

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Vidéo transcription
Paul-François Sylvestre : auteur
L’auteur Paul-François Sylvestre est la mémoire vive de l’Ontario français.
Par ses recherches et ses écrits, il nous a fait découvrir des parlementaires, des religieux, des entrepreneurs et des athlètes franco-ontariens.
Son point de départ a toujours été sa région natale. Il a en effet signé trois romans historiques sur les francophones de la région de Windsor.
Paul-François Sylvestre est un autodidacte qui n’a pourtant pas fait de grandes études en histoire, mais il a mis sa passion et sa plume au service des francophones de l’Ontario.
Réalisateur: Charles Pepin
Année de production: 2015
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Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invité, PAUL-FRANÇOIS SILVESTRE, écrivain, on montre des images extérieures et intérieures de la maison de l'Alliance française à Toronto, où se déroule l'entrevue.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il est la mémoire vive
de l'Ontario français.
À travers ses recherches et ses
écrits, il nous a fait connaître
de grands Franco-Ontariens.
Son point de départ a toujours
été sa région natale.
Il a signé trois romans
historiques sur les francophones
de la région de Windsor.
Paul-François Sylvestre est
un curieux, un autodidacte.
Il a mis sa passion pour
le passé à contribution pour
les francophones de l'Ontario.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Chaque livre,
c'est une façon de me raconter,
de me dire que je suis fier
d'être Franco-Ontarien.
GISÈLE QUENNEVILLE
Paul-François Sylvestre,
bonjour.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Bonjour, Gisèle.
GISÈLE QUENNEVILLE
Paul-François, vous n'êtes pas
historien de formation. Vous
êtes peut-être plus historien
de conviction. D'où est venu
l'intérêt pour l'histoire
franco-ontarienne en
particulier, chez vous?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
C'est venu quand même assez
tard parce que chez nous, on ne
parlait jamais de Cadillac, de
La Salle, du sénateur Lacasse,
du journal La Feuille
d'érable et tout ça.
C'est longtemps après, enfin,
longtemps... Quelques années
après mon bac que j'ai commencé
à faire de la recherche
au Centre de recherche
en civilisation
canadienne-française,
à l'Université d'Ottawa que
j'ai découvert toutes sortes de
journaux qui avaient paru dans
le sud-ouest de l'Ontario,
à Windsor, à Tecumseh,
La Défense, La Feuille d'érable.
Et j'ai fait presque tout
l'inventaire des 30 ans de
La Feuille d'érable, et c'est
là que j'ai découvert plein
de choses sur ma région natale.
Et j'ai commencé à écrire
quelques petits articles
pour l'hebdomadaire
Le Rempart
de Windsor. Et ça a continué.
Ça s'est multiplié.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, l'intérêt primaire,
c'était votre région
du sud-ouest de l'Ontario,
d'abord et avant tout.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Oui, certainement, et aussi...
Je pense le fait d'avoir lu...
Je me souviens du premier livre
franco-ontarien que j'ai lu,
c'était
La quête d'Alexandre,
d'Hélène Brodeur.
Tous les romans que je lisais,
l'action se passait en France
ou au Québec. Jusqu'à 30 ans
passés. Et puis, euh...
Là, j'avais un roman
et l'action se passait
en Ontario, dans le nord.
C'était les grands incendies
qui ont ravagé Haileybury,
Porcupine et tout ça.
Alors là, j'étais étonné,
renversé. Et j'ai commencé
à faire encore plus
de recherches sur "ma" région.
Je veux dire, il s'est passé
des choses dans le sud-ouest
et les gens le savent pas.
GISÈLE QUENNEVILLE
Diriez-vous que vous êtes
romancier plus qu'historien?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Je n'aurais pas tendance à me
qualifier de prime abord comme
romancier. On me reproche
souvent d'être trop collé
à l'histoire dans mes romans, de
pas mettre assez de fiction, de
pas développer suffisamment les
personnages. Je m'accroche aux
faits historiques. Si on regarde
les 44 livres que j'ai écrits,
la majorité, c'est des essais
sur l'Ontario français.
Donc, je me considère
plus comme essayiste.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous nous avez fait découvrir
finalement les parlementaires
franco-ontariens, les
entrepreneurs franco-ontariens,
les religieux, les journaux,
les athlètes.
