

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Vidéo transcription
Robert Paquette : auteur-compositeur-interprète
Robert Paquette a été le tout premier musicien franco-ontarien à enregistrer un album professionnel. C’était en 1974.
Suivra une longue carrière ponctuée de succès et de pauses qu’il consacrera notamment à de l’animation à la télévision.
Ses chansons «Bleu et Blanc» et «Jamaica» ont été sacrées «Chansons classiques» par la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
Rencontre avec Robert Paquette, une figure incontournable du paysage musical franco-ontarien…
Réalisateur: Charles Pepin
Année de production: 2016
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Titre :
Carte de visite
ROBERT PAQUETTE, Auteur-compositeur-interprète se présente assis sur un banc public, devant un micro.
ROBERT PAQUETTE (Narrateur)
Je suis Robert Paquette,
auteur-compositeur-interprète,
originaire du nord de l'Ontario.
(Chantant)
♪ Hum hum hum ♪
♪ Hum hum hum hum ♪
Je suis déménagé au Québec
dans les années 73, 74, faire le
premier album, parce qu'il
y avait pas d'industrie musicale
comme telle en Ontario.
Et donc, de 73 jusqu'à 85, j'ai
eu la chance de faire cinq
albums live. Donc, c'était
assez populaire au Québec en ce
temps-là. On passait des
émissions de télévision, on
passait à la radio, etc. Donc,
cette période-là, je pense
que c'était très, très actif,
surtout au Québec, puis un
peu plus aux États-Unis, puis le
restant de la tournée un
peu internationale.
Pendant l'émission, des photos et des extraits d'archives défileront.
ROBERT PAQUETTE (Narrateur)
Quand j'étais jeune, originaire
du nord de l'Ontario, donc,
on avait pas beaucoup de musique
française qui jouait. Donc,
on entend du Vigneault, Ferland.
Donc, sinon, c'était le côté
anglais, américain. Et parce que
je jouais dans ce qu'on appelait
des bands, on jouait les fins
de semaine, les samedis et
dimanches, pour des danses. On
faisait beaucoup de musique.
Moi, j'aimais bien ce qui
sortait de l'Angleterre.
Mais en général, j'aime bien le
style acoustique avec de vrais
instruments qu'on entend, qu'on
sent que les gens jouent.
L'animatrice LINDA GODIN rencontre ROBERT PAQUETTE chez lui.
LINDA GODIN
Robert Paquette, bonjour.
ROBERT PAQUETTE
Bonjour.
LINDA GODIN
Tu es originaire de Sudbury.
Toi, tu étais là pendant le boom
culturel, d'identité culturelle
aussi. Comment c'était?
ROBERT PAQUETTE
Je pense que c'était le début
du boom culturel. On peut pas
appeler ça un "boom", parce
qu'en principe, dans le temps où
on était au collège, etc.,
on écoutait du Vigneault,
du Ferland, Louise Forestier,
Robert Charlebois.
Ils sont venus quand
même jouer à Sudbury, mais
c'était surtout du côté anglais.
Au collège du Sacré-Coeur,
moi j'ai été élevé avec les
Jésuites, dont avais fait un
cours classique. Et finalement,
eux autres, ils nous mettaient
beaucoup d'importance et
d'accent sur la créativité.
C'était vraiment bien. C'était
du monde génial de ce côté-là.
Et donc, on a pris ça, un genre
de pli de vouloir... Mettons, on
montait des pièces de théâtre au
collège, 12e, 13e année, sur des
contes; des contes que le père
Lemieux ramassait dans le nord
de l'Ontario. Donc, il y a avait
Ti Jean joueur-de-tours, Ti Jean
etc. Donc, on montait un conte,
mais on inventait, la plupart, du
conte, puis on jouait là-dessus,
on écrivait des affaires tout
autour. Donc, finalement, quand
on a abouti à l'université,
puis on a commencé à faire
de la musique, du théâtre; moi
j'en faisais tout le temps.
On a décidé de faire des
créations collectives. On a fait
Moé j'viens du nord, qui était
un genre de prise de position de
qui on est, de pouvoir parler
dans notre langue, etc. Et on
m'a demandé de faire la musique
pour la pièce de théâtre.
Il y avait un tulle, il y avait
les comédiens en avant, puis en
arrière, on avait un full band,
on était comme six ou sept.
J'avais écrit une dizaine de
chansons pour le spectacle.
