

Carte de visite
Gisèle Quenneville, Linda Godin et Daniel Lessard rencontrent des personnalités francophones et francophiles. Découvrez ces politiciens, ces artistes, ces entrepreneurs ou ces scientifiques dont l'histoire, extraordinaire, mérite d'être racontée.
Vidéo transcription
Robert Daffe : guide d'expédition
Robert Daffe connaît le Yukon comme le fond de sa poche. Ça fait 45 ans qu’il parcourt les rivières du Grand Nord en canot ou en radeau – pour son plaisir, mais aussi pour partager ses connaissances avec d’autres. Rien ne présageait une vie d’aventure pour le jeune Robert. Il a grandi dans une région rurale de la Belgique. À 15 ans, il déménage à Montréal avec sa famille. Mais Robert n’aime pas la ville. Il entend parler du Yukon et s’y rend à l’âge de 18 ans. C’est là qu’il découvre le canot. En 1982, il fonde sa compagnie d’expédition, Tatshenshini Expediting. Depuis ce temps-là, il fait découvrir le Yukon à des touristes aventuriers.
Réalisateur: Joanne Belluco
Année de production: 2016
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Titre :
Carte de visite
Des images aériennes de forêts, de lacs et de montagnes sont présentées.
ROBERT DAFFE (Narrateur)
Il y a un bout
de temps, je me suis rendu
compte que quand j’étais tout
petit, en Belgique, mes parents
m’achetaient des livres
d’aventure d’un jeune qui vivait
dans le nord-ouest du Canada,
et j’avais un paquet de livres
comme ça. On les a laissés en
Belgique quand on a quitté, mais
quand on est arrivé au Canada,
l’Ouest était dans ma tête,
ça fait que je suis parti vivre
la vie du jeune gars que
j’ai lue dans ce livre-là.
Le Yukon, c’est un endroit
sauvage, mais c’est aussi
très paisible. On a beaucoup de
liberté, il y a pas de gens, on
fait ce qu’on veut. Si on aime
la nature, il y a pas vraiment
meilleur endroit que le Yukon.
Je m’appelle Robert Daffe,
je suis guide de radeau,
guide de canotage au Yukon.
ROBERT DAFFE donne quelques coups de pagaie à bord d’un canot et s’arrête ensuite sur le bord d’une rivière où il accorde une entrevue à GISÈLE QUENNEVILLE.
GISÈLE QUENNEVILLE
Robert Daffe, bonjour. M. Daffe,
ça fait combien d’années
que vous vous promenez
sur les rivières du Yukon?
ROBERT DAFFE
Bien, je suis arrivé au Yukon
en 1969 et une des premières
choses que j’ai faites, c’est
acheter un canot. Et quand
j’ai commencé à aller sur
les rivières, ça a été fini.
Je faisais beaucoup de
randonnées à pied avant,
mais quand j’ai fait
du canotage, ma vie est
devenue une vie de rivière.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que vous avez une
rivière préférée ou des rivières
préférées ici, dans le coin?
ROBERT DAFFE
J’ai des rivières préférées,
il y a pas une rivière préférée.
Il y a beaucoup de rivières qui
sont très belles. Elles n’ont
pas besoin d’être sauvages. Il y
a une belle nature, des animaux
et des montagnes. J’aime
beaucoup les montagnes, alors...
Mais il y a des rivières,
comme la rivière Tatshenshini
ou la rivière Tutshi
où je travaille beaucoup.
J’aime beaucoup ces rivières.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu'est-ce
qu'elles ont de spécial?
ROBERT DAFFE
Oh, la rivière Tatshenshini
commence dans les montagnes
comme un petit ruisseau et
elle finit à l’océan. On fait
ce voyage-là en dix jours. Elle
file vers l’océan. Elle fait
presque 4 kilomètres de large
à un endroit. Les montagnes, on
est au niveau de la mer, elles
font 14 000 pieds. Il y a des
glaciers qui descendent partout.
Il y a de l’orignal, il y a
beaucoup d’ours grizzly, on est
habitués aux ours grizzly. C’est
une vie de nature, bien sauvage.
Le paysage est magnifique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes né en Belgique, vous
avez grandi aussi en Belgique.
Est-ce que vous venez d’une
famille où la nature était
au centre de votre vie?
