Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Catherine Cano : PDG de la chaîne d'affaires publiques par câble CPAC
En 2012, le Réseau des femmes exécutives identifiait Catherine Cano comme étant l’une des 100 femmes les plus influentes au Canada.
Elle a été à la tête du Réseau de l’information, a développé des programmes à la CBC, a été directrice adjointe de l’information à la chaîne Al Jazeera et a été directrice des programmes aux informations à Radio-Canada.
Aujourd’hui, Catherine Cano, une passionnée de politique, est à Ottawa. Elle est la nouvelle PDG de la chaîne d’affaires publiques par câble CPAC.
Réalisateur: Charles Pepin
Année de production: 2015
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Pendant que GISÈLE QUENNEVILLE présente son invitée, CATHERINE CANO, présidente et directrice générale de CPAC, on montre des images d'une régie de télévision. L'entrevue se déroule dans une salle de réunion des bureaux de CPAC.
GISÈLE QUENNEVILLE
Dans le monde des nouvelles
télévisées, elle s'y connaît.
Elle a été à la tête
du Réseau de l'information.
Elle a développé des programmes
à la CBC. Elle a été directrice
adjointe de l'information à la
chaîne Al Jazeera et elle a fait
évoluer les programmes
de nouvelles à Radio-Canada.
En 2012, alors qu'elle dirigeait
le bureau torontois d'un
important cabinet de relations
publiques, elle a été nommée
une des 100 femmes les plus
influentes du Canada.
Aujourd'hui, Catherine Cano, une
passionnée de politique, est
la nouvelle PDG de CPAC.
CATHERINE CANO
D'être généraliste, c'est dangereux
parce que les gens sont habitués
déjà à aller chercher de
l'information là où ils veulent,
quand ils veulent et
sur ce qui les intéresse.
GISÈLE QUENNEVILLE
Catherine Cano, bonjour.
CATHERINE CANO
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Catherine, notre façon
de consommer de l'information
a complètement changé, a été
bouleversée ces dernières
années. Bon, d'abord, par
l'Internet et plus récemment
par les réseaux sociaux.
Comment est-ce que cette
révolution, si on peut dire,
a changé la façon de faire dans
les salles de nouvelles du pays?
CATHERINE CANO
Mon Dieu, ça a tout changé,
et on doit s'adapter parce qu'on
est habitués avec une structure
où on dessert d'abord les
réseaux plus traditionnels, plus
linéaires, que ce soit la télé
ou la radio. Alors, quand le web
est arrivé, et maintenant
les réseaux sociaux,
il faut complètement transformer
notre façon de réfléchir,
de couvrir l'information,
d'abord, la nouvelle,
parce que l'auditoire a changé.
Et puis, même si il y a encore
des gens qui écoutent les
émissions d'informations télé,
et il y en a encore, et la radio
qui reste quand même très
populaire, tout le monde, c'est
pas juste les jeunes, c'est pas
juste une nouvelle génération,
tout le monde, en fait, est
informé à la minute près parce
qu'on a tous nos cellulaires.
Et puis, l'information,
les alertes, tu peux t'abonner
à toutes les institutions de
presse et à celles moins connues
aussi, et à toutes les deux
minutes, tu as l'information.
Donc, tu es informé.
Et 80% des gens savent toutes
les nouvelles à 6h le soir.
Ça fait que si tu es pour faire
des émissions d'informations
qui sont des bulletins
de nouvelles traditionnels,
ça ne fonctionnera plus
parce que les gens vont se dire:
"J'ai pas besoin d'écouter ça,
je le sais déjà."
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous avez parlé du choix
et c'est sûr que notre choix
de médias a multiplié au cours
des dernières années.
Est-ce que ça veut dire qu'on
est forcément mieux informés
qu'on l'était auparavant?
CATHERINE CANO
Il y a pas de raison de ne pas
être bien informé. Mieux,
ça dépend. Ça dépend des sources
d'informations. Il reste que
sur les réseaux sociaux, il y a
beaucoup d'informations non
validées, non filtrées, ce qui
rend les tâches extrêmement
difficiles pour les
organisations de presse.
