Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Marc Labrèche : comédien
Le comédien Marc Labrèche fait rire beaucoup de gens, mais ne se considère pas comme un humoriste. Il manipule l’absurde avec dextérité et finesse, et provoque nos méninges. Il joue à la télévision, au théâtre et au cinéma aussi. Il a été l’animateur de « La fin du monde est à sept heures » et « 3600 secondes d’extase », et a joué dans « La petite vie », entre autres.
Il est aussi l’interprète du « one man show » de Robert Lepage, « Les aiguilles et l’opium ».
1800 secondes d’extase avec Marc Labrèche…
Réalisateur: Joanne Belluco
Année de production: 2015
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Titre :
Carte de visite
Sur des images de la ville de Montréal, LINDA GODIN fait une brève présentation biographique de l'acteur MARC LABRÈCHE.
LINDA GODIN (Narratrice)
Il fait rire beaucoup de gens,
mais ne se
considère pas humoriste.
Il manipule l'absurde
avec dextérité et finesse.
Il joue à la télévision,
au théâtre et au cinéma.
Dans une salle de théâtre, le rideau s'ouvre et MARC LABRÈCHE avance sur la scène.
LINDA GODIN (Narratrice)
Marc Labrèche n'a plus tellement
besoin d'être présenté.
Il a été l'animateur de
« La fin du monde est à sept heures »,
de « 3600 secondes d'extase »
et a joué dans « La Petite Vie ».
Il est aussi à l'aise dans
« Le Coeur a ses raisons » que dans
« Les Aiguilles et l'opium ».
Marc Labrèche aime aller dans
les extrêmes et ça lui va bien.
MARC LABRÈCHE (Narrateur)
Hé, attendez pas après moi.
Si jamais vous étiez prêts,
moi je parle, mais...
je suis pas intéressant.
MARC LABRÈCHE est assis dans la salle du théâtre.
MARC LABRÈCHE
Ah, vous tournez, là!
Formidable. Je peux faire la
claquette, si vous voulez aussi.
LINDA GODIN
Marc Labrèche, bonjour.
MARC LABRÈCHE
Bonjour!
LINDA GODIN
Parlons théâtre, d'abord.
Quand vous étiez jeune,
est-ce que vous vouliez
faire du théâtre?
MARC LABRÈCHE
Bon, d'abord, je suis encore
jeune. Non, non, c'est pas vrai.
Est-ce que je voulais faire
du théâtre? Enfant, non.
Enfant, j'étais fasciné... Parce
que mon père était comédien,
alors j'allais avec lui.
Mon père jouait beaucoup au
Rideau Vert, entre autres, TNM
aussi, mais surtout le Rideau
Vert a Montréal. Puis j'allais
passer mes soirées, souvent mes
soirées d'enfant en coulisses,
pendant le spectacle, puis je
dessinais des dessins pour ses
camarades comédiens qui jouaient
avec pendant la représentation.
Alors, j'avais toujours...
J'apportais mes feuilles,
mes cahiers, puis je dessinais.
Je me souviens avoir dessiné
une forêt pour Geneviève Bujold.
C'est un de mes grands souvenirs
de dessin d'artiste peintre.
Mais je passais mes soirées
en coulisse avec lui. J'étais
assez, évidemment... j'étais
assez impressionné par les gens
qui étaient là, par ce qu'il se
passait, mais je me suis jamais
dit: Oh, je vais faire ça plus tard.
Même qu'à l'adolescence, puis
plus tard, au début de l'âge
adulte, je voulais tout faire
sauf ça.
LINDA GODIN
Pourquoi?
MARC LABRÈCHE
Je voulais surtout pas répéter
ce que mon père avait fait ou...
Je disais: "Mon Dieu, quel
manque flagrant de personnalité,
de reproduire le même
métier que mon père."
Déjà que je lui ressemble déjà
physiquement beaucoup, si en
plus je m'en vais dans le même
métier, c'est pathétique, là,
mon affaire. J'ai comme un
violent besoin de personnalité.
Alors, je voulais tout faire
sauf ça. Jusqu'à ce
qu'un moment donné,
je me résigne... dans le bonheur,
là, jusqu'à un certain point.