Donc, c'était le début de
la créativité comme telle,
côté francophone. Et André
Paiement, en général, avait le
rôle principal. Il est plus tard
devenu un auteur-compositeur
avec le groupe de musique CANO.
LINDA GODIN
Et d'ailleurs, toi, t'as
pas véritablement fait partie du
groupe CANO, mais t'étais autour
d'eux? C'est quoi la...
ROBERT PAQUETTE
Oui.
LINDA GODIN
T'étais autour d'eux, t'as
créé quand même avec eux?
ROBERT PAQUETTE
On était plus ou moins tous en
même temps. Quand on était à
l'université, puis on a commencé
la troupe universitaire avec
Moé j'viens du nord, Et le
septième jour, etc. Moi, j'ai
commencé à écrire de la musique
en français à ce moment-là, puis
les gens me demandaient un peu
de venir jouer. Et au début
j'allais jouer, mais j'avais
peut-être la moitié du matériel
en anglais, la moitié en
français. Finalement, les gens
ont dit: Écoute, tant qu'à
venir, il y a tellement peu de
musique francophone à Hearst,
à Timmins, à Kap', autour
de chez nous. Pourquoi tu
chanterais pas 100% en français?
Finalement, j'ai écrit assez
pour être capable d'aller
faire le spectacle. Puis au même
moment, André Paiement était là.
Il était au collège avec moi,
deux ou trois ans plus jeune que
moi. Et finalement, quand on
était à l'université, on a
décidé, c'est assez difficile de
vivre de son art dans le Nord de
l'Ontario, qu'on devait se
regrouper. Donc, on a décidé
de former une commune qu'on
a appelée la Coopérative
artistique du Nouvel Ontario
qui s'épelle CANO, C-A-N-O.
Et on a acheté une ferme à
Earlton, dans le Nord de
l'Ontario, puis tout le monde
y est allé. Donc, il y avait des
gens qui faisaient du théâtre,
des gens qui écrivaient de la
poésie, il y avait des artistes
visuels et des gens qui créaient
des vêtements, des bourses,
qui travaillaient le cuir,
faisaient de la musique, etc.
On remettait une partie de ce
qu'on faisait durant l'année
À la coop, et ça permettait
À d'autres gens... Mettons qu'un
poète devait écrire un recueil
de poésies et qu'il avait
pas assez d'argent, il montait à
Earlton, on lui payait pendant
un mois ou deux, ou trois, sa
pension, sa nourriture.
Il vivait avec tout le monde,
puis il écrivait, puis il revenait.
André est allé écrire une
couple de pièces de théâtre.
LINDA GODIN
Comment c'était ces années-là
où tu étais très populaire, à
peu près au milieu des années 70
jusqu'au milieu des années 80?
Parce que tu tournais beaucoup,
t'étais dans les tops 10, par
exemple, du palmarès musical.
ROBERT PAQUETTE
J'ai fait beaucoup de tournées.
J'ai beaucoup aimé ça,
car quand ça commence et que ça
marche bien... Je pense que le
fait aussi d'être le premier
Franco-Ontarien à faire un
album, en plus de venir au
Québec, et ça marchait. Il y
a des gens qui savaient que
j'étais Franco-Ontarien. Il y en
a d'autres qui pensaient, car
ils entendaient à la radio, que
j'étais Québécois. Ça passait
très bien dans les deux sens.
Mais les gens à l'extérieur de
la francophonie canadienne, de
l'Acadie, de l'Ouest, etc.,
m'ont adopté aussi. La première
tournée que j'ai faite, c'était
comme une quarantaine de villes,
ça a été vendu d'un bloc. Et on
a fait une tournée, on était
juste un petit trio, mais c'est
vraiment beau. Tu découvres
ton pays et tu couvres la
francophonie de ton pays; pas
juste le Québec, mais vraiment
partout. Et tranquillement pas
vite, quand ça a lieu, les gens
de l'Ontario te disent: "Ah, on
a une exposition à Paris. On
voudrait que ça soit toi qui
représentes les Franco-Ontariens
à Paris." Donc, tu vas jouer à
Paris, tu vas jouer en Belgique,
tu vas jouer aux États-Unis, un
peu partout. Puis il y a des
concours, le Festival de Spa. Il
y a une année, c'est le Québec
qui m'a envoyé pour représenter
le Québec. J'ai rencontré Cabrel
quand j'étais là, plein d'autres
mondes. Renaud était là.
