Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.


Vidéo transcription
Sébastien Després : maire de Witless Bay
Originaire de Cocagne au Nouveau-Brunswick, Sébastien Després est arrivé à Terre-Neuve il y a une dizaine d’années, pour poursuivre ses études à l’Université Memorial, à St-Jean. Depuis, le «Come from away», comme on l’appelle dans la province insulaire, a bien taillé sa place au sein de sa communauté. Sébastien Després y occupe plusieurs rôles : professeur à l’Université Memorial, propriétaire d’une école de musique qu’il gère avec sa conjointe, et maire de la municipalité de Witless Bay, un village de pêcheurs où il a choisi de jeter l’ancre.
Réalisateur: Charles Pepin
Année de production: 2016
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Titre :
Carte de visite
SÉBASTIEN DESPRÉS, maire de Witless Bay, et enseignant à l'université Memorial University of Newfoundland, se présente pendant qu'on visite sa région.
SÉBASTIEN DESPRÉS (Narrateur)
Moi, je m'appelle
Sébastien Després. Je suis originaire
de Cocagne au Nouveau-Brunswick.
J'habite à Witless Bay
où je suis le maire.
J'enseigne à l'université
Memorial et moi et mon épouse,
on a parti un studio
de musique, ici, à Witless Bay.
Je suis arrivé à Terre-Neuve il
y a une douzaine d'années pour
faire ma maîtrise en folklore.
J'avais vu une pub de Memorial
University of Newfoundland
puis j'avais tombé en amour
avec l'idée de devenir
un Terre-Neuvien
pour quelques années.
Je suis resté à Terre-Neuve pour
faire ma maîtrise en sciences
religieuses, mais là,
je suis resté pour faire
mon doctorat en anthropologie.
Je me suis trouvé un emploi
à Memorial. Puis là, on est
déménagé à Witless Bay où on a
fondé The Wright Music Studio
puis c'est ce que je fais maintenant.
En fait, le centre de ma philosophie
de vie, c'est l'émerveillement.
Quand j'enseigne à l'université,
j'essaye d'émerveiller les gens
à propos de la beauté
de la vie qu'on vit.
J'ai mes projets, mais
c'est pour essayer d'épanouir
notre capacité de s'émerveiller
avec certaines choses,
avec ce qu'on fait, avec ce
qu'on peut faire de nos mains,
avec ce qu'on peut faire
de nos pensées, etc.
L'animatrice GISÈLE QUENNEVILLE rencontre SÉBASTIEN DESPRÉS à The Wright Music Studio.
GISÈLE QUENNEVILLE
Sébastien Després, bonjour.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Bonjour.
GISÈLE QUENNEVILLE
Sébastien, vous êtes le maire
de Witless Bay, Terre-Neuve.
Décrivez-moi Witless Bay.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Witless Bay, c'est une municipalité
à peu près à 25 minutes au sud
de Saint-Jean, Terre-Neuve,
sur la côte est.
On a une population
d'à peu près 1400 personnes.
C'est un ancien village
de pêcheurs irlandais. On est
maintenant en grande croissance.
C'est une des villes
de Terre-Neuve qui grandit
le plus rapidement couramment.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelle est la principale
activité économique, ici?
Qu'est-ce que les gens
de Witless Bay font?
SÉBASTIEN DESPRÉS
On fait encore la pêche. On a
plusieurs industries de pêche.
On a l'usine de transformation
de crabe juste à côté de chez nous.
Il y a aussi la construction.
Les gens de Witless Bay,
il y a plusieurs
nouvelles familles qui font
un grand pourcentage de notre
population, qui viennent de
partout autour de la province.
Ils veulent s'installer
près de Saint-Jean,
mais quand même vivre
une vie quand même rurale.
Ce qui fait qu'elles viennent
à Witless Bay. Ce qui veut dire
qu'on a beaucoup de travailleurs
à longue distance, des "FIFO",
fly-in/fly-out.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et c'est quoi ça, un fly-in/fly-out?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Un travailleur fly-in/fly-out,
c'est un travailleur qui va,
par exemple, vivre à Witless Bay,
puis il est chez eux
pour deux semaines,
puis là, il s'en va à Fort McMurray
pour deux semaines.
Puis là, il revient. Ou en
Afrique du Sud ou en Allemagne.