C'est que je me suis dit,
à l'âge de 17 ans,
il y avait une audition pour
un spectacle de théâtre,
au Rideau Vert, justement,
pour Harold et Maude.
Ils cherchaient un jeune garçon
de 17-18 ans, ou en tout cas
qui fait 17-18 ans, pour jouer
le rôle d'Harold. Et puis, j'ai
dit: "Bien, allons donc." Parce
que j'avais tellement aimé
le film, Harold et Maude,
de Hal Ashby, qui est l'histoire
d'un jeune homme de 17 ans qui
tombe amoureux d'une femme de
80 et quelques années et puis
qui... Là, c'est toute leur
histoire. C'est un peu
surréaliste, mais très beau,
bien fait, bien écrit, et--
LINDA GODIN
Et vous l'avez eu.
Vous l'avez eu, ce rôle.
MARC LABRÈCHE
Je l'ai eu, puis encore là,
même si... Encore là, j'étais
pas convaincu. Je l'ai fait,
j'ai eu beaucoup de plaisir
à le faire, mais je me suis dit:
Bon, bien, c'est un passage.
Moi, je voulais être
journaliste. Je voulais
peut-être être avocat. Quelque
chose, quand même, qui avait
un rapport avec le public,
mais qui était pas...
LINDA GODIN
Quand est-ce que vous avez su
que c'est ce que vous
feriez de votre vie, alors?
MARC LABRÈCHE
De façon vraiment, vraiment
officielle, vrai pour vrai,
comme "let's go, j'y vais",
quand j'ai eu mon premier enfant.
En fait, quand la mère de mes
enfants est tombée enceinte.
Là, je me suis dit: Il y a
qu'une chose que je peux faire.
Je suis pas doué pour
grand-chose, il y a cette
chose-là que je peux faire,
peut-être, si je suis chanceux,
puis en vivre un peu,
c'est ce métier-là.
Puis là, je me suis comme...
Là, j'ai mis mes énergies là.
Mais jusque là, c'est pas que
je le faisais en dilettante
ou par-dessus la jambe,
pas du tout, je le faisais
sérieusement, mais je me disais
toujours: C'est en attendant
quelque chose d'autre.
LINDA GODIN
Ah, oui.
MARC LABRÈCHE
Oui, mais je suis beaucoup
dans l'attente de quelque chose
d'autre, moi. Sauf en amour,
puis en amitié. Je suis
souvent dans l'attente.
J'aime déménager, par exemple.
LINDA GODIN
OK.
MARC LABRÈCHE
J'aime changer d'univers,
de ville, de...
Il faut que ça bouge.
Alors, je suis souvent
en attente ou en espérance
de quelque chose, mais...
LINDA GODIN
Est-ce que c'est parce que
vous êtes jamais comblé?
Au niveau, quoi, professionnel,
mais pas personnel?
MARC LABRÈCHE
On fait de la... Mais je sais
pas. Non, je pense qu'en même
temps, je suis assez comme...
Je suis résilient en même temps.
Je veux dire, je suis bien dans
ce que je... Je suis bien, là.
Je suis bien dans ma ville,
je suis bien dans mon monde,
tout ça, mais j'aime ça.
J'ai toujours l'espoir
que quelque chose de mieux,
de meilleur va arriver.
(On présente un extrait d'entrevue avec GAÉTAN LABRÈCHE.)
RICHARD Z. SIROIS
Notre invité, ce soir,
Gaétan Labrèche!
GAETAN LABRÈCHE
Oh!
On revient à l'entrevue de MARC LABRÈCHE, dans une salle de théâtre.
LINDA GODIN
Vous ressemblez à votre père,
votre père est un comédien
très connu. Est-ce que ça a
été difficile pour vous, alors,
de vous faire un prénom?
MARC LABRÈCHE
Je me fais encore apostropher
comme le "fils de" par les gens
qui ont connu mon père ou qui
ont travaillé beaucoup avec lui.
Alors, c'est normal
que je sois le "fils de".
J'espère trouver ma place.