Les choses s'enchaînaient
les unes après les autres?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Oui, il faut dire aussi
que j'ai eu un coup de pouce.
Le Centre franco-ontarien de
ressources pédagogiques avait,
il y avait très longtemps, dans
les années 1980 peut-être, avait
commencé une série Pro-F-Ont,
projet franco-ontarien,
et on faisait l'histoire des
communautés de chaque village
ou ville où il y avait
une concentration francophone.
Parce qu'avant d'enseigner
l'histoire du Canada, on voulait
que les jeunes connaissent
l'histoire de leur milieu,
de leur région. Alors, on m'a
demandé d'écrire
Histoire de
Pain court et Grande-Pointe.
Ils ont dit: "C'est ton coin de
pays." Alors, c'est le premier
ouvrage que j'ai écrit
pour le Centre franco-ontarien
de ressources pédagogiques.
Après ça, quelqu'un devait faire
Matawa, mais il s'est désisté.
Puis Cornwall, puis Casselman.
Alors, j'en ai fait trois,
quatre, comme ça, après.
J'avais déjà un peu le tour.
Je savais quel plan suivre
et tout ça. Et comme j'avais
fait une recherche sur les
parlementaires, et puis sur les
journaux, et sur les communautés
religieuses. Tout ça me servait
pour parler de ces communautés.
Parce qu'il y a pas
une communauté, il y a pas
un village franco-ontarien
qui a pas eu une communauté
religieuse à un moment donné.
Souvent dans l'enseignement,
mais des fois, dans les soins
de santé aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez même écrit
un livre sur les athlètes
franco-ontariens.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
C'est-à-dire j'ai dirigé
le livre. Sylvie Jean et moi,
on s'est partagé la recherche.
Et... C'était une série...
J'avais commencé avec
Nos
parlementaires. Ensuite, un
ami, Jean-Yves Pelletier, avait
fait
Nos magistrats. Après ça,
j'ai dit: Tiens, les athlètes
sont pas connus,
tout ça. Alors...
Sylvie et moi, on s'est partagé
le travail. Elle a fait
plus les petites notes
biographiques de chaque athlète.
Moi, j'ai fait plus
le côté narratif historique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'il y en a un
qui vous a surpris? Parce que je
pense pas qu'on connaisse bien
nos athlètes franco-ontariens.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Oh mon Dieu, non. Bien, on a
tendance à connaître ce qu'on
appelle les
Flying Frenchmen,
qui sont les trois des Canadiens
de Montréal. Édouard Newsy
Lalonde, Jean-Baptiste
Laviolette et Didier Pitre.
Eux sont peut-être plus connus
parce qu'ils sont dans
le monde du hockey. Et puis...
Il y en a dans toutes
les disciplines. Au football,
en athlétisme...
En haltérophilie, tout ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que
les Franco-Ontariens
connaissent bien leur histoire?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Je pense pas. Ils la
connaissent certainement mieux.
Il faut dire aussi qu'il y a
des auteurs comme Jean-Claude
Larocque et Denis Sauvé
qui ont écrit toute une trilogie
sur Étienne Brûlé, dans la
collection 14/18, donc pour
les écoles secondaires.
Ils ont écrit un livre
John
et le Règlement 17, toujours
dans la collection 14/18.
On commence à voir l'histoire
franco-ontarienne entrer
de plus en plus dans les romans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu'on laisse
des traces de notre histoire?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Moi, je suis toujours content
quand on me dit: "On vient
d'ouvrir l'école Gaétan-Gervais,
ou l'école Louise-Charron à
Windsor." J'aime pas quand
on me dit: "On a ouvert l'école
L'Envolée, ou l'école La
Citadelle, ou l'école Trillium."
Je trouve qu'on rate notre
chance, on rate une bonne
occasion de rendre hommage
à un pionnier, une pionnière de
l'Ontario français. On pourrait
aussi donner des noms à
des bibliothèques, à des centres
culturels. Il y a quand même
le centre culturel Louis-Hémon
à Chapleau. Louis Hémon
est quand même décédé
à quelques kilomètres de là,
happé par un train.