GISÈLE QUENNEVILLE
Parce qu'il y a une pression?
CATHERINE CANO
Écoutez, oui, il y a une
pression parce que même les
réseaux d'informations
sont dépassés, à mon avis,
aujourd'hui, parce que Twitter,
Facebook, Instagram, LinkedIn,
tout le monde est tellement
rapide sur l'information
parce que les gens sont
témoins, envoient des photos.
On sait la nouvelle
très rapidement. Sur Twitter,
c'est d'une rapidité incroyable.
Ils se construisent eux-mêmes
leur fil de presse sur Facebook,
tout ça. Et souvent, les grandes
entreprises de presse, comme
CPAC, vont faire partie de leurs
choix, et donc, vont être
informées par CPAC, qui est une
référence, ou d'autres réseaux.
Mais il y en a d'autres,
par contre, qui sont pas
nécessairement toujours
des références. Alors, c'est le
risque. Et la pression qui est
supplémentaire sur les médias
connus des institutions
journalistiques de renom,
c'est que non seulement
il y a nos propres joueurs
qui, évidement, eux, livrent de
la bonne information validée. On
a des standards et des pratiques
journalistiques qu'on respecte.
Mais c'est que le public ayant
accès à toutes sortes
d'autres informations, il faut
aussi, nous, valider
cette information-là. Alors,
ça demande des ressources.
Ça demande du temps, et souvent,
on n'a pas le temps. Et de plus
en plus, on voit, pas chez nous,
mais je l'ai vu ailleurs,
des journalistes qui vont dire:
"Écoutez, sur Twitter, on vient
de recevoir ce commentaire ou
cette information. On va le
valider et on vous revient."
Mais entretemps, on l'a donnée,
l'information. Alors, même si
tu reviens plus tard pour dire:
"Écoutez, ce dont on vous
parlait plus tôt, finalement,
c'est plus ou moins vrai ou il y
a une nuance", il est trop tard,
l'information est sortie.
Alors, il y a un danger
de dérapage majeur.
Et ça veut dire un travail
supplémentaire sur toutes
les organisations de presse
qui vivent des coupures et
des réorganisations sérieuses.
GISÈLE QUENNEVILLE
Où est-ce que vous voyez
l'industrie de la presse, que ce
soit presse écrite ou télévision
publique ou privée, dans
cinq ans, dans dix ans?
CATHERINE CANO
Il y a quatre ans, à peu près,
j'avais fait un discours à
Toronto, au Club canadien, en
disant: Dans trois ans, il n'y
aura plus de téléjournaux.
Donc, ça fait cinq ans
que j'ai fait ça. Trois ans
plus tard, je les dirigeais.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais il n'y a plus de
presse imprimée, par exemple.
CATHERINE CANO
Euh, oui, mais il y a
encore un besoin de l'écrit.
Mais il passe souvent par
le web. Certaines personnes
ont besoin du papier journal.
Une fois par semaine,
ils ont besoin de sentir...
C'est un peu nostalgique.
C'est un peu un besoin de sentir
qu'ils voient l'ensemble.
C'est une façon de consommer
qui est différente.
Mais de moins en moins
populaire, il faut le dire.
C'est pour ça que les journaux,
d'ailleurs, terminent...
Comme
La Presse met fin à son
édition imprimée. Mais c'est sûr
que ça va évoluer beaucoup.
Mais ce sera jamais, je pense,
la télévision va avoir encore sa
place, mais dans les événements
en direct, dans les moments où,
par exemple, quand on a vécu,
à Ottawa, la fusillade
du 22 octobre, événement
épouvantablement tragique.
Mais les gens étaient rivés à
leur téléphone, à tout ce qui
était écran, en fait. Et la
télévision, évidemment, c'est
un gros écran. Et quand tu es en
direct, peu importe où, ça reste
quand même un endroit où tu peux
aller, mais maintenant que c'est
disponible sur le iPad, sur le
téléphone mobile, l'important,
c'est d'être là où ça se passe,
quand ça se passe. Il y aura
toujours de la place pour les
journalistes, pour les grandes
maisons de presse pour ça.