J'espère qu'on va me... qu'on va
comme... que je suis pas juste
là pour reprendre les rôles
de mon père, les rôles qu'il
faisait dans sa jeunesse,
les jeunes premiers de
Molière et puis tout ça.
J'ai fait: "Oh, mon Dieu!"
Parce que c'était ça, au début.
On me demandait beaucoup de...
On me redistribuait dans
les rôles que mon père avait
joués quand il était jeune.
Là, j'ai eu un petit choc,
je me suis dit: Oh, mon Dieu.
Là, j'ai rencontré d'autres
gens, des gens de ma génération,
plus jeunes, tout ça, qui
avaient pas la référence de
mon père, puis qui me voyaient
autrement et qui m'ont
demandé de faire des choses.
Ça, j'ai aimé beaucoup,
beaucoup. Ça, ça m'a aidé
à faire une petite...
à créer une petite
distance avec ce que
mon père avait été.
On présente un extrait de : Le cœur a ses raisons. CRIQUETTE et BRET essaient de s'embrasser.
CRIQUETTE
Ah! Non...
Non, je ne peux pas.
BRET
Oh, Criquette, nous avons
attendu si longtemps
pour être ensemble.
Maintenant que j'ai donné
ma démission à père et que
vous avez quitté Ridge,
la vie nous appartient.
CRIQUETTE
Oui... oui, vous avez raison.
BRET
Depuis des mois... depuis
des mois, je rêve de vous.
CRIQUETTE
Oh...
BRET
Faisons l'amour!
CRIQUETTE
Oh...
Bret!
De retour dans la salle de théâtre, LINDA GODIN poursuit l'entrevue.
LINDA GODIN
Marc, est-ce que vous vous
considérez comme un humoriste?
MARC LABRÈCHE
Non.
LINDA GODIN
Parce que vous en faites
beaucoup, de l'humour.
MARC LABRÈCHE
Oui, mais c'est plus
de la fantaisie, je pense,
que de l'humour. Humoriste,
pour moi, c'est quelqu'un
qui écrit ses textes...
LINDA GODIN
Qui fait du stand-up?
MARC LABRÈCHE
Et qui fait du stand-up.
Pour moi, c'est ça.
Moi, je fais pas ça. J'écris pas
mes textes. Je collabore aux
textes. Je vais écrire des
petits bouts, mais j'écris pas
mes textes. Je me lance
pas sur scène...
Oui, je me lance seul, mais
avec une équipe avec qui j'ai
travaillé et qui ont écrit la
grosse partie de ce que je dis.
Alors, pour moi, c'est ça. C'est
comme... Non, à la rigueur, même
quand j'anime, c'est plus un...
Je me vois plus jouer... Je suis
un rôle d'animateur. C'est un
rôle de fantaisiste, je pense.
En même temps, ça fait un peu
ringard, comme terme,
mais c'est ça. C'est ça.
LINDA GODIN
Il y a eu beaucoup de gens
drôles, on va dire, qui, dans
leur vie de tous les jours,
ne le sont pas. Vous,
vous vous situez où?
MARC LABRÈCHE
Je pense que ça intrigue.
Je sais pas pourquoi ça intrigue
tant que ça. "Il est-tu comme ça
dans la vie?" J'entends ça,
puis je suis pas le seul.
LINDA GODIN
Comme si un comédien
jouait toujours...
MARC LABRÈCHE
Des tueurs, puis: "Il est-tu
comme ça dans la vie?" Bien,
non, c'est évident. C'est sûr
qu'il y a une prédisposition
peut-être naturelle à une forme
de légèreté ou je sais pas quoi.
Mais c'est sûr que, aussi,
je me dis tant qu'à traverser
l'existence... Je ferais
n'importe quoi dans la vie, je
serais... Je pense que j'aurais
à peu près le même tempérament.
Je veux dire, j'essaierais
de pas me rendre la vie
à moi trop lourde,
et aux gens que j'aime autour
de moi, pas la rendre trop
compliquée, trop lourde non
plus, parce que, je veux dire,
on est là pour essayer de...