Il est enterré à Chapleau.
Donc, c'est bien d'avoir appelé
le centre culturel comme ça.
GISÈLE QUENNEVILLE et PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE sont à l'extérieur pour parler du livre «L'Ontario français au jour le jour», écrit par PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE.
GISÈLE QUENNEVILLE
Paul-François,
L'Ontario
français au jour le jour,
ça fait une dizaine d'années que
vous avez publié ce livre-là,
mais il est assez incroyable.
Qu'est-ce qu'on retrouve
là-dedans?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Bien en fait, c'est une
synthèse un peu de ma recherche
sur les parlementaires, sur
les évêques, sur les journaux,
sur les communautés religieuses.
Mais je n'avais jamais parlé
d'artistes, alors j'ai inclus
aussi évidemment les écrivains,
les gens de théâtre, les gens
de la musique, de la chanson,
des arts visuels. Donc, on a
toutes les disciplines:
politique, économie, éducation.
Toutes les disciplines
artistiques aussi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y a 1384 éphémérides
là-dedans. Ça a pris combien
de temps de regrouper,
de recenser tout ça?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Comme j'ai dit, j'en avais
déjà beaucoup dans d'autres
livres que j'avais déjà publiés.
Alors, je crois pas que ça a
pris beaucoup plus qu'un an, un
an et demi pour rassembler tout.
J'ai essayé aussi de trouver
quelque chose pour chaque jour.
Des fois, je dirais pas que
j'ai triché, mais des fois, je
trouvais... J'avais pas la date
de naissance d'une dame parce
qu'elle ne voulait pas me dire
son âge. Alors, je prenais
une autre date de sa vie, et
ça tombait à un jour où j'avais
pas d'éphéméride. Alors,
il y en a pour tous les jours.
L'entrevue se poursuit à l'intérieur.
GISÈLE QUENNEVILLE
Paul-François, on a grandi
dans le même village, dans
la même région, vous et moi,
n'est-ce pas? Saint-Joachim,
dans le sud-ouest de l'Ontario.
Peut-être pas tout à fait
À la même époque. Moi, je suis
curieuse de savoir comment
c'était grandir à Saint-Joachim
à la fin des années 1950,
début des années 1960.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
En fait, je suis né en 1947.
Donc, c'est pas juste la fin,
c'est toutes les années 1950.
Je suis né dans une famille
où la langue française
était valorisée.
Maman était la fondatrice
ou cofondatrice de la Fédération
des femmes canadiennes-
françaises. Elle avait aussi
fondé l'Association des parents
et instituteurs à l'école
Saint-Ambroise. Je me souviens
qu'elle nous amenait à
la bibliothèque de Belle Rivière
pour qu'on choisisse des livres
français. Il y avait un rayon.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y en avait, oui?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
De livres français. Et je me
souviens même avoir commandé un
livre par la poste. J'avais été
assez surpris quand je l'avais
reçu. C'est la première fois, je
pense, que je recevais quelque
chose à mon nom, par la poste.
Et le livre, il fallait un
coupe-papier pour tourner chaque
page. Il fallait... C'était
les livres... On parle
de 1958-1959 à peu près.
Donc, il fallait ouvrir à chaque
page avec un coupe-papier.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il était très frais
ce livre-là!
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Et puis, j'ai fait mon cours à
l'école Saint-Ambroise. Ma tante
Mira, la soeur de papa, nous
enseignait première et deuxième
années. Et ensuite, j'ai eu
les Soeurs grises qu'on disait,
maintenant les Soeurs
de la Charité d'Ottawa,
jusqu'en neuvième année.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais là, vous êtes pas resté
dans le coin pour faire
votre secondaire. Ça, c'était
exceptionnel dans le temps.
Vous êtes allé où?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
J'ai quitté assez jeune.
J'avais 13 ans.
13-14 ans à peu près.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ça vous plaisait de quitter?
Parce que vous êtes
allé à Ottawa.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
C'est ça, oui. Les Pères
Oblats faisaient une tournée
de la province. Ils faisaient du
recrutement, et le curé a dit:
"Allez voir Francis Sylvestre.
