bien entouré à ce moment-là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et avec tous les problèmes
qui viennent avec ça, j'imagine.
SHAWN JOBIN
C'est ça, c'est ça. La goutte
qui fait déborder le vase a
fait que bon, finalement--
GISÈLE QUENNEVILLE
Alcool, drogue?
SHAWN JOBIN
Oui, bien écoute, un peu de
tout. Un peu de tout là-dedans.
Un gros mélange de tout ça.
Et à la fin du compte,
ma mère qui a tout simplement
dit: "OK, c'est assez.
Tu vas venir passer un bout
de l'année scolaire et de l'été
en Saskatchewan et après ça,
on verra ce que tu vas faire."
Je suis arrivé en janvier 2008 et
j'ai été à l'école en français
ici à l'ECF,
à l'École canadienne-française.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais là, t'es encore minoritaire!
SHAWN JOBIN
Oh oui! Pire encore, plus.
Encore pire, parce que quand
même, à Québec, à l'école
où j'allais, il y avait 1500 élèves.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oh!
SHAWN JOBIN
Oui, parce que c'est
Saint Patrick's High School,
une des deux seules écoles
anglophones à Québec.
Cela étant dit, je suis arrivé
dans une école francophone
où il y avait à peu près 70 élèves
de la septième année jusqu'à
la douzième année. Et ça,
ça a été un choc pour moi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bien, je comprends.
SHAWN JOBIN
Tu sais, ça a vraiment fait
comme: Shawn, calme tes nerfs.
Parce que là, j'arrive avec
l'attitude de la grande ville,
l'attitude de bum, l'attitude de
hip-hop, tu sais. J'arrive dans
cette école-là, c'est une école
super communautaire. Tous les
francophones, ils s'aiment tous,
c'est tout super, il y a pas de
confrontation, rien. Moi, je
rentre là-dedans avec, tu sais...
GISÈLE QUENNEVILLE
L'attitude qui vient avec,
j'imagine.
SHAWN JOBIN
Oui. J'avais l'âme et le coeur
noirs. Je rentre là et je suis
comme: This is me,
this is who I am.
Et... Cette demi-année
que j'ai passée à cette
école-là, ça m'a changé. Ça m'a
changé, ça m'a... C'est drôle
comment l'influence marche
et l'influence, tu sais, agrippe
les jeunes. Je l'ai vécu,
je l'ai vu, et lorsqu'il y avait
plus rien pour m'influencer dans
mon entourage, j'ai commencé
à être moi-même. Et ça, ça me
faisait peur aussi parce que,
tu sais, je me rappelais plus
vraiment c'était quoi ou qui
Shawn Jobin. Je commence
à penser de mon propre coeur,
tu sais, sans penser à ce que les
autres vont penser de moi. Je
commence à agir par moi-même, à
agir de bonne conscience. Et tu
sais, du jour au lendemain,
l'été arrive, je reste
en Saskatchewan. Et à la fin
de l'été, j'ai pris ma décision,
j'ai dit: "Écoute, je pense
que je vais rester ici."
GISÈLE QUENNEVILLE
Moi, ce qui me surprend chez toi,
c'est à quel point tu t'es
identifié rapidement à cette
culture fransaskoise. Il y a
sans doute des Québecois qui
sont ici depuis 25 ans qui
demeurent Québécois.
Pourquoi toi, tu t'es identifié à
cette culture-là?
SHAWN JOBIN
Bien, je dois beaucoup à
la culture fransaskoise. Je
dois beaucoup en fait autant
personnel, côté carrément
musical, voulant dire que c'est
eux, tu sais, c'est eux qui
m'ont incité à sortir l'artiste
qui était en dedans de moi, qui
a donné le produit que je suis
aujourd'hui. Autre aussi, c'est
parce que l'union fait la force,
je trouve et les normes sont
importantes et tout ça. Et je
trouve que tu t'identifies
en tant que Franco-Canadien,
Franco-Manitobain,
Franco-Albertain, francophone
de l'ouest, Franco-canadien,
whatever, ça dérange pas. Tant
que tu t'identifies en tant
que francophone, dans le côté
minoritaire, on a déjà, tu sais,
un bon pas dans la bonne direction.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle est la définition
du succès pour toi?
SHAWN JOBIN
Ouf, euh... Je trouve que ça serait...
Pour moi, ça serait d'avoir la
chance de partager mon message
avec le plus de monde possible
en gardant la mentalité que j'ai
en ce moment. En gardant qui
je suis, en gardant mes valeurs
aux bonnes places pendant toute
une vie. Je pense que ça, ce
serait un succès. à mon avis.