On est en état de survie. Non,
mais quand même, c'est vrai
un peu. Je veux dire, c'est pas
évident de pas savoir à quoi
ça sert, là, tout ça, puis de
se dire: Bien, si au moins une
affaire qui est vraie, que je
peux mesurer, c'est quand j'ai
l'impression de faire du bien
aux autres et d'être à
l'écoute des gens que j'aime,
c'est à peu près tout ce que je
peux vérifier, qui fait un effet
immédiat et concret de bon
sur et les autres et moi-même.
Alors, j'ai choisi...
j'ai choisi... la légèreté.
LINDA GODIN
Et vous avez fait beaucoup
de bien dans votre vie.
MARC LABRÈCHE
Je sais pas.
LINDA GODIN
Entre autres avec
La fin du monde est à sept heures,
qui était un nouveau genre,
à l'époque, au Québec.
On voyait pas vraiment ça.
Est-ce que pour vous, ça,
ça a été un peu révélateur de ce
genre d'animateur là? Parce que
ça a un peu commencé comme ça.
MARC LABRÈCHE
Oui.
LINDA GODIN
Hein?
MARC LABRÈCHE
L'idée première de Stéphane
Laporte, c'était de faire une
ligne ouverte, en fait. C'est
de faire Jean-Luc Mongrain,
c'était d'avoir une ligne
ouverte, en direct, le soir, un
plan, une caméra dans un studio,
puis répondre au téléphone.
LINDA GODIN
Mais d'une façon humoristique,
là. Vraiment une parodie.
MARC LABRÈCHE
Oui, oui. En tout cas... Oui,
oui, c'est ça. Mais pas parodie,
tellement. Mais c'était
une parodie, mais c'était
pas vraiment...
Il y avait quelque chose
à chercher là. Et puis j'ai dit:
"Ça, je suis pas sûr que ça
me tenterait de faire ça."
Mais parodier un téléjournal
avec des vraies nouvelles,
des vrais reportages, mais
avec un ton libre...
Dans ma tête à moi, au départ,
c'était vraiment comme
de faire un... c'est ça, un
Bernard Derome sur l'acide.
C'est l'esprit de plusieurs
personnes. Par un concours
de circonstances, j'ai été
le véhicule d'une émission de groupe,
qu'on a développée un peu
par accident, un petit peu parce
qu'on avait du plaisir à être
ensemble, puis ça a trouvé
son ton et ça a... qui a
donné le coeur, qui a donné
cette espèce de ton-là
un peu absurde, effectivement,
qu'il y avait déjà dans
La fin du monde aussi.
En fait, c'est le ton,
c'est les références...
LINDA GODIN
Les liens entre les choses.
MARC LABRÈCHE
Les liens entre les choses
qui en ont pas nécessairement a
priori, puis c'est ça qui nous a
permis d'avoir du plaisir à être
en onde tous les jours, sans
se trouver trop plattes, là.
On avait pas le temps de
réfléchir beaucoup non plus tout
le temps. On travaillait très,
très fort à faire une émission
par jour en direct, tout ça.
Alors, c'est sûr qu'à un moment
donné, on a trouvé une espèce
de musique absurde,
parce qu'on avait pas le temps,
des fois. Des fois, il y avait
des affaires qui avaient
aucun sens. Je me ramassais avec
des... Je me souviens, un jour,
c'était la danse des ongles
mous, alors il y avait des...
Je me mettais du tape,
du tape que...
LINDA GODIN
Long, là.
MARC LABRÈCHE
Long, là. Des longues lanières
de tape, dock tape, que je me
mettais au bout des ongles,
puis c'était long. Juste
installer ça, c'était long.
Puis là, je faisais ça à
la caméra pendant quatre minutes
sur une musique, c'était
interminable, long, platte,
mais ça devenait...
C'était comme rentrer l'absurde
dans la gorge des gens,
qui faisaient qu'à
un moment donné...
LINDA GODIN
C'est drôle et
c'est hilarant, en fait.
MARC LABRÈCHE
Oui. Ça devient...
C'est pathétique,
mais ça devient drôle.
On présente un extrait de « 3600 secondes d'extase » où MARC LABRÈCHE joue deux rôles en même temps. Il s'agit d'une parodie de conférence de Presse de JEANNE MOREAU, légende semi-vivante et de XAVIER DOLAN.