Son gars serait peut-être
bon pour aller chez vous" ou
quelque chose comme ça. Alors,
ils sont venus, et ils ont
expliqué et tout ça. Pis ils
ont dit le nom du séminaire de
Mazenod, à Ottawa. Donc, je suis
arrivé. Ma soeur était déjà
rendue pour sa 11e et 12e au
couvent du Sacré-Coeur, chez les
Soeurs du Sacré-Coeur, à Ottawa.
Et puis, moi, j'ai suivi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous aviez quel âge
à cette époque-là?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
J'entrais en dixième année.
J'avais pas beaucoup
plus que 14 ans.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, là, on vous envoie
à l'autre bout de la province.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
J'ai adoré ça être
pensionnaire. Chez nous, j'avais
trois soeurs. Une soeur avant
moi, avec moi, après moi.
Ma soeur aînée, ma soeur jumelle
et ma soeur cadette. Alors, là,
j'étais avec toute une gang
de gars. Et puis, j'ai appris
à jouer au billard.
J'aimais jouer au ballon-volant.
Donc, on était cinq-six. On
se privait de la collation pour
être les premiers sur le court
du ballon-volant. Et puis,
je jouais au hockey, évidemment.
Le football, ça, ça me plaisait
pas, mais il fallait jouer.
Notre nom était sur l'équipe,
pis il fallait jouer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que c'était dans le but
de faire un prêtre de vous?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Bien, je dois dire
que personne dans ma classe et
personne après moi n'est entré
chez les Oblats. Il y en a un
avant moi, mais il était même
pas dans le même séminaire que
moi. Il arrivait du Québec
plus tard. Donc, je pense
qu'on savait qu'on formait pas
nécessairement des futurs
prêtres. On espérait peut-être,
mais... Mais c'était à l'époque,
la seule façon d'avoir un cours
secondaire de langue française.
Il fallait être mis comme
pensionnaire. Les filles dans
des couvents, les gars dans des
séminaires, ou académies, ou...
Et c'était les Pères,
les Frères et les Soeurs qui
dirigeaient ces institutions.
Et moi, j'ai continué.
Je suis resté à Ottawa, vraiment
pour le cours universitaire.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment c'était pour vous,
à Ottawa? Parce que je sais que,
des fois, quand on vient
du sud-ouest de l'Ontario et
on arrive à Ottawa, par exemple,
on se sent un peu déconnecté de
la francophonie, la francophonie
ontarienne. Comment vous
avez vécu ça, vous?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
C'est juste rendu en deuxième
année d'université que j'ai
commencé à entendre parler de
Franco-Ontariens. On mentionnait
pas ça en 9e, 10e, 11e, 12e.
Et c'était à un cours d'histoire
à l'Université d'Ottawa.
Et puis, j'avais Rémy Beauregard
qui était assis à côté de moi.
Il prenait ce cours-là.
Il me dit: "Paul-François...
Il y a un rassemblement de
jeunes à North Bay. Faut que tu
viennes. Faut que tu représentes
le sud-ouest. Et ça va avoir
lieu au mois de mai et tout ça."
Alors, ça a été ma première
participation au mouvement
franco-ontarien. Et puis,
je suis devenu le représentant
du sud. Après ça, je suis devenu
le secrétaire général du nouvel
organisme qui a été créé.
J'ai mis sur pied un club
du livre. J'ai mis sur pied des
tournées de chanteurs, artistes
de la scène dans presque tout
l'Ontario. Et c'est comme ça
vraiment que j'ai fait
mon entrée sur la scène
franco-ontarienne.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était important pour
vous de faire ça?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
J'ai découvert
qu'il y avait raison
d'être fier de qui on est,
de ces racines francophones.
Même après, quand je suis entré
au gouvernement fédéral,
au secrétariat d'État pour
m'occuper d'activités jeunesse,
j'avais rencontré les jeunes
Acadiens et j'avais découvert
la déportation et
Évangeline.