GISÈLE QUENNEVILLE
Bon, la population croît
beaucoup et rapidement. Je pense
que la population a augmenté de
40% au cours des dix dernières
années. Qu'est-ce que
ça apporte, ça, comme défi pour
une municipalité comme la vôtre?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Le plus gros défi d'une
population croissante, c'est
le développement durable. Tout
de suite, Witless Bay, chaque
résident à son propre puits
d'eau puis chaque résident a sa
propre fosse septique. On n'a
pas de système municipal. Il y a
plusieurs années, les conseils
municipaux du temps ont décidé:
"Bien, ça n'arrivera jamais.
On aura jamais besoin
de système municipal."
On arrive en haut de la pente
où la décision finale, il faut
qu'elle soit faite. Cette décision
finale là est vraiment
difficile à faire parce qu'on
peut être perçu comme
anti-développement si on choisit
le développement durable.
Sinon, on chambarde toute
l'identité de la ville en
forçant un développement qui est
densifié pour pouvoir allouer
pour les systèmes. Ça fait
que notre conseil municipal est
déchiré. Puis, aussi, la ville
est déchirée parce qu'il y a
plusieurs intérêts qui veulent
du développement. "On veut
croître, on veut croître,
on veut croître."
Puis, il y a plusieurs résidents
puis il y a plusieurs
membres du conseil qui...
Mais le développement durable
est important. Puis, la question
qui vient c'est: qui est-ce
qu'on sert? Est-ce que
c'est nos résidents courants
ou la population de résidents
qui va venir plus tard?
On est une ville en grande
croissance. On a futur
qui est incertain parce que
le développement de la ville
peut se faire de deux manières.
Puis ces deux manières-là
sont complètement opposées.
GISÈLE QUENNEVILLE
Faire de la politique dans
une petite communauté comme ça,
ça doit venir avec son lot
d'avantages et d'inconvénients.
Quels sont les avantages
et les inconvénients
que vous avez découverts
au cours de votre mandat?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Bien, je dirais que le seul
avantage, c'est de savoir qu'on
est au service. Le reste,
ce sont tous des désavantages.
C'est un gigantesque défi de
servir comme maire ou de servir
comme conseiller dans une petite
municipalité. Dans une grande
ville, on fait des décisions,
c'est basé sur nos règlements,
sur nos lois, sur nos plans
d'urbanisme, etc.
Dans une petite ville,
je te dis non à toi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et souvent, on me connaît.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Exactement. Ma fonction,
c'est de dire: "OK,
on a une application pour un nouveau
développement. C'est une maison
pour une famille, mais le lot
est pas assez grand."
Ça fait que c'est non.
On a une application pour
une subdivision, mais c'est pas
durable. Ça fait que c'est non.
Notre rôle principal,
c'est d'assurer le développement
durable de la ville puis d'assurer
sa réussite économique.
Witless Bay est la municipalité
avec le plus de kilométrage
de route qu'elle appartient
puis dont elle prend en charge
de toute la Southern Shore. Ce
qui veut dire que nos coûts pour
les routes, c'est le plus élevé.
Puis nos risques pour
le développement durable,
c'est aussi le plus élevé.
Ça fait que le gros,
gros défi comme
conseiller municipal puis comme
maire... Parce que le maire,
il porte les décisions
du conseil sur ses épaules.
C'est d'avoir à dire non
à nos voisins, à nos amis,
à nos connaissances, etc.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous êtes un
« come from away »,
comme disent les gens
de Terre-Neuve. Vous n'êtes
pas d'ici, un C...
SÉBASTIEN DESPRÉS
(Prononcé à l'anglaise)
CFA.
GISÈLE QUENNEVILLE
« Come From Away ».
Est-ce que ça, ça rend les choses
plus difficiles? Dans une place
comme Terre-Neuve où les gens sont
très... s'identifient beaucoup
à d'où ils viennent et à leur province?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Le fait d'être un Acadien,
qui vient du Nouveau-Brunswick
originairement, puis qui est
à Witless Bay pour seulement
sept ans maintenant, c'est
définitivement un avantage
et un désavantage.
J'ai l'avantage de ne pas savoir
tous les clans, etc. Mes
décisions peuvent être vraiment
basées sur les lois, etc. J'ai
pas de lien avec les « applicants »,
autre que de les connaître, etc.
Mais c'est aussi un challenge
parce qu'être un
« Come From Away »,
être un universitaire,
être un académique,
c'est perçu, dans le contexte
de Witless Bay, comme:
"Ah, bien, il a ses idées,
mais c'est pas les nôtres."