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
C'est qui, l'oiseau
échassier à côté de moi?
On dirait Marge Simpson.
Qu'est-ce qu'elle fout
à ma conférence de presse,
Marge Simpson?
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Alors, oui, c'est un...
bien, c'est un honneur pour moi
de... comme jeune cinéaste,
de travailler avec quelqu'un
d'aussi pop, intello-pop,
une légende du cinéma
français, en fait.
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Ah, le nabot à lunettes, c'est
le réalisateur du film, ça?
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Euh...
On revient à l'entrevue de MARC LABRÈCHE, dans une salle de théâtre.
LINDA GODIN
Marc Labrèche, vous imitez
plusieurs personnes. Comment
vous réussissez ou comment
vous choisissez les personnes
que vous allez imiter?
MARC LABRÈCHE
Oh, je les choisis pas.
LINDA GODIN
Ils vous choisissent?
MARC LABRÈCHE
Non, non, mais je veux dire,
je pense pas que je suis un
imitateur non plus. Je pense
que je... Je suis pas...
je suis pas très bon imitateur,
mais personnifier, mettons.
LINDA GODIN
Oui, plutôt.
MARC LABRÈCHE
Mais, comment... Non, je les
choisis pas. C'est que quand
on faisait 3600, puis ça a
été pendant la période
de 3600 où là, j'ai dû...
Comme on traitait de l'actualité
un petit peu, puis qu'on
parodiait l'actualité et,
ou, les téléromans et ce qu'on
voyait à la télé, en fait.
LINDA GODIN
Oui.
MARC LABRÈCHE
Ça pouvait être des publicités
ou des gens ou des... Bon.
Mais j'étais pas très habile
à imiter. Sauf qu'à un moment
donné, à force de le faire,
je disais: "Il faut pas que
j'essaie... Il faut juste
prendre un truc. Un truc, une
image, réduire ça au plus simple
possible. Et là, voler ça
et refaire ça sans arrêt."
Un nouvel extrait de « 3600 secondes d'extase » met en scène les personnages de JEANNE MOREAU et XAVIER DOLAN en situation de tournage.
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
OK, Mme Moreau,
vous savez quoi faire?
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Bien sûr que Mme
Moreau sait quoi faire.
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Parfait!
Moteur.
DIRECTEUR PHOTO
Cadré.
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Action!
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Qu'est-ce que je fais?
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Coupez!
OK, quand je dis "action",
vous ouvrez la porte.
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Jeanne Moreau n'ouvre
pas de porte, on ouvre
les portes pour elle.
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Parce que le film s'appelle
La Femme qui ouvrait
des portes.
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Bien, le film va s'appeler
L'Actrice qui se faisait chier.
Bon, d'accord, je vais
l'ouvrir, votre putain de porte.
Mais il est mieux d'avoir un mec
À poil de l'autre côté, hein.
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Action!
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Comment on fait, déjà?
XAVIER DOLAN
(Joué par MARC LABRÈCHE)
Coupez!
JEANNE MOREAU
(Jouée par MARC LABRÈCHE)
Comment ça s'ouvre, une porte?
On revient à l'entrevue avec MARC LABRÈCHE dans une salle de théâtre.
LINDA GODIN
Quel est le rapport que
vous avez avec le public?
MARC LABRÈCHE
Pour une raison que je
m'explique pas, puis j'ai pas
besoin de la comprendre
non plus, les gens viennent
me dire autant les bonnes que
les mauvaises choses. Je veux
dire... "les mauvaises choses",
qu'ils m'aiment ou qu'ils
m'aiment pas, ils viennent
me le dire. J'ai rien demandé,
mais c'est charmant en même
temps. C'est sûr que même
quand ils m'aiment pas, ils font
attention, ils me disent pas...
Mais ils me disent. Je fais:
C'est correct. C'est parce
que probablement ils sentent
que moi, ou ils ont l'image
de moi qui peux dire beaucoup
de choses ou l'impression
que j'ai pas trop--
LINDA GODIN
Une proximité immédiate.