Mais il faut s'adapter.
Alors, il faut être là quand ça
se passe et il faut aussi donner
beaucoup plus d'explications,
aller là où le public est rendu.
Alors, je pense que peu importe
le média, que ce soit radio,
télé... La radio, je pense,
restera assez privilégiée
parce qu'il y a encore
dans l'automobile, quand on fait
son jogging, il reste que c'est
possible. Mais de plus en plus,
on réalise que les organisations
font de l'audio, font du visuel.
Alors, tout le monde est
multiplateforme. Tout le monde
essaie de rejoindre l'auditoire
partout où il est. Alors,
le Globe and Mail, le
Toronto Star, pour survivre,
doivent faire du vidéo,
doivent faire de l'audio.
La télé pour survivre, ils
doivent évidemment être sur des
plateformes numériques. Alors,
il va y avoir une plus grande
compétition. Il va y avoir
moins de joueurs, c'est sûr.
Le danger, c'est qu'on aboutisse
à un plus grand monopole de
la presse. D'être généraliste,
c'est dangereux parce que les
gens sont habitués déjà à aller
chercher là où ils veulent,
quand ils veulent, et sur
ce qui les intéresse.
Alors, s'ils sont dans le sport,
ils vont aller chercher
les meilleurs dans le sport.
Ils vont pas nécessairement
aller là où il y a
la télévision généraliste
ou les médias généralistes.
GISÈLE QUENNEVILLE et CATHERINE CANO sont dans la salle de nouvelles de CPAC.
GISÈLE QUENNEVILLE
Catherine, vous êtes
nouvellement arrivée ici à CPAC.
C'est quoi, tout d'abord, CPAC?
CATHERINE CANO
CPAC, c'est deux choses
importantes. C'est un accès
direct pour les Canadiens
au travail des parlementaires,
des institutions démocratiques,
que ce soit la Chambre des
communes, le Sénat, la Cour
suprême. La deuxième chose,
c'est aussi l'endroit
où on explique, où on analyse
le pourquoi des décisions.
On essaie de comprendre et de
présenter les faits tels qu'ils
sont sur, par exemple, un enjeu
sur une politique, pour que les
gens puissent avoir un regard
complet, objectif, indépendant.
Il n'y a pas d'opinions à CPAC.
C'est vraiment des faits.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est gros. Il y a
quand même pas mal de monde
qui travaille ici.
CATHERINE CANO
Oui, plus d'une centaine
d'employés, et puis, c'est dans
le fond, une chaîne 24 heures
qui est en direct tout
le temps, mais avec soit de
la programmation en direct ou
de la programmation qu'on juge
importante de rediffuser, que
ce soit des conférences sur des
enjeux, des débats politiques,
en plus de la Chambre
des communes. La Chambre
des communes est d'abord
notre premier mandat, le mandat
le plus important. On doit
présenter tous les débats de la
Chambre, du début à la fin,
et des comités de la Chambre
et du Sénat également.
Et dans le contexte actuel
où on parle de transparence,
de gouvernement ouvert, eh bien,
je pense que là, CPAC a un rôle
à jouer très, très important,
pour être cette espèce d'endroit
commun pour tous les Canadiens
pour venir comprendre, apprendre
sur le travail au niveau
politique et de société
qui se passe à Ottawa.
L'entrevue se poursuit dans la salle de réunion.
GISÈLE QUENNEVILLE
Catherine, aujourd'hui,
vous dirigez CPAC qui est
une chaîne pour les junkies
de la politique. Est-ce que vous
êtes une junkie de la politique?
CATHERINE CANO
Ah oui! Oh non, c'est un rêve
de travailler à CPAC parce
que... Bien, je suis une junkie
de la politique, mais je dirais
plus de la politique publique
c'est-à-dire des enjeux
et de ce qui constitue
les valeurs canadiennes,
de ce qui est important dans
une société. Oui, j'ai toujours
suivi la politique depuis
que je suis toute petite. Mais
l'information, ça a commencé
beaucoup en information.