SHAWN JOBIN chante sur scène.
SHAWN JOBIN
J'ai poussé du vent
J'ai perdu du sang
Dans ce sens unique
J'ai taché ma tunique
Tu n'es qu'une addition
dans ce petit cirque
Les circonstances
me proposent qu'on s'lance
Du haut de mes trois pommes
Duo à trois hommes
J'ai les poches sans somme
Mais la vie est bonne
À plus ou moins rien
Le soleil à -20
Me rappelle que la chaleur
est aussi gelée
Vision du monde idéal
moi aussi je l'ai
Perdue avec le temps
Alors je montre les dents
Des temps festifs
suivis d'expressions fautives
Faut-il être fertile
pour habiter l'île
Little did you know
On va manquer d'eau
Mets pas ça sur mon dos
Parce que j'évite les batailles
Que je mène parmi le bétail
On fait de moi un homme
en besoin de travail
Dans la brume
il y a la mort qui fume
Sous sa barque
mouillée de bitume
Je suis sur la rive
Je te salue vieux salaud
Tu m'as sali tous les eaux
Je respire à juste niveau
Ouvre tes yeux Shawn
C'est juste un mauvais rêve
Mais là t'as des mots à écrire
T'as des choses à dire
Mais merde c'est quoi
que j'allais dire
Dire... Dire...
On montre le Parc Victoria, à Régina, Saskatchewan avant de retourner à l'intérieur pour continuer l'entrevue de SHAWN JOBIN.
GISÈLE QUENNEVILLE
Shawn, tu es un artiste.
Tu fais du hip-hop, mais
t'as également une job de 9 à 5.
Bien, peut-être pas tout à
fait de 9 à 5, mais une job.
Parle-moi de ton travail.
SHAWN JOBIN
Je travaille pour
l'Association jeunesse fransaskoise.
Et en fait, c'est beaucoup
d'événementiel, c'est de
tout et de rien en même
temps. Mais oui, c'est ça.
Je fais beaucoup d'animation
au niveau de cet organisme.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et comment tu décrirais
la jeunesse fransaskoise
aujourd'hui?
SHAWN JOBIN
Ce que je vois, c'est des gens
qui veulent, des jeunes qui
veulent, beaucoup de dynamisme.
Et... Beaucoup d'implication
pour le nombre. OK, il faut
pas... la Saskatchewan, on peut
pas vraiment se comparer à
d'autres provinces comme, tu
sais, là, en Ontario et tout ça.
Et surtout dans les Maritimes,
c'est qu'on n'a pas les nombres.
Mais dans le peu de nombre qu'on a,
c'est le fun parce qu'il y a des gens
qui veulent. Il y a des gens
qui veulent un peu vivre la
culture francophone, la faire
respirer, juste la vivre. Tandis
que, tu sais, moi, je suis très
content de travailler pour un
organisme comme ça, parce que
je le sais que dans les écoles,
souvent, où on perd les jeunes...
Je veux pas dire au grand méchant loup
parce que moi, je suis contre cette
idée-là, tu sais, que l'anglais
c'est le gros méchant loup. Mais
où on perd souvent des jeunes,
c'est que c'est des jeunes qui
sont écoeurés, tannés de se
faire dire: "OK, là, écoute,
il faut que ça se fasse en
français, en français, en
français.... Arrête!
En français, en français."
Je comprends le principe, OK?
Ça a marché pendant des années,
je comprends. Il y a de la place
à respirer, il y a de la place
à l'individualité, à être
soi-même. Il y a beaucoup
de jeunes qui choisissent de
prendre l'identité francophone,
de prendre l'identité fransaskoise
et de s'affirmer.
Et c'est ce que j'aime faire
à l'organisme jeunesse. C'est
justement ce qu'on essaye de
faire. C'est juste que nous, on
est là pour créer des situations
pour que tu t'exprimes en français.
Pas pour te vendre, ou vendre
quelque chose, ou te convaincre
que, tu sais, le français,
c'est meilleur, ou peu importe.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que, comme tu
travailles avec les jeunes,
est-ce que ça t'arrive des fois
de voir des jeunes de 13-14-15 ans...
... qui étaient comme toi
quand tu avais 13-14-15 ans?
SHAWN JOBIN
Oui, ça m'arrive, c'est sûr et
certain. Et en fait, ça me fait
plaisir quand je le vois, parce
que c'est comme un peu plus
facile pour moi d'aller vers ces
jeunes-là. Parce que je sais
exactement ce qu'ils vivent
ou c'est quoi la réalité de tout ça.
Que t'arrives de n'importe
où dans le monde, c'est de
s'adapter à la Saskatchewan.