MARC LABRÈCHE
Une proximité. Ça fait qu'ils
viennent me dire... C'est très
correct, mais j'aime les gens.
J'aime parler aux gens, j'aime
quand les gens me parlent. Des
fois, quand je prends un verre
dans un bar, puis qu'il y en a
qui en ont pris beaucoup plus
que moi, puis qui viennent
rentrer dans ma bulle,
ça, ça m'agresse un peu.
Mais autrement, à part ces
moments-là où c'est comme...
(Comme quelqu'un de saoul)
"Hé... c'est 'a fête à ma blonde...
Souhaiter bonne fête
à ma blonde là maintenant."
Je fais: "Là, regarde..."
Ça, ça m'énerve. Mais autrement,
ça, c'est sûr que je dois
à la curiosité ou à l'intérêt
des gens d'être encore en vie
professionnellement, c'est sûr.
Mais en même temps,
c'est un échange.
On présente un extrait de la pièce: Les aiguilles et l'opium, de Robert Lepage.
ROBERT
(Personnage principal)
Non, non, non, tu me déranges
pas. J'étais étendu, mais
je dormais pas du tout. As-tu
essayé d'appeler plus tôt?
Tout ce qu'on fait dans la vie,
même l'amour, on le sait,
dans le train express
qui roule vers la mort.
Fumer l'opium, c'est
descendre du train en marche.
Et comment on fait pour
entrouvrir les portes
de l'enfer?
La quoi?
La spirale. Quelle spirale?
Quel est le sens de ce cri?
C'est que je tente de vous dire.
De retour dans la salle de théâtre LINDA GODIN poursuit l'entrevue avec MARC LABRÈCHE.
LINDA GODIN
Qu'est-ce qui vous drive?
Qu'est-ce qui vous... Ça?
MARC LABRÈCHE
Ça, de rencontrer des gens
différents, d'être dans
des univers différents,
d'apprendre des choses sur moi,
n'en serait-ce que quand
je travaille, ces choses-là.
Je vois combien de temps
je peux vivre avec moi-même
sans m'ennuyer de moi-même,
sans me taper sur les nerfs. Je
veux dire de... J'apprends des
choses sur moi. Ça fait quand
même deux ans et demi, presque
trois ans, sinon... oui, plus
que ça avec les répétitions, que
je vis avec cet univers-là, puis
ce spectacle-ça. Ça va faire 225
fois que je le fais, puis je me
dis: Qu'est-ce qui m'intéresse
encore autant? Mis à part la
beauté du spectacle, le travail
de Robert Lepage et tout ça
que... avec lequel j'ai
la chance de vivre encore
pendant un bout. Mais au-delà
de ça, qu'est-ce qui fait
que j'ai autant de plaisir, puis
de bonheur à faire toujours la
même chose dans un même cadre?
LINDA GODIN
Est-ce qu'une de vos inquiétudes,
c'est de devenir has been
trop vite? Est-ce que ça,
c'est une inquiétude?
MARC LABRÈCHE
Au-delà des blagues que
j'ai pu faire là-dessus souvent,
c'est pas... Oui, embêter les
gens, ça me taperait solide. Je
veux dire, si je sens que...
"C'est plus tellement intéressant
ce que t'as à proposer,
ou ça nous allume
plus, on est plus là, c'est
plus..." Hé, là, regarde,
moi... Mais je le ferais
sans aucune amertume.
LINDA GODIN
Vous trouveriez
autre chose à faire.
MARC LABRÈCHE
Mon Dieu, oui, je suivrais le
gibier. C'est la grande... C'est
ça. C'est mon côté huron. C'est
que je suis le gibier. Puis
le gibier étant l'âme qui vit
au fond de soi. Moi, c'est
un caribou qui m'habite.
LINDA GODIN
Fabienne, votre femme, est
décédée du cancer. Ça a été
quand même un moment assez
important, bouleversant
dans votre vie.
MARC LABRÈCHE
Bien oui.
LINDA GODIN
Qu'est-ce que ça a changé
justement dans votre vie,
de votre vision sur la vie?
MARC LABRÈCHE
Mon Dieu, mille choses,
j'imagine. Des choses convenues,
qu'on peut imaginer, genre...