Écoute, j'avais 10 ans et
j'avais un passe-droit. J'avais
le droit d'écouter les nouvelles
avec Bernard Derome à 11h du
soir. C'était vraiment quelque
chose. Mes frères et soeurs,
eux, étaient couchés et
ils avaient pas le droit
de se lever, mais moi, parce
que j'aimais beaucoup l'info
et que mes parents, c'était
des fous de l'information aussi,
me permettaient de l'écouter.
Donc, un intérêt très tôt
à comprendre et à écouter
l'information. Souvent,
on identifie le mot "politique"
à politicaillerie ou, tu sais,
finalement, à un dialogue
de sourds, quand en fait,
le travail du Parlement est
tellement fondamental. Tu vois,
le rôle de CPAC, c'est de
faire comprendre ce rôle-là.
Évidemment, ça met la lumière
sur les acteurs qui, eux,
doivent aussi... Je pense que
les attentes des citoyens, c'est
ça, se comporter, travailler
fort pour présenter des projets
de loi, pour améliorer le sort
de la société. Alors, c'est sûr
qu'il y a un besoin fondamental
de comprendre la politique, mais
en même temps, il y a un besoin
aussi que les gens qui sont
élus, qui ont la chance,
qui sont privilégiés d'être là
où ils sont, de aussi apporter,
de donner des solutions
aux citoyens qui les ont élus.
Donc, c'est l'intérêt, pour moi,
de la politique ou du politique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez travaillé pour
John Turner, alors qu'il était
chef de l'opposition en fait.
Ça faisait partie de vos
projets ça? C'est-à-dire moins
l'information et plus le
politique pur et dur?
CATHERINE CANO
Non, en fait, c'est un hasard.
C'est un hasard, et j'ai été
chanceuse. Pour être franche,
c'est que quand j'étais
à l'université, évidemment,
je voulais travailler pour
comprendre. Je voulais avoir
de l'expérience aussi. Alors,
j'ai travaillé pour un député
à temps partiel, après avoir été
page. Et puis, je me cherchais
un travail après l'université.
J'avais pas de possibilité, il y
avait pas d'ouvertures en
journalisme, à ce moment-là,
et comme je connaissais tous
les parlementaires, j'ai envoyé
mon curriculum vitae et j'ai été
chanceuse, j'ai été choisie.
Deux ans plus tard... J'ai donc
travaillé pour un député.
Deux ans plus tard, le bureau de
M. Turner. C'était la plus belle
expérience. J'étais tellement
jeune, par exemple. J'en
reviens pas quand je regarde,
aujourd'hui. J'étais pas
vieille. Mais l'expérience,
je la recommande à tous,
même les journalistes, parce que
ça donne une perspective vue de
l'intérieur, une compréhension
du fonctionnement de l'appareil
politique, du gouvernement, des
comités, du rôle, par exemple,
tactique de l'opposition. Entre
autres, la préparation de la
période des questions. Et puis,
c'était à l'époque, évidemment,
des grands enjeux comme le lac
Meech et du libre-échange.
C'est définitivement
une des plus belles
expériences que j'ai eues.
GISÈLE QUENNEVILLE
Après ça, vous êtes allée
travailler à Radio-Canada,
je pense, dans le
bureau de Washington.
CATHERINE CANO
C'est ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, j'imagine que la jeune
femme qui arrive du bureau
du chef de l'opposition
libérale, qui se ramasse
à Radio-Canada, ça a dû
faire sourciller plus d'un?
CATHERINE CANO
Bien, honnêtement, j'ai pas eu
de problèmes. Je pense
que ça a fait plus sourciller
à l'extérieur. Mais j'avais
un purgatoire à faire.
C'est-à-dire que je suis arrivée
à Radio-Canada au bas
de l'échelle comme
assistante-recherchiste à
Washington. Donc, je n'avais pas
le droit d'être en ondes pendant
trois ans, de toucher des
dossiers canadiens, parce que
j'étais aux États-Unis.