Vraiment intéressant. Moi, j'ai
trouvé que c'était une période
de ma vie qui a été vraiment
très, très riche. Surtout en
rencontres de personnes, en
connaissances, compagnies de
disque, studios, d'autres
musiciens, les gens de la région
de Montréal. Donc, c'est
vraiment une famille qui est pas
si grosse que ça. Tout le monde
se connaît un petit peu.
Et donc, j'ai adoré ça.
J'ai été un petit peu à l'écart
au Québec, parce que j'avais
un contact pour être capable
d'aller jouer aux États-Unis.
Donc, je faisais des fois deux
tournées de 20 à 25 villes par
année aux États. Donc, j'étais
parti pendant deux mois et demi,
trois mois, quatre ou cinq mois.
Je venais au Québec juste
le temps d'être capable de faire
soit un nouvel album, ou une
tournée de promotion, ou de
passer à la télé, faire les
choses qu'il fallait faire.
Après ça, pfuit! Je repartais.
Sans être complètement centré
sur le Québec, j'ai eu la chance
d'avoir une carrière un peu
plus internationale, qui me
permettait de jouer
un peu partout.
LINDA GODIN
Quand tu parles de la carrière
internationale, puis d'où t'es
allé jouer, entre autres aux
États-Unis. Quand t'as commencé,
quand t'étais plus jeune, t'as
commencé à chanter, tu
chantais en anglais.
ROBERT PAQUETTE
Oui.
LINDA GODIN
Ça t'a pas tenté de plutôt
bifurquer vers ça que vers
le français à ce moment-là?
ROBERT PAQUETTE
Je pense que c'est
la francophonie canadienne
qui m'a fait bifurquer ailleurs.
LINDA GODIN
OK.
ROBERT PAQUETTE
Il y a le fait qu'il faut
faire le premier album. Parce
qu'en Ontario français, personne
que moi je connaissais avait
jamais fait un album, ni
anglais ni français; à Sudbury.
Le premier album : Robert Paquette et amis, Dépêche-toi soleil apparaît pendant l'entrevue.
LINDA GODIN
Ça, c'est en 1974?
ROBERT PAQUETTE
Oui, 73, 74.
LINDA GODIN
T'étais le premier à endisquer
professionnellement; de
l'Ontario français, on s'entend.
ROBERT PAQUETTE
Oui. J'avais entendu parler
qu'il fallait que je fasse un
démo. Alors, j'ai fait un démo
avec des gens un petit peu
autour de chez moi à Sudbury.
Puis on est descendu à Toronto.
J'ai sonné, mais littéralement,
j'ai appelé une compagnie de
disque: "Mon nom,
c'est Robert Paquette.
Je chante en anglais,
en français. Est-ce que vous
êtes intéressé?" Finalement,
j'ai passé une semaine et demie
à Toronto. Je suis revenu avec
cinq offres de contrats de
disques, français, anglais. Mais
c'est surtout en anglais pour
eux autres. Et je lisais les
contrats, mais il y a personne
qui pouvait me dire si c'était
un bon contrat ou pas.
T'as pas de relativité.
Puis en même temps, on avait
monté à Sudbury le Festival
Boréal, Northern Lights
Festival. C'est un festival folk
qui existe depuis au moins 30 ou
40 ans à Sudbury. Un festival
bilingue de musique folk. Puis
Jim et Bertrand, Jim Corcoran et
Bertrand Gosselin viennent cette
année-là où moi, j'étais
en train de faire des démarches,
etc. Ils disaient: "Nous autres,
on vient de faire un album.
C'est un réalisateur,
René Letarte, qui est à Montréal.
Il est super. Tu devrais lui
donner un coup de fil."
Déjà, tu sais c'est quoi qui se
passe. Moi, pas gêné, j'appelle
au téléphone. "Allô, mon nom,
c'est Robert Paquette, bonjour.
J'ai parlé à Jim et Bertrand.
Ils m'ont dit que tu serais
peut-être intéressé."
Il dit: "As-tu un démo?" Il dit:
"Oui." Il dit: "J'aimerais mieux
t'entendre chanter. Veux-tu
descendre?" Je prends mon char,
je descends à Montréal. Je
lui chante dix chansons. Il dit:
"Excellent. Va pratiquer
trois semaines. Dans un mois, tu
reviens, on va faire un album."
Et donc, le côté français
est parti comme ça.