Bon, le temps qui passe,
la cruauté de la vie parfois,
tout ça, évidemment.
Mais... en fait...
Je pense que ça a comme...
Ça a pas eu le choix que de...
que de développer ma résilience
générale. J'étais très inquiet, moi.
Je le suis probablement encore.
Mais j'étais très inquiet,
hypocondriaque. J'avais peur
pour moi, pour mes enfants, pour
Fabienne, qu'il y ait quelqu'un
d'entre nous qui tombe malade ou
à qui il faudrait qu'il y arrive
quelque chose. Arrive ça.
Fabienne décède. C'est
épouvantable. C'est un moment
épouvantable. Les enfants...
Bon, là. Et... Je vais pas dire
que c'est facile, puis que ça se fait
comme ça, puis qu'on est des
poules pas de tête. Mais arrive
un point où un moment donné, si
on est un peu chanceux, la vie
finit par reprendre ses droits,
puis sa place. Puis on est
les premiers étonnés de se
rendre compte que... Ah?
Tout à coup, on est capable
de re-sourire, les couleurs
réapparaissant dans le champ
orbital de tout le monde.
Tout à coup, on est en contact
et sensible à des belles et
bonnes choses. En se disant: Ça
vaut la peine, ou en tout cas,
pour certains moments, ça vaut
encore la peine d'être là, puis
de se tenir, puis de se dire
à quel point on est chanceux.
LINDA GODIN
Hum.
MARC LABRÈCHE
Puis là, ça vient... Ce petit
miracle-là de la résilience
fait que c'est probablement
une des plus belles choses que
j'ai apprises de la vie, même
s'il a fallu traverser un deuil
douloureux pour y parvenir.
Fait que ça, ça m'a rassuré...
LINDA GODIN
Hum.
MARC LABRÈCHE
... de savoir que je sais que
mes enfants vont me survivre.
Tu sais, je veux dire,
c'est une évidence, dans
la majeure partie des cas,
qu'on survit à nos parents,
puis qu'on est...
Mais là de les voir, en plus,
d'avoir eu... Je sais pas si
on peut appeler ça une chance,
mais le privilège de les voir
se rebondir, puis se remettre
debout, puis choisir la vie
plutôt qu'autre chose.
LINDA GODIN
Qu'est-ce que vous aimeriez
faire d'autre, faire autrement?
MARC LABRÈCHE
Euh...
LINDA GODIN
Un rêve fou.
MARC LABRÈCHE
En fait, ce serait d'avoir
la patience, le courage, puis
la persévérance de... Puis je
le dis vraiment, de consacrer ma
vie aux autres. D'être capable
de trouver une façon créative
de le faire. Peut-être répondre
au téléphone. Peut-être...
répondre au téléphone.
LINDA GODIN
Puis aider des gens.
MARC LABRÈCHE
Oui, pendant deux heures par
jour, ou trois heures par jour,
je réponds au téléphone. Donc,
appelez-moi, si vous avez quoi
que ce soit. Vous avez besoin
d'aide, de discuter. Puis ça
peut aller... de n'importe quoi,
des conseils sur des crèmes
de jour à qu'est-ce que je fais
si j'ai envie de prendre de l'opium.
Je veux dire, moi, je couvre large.
Je suis capable...
Je peux donner des cours sur
l'entretien général d'une peau
nord-américaine standard, ça
je suis capable. Ongles, peau,
pieds, pédicure, tout.
LINDA GODIN
OK.
MARC LABRÈCHE
Et je peux aussi donner, je
pense, quelques petits conseils
sur l'âme humaine, et pourquoi
c'est nécessaire et prudent
d'éviter les drogues.
LINDA GODIN
Marc Labrèche, merci beaucoup.
MARC LABRÈCHE
Ça me fait tellement plaisir.
Hé, je sais pas qu'est-ce qui m'a pris.
(S'adressant au preneur de son)
Si tu veux faire un
room tone, ça serait le moment.
C'est toujours bon, un petit
room tone.
LE PRENEUR DE SON
On y va là.
MARC LABRÈCHE
D'accord. Room tone.
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