Et en fait, c'est la
première porte où je suis allée
frapper quand j'ai décidé
d'aller à Washington.
Parce que c'était mon rêve
de travailler à Radio-Canada.
Donc, je me suis dit: J'ai rien
à perdre. Je vais aller voir.
Et ça s'adonnait qu'ils
cherchaient quelqu'un. J'étais
pas considérée comme étant
partisane parce que j'avais pas
ma carte de parti, et j'ai été
pendant presque trois ans avec
John Turner, mais c'était pas...
Le rôle d'attachée de presse est
très différent aussi parce qu'il
faut que tu gardes... d'avoir
une grande objectivité pour
être honnête. Il faut que tes
commentaires ou tes briefings...
Ça te donne rien de dire:
"Oui, tout va bien"
quand ça va pas bien.
C'est pas à ton avantage.
Donc, tu es pas la personne
préférée nécessairement du chef
ou de l'entourage politique
parce que tu dis pas
nécessairement ce qu'ils veulent
entendre. Donc, j'avais un peu
l'habitude d'avoir cette espèce
de rôle d'avocat du diable.
Je dis pas que je partageais pas
les valeurs. Bien sûr,
j'aurais pas travaillé pour
le gouvernement, mais en même
temps, c'était pas un gros pas
à faire pour moi de passer de
la politique au journalisme. Et
comme je dis, j'étais vraiment
à la première échelle, et puis
après, les choses se sont...
J'ai eu la chance d'avoir
d'autres opportunités comme
réalisatrice et puis...
J'ai fait une belle carrière là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et assez rapidement, à
Radio-Canada, vous êtes passée
de journaliste, réalisatrice, à
gestionnaire, administratrice, à
patronne, finalement. Est-ce que
vous vouliez faire ce pas-là?
Ça faisait partie
du plan de carrière ça?
CATHERINE CANO
En fait, pour être honnête,
c'est une bonne question, mais
je pense pas que j'avais un plan
de carrière. J'étais bien,
j'étais heureuse. Mon rêve,
c'était de travailler avec
Bernard Derome, tu sais. Et j'ai
travaillé avec Bernard Derome!
Et là, ça a été vraiment bien
parce que j'ai eu la chance
de travailler avec lui comme
réalisatrice, ensuite comme
rédactrice en chef du
téléjournal, et comme patronne
ensuite. Alors, j'ai eu
tellement une belle carrière.
Ça m'a amenée à travailler à
Ottawa comme réalisatrice,
suivre le premier ministre
dans les voyages, couvrir
les grands sommets. Tu sais,
l'APEC, les G7, le Commonwealth.
Et ça a été... J'ai adoré ça.
C'est un autre côté
de l'apprentissage, la relation
humaine: comment on amène les
équipes à travailler ensemble,
à bâtir ensemble, à aider
aux changements, aux gens de
s'adapter à la nouvelle étape,
à la nouvelle chose.
C'est pas facile d'être patron.
Je trouve que c'est probablement
le travail le plus ingrat
jusqu'à un certain point,
mais le plus riche en même
temps. Parce qu'il y a rien de
plus beau que de voir quelqu'un
grandir, que de voir quelqu'un
réussir, que d'avoir une idée,
un rêve et de le modifier, parce
qu'on n'a pas toujours raison,
mais grâce à l'équipe
qui, elle, voit des choses,
amène ce mélange-là,
cette combinaison-là,
cette collaboration-là, arriver
à un projet concret, c'est
une satisfaction incroyable
et une richesse, un bonheur.
C'est le plus grand bonheur.
Et j'ai réalisé assez tôt que...
J'ai eu des regrets à un moment
donné. Peut-être que j'aurais pu
être à l'antenne plus longtemps.
Parce qu'on aime ça, hein! Faut
le dire. Mais en même temps...
Pas aujourd'hui. Je suis
contente de mon choix.
On nous montre des images de l'intérieur d'une église, sur fond sonore de musique d'orgue.