Surtout que notre conseil
municipal, c'est le premier
conseil qui est vraiment écolo
de Witless Bay. On est même
le conseil le plus écolo
de la province. On a gagné
le prix, l'an dernier, pour
la reconnaissance officielle
de Municipalities NL comme
les leaders en terme d'écologie.
Mais ça, ça a aussi des impacts.
Aussi, vu qu'on veut protéger,
ça veut dire qu'on dit
plus souvent non.
On visite la région de Witless Bay pendant la description de SÉBASTIEN.
SÉBASTIEN DESPRÉS (Narrateur)
Witless Bay est magique
parce qu'il y a une belle
population, il y a un bel esprit
communautaire. Il y a la nature
puis notre réserve
écologique qui est superbe.
Les îles de la réserve
écologique sont belles.
C'est un ancien village
de pêcheurs. Ça fait qu'il y a
ce charme-là qui est difficile à
trouver dans le reste du Canada.
La ville est faite de deux
parties principales. Il y a
l'ancienne partie de la ville,
qui est le dedans du havre.
Ça fait que tout autour de notre
havre, il y a les anciennes
maisons dans lesquelles...
On habite une de ces anciennes
maisons-là. Plus haut, dans les
collines, il y a les nouvelles
subdivisions, etc. Puis ça,
c'est toutes des grosses
maisons de ville,
des maisons planifiées, etc.
Des subdivisions planifiées.
Moi, je suis un Acadien
originaire de Cocagne
au Nouveau-Brunswick, qui est
un tout petit village de pêche
de homard. Puis là, quand
je me cherchais une place à
s'installer avec ma famille, on
a découvert Witless Bay, qui est
un ancien village de pêche de
crabe puis de morue. Je me sens
vraiment comme chez nous, ici.
On retourne à l'entrevue de SÉBASTIEN DESPRÉS dans les locaux de musique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Sébastien, ici, à Witless Bay,
on retrouve la réserve
écologique, une réserve
écologique où on retrouve
également la plus importante
colonie de macareux moines
en Amérique du Nord.
C'est quoi, un macareux moine?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Un macareux moine, c'est
un petit oiseau. Les gens le
confondent souvent avec un petit
pingouin malgré que c'est un
oiseau qui vole, qui vole quand
même très bien une fois qu'il a
décollé. C'est des petits oiseaux.
Chaque fois que les
touristes viennent et voient le
macareux pour la première fois,
ils sont surpris parce qu'ils
s'attendent à quelque
chose comme un pingouin.
Mais c'est un petit oiseau. Il a
un bec très coloré. Il est
vraiment cute. Puis ça
fait un petit clown.
Même qu'en France, on appelle
ça le clown des mers ou le
perroquet clown. Il a plusieurs
noms bizarres. En anglais, c'est
un North Atlantic puffin.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pourquoi ils se retrouvent ici?
SÉBASTIEN DESPRÉS
On a cinq îles, juste ici,
qui font partie de la réserve
écologique, qui les attirent.
Même que, c'est pas toutes les
cinq îles. Il y en a trois des
îles qui ont une population de
macareux moines. Il y a 260 000
paires, plus qu'un demi-million,
de macareux moines
qui viennent s'accoupler
sur les îles tous les étés.
Puis là, pendant l'hiver,
ils sont en grande mer.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ah oui? Dans le nord de
l'Atlantique ou plus au sud?
SÉBASTIEN DESPRÉS
C'est vraiment intéressant, non.
C'est partout au monde. Les
macareux-moines qui se trouvent
à la réserve écologique,
l'hiver, ils s'en vont... Il y
en a qui s'en vont en Islande,
il y en a qui s'en vont
en Grande-Bretagne, il y en a
qui s'en vont en Afrique du Sud.
Puis là, l'été, ces macareux
moines-là, ils reviennent
à Witless Bay pour s'accoupler.
Ils vont dans les mêmes
« burrows », les mêmes
terroirs, tanières...
Je sais pas c'est quoi le nom
en français, chaque année.
GISÈLE QUENNEVILLE
Dans le même petit trou, là.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Le même petit trou. Il y a
plus qu'un million de petits
trous sur l'île. Ils vont
dans le même petit trou puis
ils retrouvent leur compagne.
Puis ils font un bébé. Ils font
un oeuf. Puis ils couvent l'oeuf
pendant 40 jours. Puis 40 jours
après, le petit attend la nuit
puis il se sauve.
Le macareux moine est censé s'en
aller directement en grande mer
pour cinq ans dès qu'il peut
voler, dès qu'il peut s'envoler.