ROBERT DAFFE
Je suis né dans un petit
village en Belgique. Mon père
avait une carrière de marbre,
fait que j’étais pas habitué
à vivre en ville. Et mon père
est allé travailler dans
les Pyrénées dans le sud de
la France et je pense que c’est
là que j’ai pris le goût des
montagnes. Fait que pour moi,
maintenant, c’est tout
naturel ici, des montagnes,
des rivières.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vos parents ont émigré
au Canada, à Montréal,
en 1964, je pense? Pourquoi
ils ont décidé de venir ici?
ROBERT DAFFE
Mon père depuis sa jeunesse
voulait toujours émigrer au
Canada. Mais parfois, je pense
que je vis une vie d’aventures,
mais je le regarde: à 40 ans,
quatre enfants, on va abandonner
tout en Europe, monter sur
un bateau et aller au Canada.
Je pense qu’ils étaient
aventuriers eux aussi. Je pense
que ça vient d’eux, pas de moi.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ils sont arrivés à Montréal,
vous étiez avec eux. Je pense,
vous étiez ado à l’époque, une
quinzaine d’années. Ça a pas dû
être facile pour un ado belge,
qui vivait en Belgique,
en France, de se retrouver
dans une grande ville, dans
un pays qu’il connaît pas.
ROBERT DAFFE
Euh... J’ai eu du mal avec la
grande ville de Montréal. Je me
rappelle aller à l’école en ski
de fond, traverser les rues...
J’aimais toujours mieux marcher
à l’école que de prendre
l’autobus ou le métro.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous n’êtes pas resté
à Montréal d’ailleurs, hein?
ROBERT DAFFE
Non.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous êtes parti à quel âge?
ROBERT DAFFE
Je suis parti à 18 ans dans
l’Ouest du Canada. J’ai trouvé
un travail sur une ferme à
Fort St. John et on est allé là.
Et puis la fin de la route,
c’était Whitehorse, ça fait
qu’on est allé jusqu’à la fin
de la route. Et c’est là que
j’ai trouvé un endroit comme ici
où j’ai passé ma vie maintenant.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, l’objectif, c’était
le Yukon, mais pas forcément
pour y vivre à ce moment-là?
ROBERT DAFFE
Non, l’objectif, c’était
de trouver des aventures, et
je les ai trouvées plus au Yukon
qu’ailleurs. On a énormément
de liberté, parce qu’il y a
énormément d’espace pour aller
voyager, pour aller dans les
forêts. Et c’est un pays de
rivières où on peut toujours, on
fait toujours, d’ailleurs, des
explorations sur des rivières
qu’on n’a jamais descendues.
On les trouve sur une carte et
on y va, il y a personne qui a
été là. C’est toujours un voyage
et des découvertes.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu’en arrivant ici,
vous étiez déjà un spécialiste
du kayak, du rafting,
du canot à cette époque-là?
ROBERT DAFFE
Quand je suis arrivé ici,
j’avais vraiment aucune idée.
J’ai acheté mon premier canot
et je me suis rendu compte que
quand on ramait d’un côté, le
bateau tournait de ce côté-là.
Je changeais d’un côté à l’autre
et puis, après un bout de temps,
j’ai mis deux pagayes ensemble
pour faire un kayak. Comme ça,
je pouvais aller tout droit.
J’ai appris, j’ai nagé,
j’ai survécu.
GISÈLE QUENNEVILLE
Racontez-moi vos premières
expéditions en canot.
ROBERT DAFFE
Mes premières expéditions
en canot, parce que j’avais pas
vraiment la connaissance
des rivières ou du courant...
Mais j’étais jeune, ça fait que
j’avais pas la peur et j’étais
toujours bon nageur, ça fait que
ça me dérangeait pas de tomber
à l’eau. C’est pas tellement le
fait de descendre dans un canot,
c’est le fait d’aller quelque
part où il y avait pas d’auto,
personne, la rivière, et de
faire une découverte d’un pays,
d’un endroit, de la nature.
GISÈLE QUENNEVILLE
À quel moment est-ce que vous
avez décidé que vous vouliez
faire de ce hobby, je pense
que c’était un hobby au début,
votre vie, votre gagne-pain?
ROBERT DAFFE
Je suis mécanicien de métier.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et vous avez travaillé
comme mécanicien?