CATHERINE CANO (Narratrice)
La musique fait partie de ma vie
depuis que je suis toute petite.
Mes parents, pour eux, c'était
très important qu'on apprenne un
instrument de musique, qu'on ait
la culture musicale, qu'on ait
la richesse de cet art-là.
Et moi, je sais pas pourquoi,
j'ai été attirée vers
l'orgue très tôt.
J'ai appris le piano d'abord.
Mais l'orgue, c'était un
instrument complet. Mais j'étais
trop jeune pour le jouer parce
qu'il faut que tu sois assez
grande pour être capable,
que tes jambes atteignent le
pédalier. Et à 13 ans, j'étais
trop petite, mais un an plus
tard, finalement, j'ai grandi
assez pour pouvoir jouer et
je suis entrée au Conservatoire
à Chicoutimi et j'ai appris
l'orgue que j'adorais
parce que l'orgue, d'abord,
c'est la complexité. C'est sur
deux claviers, donc un besoin
de coordination. Mais c'est
le son. La plus belle chose
de l'orgue, c'est le son.
La plupart au Québec sont
construits par les frères
Casavant. C'est une pièce d'art.
C'est un meuble. C'est une
richesse. C'est une antiquité.
Et puis, à Ottawa, un des lieux
pour moi qui est privilégié,
c'est la basilique qui est un
édifice extraordinaire,
un lieu de recueillement.
C'est pas religieux pour moi.
La relation avec l'orgue, c'est
la musique. Et l'orgue d'église,
joué dans l'église, avec la
sonorité, les toits cathédrales,
tout ça, le son est encore plus
riche. Alors, il y a des pièces
exceptionnelles qui ont été
écrites pour l'orgue,
qui ont été adaptées à l'orgue,
parce que l'orgue a le potentiel
d'interpréter à peu près tous
les grands classiques, tous les
grands compositeurs, de toutes
les époques que ce soit baroque,
que ce soit contemporain.
C'est un instrument complet.
L'entrevue se poursuit dans la salle de réunion.
GISÈLE QUENNEVILLE
Catherine, en 2012,
le Réseau des femmes exécutives
vous a nommée une des 100 femmes
les plus influentes au Canada.
Comment est-ce qu'on se
sent quand on a toute
cette influence-là?
CATHERINE CANO
Je suis pas certaine
qu'on a vraiment toute
cette influence-là, mais j'étais
d'abord surprise, humble...
Je m'y attendais pas d'être
choisie. On m'avait avertie
que ma candidature avait été
présentée et ça, ça m'avait
touchée parce que les femmes
qui m'ont présentée,
c'est des femmes que
je respectais et une des choses
qui m'a réconciliée beaucoup
avec les femmes en général,
parce que c'est un monde...
Tu sais, quand on est dans
l'industrie du journalisme,
des médias, et dans le monde
en général des affaires,
c'est difficile. Il y a quand
même des obstacles importants
quand on est une femme.
Évidemment, ça a évolué
énormément. Moi, ma soeur
et ma mère se sont battues
pour faire la place aux femmes.
Moi, aujourd'hui, j'ai une place
beaucoup plus grande
grâce à leur travail à elles.
Mais il reste que j'avais pas eu
d'expérience particulière, parce
que j'étais beaucoup dans un
monde d'hommes, jeune assistante
ou réalisatrice et tout ça.
Beaucoup d'artisans femmes,
mais au niveau de la direction,
c'était beaucoup plus
des hommes à l'époque.
Mais l'accueil que j'ai eu
du groupe, du Réseau des Femmes
d'affaires à Toronto a été
extraordinaire. Elles m'ont
prise sous leurs ailes
et m'ont aidée, m'ont présentée
à des gens. J'avais un sentiment
qu'elles voulaient que je
réussisse. C'était beau à voir.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous avez été la première
femme dans différents domaines:
première femme à diriger RDI,
première femme à diriger
les programmes d'informations
télévisées à Radio-Canada.
Est-ce que vous avez
l'impression d'avoir défriché?