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y a des gens qui viennent
de partout, sans doute, pour les
voir, ces macareux-là? Ça doit
être important pour votre
industrie, ici? L'industrie
touristique à Witless Bay?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Oui. En fait, l'industrie
touristique est 100% basée
sur le capelan, ici. Le capelan,
c'est un tout petit poisson.
GISÈLE QUENNEVILLE
Oui?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Mais ce tout petit poisson-là
suit le krill, les baleines
viennent puis les macareux
viennent pour le tout petit
poisson. Ça fait que quand
le capelan arrive, les touristes
arrivent aussi parce qu'ils ont
les baleines, ils ont les beaux
oiseaux. Nos colonies
sur les îles se remplissent
de millions d'oiseaux.
Puis c'est incroyable à voir.
C'est vraiment incroyable.
GISÈLE QUENNEVILLE
Depuis quelque temps,
on a instauré, ici, dans
la communauté, la patrouille des
macareux, The puffin Patrol.
Qu'est-ce que c'est, ça,
puis pourquoi c'est nécessaire?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Il y a à peu près dix ans, il
y a des résidents saisonniers,
des Allemands, qui ont remarqué
que pendant un certain temps
de l'année, il y avait des centaines
et des milliers d'oiseaux morts
sur nos routes.
Puis les résidents de la place
pensaient: "Bien, ça arrive
chaque année. C'est normal.
Ils sont malades,
ils viennent mourir, etc."
GISÈLE QUENNEVILLE
C'est des bébés?
C'est des adultes?
SÉBASTIEN DESPRÉS
C'est des oiseaux d'à peu près
40 jours. Ça fait que 40 jours
avant, ils sont sortis de leur
coquille, leurs parents leur ont
amené du capelan pendant
40 jours, puis là, l'oiseau
attend la nuit puis il s'en va.
Il est censé s'en aller
en grande mer, mais ce qui
arrive, c'est que l'oiseau est
désorienté. Ce qu'on a découvert
récemment, c'est que l'oiseau
est désorienté par les lumières
de la ville, puis les bruits
de la ville, etc. On est la
ville la plus près d'une réserve
écologique à Terre-Neuve.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça, c'est un projet
de ce couple d'Allemands
qui vivent ici l'été?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Originairement, c'est ce couple
d'Allemands là qui a "réalisé"
le problème, "réalisé" la solution,
et aidé à faire vraiment
réaliser la population: C'est
quoi qu'on peut faire aider?
Ça fait qu'on peut baisser
les lumières.
Ça fait que... La plupart des
maisons, surtout dans la vieille
partie de la ville, on a des
grandes fenêtres qui donnent sur
l'eau, mais c'est bon pendant
Puffin Saving Time de baisser
nos lumières pour pas attirer
les oiseaux. La ville, par
exemple, on a mis des lumières
de différentes couleurs LED qui
n'attirent pas les oiseaux. Ça
fait qu'on est en train de faire
un gros test pour voir si on va
tout transformer la ville.
On va moderniser le système
d'éclairage de la ville
pour s'assurer qu'il y a moins
d'oiseaux qui sont attirés.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et même à ça, il y a quand
même des oiseaux qui aboutissent
ici. Vous parliez tout à l'heure
que vous les preniez
avec des filets à papillons.
Puis après ça, qu'est-ce
que vous faites avec?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Bien, on les garde pendant la
nuit. On les met dans le
Puffin center. Puis, le lendemain
matin, on va les relâcher
dans la nature. Avant de les
relâcher, on leur met une bague
du service de la faune, puis
on les pèse, on les mesure, etc.
On a des chercheurs qui sont
là sur le site. Puis, on les
relâche. Les bonnes nouvelles,
c'est qu'on n'a jamais pris
un puffin deux fois, à date.
Puis ça fait déjà six ans, à peu
près, qu'on leur met des bagues
en grand nombre. Ça fait
que bientôt, on espère commencer
à trouver les puffins que
ça fait cinq ans qu'ils sont en
grande mer, ils ont grandi, ils
ont maturé. Ils ont maintenant
leur beau bec de couleur.
Puis, ils viennent s'accoupler
sur les îles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et ça, c'est tout le monde
qui sort pour aider? Comment ça
se passe, je sais pas, une nuit
typique, une soirée typique?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Bien, pendant la grande
saison, au mois d'août,
on a souvent des centaines
de volontaires qui, avec leurs
enfants ou avec les touristes,
pour leur montrer, etc.,
avec des lumières sur la tête,
avec des lampes de poche puis
leur filet de papillons, vont
chercher sur les rues, sur les
berges, etc. Puis c'est vraiment
intéressant parce qu'il y a
plusieurs de ces résidents-là
que c'est des anciens
pêcheurs, etc., qui ont vécu
toute leur vie en prenant
les ressources de la mer
puis là, ils veulent redonner.