Ah, je les trouvais donc
chanceux d'avoir une histoire
aussi tragique, aussi
sensationnelle. Nous, les
Franco-Ontariens, on a eu le
Règlement 17. C'est rien comparé
à la déportation! Mais enfin,
tout ça pour dire que j'étais
vraiment fier de mes racines,
et c'est grâce au Mouvement
des jeunes Franco-Ontariens.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous parlez beaucoup,
dans vos écrits, de la région
du sud-ouest de l'Ontario, vous
êtes de là. Pourtant, vous êtes
parti très jeune et vous avez
fait votre carrière à Ottawa,
après ça, à Toronto. Est-ce
que vous gardez des liens
avec votre région natale?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Non, pas tellement. Le seul
lien, c'est le fait que j'ai
ma soeur aînée qui est
toujours dans la région.
Évidemment, j'ai des cousins et
des cousines là. Des fois, on se
retrouve à des funérailles plus
souvent qu'autrement. Mais
présentement, je suis beaucoup
plus centré sur Toronto et...
J'ai écrit un livre sur les rues
de Toronto. La toponymie
française à Toronto.
Toronto
s'écrit. Donc, il y a beaucoup
de choses. J'ai adopté vraiment
Toronto. Ça fait comme
18 ans que je suis là.
Des images d'un quartier de Toronto se succèdent.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE (Narrateur)
Le quartier où je demeure
à Toronto est entre le marché
St. Lawrence et la distillerie.
Je peux me rendre à pied
aux deux. J'aime ça parce que
j'ai pas de voiture et je peux
me promener partout à pied.
Et la distillerie, il y a
beaucoup de galeries d'art.
C'est un quartier historique.
Donc, l'histoire est importante.
Et il y a une petite connotation
du sud-ouest parce que
la distillerie Gooderham
and Worts a été achetée
par Hiram Walker de Windsor.
C'est un beau quartier. C'est
tranquille. Il y a un petit parc
pas loin. Le Théâtre français
est juste à côté. Le Canadian
Stage, à deux coins de rue.
C'est parfait pour moi.
L'entrevue avec GISÈLE QUENNEVILLE se poursuit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Paul-François, vous êtes
un écrivain francophone,
franco-ontarien, et vous êtes
également homosexuel.
Certains diraient
que vous êtes doublement,
triplement minoritaire.
Comment vous voyez ça, vous?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Bien, j'ai déjà écrit
ou dit dans une conférence
que si j'étais né francophone
et personne hétérosexuelle
à Chicoutimi, j'aurais
probablement pas écrit.
C'est parce que je suis
doublement minoritaire que
j'ai senti le besoin d'écrire,
de dire ma réalité.
Mon premier livre,
c'est un journal intime
de mon coming-out, de ma sortie
du placard qui s'est faite
assez facilement. Mon père était
peut-être moins ouvert au début,
mais j'ai pas eu d'ennuis
au travail, ou chez des amis,
ou chez mes soeurs et tout ça.
Et puis, si on regarde à peu
près les quarante quelques
livres que j'ai écrits, on va
toujours trouver soit le filon
franco-ontarien ou le filon gai.
Parfois les deux.
Sissy, un roman. L'endroit n'est pas
nommé, mais on sait que c'est
tout près de Windsor. Donc,
c'est l'histoire d'un petit
garçon qui est en neuvième
année. Et puis, "homosexualité"
n'est pas dit dedans,
mais il se sent différent.
Il se fait appeler Sissy
par un gars dans la classe.
Alors, ce roman-là joue
un peu sur les deux tableaux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Comment vous avez fait
votre coming-out?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Oh mon Dieu... Évidemment,
comme beaucoup, je me sentais
le seul à Ottawa comme ça.
Peut-être, je dirais pas
sur la planète, mais...
Euh... Mais je pense qu'encore
là, j'ai été chanceux. Je
pense que toute ma vie, j'ai été
chanceux. J'ai jamais demandé
un emploi. On est toujours venu
me chercher. On m'a toujours
proposé des choses. Et puis...
Là, j'ai découvert, parce qu'il
y avait des affiches sur
les poteaux de téléphone,
qu'il y avait un groupe Gays
of Ottawa-Gais de l'Outaouais
qui se réunissait, tous les
vendredis soirs, un
drop-in.
Et puis, il y avait une danse
une fois par mois peut-être.
Donc, j'ai contacté ce
groupe-là, et là, j'ai rencontré
évidemment beaucoup d'autres...
fonctionnaires aussi qui étaient
membres de ce groupe-là.