LINDA GODIN
Parce que si t'avais signé à
Toronto, ça aurait pu
être en anglais.
ROBERT PAQUETTE
Probablement en anglais,
ou certainement bilingue.
LINDA GODIN
Pierre Paquette. Ton frère,
le plus jeune de la famille...
ROBERT PAQUETTE
Le benjamin.
LINDA GODIN
..est aussi un artiste. Est-ce
que toi, ce que tu as choisi de
faire quand t'étais plus jeune,
a influencé ce que lui fait?
ROBERT PAQUETTE
Ça, il faudrait lui demander.
Je pense pas qu'un grand
frère influence grand chose.
Peut-être de temps en temps.
LINDA GODIN
Souvent.
ROBERT PAQUETTE
Oui, souvent. Mais quand
quelqu'un marche bien dans un
domaine, en général, c'est pas
toujours que ça suit. Ça existe
dans des familles, des pères et
des enfants qui font le même
métier, ou la mère. Mais dans la
même famille, avec Pierre, il
a un talent musical, il est
vraiment très bon. Mais il a
décidé de se lancer en théâtre.
Il dit: mon frère s'occupe de la
partie musicale, moi je vais
aller... Parce qu'il est
meilleur comédien que moi,
évidemment. Puis notre autre
frère est avocat, nos deux
soeurs sont enseignantes. Tu
sais, on est bien casés, puis on
est vraiment bien dans ce qu'on
fait. Et Pierre, quand il a
vu que son autre frère jouait de
l'accordéon comme lui, il
disait: là, c'est plate.
J'en ai un qui joue depuis plus
longtemps que moi, l'autre
il joue de la musique puis de la
guitare. Il a appris la basse.
Mes frères et soeurs m'avaient
acheté pour ma fête une basse
acoustique. Puis, moi j'aime ça.
Je me pratique là-dessus.
Puis Pierre, il dit une
journée... J'en jouais pas
tant que ça. Pierre, il dit:
"Montre-moi juste une toune.
Fais juste me montrer une toune
à la basse." Et depuis ce
temps-là, il est bassiste. Il
s'est acheté une basse et on
joue ensemble dans les partys de
famille. Il est très bon.
PIERRE PAQUETTE, comédien, témoigne.
PIERRE PAQUETTE
Bonjour, Carte de visite.
Merci de l'invitation.
CLAQUETTE
Pierre Paquette.
PIERRE PAQUETTE
Salut, je m'appelle
Pierre Paquette, je suis le frère de
Robert. Robert était la vedette
qu'il était, puis c'est fou,
j'étais plein d'admiration.
C'est pas juste bête, mais c'est
parce que j'aimais bien ce qu'il
faisait. S'il avait cinq sous à
chaque fois que je chante une de
ses chansons dans ma tête, il
serait archimillionnaire;
archimillionnaire. C'est
pour te dire à quel point
je l'admire. J'aime son talent,
j'aime sa voix, j'aime le musicien
qu'il est, j'aime l'artiste
qu'il est, beaucoup.
Il avait demandé à Louise, mon
épouse, Louise Bombardier, qui
est comédienne, à faire la mise
en scène de son spectacle au
Spectrum ici à Montréal
quand le Spectrum existait.
On s'est vraiment donné corps et
âme, puis là, c'était un autre
rapport. C'est moi le metteur en
scène, c'est toi l'artiste. Je
connais tes chansons, je crée
un univers. Première partie,
deuxième partie. Nous allons
chercher des collaborateurs très
professionnels que tu connais
pas. Nous allons t'habiller,
nous allons fabriquer un
look, on va chercher le meilleur
éclairage. Puis il était...
C'était un maelstrom,
mais il a bien joué.
Je pense qu'il a beaucoup aimé.
Puis ça a donné un maudit
beau résultat, maudit.
Robert, frère numéro 1. Hum...
Il est au même pied d'égalité
que mes frères et soeurs.
On présente un extrait d'un hommage rendu à ROBERT PAQUETTE, lors du Gala de la chanson et de la musique franco-ontariennes, en mars 2001.
ANIMATEUR
Il y a 25 ans, CANO le
remerciait d'avoir été celui
qui avait montré que
c'était possible.
Ce soir, nous lui rendons
hommage, parce qu'il nous
montre, encore aujourd'hui,
tout est possible quand on a le
courage de se prendre en main.