Tu sais, c'est pas facile. C'est
des petites communautés, ça
devient très... Fait que ce qui
me fait plaisir, c'est justement
d'apaiser l'atterrissage de
ces jeunes-là, tu sais, juste en
leur donnant des outils qui sont
super simples. Mais je veux
dire, aussi à l'Association
jeunesse, c'est ce qu'on adore
faire aussi. C'est justement
donner des ressources à ces
jeunes-là qui trouvent que,
tu sais: "Ah, il y a pas grand-chose
à faire en français." Mais non,
non, non, attends. Check,
on va te donner une liste,
tu sais. Et oui, c'est sûr et certain
que je m'associe à eux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce que tu dis aux
jeunes qui veulent rien
savoir? Il y en a quand même.
SHAWN JOBIN
Oui... Paf!
Je sais... Bien, en fait...
GISÈLE QUENNEVILLE
T'as peut-être envie là,
mais j'imagine que tu peux pas.
SHAWN JOBIN
Non mais qui veulent rien
savoir... C'est dur de...
d'essayer de convaincre
l'ignorance. Souvent, ceux qui
veulent rien savoir, c'est
ceux qui s'ouvrent pas,
qui essayent pas, qui veulent...
Tu sais, si tu veux pas, tu veux
pas. Et qu'est-ce que je leur
dis, bien... Comme tout le
monde: essaye. Donne une chance.
Il y a beaucoup... J'ai un
exemple en tête. Un anglophone
qui vient d'une communauté de
Zénon Park ici dans le nord,
je veux pas dire le nord, mais
peu importe. Il y a quelques,
années... Il vient d'une famille
anglophone et tout ça, mais il a
été mis dans l'école en français
et tu sais... Il commence à...
à vouloir s'en aller du monde
francophone, et il trouve que ça
lui apporte rien, il en sort pas
d'outils, il en sort pas de
positivité. Et il y a une animatrice
culturelle qui nous l'a suggéré pour
le camp leadership.
Et on a dit: "Bien oui, pourquoi
pas?" Et il est venu au camp
leadership, il a essayé, il a vu
et aujourd'hui, ce jeune-là, il
est tout le temps aux activités.
Tout le temps, tout le temps,
tout le temps. Ce qui est arrivé
au camp leadership, ce qui a
fait le déclic dans sa tête à
lui, je sais pas. C'est ça la
magie des choses, c'est qu'on va
jamais le savoir. Mais il a
essayé et il l'a vécu. Je dis
pas que ça va être comme ça
pour tout le monde, mais je veux
dire, un sur dix,
(Propos en anglais)
it's good enough for me.
Tu sais. Surtout quand
on a les nombres, c'est un enjeu.
Mais en tout cas... Moi,
ce que je dirais, c'est: "essaye.
Vas-y. Va aux
activités, va te baigner avec
les autres et... Aie du fun".
GISÈLE QUENNEVILLE
Je t'entends parler de ton
travail et ça a l'air de
beaucoup t'apporter. Ça a l'air
d'être une expérience riche que
tu vis. T'as également ta vie
d'artiste, d'artiste de hip-hop.
Où est-ce que tu te vois dans
cinq ans ou dans dix ans?
SHAWN JOBIN
Ouf, euh... Je dis souvent
"ouf" dans cette entrevue-là.
OK, où c'est que je me vois?
Bonne question. Sur un yacht
à Miami. Non. Malheureusement
non. Je me vois...
GISÈLE QUENNEVILLE
Avec Pitbull.
SHAWN JOBIN
Oui, c'est ça! Avec Pitbull,
on va faire des featurings,
tu sais. Non, je me vois, je pense,
confortable, avec quelques
albums à mon nom.
Je vais faire de la musique
à temps plein, c'est sûr et
certain. Je vais aider d'autres
à rentrer dans le monde de la
musique. J'aimerais beaucoup
faire ça, parce que j'aime
beaucoup être le frontman,
travailler à mon nom et tout
ça, mais j'aime beaucoup...
Peut-être un jour j'aimerais
aider aussi les autres à vivre
le chemin que j'ai vécu, mais
tout en ayant ma carrière.
GISÈLE QUENNEVILLE
Tu te vois ici, en Saskatchan?
SHAWN JOBIN
Je sais pas, je peux pas te
dire. Comme je t'ai dit. Si je
commence à péter des hits,
peu importe, en Irlande,
peu importe, j'irai vivre
en Irlande.
Je vais aller là où la vie m'apporte.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, Shawn Jobin,
bonne chance et merci beaucoup.
SHAWN JOBIN
Je vais en avoir
besoin. Merci.
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