CATHERINE CANO
Hum. Certainement parce que
d'avoir été la première femme,
ce qui est assez étonnant
parce qu'on parle de 2005.
On parle pas quand même de 1960.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et est-ce que vous avez été
la première femme parce que vous
étiez une femme ou en dépit du
fait que vous étiez une femme?
CATHERINE CANO
J'espère que c'est pas juste
parce que j'étais une femme!
Je pense pas. Et c'est pour ça
qu'il y a beaucoup
d'organisations de femmes qui ne
sont pas pour les quotas parce
qu'elles ont l'impression que...
Ce qu'on souhaite,
c'est qu'on choisisse pour les
compétences, et c'est important.
Mais il y a des femmes
compétentes et il y a autant de
femmes compétentes, j'en suis
convaincue, qu'il y a d'hommes
compétents. Donc, il n'y a pas
de raison que les femmes ne
prennent pas les positions.
Je pense qu'il y avait
certainement un désir
d'équilibre dans les directions
comme, par exemple, quand moi,
je dirigeais le National,
mon souhait, c'était d'avoir une
équipe de direction équilibrée,
autant d'hommes que de femmes.
C'était important parce qu'on
dirige pas de la même façon.
On n'a pas les mêmes réflexions,
on n'a pas les mêmes bagages.
Donc, c'est important d'avoir un
équilibre. Et la même chose avec
la diversité, d'avoir des gens
de différentes cultures,
parce que le Canada est
bâti différemment. Notre réalité
n'est pas juste une certaine
culture. On est multiculturel.
Donc, il faut qu'on la
représente aussi dans ce qu'on
fait. Il faut s'adapter à
la modernisation de la société.
Ça, c'est clair. Mais oui,
j'ai défriché, et ça, j'aime ça.
GISÈLE QUENNEVILLE
Catherine, vous avez eu
une expérience assez unique.
Vous avez été, pendant
un certain temps, directrice
adjointe des nouvelles
au réseau anglais de Al Jazeera.
Comment ça a été l'expérience?
CATHERINE CANO
Superbe! Extraordinaire!
Imaginez-vous avoir les Nations
unies à la réunion éditoriale
du matin. Parce que,
d'abord, je pense qu'on avait
45 pays représentés. Il y a
une distinction à faire. Moi,
j'ai travaillé pour le réseau
anglais de Al Jazeera. Il avait
évidemment été créé bien
longtemps avant le réseau arabe
Al Jazeera. Ce sont deux
salles éditoriales séparées.
GISÈLE QUENNEVILLE
Mais vous êtes
quand même au Qatar?
CATHERINE CANO
Oui, on est basés au Qatar,
et ça appartient aussi
à l'émir. Mais la beauté,
le côté extraordinaire...
D'abord, c'est vrai que
c'est une culture différente.
D'être au Moyen-Orient,
c'est déjà différent parce que
la réflexion sur les événements
mondiaux est pas la même.
Et ça fait du bien de mettre
un autre chapeau. Parce que moi,
je suis arrivée, j'étais
une femme occidentale. Alors,
sur des enjeux comme la charia,
des enjeux importants, j'avais
une opinion et des références
qui étaient complètement,
souvent opposées à d'autres,
mais la discussion, la richesse
de la discussion, mon Dieu que
je souhaiterais que toutes les
salles de nouvelles aient ça!
Et c'est pour ça
qu'il faut avoir des gens
de cultures différences dans
nos salles de nouvelles aussi.
On parle de l'Iran présentement.
Il faut absolument comprendre
ce pays-là. Il faut comprendre
l'historique, le contexte. C'est
un apprentissage parce que, oui,
on a déjà des idées préconçues.
Ça, c'est vrai. L'objectivité
n'existe pas dans sa pureté.
Ça n'existe pas totalement.
On essaie. On fait tout ce qu'on
peut pour être objectif, mais
on a quand même notre propre
bagage, un historique,
des références, tout ça.