Puis ils s'engagent avec
leurs petits-enfants, avec leurs
grand-petits-enfants, à passer
leur soirée à essayer de
sauver un puffin, un macareux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Sébastien, vous êtes
anthropologue. Donc,
on va parler, un peu,
de cette spécialisation avec
les traditions qui sont typiques
à Terre-Neuve. Puis, une de ces
coutumes ou de ces traditions,
à Terre-Neuve, ça s'appelle
le « mummering ».
SÉBASTIEN DESPRÉS
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu'est-ce que c'est, ça,
le « mummering »? Ça n'existe pas
ailleurs au Canada, je pense.
SÉBASTIEN DESPRÉS
C'est très rare au Canada.
Malgré qu'il y a des traditions
qui ressemblent un peu
au « mummering ».
Par exemple, nos
vieilles traditions acadiennes,
en Acadie, les Mi-Carêmes.
Plusieurs des éléments
du « mummering » qui ressemblent
beaucoup aux traditions du
Mi-Carême dans l'ancien Québec
ou même en Acadie. Le
« mummering »
s'appelle le « mummering »
parce qu'on murmure.
(Marmonnant)
On parle soit en "ingressant".
(Déguisant sa voix dans les tons aigus.)
Pour déguiser notre voix.
Ou on marmonne pour
ne pas se faire reconnaître.
On porte un costume.
Ce costume-là, c'est souvent,
très traditionnellement,
c'est du « cross-dressing ».
On s'habillera avec une grosse
brassière puis une nappe
de table sur la tête pour pas
se faire voir le visage, mais
quand même voir au travers. Une
nappe de dentelle, des bottes
de caoutchouc, souvent, c'est
un must, puis un ugly stick,
qui est un instrument de musique
qu'un "murmur" apporterait
avec lui. C'est un instrument
de percussion.
GISÈLE QUENNEVILLE
On fait du porte-à-porte?
C'est l'Halloween?
C'est quand? C'est quoi?
SÉBASTIEN DESPRÉS
En fait, c'est une tradition
de Mi-Carême, mais ça se passe
à Noël. Ça fait que le Mardi gras,
c'est pas relié au « mummering »,
mais c'est relié à l'inversion
du calendrier quand même.
Ça fait que le Mardi gras,
on fête ça pendant la saison
d'Halloween, pas pendant
la saison du carême. Puis le
« mummering », on fait le Mi-Carême
à Noël, ici, à Terre-Neuve.
GISÈLE QUENNEVILLE
OK.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Traditionnellement, c'était
une tradition où les servants,
les moins fortunés allaient
cogner aux portes des plus
riches, de leur patron
des fois, etc., puis
ils demandaient... Mais pas, ils
demandaient: "Est-ce que je peux
avoir...?" Mais c'est "Donne-moi
ou..." C'est pour ça, le costume,
etc. C'était une manière
de changer les rôles de place.
C'était une manière
polie de mettre les gros
riches à leur place.
GISÈLE QUENNEVILLE
Puis, qu'est-ce qu'on demandait?
SÉBASTIEN DESPRÉS
De la boisson. Ça fait qu'on
allait boire, on allait chanter,
on allait faire de la musique.
Puis souvent, on payait
la boisson avec la musique.
On faisait... On amenait
l'accordéon puis le ugly stick,
etc., puis on fait de la musique
en échange pour de la boisson.
GISÈLE QUENNEVILLE
Puis de nos jours, est-ce que
c'est encore le même principe?
SÉBASTIEN DESPRÉS
De nos jours, le « mummering »
est une tradition beaucoup
plus amicale, comme
le « trick-or-treating ». Il y a
pas vraiment de « tricking »
normalement. Ça fait qu'on
s'habille en costumes, on va
aller cogner chez des voisins,
souvent nos amis, on essaye de
pas se faire reconnaître. Puis
on boit quelques libations. On
fait de la musique, on chante,
on danse. Puis ensuite,
on va à la prochaine porte.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous, vous passez...
Vous faites du « mummering »?
Oui?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Oui. Ça fait plusieurs années
qu'on aime faire du « mummering ».
Quand on est à Rome, on fait
comme les Romains. On s'habille
en costumes extravagants.