ROBERT DAFFE
Oui, j’aime beaucoup la
mécanique, mais j’ai pris
très vite une réputation
comme homme des bois.
GISÈLE QUENNEVILLE
Une bonne réputation?
ROBERT DAFFE
Une bonne réputation, parfois,
une mauvaise quand quelque chose
est arrivé, quand je retournais
mon canot. Mais on m’a demandé
de commencer à enseigner
des cours de canotage. Fait que
là, j’ai appris à faire du canot
proprement et j’ai commencé
à enseigner. Parce que dans les
bois, j’étais toujours familier
avec les bois et les forêts. Ça
fait que c’est devenu vraiment
facile pour moi. J’y ai jamais
pensé, mais c’est devenu ma vie.
Après presque 40 ans maintenant,
c’est devenu ma carrière.
Des images de ROBERT DAFFE à bord de son canot sur une rivière sont présentées.
ROBERT DAFFE
Quand on pense au Canada et
aux rivières, c’est un pays
qui a été découvert par bateau.
Les autochtones voyageaient
par bateau. Je pense que
c’est dans notre sang.
Une rivière plus populaire comme
la rivière Tatshenshini, il y a
à peu près 500 à 600 personnes
par année qui la descendent,
tu sais. C’est vraiment unique.
Quand je suis dans un kayak
et que je descends une rivière
sauvage, c’est définitivement un
challenge personnel, c’est une
aventure, c’est une expérience.
GISÈLE QUENNEVILLE
M. Daffe, en 1982, je pense,
vous avez fondé votre compagnie,
Tatshenshini Expediting. C’était
quoi l’activité principale de
la business à cette époque-là?
ROBERT DAFFE
Au début, c’était des cours
de canotage. C’est devenu du
canotage ou kayak et puis là,
on a commencé à faire des tours
de rafting, du radeau sur
la rivière Tatshenshini,
et de là est venu notre nom.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu’est-ce que ça veut
dire, ça, Tatshenshini?
ROBERT DAFFE
Tatshenshini: "héeni" veut
dire "rivière" dans la langue
tlingite. Et "tàtchàn":
"poisson mort".
GISÈLE QUENNEVILLE
Ouh...
ROBERT DAFFE
Ça a l’air comme ça, mais
le saumon remonte la rivière
Tatshenshini et après qu’ils ont
pondu leurs œufs, ils meurent.
Au début, dans ces années-là,
parfois, la rivière était rouge
de poissons. Il y avait
des poissons partout
où on regardait. C’était
fantastique comme rivière.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et aujourd’hui, est-ce
que c’est encore le cas?
ROBERT DAFFE
Non. Aujourd’hui, les poissons
ont disparu il y a à peu
près une quinzaine d’années.
Il n’y a plus autant de poissons
qui remontent la rivière.
Il y a des gens qui disent
qu’il y a trop de pêcheurs, que
les pêcheurs sur l’océan avec
leurs nets qui démolissent
l’environnement des poissons. Il
y en a qui disent qu’il y a trop
de phoques sur le bord de la mer
qui mangent 100 poissons par
jour. Il y en avait 400 avant,
maintenant, il y en a 4000.
GISÈLE QUENNEVILLE
Et en 1982, quand vous avez
commencé votre entreprise,
est-ce que c’était viable comme
entreprise? Est-ce que c’était
rentable? Il y avait des gens
qui venaient ici faire du canot?
ROBERT DAFFE
Au début, non, on n’avait
aucune idée vraiment. Enfin,
du canot, on savait en faire,
du voyage sur les radeaux,
on a appris en le faisant.
GISÈLE QUENNEVILLE
C’est rassurant
pour les visiteurs, ça.
ROBERT DAFFE
C’était des années
différentes. Dans ces années-là,
on avait besoin d’un radeau,
d’un véhicule et d’une caisse
de bières: on était une
compagnie de radeaux.
Maintenant, c’est différent.
GISÈLE QUENNEVILLE
Faut des permis,
faut des licences.
ROBERT DAFFE
Maintenant, il y a les
licences, les assurances, les
cours. Mais la rivière n’a pas
changé. La rivière est
toujours la même.
GISÈLE QUENNEVILLE
Maintenant, vous aviez votre
entreprise ici l’été et durant
les hivers, vous alliez
en Amérique du Sud. Vous aviez
formé une compagnie là-bas
également, pour faire
la même chose? C’était
au Chili, je pense.