Et je suis devenu ami
avec un type. Je me souviens,
un Franco-Ontarien
de Sault-Sainte-Marie.
Et ensuite, il y avait
une ligne téléphonique, et
j'ai appris un peu comment...
... discuter en ligne avec
des gens qui téléphonaient, qui
savaient pas à qui parler, qui
paniquaient et tout ça. Alors,
ça, j'ai beaucoup aimé ça.
Ensuite, un petit journal.
Donc, petit à petit, je suis
même devenu président de GOO.
Donc, ça s'est fait sans...
sans anicroche.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il faut dire que vous avez
beaucoup, dans vos romans, vous
avez beaucoup écrit, vous l'avez
mentionné, sur l'homosexualité.
Plusieurs de vos romans abordent
de ce sujet-là. Et il faut dire
que c'est des romans sans
ambiguïté, hein? Vous êtes
assez direct dans vos romans.
Est-ce que c'était un besoin
pour vous d'écrire là-dessus?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Je trouvais que souvent,
lorsque je lisais des romans, il
fallait lire entre les lignes.
Il fallait deviner. Même que je
viens de lire encore un roman.
C'est vrai que c'est pour les
préados peut-être. Donc, on dit
moins bien qu'il y a une femme
qui s'occupe d'une animalerie,
qu'elle est lesbienne.
Mais c'est dit qu'elle a
une amie spéciale, tu sais.
Moi, je trouvais vraiment
que Michel Tremblay
était plus direct.
Avec Hosanna, entre autres,
évidemment. Mais je trouvais
qu'il y avait un besoin, une
lacune à combler en littérature
pour montrer le visage des
personnes qu'on dit maintenant
LGBT. Mais à l'époque, c'était
lesbienne et gai seulement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vos livres
s'adressent à qui?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
En fait, ça va paraître un peu
curieux de dire ça, mais j'écris
pour moi-même. Les livres
s'adressent à moi. J'écris parce
que je veux dire quelque chose,
je veux m'exprimer. Chaque
livre, c'est une façon de me
raconter, de me dire que je suis
fier d'être Franco-Ontarien,
d'être une personne homosexuelle
francophone en Ontario.
Et c'est vraiment le but
de chaque livre, à peu près.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et en matière d'histoire
franco-ontarienne, est-ce
qu'il vous reste des choses
à découvrir ou est-ce que
vous avez pas mal fait le tour?
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Oh non, il y a encore
énormément de choses
que je ne connais pas. Je pense,
entre autres, tout le côté
des Franco-Ontariennes.
On en a pas beaucoup parlé.
On a parlé évidemment des soeurs
Desloges, et la soi-disant
bataille des épingles à chapeau.
Il y a rien qui documente ça.
Il y a aucune mention dans
les journaux de cette bataille.
1916, à peu près.
Donc, on connaît certaines
femmes franco-ontariennes, mais
très, très, très peu. Alors, je
pense qu'il y a certainement...
Je dis pas que je vais écrire
sur ça, mais on sait jamais.
Présentement, probablement vers
la fin de 2016, je devrais avoir
un ouvrage assez imposant sur
les 50 ans du Théâtre français
de Toronto. Parce qu'il va fêter
ses 50 ans au printemps 2017.
Et j'ai eu une bourse du Conseil
des arts de l'Ontario et du
Toronto Arts Council pour écrire
l'histoire du Théâtre français
dont les archives sont très bien
conservées, à l'Université
de Guelph. Parce que c'est
une université qui se spécialise
dans le théâtre. Alors, ça,
c'est un projet monumental.
Moi, j'aime ça parce que
je suis un one man team.
Je travaille seul.
Je travaille très mal en comité.
Alors, je choisis le sujet
moi-même, je fais la recherche
moi-même, je l'écris.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et après, vous allez
faire la critique.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Pas de mon livre, mais...
GISÈLE QUENNEVILLE rit.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
Des fois, je fais des entrevues
où je m'interviewe.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE rit.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, merci beaucoup,
Paul-François Sylvestre,
pour cet interview.
PAUL-FRANÇOIS SYLVESTRE
C'était très agréable. Merci.
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