C'est difficile de se costumer
puis de cacher nos identités
quand on s'en va avec
deux petites filles.
GISÈLE QUENNEVILLE
L'idée de se costumer,
je pense que c'est quelque chose
qui vous interpelle beaucoup.
Parce que vous êtes connu, dans
le coin, comme étant un peu le
roi du costume. Vous êtes connu
pour vos costumes du Mardi gras.
On en parlait, le Mardi gras, ça
se fait à l'Halloween, ici, pas
pendant la période du carême.
Décrivez-nous certains
de vos costumes qui ont mérité,
quand même, des prix, hein, ici?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Oui, bien... La première année
que je suis déménagé à Terre-Neuve,
j'ai été célébrer Mardi gras
à George Street. J'étais époustouflé
par les costumes.
Tout le monde, sur la rue,
était déguisé, des dizaines
et des dizaines de milliers
de personnes. Puis c'était
des costumes incroyables. Moi,
j'ai voulu y participer aussi.
Ça fait que j'ai pris le costume
que ma marraine m'avait fait
quand j'avais 15 ans ou 14 ans,
puis j'ai ajouté plusieurs éléments.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était quoi?
SÉBASTIEN DESPRÉS
C'était un costume de magicien,
cute, que j'avais transformé
quand j'étais au « high school »
en costume de druide.
Mais là, j'ai fait des éléments
puis je l'ai transformé
en cauchemar. J'avais des
poissons vivants comme yeux,
mes poissons. J'avais
un gros bec de condor dangereux
en fibre de verre mal fini.
J'avais mes
échasses. J'étais gigantesque.
J'étais 8,5 pieds de haut,
à ma tête. J'ai gagné
le premier prix.
GISÈLE QUENNEVILLE
C'était-tu gros comme prix?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Oui, c'est des gros prix. Même
que j'ai payé ma maîtrise en
folklore, j'ai payé ma maîtrise
en sciences religieuses,
j'ai payé mon doctorat
avec mes costumes.
Il y a une autre année
que j'ai été, euh... un ptérodactyle.
Je pouvais plier mes ailes
puis quand j'ouvrais mes ailes,
je prenais toute, toute,
toute l'estrade de George Street.
Puis la dernière année
que j'ai participé au concours,
j'étais le fantôme
de la morue salée. C'était
une grosse, grosse morue,
mais j'étais même pas dans
ce costume-là. J'avais ma petite
soeur, puis mon épouse,
puis mes amis étaient dans
la grosse morue. Moi, j'étais
un pêcheur, un jigger.
J'ai pêché la morue. La morue
était à peu près 20 pieds
de long. Puis sur l'estrade,
je lui coupe la tête,
je lui enlève ses tripes puis
je la transforme en morue salée.
J'ai eu le premier prix de
nouveau. Ça fait que j'ai gagné
le premier prix du plus gros
concours de costumes
de Terre-Neuve cinq fois.
GISÈLE QUENNEVILLE
Pour un gars qui vient
d'ailleurs, pour un
« come from away », je trouve
que vous vous êtes très bien
implanté dans votre communauté
en tant que maire, en tant
que participant aux activités,
en tant que professeur.
Votre épouse est ici, vous avez
deux filles maintenant
qui sont petites encore.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous êtes
là pour rester?
SÉBASTIEN DESPRÉS
Ah oui, on est là pour rester.
Définitivement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes un vrai
Terre-Neuvien, maintenant.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Bien là, je serai jamais
un vrai Terre-neuvien puis je
sais même pas si mes filles le
seront. Le discours du CFA,
ça dure longtemps. J'ai des amis,
des profs à Saint-Jean, que
ça fait 45 ans qu'ils habitent
à Terre-Neuve, puis c'est
des anglophones, puis ils sont
perçus puis vus comme des
CFA. Ça fait que oui, je suis
implanté à Terre-Neuve, mes
filles sont nées ici, mais je
suis quand même un francophone,
je suis quand même un
« come from away ».
Dans un endroit comme une
insularité, une île, c'est une
impossibilité pour un étranger
de ne pas être perçu comme
quelqu'un qui vient d'ailleurs.
Mais ça veut pas dire qu'on ne
fait pas partie pleinement
de la communauté puis qu'on est
vu comme un des leurs.
C'est juste que c'est un
des leurs qui leur a été prêté.
GISÈLE QUENNEVILLE
Sébastien Després,
merci beaucoup.
SÉBASTIEN DESPRÉS
Merci beaucoup.
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