ROBERT DAFFE
J’ai travaillé au Chili pour
20 ans. Au début, j’ai travaillé
ici sur les rivières en été.
Je suis mécanicien, ça fait que
j’ai travaillé sur la mécanique
en hiver. Mais il y avait une
rivière au Chili qui s’appelait
le Biobio et juste le nom,
les histoires, je suis tombé
en amour avec et je suis parti--
GISÈLE QUENNEVILLE
Quelles sont ces
histoires? Je suis curieuse.
ROBERT DAFFE
Des histoires de ma jeunesse
encore, des histoires
d’un jeune qui est allé vivre
au Chili. Et de voir les condors
qui voyageaient, de voir
encore les montagnes, encore
des rivières, c’était une bonne
façon d’y aller là pour avoir
des rivières été et hiver,
ou été et été. J’ai commencé
au Chili à faire des voyages
de kayak sur des rivières
très difficiles de niveau 5.
On descendait des chutes
d’eau de 40-50 pieds.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous faisiez ça
avec vos clients aussi?
ROBERT DAFFE
Oui, c’est ce qu’on faisait.
Oui, des voyages de niveau 5
sur des rivières difficiles.
GISÈLE QUENNEVILLE
Aviez-vous de l’assurance
à ce moment-là?
ROBERT DAFFE
Euh... Non, aucune assurance.
Il y a personne qui voulait
me donner une assurance pour
un voyage comme ça. Les clients
signaient une forme qui disait
vraiment que quand on descend
une rivière comme ça, on est
tout seul. Même si on est guide,
on serait pas capable de les
aider dans certains endroits.
GISÈLE QUENNEVILLE
Hum-hum. Le canot, la rivière,
la nature, ça a toujours été une
histoire de famille pour vous,
hein? Votre épouse, vos enfants
ont toujours suivi jusqu’à
un certain point dans
vos pas, n’est-ce pas?
ROBERT DAFFE
Mes enfants ont grandi sur
la rivière. Quand ils étaient
jeunes, j’avais un radeau dans
le jardin et ils sautaient sur
le radeau toute la journée. Je
leur ai jamais dit comment faire
du radeau, ils sont descendus
avec nous autres et puis... Et
puis bien sûr, c’est un travail
intéressant. On rencontre
beaucoup de gens, on voit
beaucoup de différents pays.
Ils ont pris le même
goût d’aventure.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que dans tous vos
voyages, parce que là, on a
parlé du Yukon, on a parlé
du Chili, de l’Amérique du Sud,
vous avez fait des voyages
en canot sur des rivières
un peu partout dans le monde.
Est-ce qu’il y a des rivières
mémorables pour vous? Des
voyages mémorables pour vous?
ROBERT DAFFE
Oh, certainement. Le Biobio
au Chili avant les barrages
était un endroit incroyable dans
des forêts. Il y a des volcans
actifs au bord de la rivière.
On pouvait être du bord
de la rivière, aller faire une
randonnée d’un jour et demi et
monter au-dessus d’un volcan sur
la neige et redescendre sur la
rivière. Et puis, on connaissait
bien les fermiers. Je pouvais
parler l’espagnol, ça fait
qu’ils nous préparaient
de la nourriture locale.
C’était vraiment des voyages
de découverte.
GISÈLE QUENNEVILLE
C’est votre fils, Kevin,
je pense, qui gère la compagnie
ces jours-ci? Vous, qu’est-ce
que vous faites maintenant?
ROBERT DAFFE
Parfois, je lui dis que j’ai
pris ma retraite, mais il me dit
que je suis son associé.
(Riant)
Je ne pense pas qu’il soit prêt
à ce que je prenne ma retraite.
Ça fait que prendre ma retraite,
prendre sa retraite, c’est
faire ce qu’on veut vraiment
et je veux toujours être sur la
rivière, faire des explorations.
Mon fils, actuellement, est sur
une rivière maintenant avec mon
petit-fils qui a 2 ans. Ils vont
descendre une chute d’eau, mon
petit-fils va la marcher, mais
ils vont passer par une chute
d’eau probablement
aujourd’hui ou demain.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ils sont où en ce moment?