Mesdames et messieurs,
M. Robert Paquette.
ROBERT PAQUETTE
Merci. Après tout, c'est une émission
de télévision. Et au moins, avec
l'âge et un peu de sagesse, on a
appris à raccourcir un peu et la
barbe et les cheveux, et
les bottines lourdes.
Je l'espère. Je tenais à vous
dire comment je suis honoré,
je suis touché par cet hommage
qui, heureusement, j'espère,
ne veut pas dire que je dois
arrêter, et qui m'a permis de
faire une réflexion sur le passé
le présent et l'avenir de la
musique en Ontario français.
Et pour remercier cet esprit
fonceur qui existait au début
avec CANO, avec 33 Barrette,
avec Donald Poliquin, avec Paul
Demers, etc., que je retrouve
maintenant. Je suis en train de
redécouvrir. On a bien vu ce
soir la jeunesse, la musique, la
vitalité de la musique de chez
nous, de notre culture. Tout
ce que je peux vous dire, c'est:
continuez, s'il vous plaît,
à encourager vos artistes
et donnez-leur une chance, comme
eux vont vous exprimer qui
ils sont. Merci beaucoup.
On retourne chez ROBERT PAQUETTE où l'entretien se poursuit.
LINDA GODIN
Robert, étais-tu le premier
Franco-Ontarien à
percer au Québec?
ROBERT PAQUETTE
En musique, oui, évidemment.
Parce que je suis le premier qui
a fait un album, donc ça pouvait
pas faire autrement. Il y a
personne d'autre qui écrivait
des chansons, surtout un
album auteur-compositeur.
Il y a peut-être quelqu'un qui a
a sorti un album de chorale ou
quelque chose franco-ontarien,
mais pas de musique
franco-ontarienne.
Et ça dépend un peu de... Je
pense que cet essor artistique,
le fait de vouloir écrire
et créer d'une façon artistique,
soit des pièces de théâtre,
de la poésie, des romans, écrire
toute sorte de choses, ça vient
du fait que le Québec
s'était autodéterminé.
Parce qu'avant, quand on était
jeunes, mon père disait:
"On est des Canadiens français."
Mon père s'appelait comme ça.
Et quand les Québécois, ou le
Québec s'est accaparé du mot
"Québécois", qui comprenait tout
ce qui était francophone, les
autres ont dit: oh, qu'est-ce
qu'on fait?
Il y avait déjà... J'ai parlé du
père Lemieux tantôt. C'est
un chercheur jésuite qui est
vraiment allé chercher tous les
conteurs, les gens qui contaient
dans des camps de bûcherons,
etc. Mais il y a vraiment
une oeuvre magistrale qu'il a
ramassée. Et il y avait les
contes du père Lemieux.
On parlait de Ti Jean
Joueur-de-tours, je l'ai conté.
Lui nous enseignait en 12e ou
13e année. Et ça s'appelait
Les contes franco-ontariens.
Il y avait déjà le terme que lui
avait décidé de faire. Mais
on s'est définis comme
Franco-Ontariens parce qu'il
fallait trouver le terme.
LINDA GODIN
Toi, quand t'es arrivé au
Québec, t'étais quoi, ou encore
qui pour les Québécois?
Comment ils t'identifiaient?
Est-ce que t'étais un
francophone? T'étais-tu
une bibite pour eux?
ROBERT PAQUETTE
Oui, je pense que j'étais un
cousin qui venait de l'autre
province. Un peu comme quelqu'un
qui venait de l'Acadie ou je
sais pas quoi. Donc, j'étais
quand même dans les premiers qui
passaient chez eux. Ils ont été
vraiment très ouverts. Moi, je
me suis installé ici au Québec,
puis vraiment, je me suis senti
à l'aise, à la maison dès le
départ, et bien accueilli.
Bien que j'arrivais avec mon
bagage culturel, puis avec
le fait que je chantais
Moé j'viens du nord. Tu sais,
j'expliquais un peu d'où je
venais quand je faisais les
chansons, etc. Mais quand ça
passe à la radio, ils sont pas
pour expliquer chaque fois:
voici d'où il vient. Mais on
m'en parlait. On disait: "Oui,
tu viens de l'Ontario. Comment
ça fait que tu parles français?
Il y a des gens qui parlent
français chez vous?"
Je dis: "Oui, quand même, je
suis la septième génération de
Franco-Ontariens. Ça fait sept
générations qu'on parle français
dans ma famille. Donc, pour moi,
c'est pas nouveau. Chez
vous, peut-être, ça l'est."