Alors, d'avoir quelque chose
qui est complètement contraire,
c'était un exercice de réflexion
tellement profond,
tellement riche,
que j'ai appris
d'une façon exponentielle.
C'est certainement l'expérience
professionnelle la plus
importante qui m'a ouvert
les esprits, qui m'a permis de
me dire, même si je me croyais
internationale et ouverte
et déjà: Oh mon Dieu
que j'étais fermée.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ici, à Ottawa, à CPAC,
une chaîne politique,
on sait que les femmes
sont sous-représentées au
gouvernement. Comment est-ce que
vous reflétez la réalité,
ou peut-être la réalité
canadienne ou la réalité
parlementaire à l'écran?
CATHERINE CANO
C'est un effort que le réseau
fait depuis longtemps.
D'ailleurs, on vient de
publier... On fait un rapport
sur notre diversité tant
en ondes qu'à l'interne.
J'étais vraiment ravie
de lire qu'on se situe vraiment
à un bon niveau. On est 63%.
Je veux dire, on est au-delà
même de la majorité en termes
de représentation. Mais c'est un
travail constant. C'est pas
parce qu'on a été très bon,
l'année d'avant que cette année,
la question se posera pas.
Parce qu'évidemment, surtout
à l'antenne, il faut faire des
efforts pour être diversifiés.
Je pense qu'on a tous un travail
à faire. C'est pas acquis
du tout. Par contre, le message
qui ressort présentement,
quand même, dans l'ensemble
du pays, est positif. Je suis
assez convaincue que toutes les
compagnies, organisations, tout
le monde, vont suivre les pas
qui sont en train d'être tracés.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous n'avez pas eu d'enfant.
CATHERINE CANO
Non.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et souvent, pas toujours,
mais souvent, les femmes
qui atteignent un certain niveau
dans leur carrière choisissent
de ne pas avoir d'enfant.
C'est un choix pour vous ça?
CATHERINE CANO
Non, non, j'aurais aimé ça.
CATHERINE CANO est émue.
CATHERINE CANO
Là, vous allez...
me chercher loin. Euh...
Non, ça, c'est quelque chose
que je regrette probablement le
plus, mais j'ai pas pu en avoir
et c'est ça. Sauf que j'ai deux
nièces extraordinaires, "mes
filles" que j'appelle, qui ont
des petits bébés. Ma famille,
c'est extrêmement important.
Ma famille, ça a été mes parents
évidemment, ma mère avec
qui je suis extrêmement proche.
Mon père, mes frères,
mes deux filles et leurs bébés.
C'est sûr, pour moi aussi,
c'est une relation précieuse.
En fait, j'avais la possibilité
de renouveler à Al Jazeera pour
cinq ans, mais j'ai eu une offre
à Toronto, et je me trouvais
trop loin. Ça prenait 24 heures
et un exit visa de l'émir, pour
sortir parce que ça reste
une dictature. Je me suis
trouvée trop loin, à un moment
donné, de ma famille. J'ai dit:
Non, la vie est trop courte.
Je vis une belle expérience,
mais il y a quelque chose qui me
manque. Alors, je suis revenue
au Canada pour ça. Je suis
revenue à Montréal pour ça.
Et là, de venir à Ottawa, la
seule chose qui me réconcilie,
c'est que c'est pas trop loin,
et que j'ai une de mes filles
qui est ici, à Ottawa. Alors,
c'est sûr qu'on peut pas réussir
dans sa carrière, je pense,
sans l'équilibre émotionnel.
Et ça, c'est fondamental.
On n'est rien. Le travail, c'est
une chose. C'est vrai que ça
nous définit beaucoup et c'est
important de se sentir valorisé
et d'être heureux dans ce qu'on
fait, et la vie est trop courte.
Comme je dis, j'ai perdu des
gens que j'ai aimés beaucoup,
très tôt. Ça m'a fait réaliser
que tout ce que j'ai, je peux le
perdre vite. Alors, c'est
fondamental, pour moi, d'avoir
ma famille autour de moi.
CATHERINE CANO
Merci beaucoup, Catherine.
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