ROBERT DAFFE
Sur une rivière qui s’appelle
Wolf, la rivière des Loups.
Il est à peu près--
GISÈLE QUENNEVILLE
Ici, au Yukon?
ROBERT DAFFE
Oui, à peu près
à 120 kilomètres d’ici.
GISÈLE QUENNEVILLE
Donc, il y a une troisième
génération de Daffe, des hommes
et des jeunes femmes
de la rivière également.
ROBERT DAFFE
Oui! Oui, mes deux filles
aussi. Ma fille, ma plus jeune
fille s’en va demain pour aller
à la chasse par rivière.
Oui, c’est devenu notre genre
de vie, tu sais.
Des photographies d’archives montrent des canotiers sur des rivières.
ROBERT DAFFE (Narrateur)
Au début,
quand les chercheurs d’or sont
arrivés ici, il y en a beaucoup
qui se sont lancés sur la
rivière et qui sont passés
à travers les rapides de
Whitehorse. Il y en a beaucoup
qui n’y connaissaient rien.
C’était une époque sans gilets
de sauvetage. Ils partaient
pour la chance vraiment, et ils
se sont retournés et ils se sont
noyés. En face du pont près
de la ville de Whitehorse,
il y a un endroit où il y avait
une personne engagée pour
ramasser les corps des gens
qui avaient été noyés. Elle
les enterrait là sur le bord
de la rivière.
Tandis que l’entrevue se poursuit, des photographies d’archives montrant la ville de Canyon City défilent.
ROBERT DAFFE (Narrateur)
Canyon City est
une ville qui a été faite parce
qu’où on est maintenant, c’est
le Miles Canyon. C’était des
rapides presque impassables il y
a une centaine d’années et les
gens s’arrêtaient à Canyon City
pour faire le portage pour à peu
près une dizaine de kilomètres
de l’autre côté. Et on voit
ce qui reste: la ville a brûlé,
il reste pas grand-chose.
Des images de ce qui reste de Canyon City sont présentées, alors qu’il n’en reste qu’une vieille charrette et des débris.
ROBERT DAFFE (Narrateur)
Mais on voit un peu ce qui reste
de cette ville-là. Entre 20 000
et 30 000 personnes, tous
aventuriers, tous entassés
comme dans un sablier à attendre
pour passer ce passage-là. Tous
des aventuriers qui essayaient
de pousser et d’arriver
de l’autre côté. C’était la ruée
vers l’or à cette époque.
Et quand ils ont construit le
chemin de fer pour aller jusqu’à
Whitehorse, ça a été fini.
Les chercheurs d’or prenaient le
chemin de fer jusqu’à Whitehorse
et puis de Whitehorse,
ils montaient sur les bateaux
à vapeur pour aller
jusqu’à Dawson City.
Alors, la ville a
été abandonnée.
GISÈLE QUENNEVILLE
M. Daffe, on parle beaucoup
de la nature, de la beauté
de cette nature. Vous faites
de la rivière, vous faites de
la rando. Mais à quelque part,
il doit y avoir des dangers qui
sont associés avec ce que vous
faites. Quand les gens viennent
ici, il faut qu’ils fassent
attention à quoi au juste?
ROBERT DAFFE
La nature et les rivières...
se foutent de notre vie,
vraiment. Il faut se rendre
compte que quand on va là,
on est nous-mêmes, on doit s’en
sortir par nous-mêmes. C’est la
plus grande chose dont les gens
doivent se rendre compte. Et
voyager avec des gens qui ont
de l’expérience, c’est beaucoup
plus facile pour apprendre
comment faire, comment descendre
des rivières, comment survivre.
C’est à peu près comme ça. Mais
la nature... paraît un danger.
Chaque fois qu’il y a
un accident dans la nature,
ça se voit sur les nouvelles et
partout. Mais vraiment, le plus
grand danger dans notre vie,
c’est conduire une voiture.
(Riant)
Et on conduit une voiture en
parlant au téléphone, on conduit
une voiture en mangeant,
on conduit une voiture...
Comparativement à ça,
la nature, il y a pas vraiment
le même genre de danger.
GISÈLE QUENNEVILLE
Quand vous êtes avec des gens
sur un radeau ou dans un canot,
comment est-ce que vous
les préparez pour l’expédition
qu’ils vont faire, justement
pour qu’ils restent en sécurité?