LINDA GODIN
Et qu'est-ce qui s'est passé
vers le milieu des années 80?
Tout allait bien, la carrière
allait. Et tout d'un coup,
il y a eu plusieurs années
sans album.
ROBERT PAQUETTE
Oui, depuis ce temps-là, j'en
ai pas fait. J'ai fait de la
réalisation, j'ai écrit d'autres
chansons, je continue à faire
des tournées. Mais je pense que
je revenais de l'Europe. C'était
le cinquième album que j'avais
fait en plus, l'album live à
Montreux. Puis, les gens....
ma compagnie de disque a
changé de tête, de gestion,
d'administration.
LINDA GODIN
Comme on dit.
ROBERT PAQUETTE
Ma gérante a décidé d'arrêter
de faire de la gérance. Donc, je
perdais la compagnie de disques,
je perdais la gestion. Ça
faisait 12 ans que je faisais
environ 200 shows par
année. J'étais fatigué.
LINDA GODIN
Il y avait ça aussi.
ROBERT PAQUETTE
J'étais un petit peu fatigué.
J'avais des enfants, une
famille, etc. Regarde, moi, ça
m'a pas fait vraiment un pli sur
la bedaine. Parce que c'est pas
radical, du jour au lendemain.
C'est ce que ça donne quand on
regarde avec un certain recul.
Il a plus fait d'albums. Mais je
faisais encore des tournées,
puis je gagnais ma vie. Je n'ai
fait que ça dans ma vie. J'ai
été chanceux. J'ai gagné ma vie
à faire de la musique.
C'était rien que ça.
LINDA GODIN
Mais est-ce qu'on peut dire,
sans te vexer, que ça a été le
début de la fin de carrière,
ou du grand succès? Parce que tu
joues encore, tu chantes encore,
mais ça a été vraiment un--
ROBERT PAQUETTE
C'est le début de la fin de la
vie commerciale d'un artiste.
Voilà. Donc, c'est plus ça. Mais
pendant les 10, 12 ou 13 ans que
j'ai fait ça, commercialement,
c'est viable. C'est une industrie
dans ce temps-là.
Tu deales avec des compagnies
de disques, des distributeurs,
des gérants de tournée, des
tourneurs, etc. T'as cinq
musiciens à faire vivre. Tu pars
en tournée, tu as toutes ces
choses-là. À travers tout ça,
des gens m'offraient de faire
des émissions de télévision,
d'être animateur à TFO. J'ai
adoré ça pendant deux ou
trois ans que j'ai fait ça.
LINDA GODIN
T'as diversifié après.
ROBERT PAQUETTE
Oui, mais ça fait quand même
partie de ton métier, parce que
t'es sur scène. Même chose. Moi,
j'adore être en studio. Donc,
j'ai fait de la réalisation pour
d'autres, j'ai produit des
albums pour d'autres mondes.
Ça, ça m'a plu. J'ai donné des
ateliers. Puis au lieu de faire
des tournées à cinq ou à six, tu
fais des tournées à deux ou à
trois, puis tu rencontres un
autre genre un peu plus intime.
C'est vrai que quand tu fais des
grandes salles et tu arrives
l'après-midi, tu fais ton
sound check, tu vas souper.
Tu rentres dans la salle, il y a
1000, 1200, 2000 personnes qui
viennent voir le show. Ils partent,
tu dis bye. Tu manges à minuit,
1h. Le lendemain, t'es
dans la camionnette, tu t'en vas
à la prochaine ville. Donc, t'as
moins de contact que si tu joues
dans une petite salle de 100 ou
150, où après, tu restes
et tu jases avec le monde.
Ça aussi c'est plaisant.
LINDA GODIN
Encore aujourd'hui, tu
fais encore des spectacles.
ROBERT PAQUETTE
Oui, puis j'en cherche pas.
J'ai pas de gérance, j'ai
pas rien. Quand les gens
m'appellent, ça me fait plaisir.
Quand j'ai le temps, ça me
fait énormément plaisir. J'ai un
musicien avec qui je joue depuis
sept, huit ans qui est musicien
instrumentiste, Peter Cliche,
mais qui est exceptionnel. On a
tellement de plaisir à deux.
Là, on va jouer des festivals
à trois. On va jouer un peu
partout. Alors, ça me suffit. Ça
va bien. Puis j'ai toujours dit:
tant que t'as du plaisir à faire
ce que tu fais, ça va bien.