ROBERT DAFFE
On leur enseigne comment
survivre dans un canot,
ce qui se passe si le canot va
se retourner, ce qui se passe
si on leur lance une corde
de sauvetage. On leur explique,
mais dans un sens, si on n’a
jamais fait quelque chose, c’est
difficile de comprendre. C’est
comme descendre une pente de
ski. On dit qu’on va se pencher
de ce côté, se pencher de ce
côté, mais la première fois,
on ne sait pas vraiment. Fait
qu’on apprend en le faisant.
Ce qu’on trouve beaucoup
de différences maintenant, c’est
que les jeunes ne sortent plus
sur la nature. J’ai enseigné
au Népal il y a quatre ans
et j’avais une femme, je devrais
dire une fille, mais c’est
une femme de 25 ans de la
Californie, elle voulait être
guide de rafting. Mais quand
on est guide, on doit savoir
préparer la nourriture.
Elle n’avait aucune idée de
comment préparer la nourriture.
Peler une pomme de terre,
elle n’avait aucune idée. Je lui
demande: "Mais qu’est-ce que
vous faites en Californie?"
Take-out ou des affaires
qu’on met dans le micro-ondes.
Vraiment, ça a été une éducation
pour elle d’apprendre à faire
toutes ces affaires-là
elle-même. Les jeunes qui font
des voyages en plein air
avec nous autres, ils prennent
leur tour à faire la vaisselle.
Il y avait une autre jeune fille
qui ne savait pas faire la
vaisselle parce qu’ils avaient
une machine à laver
la vaisselle à la maison.
Elle n’avait jamais...
GISÈLE QUENNEVILLE
Et qu’est-ce que
vous leur dites?
ROBERT DAFFE
Au début, ça m’a pris du temps
pour me rendre compte d’où
ils venaient, qu’est-ce qui
se passait parce que... Mais
maintenant, on est beaucoup plus
habitué, ça fait qu’on leur
apprend à faire un peu tout.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous donnez également
des cours de secourisme sur la
rivière, des cours de secourisme
de rivière, l’été et l’hiver.
ROBERT DAFFE
Et l’hiver.
GISÈLE QUENNEVILLE
Qu’est-ce qu’on apprend
dans ces cours-là? Peut-être
en particulier l’hiver.
Ça me paraît assez spécial.
ROBERT DAFFE
C’est la même chose qu’en
été. On apprend notre propre
"limitation". C’est bien de
vouloir faire du secourisme,
mais c’est aussi une autre chose
de savoir comment le faire et la
"limitation" qu’on a nous-mêmes,
notre habilité de pouvoir le faire.
Et on leur apprend ça par
vraiment les mettre à l’eau.
Ils ont des habits de plongée,
ils ont des gilets de sauvetage,
ils ont des casques, il y a
vraiment rien qui pourrait
leur arriver. Mais juste
le fait d’aller dans l’eau,
ils comprennent beaucoup
mieux ce qui se passe.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous les mettez dans l’eau
l’hiver également?
Il y a de la glace.
ROBERT DAFFE
En hiver, on va
sous la glace, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Ah oui? Ça doit être
assez impressionnant, ça.
ROBERT DAFFE
La première fois, c’est un peu
effrayant. La deuxième fois,
c’est toujours effrayant,
mais après, avec l’âge,
on s’y habitue un peu.
C’est "actuellement" magnifique
parfois en dessous de la
glace, spécialement s’il y a
une épaisseur d’eau, un espace
entre l’eau et la glace. On peut
regarder là et c’est comme un
château de glace un peu magique.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, vous êtes un ranger
aussi. Qu’est-ce que ça fait,
ça, un ranger? C’est un
travail, c’est du bénévolat?
ROBERT DAFFE
Le ranger, c’est un travail,
c’est du bénévolat. Ça a été
créé par l’Armée canadienne
pour avoir des yeux dans le nord
du Canada et pour avoir aussi
en cas où il y ait un avion, par
exemple, qui tombe. Avant que
l’armée arrive ici pour faire le
secours, ils peuvent envoyer les
rangers. Et les rangers sont
des gens comme moi qui aiment
beaucoup la nature, travailler
dans les forêts. Et en hiver,
on a l’habitude avec
des motoneiges, en été,
des bateaux. On connaît les
pistes, les chemins, on peut les
guider pour aller beaucoup plus
vite, beaucoup plus facilement.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce que ça vous est déjà
arrivé d’être obligé de porter
secours à des gens?
ROBERT DAFFE
Oui, c’est déjà arrivé
"actuellement". Des amis
de Peter Joe étaient perdus
en montagne en motoneige et
du temps qu’ils appellent la
police, qu’ils déclenchent tous
les secours, pour les parents,
c’était plus facile d’appeler
les rangers. Et on savait
plus ou moins où ils étaient,
on savait où les pistes étaient,
fait que c’était bien
facile de les trouver.
GISÈLE QUENNEVILLE
On parle beaucoup de
changements climatiques et
on nous dit que plus on va
vers le Nord, plus on ressent
ces changements climatiques là.
On est au Yukon, on est quand
même assez loin dans le Nord.
Est-ce que vous, vous voyez
ces changements-là et si oui,
de quelle façon?
ROBERT DAFFE
Je ne sais pas si on voit
les changements climatiques plus
que les personnes dans le Sud.
Je pense que ça dépend beaucoup
des endroits où on est.
Mais les trois dernières
années, ici, ça a été des vrais
changements: des hivers
presque sans neige, chauds.
Regarde, si on veut, l’hiver,
on devrait aller à Toronto.
Il fait plus froid là qu’ici.
Beaucoup plus de pluie,
les arbustes qui poussent
énormément. Au début, c’était
des petits arbustes comme ça,
maintenant, ils sont...
ROBERT DAFFE porte sa main à la hauteur de son genou pour indiquer la taille des arbustes d’autrefois. Puis, il place sa main le plus haut possible pour indiquer la taille de ces arbustes maintenant.
ROBERT DAFFE
Voyager dans les forêts dans certains
endroits, c’est presque
impossible. Maintenant, c’est
plus comme une jungle. Et les
glaciers sont toujours là, mais
ils fondent "énormément" vite.
Ils avaient une épaisseur énorme
avant et maintenant, ils sont
comme ça. Sur la rivière
Tatshenshini, il y a un glacier
qui s’appelle Walker Glacier
parce qu’on peut marcher dessus.
Ça fait 40 ans que je marche
dessus. Cette année, il a
disparu. Il a fondu. Mais
on voit ça de plus en plus.
C’est une époque intéressante
dans un sens parce qu’il y a
des changements qui arrivent.
Je ne sais pas si c’est
pour le bon ou le mauvais,
mais les changements sont là.
GISÈLE QUENNEVILLE
Vous, qu’est-ce que vous
donneriez comme conseil
à un jeune Robert Daffe qui
arriverait aujourd’hui au Yukon,
un aventurier comme vous?
ROBERT DAFFE
Je donne toujours énormément
de conseils à des jeunes
Robert Daffe qui...
GISÈLE QUENNEVILLE
Il y en a beaucoup?
ROBERT DAFFE
Il y en a beaucoup
qui viennent, qui sont à
l’université et qui ne savent
pas vraiment suivre un cours,
qu’est-ce qu’ils veulent faire
de leur vie. Je leur dis
toujours de suivre leur cœur,
de faire ce qu’ils pensent faire
et de vivre pour le moment
au lieu d’essayer de prendre
une carrière. On n’a pas besoin
d’avoir une carrière pour toute
notre vie. On est capable
de faire des changements
et d’apprendre autre chose.
L’important dans la vie,
c’est d’être heureux.
GISÈLE QUENNEVILLE
Est-ce qu’il y a une ou
des rivières que vous avez pas
faites encore, que
vous aimeriez faire?
ROBERT DAFFE
Ouf! Euh...
Ça n’arrête jamais.
(Riant)
Je regarde toujours sur les
cartes pour voir de nouveaux
endroits et ça fait que chaque
année, maintenant, je fais à peu
près deux ou trois nouvelles
rivières, deux ou trois
nouveaux voyages.
GISÈLE QUENNEVILLE
Alors, vous êtes
toujours à la découverte.
ROBERT DAFFE
Oui, oui.
GISÈLE QUENNEVILLE
Eh bien, M. Daffe,
merci beaucoup.
ROBERT DAFFE
Ça m’a fait un grand plaisir
de vous parler. Bienvenue.
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