ROBERT PAQUETTE chante la chanson : Bleu et Blanc, tirée de l'album « Prends celui qui passe » en 1976, sur un banc public.
ROBERT PAQUETTE
(Chantant)
♪ J'ai rencontré
le long du chemin ♪
♪ Un vieillard qui
demandait d'l'argent ♪
♪ C'tait pour s'acheter son
gallon de vin quotidien ♪
♪ J'lui ai demandé
si par hasard ♪
♪ S'il avait déjà perdu espoir ♪
♪ Ce qu'il m'a répondu
je l'oublierai jamais ♪
♪ Y disait ♪
♪ Bleu et blanc, vert et rouge ♪
♪ Sont les couleurs
des cerfs-volants ♪
♪ Qui volent dans la nuit ♪
♪ Oseras-tu jamais
prendre en main ♪
♪ Les choses de ta vie ♪
♪ Qui te tiennent coeur ♪
♪ Hum ♪
♪ Si ce n'est qu'une
question de fierté ♪
♪ Laisse tomber ♪
♪ T'en as déjà beaucoup trop
pour garder ta liberté ♪
♪ Y'en a qui sont des avocats ♪
♪ D'autres des femmes
de potier ♪
♪ Ils ne savent ce qu'ils
font de leur vie ♪
♪ Chantant ♪
♪ Bleu et blanc, vert et rouge ♪
♪ Sont les couleurs
des cerfs-volants ♪
♪ Qui volent dans la nuit ♪
♪ Oseras-tu jamais
prendre en main ♪
♪ Les choses de ta vie ♪
♪ Qui te tiennent coeur ♪
♪ Les choses de ta vie ♪
♪ Qui te tiennent coeur ♪
♪ Oh ma ma ma ma ma ma ♪
♪ Ma ma ma ma ma ma ma ma ♪
♪ Yé hi yé yé ♪
♪ Hé ♪
L'entrevue se poursuit chez ROBERT PAQUETTE.
LINDA GODIN
Robert, tu étais à Sudbury
à une période d'effervescence
culturelle. Quand t'es arrivé à
Montréal, je dirais que c'était
une période d'épanouissement de
l'identité culturelle, mais
de la souveraineté, du mouvement
souverainiste. Est-ce que ça t'a
influencé d'une certaine façon, ça?
T'étais... pas à deux endroits
en même temps, mais t'étais,
à cet âge-là, à ce moment-là,
dans des endroits
où ça bougeait beaucoup.
ROBERT PAQUETTE
Oui, moi j'aime ça que ça
bouge aussi. Et ce désir
d'indépendance, je peux le
supporter et être d'accord avec.
Mais moi, l'ouverture plus large
comme Franco-Ontarien qui, en
principe, j'aimerais que
ma famille soit plus grande que
juste restreint au Québec. Donc,
j'avais cette dichotomie dans ma
tête. Donc, j'habite ici, je
supporte ça. Mais en principe,
je suis beaucoup plus pour
l'ouverture de la
francophonie canadienne.
Parce que je suis obligé
souvent, et toute ma vie,
ça fait 50 ans que je fais
de la musique, qu'il y a des
francophones, il y a d'autres
musiques à l'extérieur quand
tu passes la frontière. Les
Québécois, en général, vont
à l'est. Ils vont aller voir
l'Acadie, ils vont aller voir la
Gaspésie. Ils vont descendre aux
États-Unis, ils vont aller en
Europe. Mais c'est rare qu'ils
s'en vont de l'autre bord.
Et ça surprend encore.
Maintenant, des gens encore me
disent: moi, j'ai découvert les
Franco-Ontariens il y a deux,
trois ans. J'ai entendu telle et
telle personne chanter. Je
savais même pas qu'il y avait
des fran... Tu sais, on est en
2016, puis il y a encore
des gens qui pensent que la
francophonie, elle est juste
ici, puis il faut se battre pour
ça. Mais ce combat-là, pour
garder le français pour sa
culture, pour son identité
culturelle et linguistique, ça,
je suis là entièrement, à 100%.
C'est ce que j'ai vécu en
Ontario. C'est ce qu'on est
obligé, malheureusement, de
faire chaque fois. C'est de
pouvoir conserver cet élément.
LINDA GODIN
Mais est-ce qu'on peut
réussir, comme toi par exemple
t'as réussi, en étant à
Sudbury ou en étant à Ottawa?
ROBERT PAQUETTE
Je ne pense pas.
LINDA GODIN
À un moment donné, il faut
faire le « move » comme on dit.
ROBERT PAQUETTE
Oui. Oui, je pense. Parce
qu'il y a pas assez d'industrie
culturelle en Ontario français
tout seul pour subvenir aux
besoins. Les Québécois,
d'ailleurs, sont obligés de
s'exporter. Pourquoi la plupart
des musiciens et des gens de
théâtre s'en vont en France,
vont faire de la tournée. Ils
vont en Europe. Ils cherchent
des débouchés. Une fois que tu
fais l'album, t'es passé à la
télévision, il faut que tu
fasses de la tournée pour vivre.
Il faut que tu joues quelque
part. Et quand tu as 25 villes
et que t'es vraiment connu, tu
vas les faire les 25 villes.
L'année prochaine, il y en a-tu
25 autres? Tu vas faire un autre
genre de circuit ou tu vas te
tourner les pouces. Tu vas
attendre de faire un autre album
et ça va recommencer. Mais il
faut des débouchés un peu plus
larges. Donc, je pense que pour
l'Ontario français, c'est la
même chose, comme en Acadie.
T'es capable de survivre juste
là. Mais t'es aussi bien de
faire un tour assez sérieux,
faire un impact, garder des
contacts ici, qui est la partie
industrie, qui fonctionne pour
toi. Tu sais, on parle
de Lisa LeBlanc.
Ça marche super bien.
Mais c'était juste en Acadie,
puis elle avait pas fait toutes
les émissions de télévision et
de radio, l'ouverture qu'il y
a eu aussi. Je sais pas si ça
aurait fait aussi gros qu'elle
fait. Puis ça se déplace un peu
moins. Donc, je pense qu'elle
est contente de faire ça.
Mais elle habite partiellement
ici, elle habite partiellement
en Acadie. Donc, ces artistes-là
sont peut-être un peu
obligés de faire ça.
LINDA GODIN
Quand tu regardes la carrière
que tu as eue, que tu as encore,
quel regard tu portes là-dessus?
ROBERT PAQUETTE
On parlait tantôt d'être
privilégié. Moi, je trouve
vraiment. Parce que c'est un
métier qu'on peut faire tout
seul chez soi, mais dans
ce cas-là, c'est plus un métier.
C'est quelqu'un qui écrit des
chansons, puis ça reste là.
Alors, si jamais tu veux
partager un peu plus large, puis
partager avec du monde, il faut
que tu sortes, il faut que tu
t'extériorises un petit peu. Il
faut que tu ailles voir d'autres mondes.
Après ça, tu peux faire
des salles, les gens viennent te
voir, c'est un genre d'échange.
Mais au départ, il faut que tu
sois "voulant" d'aller voir
d'autres mondes. Et ça, c'est
vraiment merveilleux d'être sur
scène. C'est la partie qui est
pas juste faire les albums en
studio. C'est vraiment une
fierté. Puis après ça, ça
part à la radio. Mais d'aller
rencontrer du monde, à la
rencontre du monde, ça, moi
je trouve ça encore intéressant.
Et je trouve qu'à l'âge que
j'ai, je reçois encore ça. Ça me
nourrit encore d'aller voir du
monde, de parler. Et à n'importe
quel niveau où ça se passe. J'ai
pas besoin que ça soit gros. Ça
peut être très intime, juste à
deux, et ça me nourrit autant
que ça m'a nourri quand
c'était beaucoup. Oui.
LINDA GODIN
Robert Paquette,
merci beaucoup.
ROBERT PAQUETTE
Ça fait plaisir.
La chanson Bleu et Blanc joue pendant le générique de fermeture
♪ J'ai rencontré le
long du chemin ♪
♪ Un vieillard qui
demandait d'l'argent ♪
♪ C'tait pour s'acheter son
gallon de vin quotidien ♪
♪ J'lui ai demandé
si par hasard ♪
♪ S'il avait déjà perdu espoir ♪
♪ Ce qu'il m'a répondu ♪
♪ Je ne l'oublierai jamais ♪
♪ Y disait ♪
♪ Bleu et blanc, vert et rouge ♪
♪ Sont les couleurs
des cerfs-volants ♪
♪ Qui volent dans la nuit ♪
♪ Oseras-tu jamais
prendre en main ♪
♪ Les choses de ta vie ♪
♪ Qui te tiennent à coeur ♪
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