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Vidéo transcription
La smala
Simone, aide ménagère dans la banlieue lyonnaise, s’occupe des cinq enfants de Robert, un chômeur que sa femme a quitté pour aller vivre à Paris. Voulant la retrouver, Robert emmène sa famille et Simone dans la capitale. Pierrot, le frère transsexuel de Simone, les héberge. Tous ensemble, ils partent à la recherche de la femme de Robert.
Réalisateur: Jean-Loup Hubert
Acteurs: Josiane Balasko, Victor Lanoux, Dominique Lavanant
Année de production: 1984
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Générique d’ouverture
Titre :
La Smala
Des enfants sont rassemblés sur les côtés d’une rue et attendent en acclamant une voiture dans laquelle se trouvent deux hommes. Un jeune homme et une jeune femme, LUCIE, sortent du véhicule et saluent les jeunes.
LUCIE
Ouais!
Les enfants acclament leurs vedettes qui restent tout de même près de la voiture. Deux jeunes montent sur la voiture et saute sur le toit.
JEUNE HOMME
Barrez-vous, les mecs!
Les enfants reculent pendant que les vedettes aspergent la voiture d’essence.
JEUNE HOMME
Vas-y!
JEUNE
Ouais!
LUCIE s’allume une cigarette. Une sirène de police résonne sur les murs des immeubles avoisinants. Les enfants se dispersent. Avant de s’enfuir, LUCIE jette sa cigarette sur la voiture qui prend feu. Tout le monde court dans tous les sens. Chacun rentre chez eux et se terre dans les immeubles de la cité.
Une femme, SIMONE, est dans son bain et chante en écoutant de la musique avec ses écouteurs sur les oreilles et en buvant une bière.
LUCIE
Il y a quelqu'un?
LUCIE ouvre la porte de la salle de bain pendant que la femme continue de chanter à tue-tête.
LUCIE
Ah, bien, t'es là!
LUCIE avance lentement et pousse sur la tête de la femme dans sa baignoire.
SIMONE
Non, mais ça va pas de
me faire une peur pareille?
LUCIE
On a les flics au cul.
SIMONE
Hein? Qu'est-ce que tu dis?
LUCIE
On a les flics au cul!
SIMONE
Qu'est-ce qu'il a
encore fait ton cul
pour qu'on lui colle après?
Trois garçons sont avec LUCIE.
BABAR
Ils fouillent partout!
BILLY ET KID
Mais nous, on n'a rien fait.
SIMONE
Où est ma bière maintenant?
Regarde-moi ça.
SIMONE sort sa bouteille de bière à l’envers de l’eau de la baignoire et le liquide jaunâtre coule dans l’eau du bain.
LUCIE
Écoute, tu veux pas
répondre s'ils sonnent ici?
S'il te plaît. Hein?
SIMONE se lève et sort du bain pendant que LUCIE l’aide à se sécher.
LUCIE
Allez. Allez, magne-toi!
BABAR
Ça urge! Allez, Simone.
SIMONE
C'est bon, allez vous
planquer dans la penderie.
LUCIE embrasse SIMONE avant d’aller se cacher avec ses amis.
SIMONE
(Enfilant son peignoir)
Ah, là, là, là, là...
Et n'en profitez pas
pour faire vos saloperies
dans mes affaires!
La sonnerie de la porte de l’appartement de SIMONE sonne. Ce sont deux policiers qui cherchent les incendiaires.
SIMONE
(Essuyant ses lunettes)
Ah, ça va, ça va,
il y a pas le feu, hein.
BABAR
En fait, oui.
La sonnerie de la porte résonne de nouveau. SIMONE regarde par le judas.
SIMONE
Qu'est-ce que c'est?
POLICIER 1
(Avec une voix enrouée)
Police.
POLICIER 2
Police!
SIMONE
Dites donc, je paye
pas la redevance
pour qu'on me dérange
en plein Dallas.
POLICIER 1
(Avec une voix enrouée)
Il y a une bande
de jeunes qui s'est réfugiée
dans l'immeuble. Vous avez
rien vu, évidemment?
SIMONE
J'aime pas les jeunes
et j'en vois trop.
POLICIER 1
(Toussant)
Et voilà.
SIMONE
Hé, qu'est-ce qu'ils ont fait?
POLICIER 1
Foutu le feu à deux BM...
deux... deux BMW.
SIMONE
M'en fous, c'est pas à moi.
POLICIER 1
Ils ont dû les voler
au parking du Sofitel à Lyon.
SIMONE
Eh bien, fallait
acheter français.
POLICIER 1
Et voilà.
SIMONE ferme la porte. Le premier policier s’adresse à l’autre.
POLICIER 1
(Toussant)
Prends là-bas.
Je vais en haut.
SIMONE ouvre la porte et s’adresse aux policiers.
SIMONE
Bismuth Grippol, deux
suppositoires, matin et soir.
POLICIER 1
Les deux à la fois?
SIMONE
Bien évidemment.
SIMONE referme la porte.
POLICIER 1
On n'est pas sortis
de l'auberge, hein.
De retour dans l’appartement, SIMONE siffle pour signaler aux jeunes qu’ils peuvent sortir du placard. Ensuite, elle se dirige vers la fenêtre et regarde la voiture qui flambe encore.
SIMONE
Eh bien...
C'est vous qui avez fait ça?
Les trois garçons s’éloignent de SIMONE les épaules voûtées. BILLY prend sa guitare.
SIMONE
Moi, si j'avais fait la moitié
du quart à votre âge...
... c'était le coccyx
remonté dans les gencives
à coups de lattes.
BILLY
T'as vu, Simone?
J'y arrive maintenant.
BABAR
Elle sait jouer, elle?
SIMONE
Dis donc, l'OVNI.
BILLY
Je déconne pas, c'est
elle qui nous a appris.
Et en plus, on répète ici.
Le KID est installé à la batterie. Il est le jumeau du BILLY.
SIMONE
(S’adressant au BABAR)
Tiens, au fait…
SIMONE tend la main et BABAR lui rend ce qu’il avait volé.
SIMONE
Merci.
Tiens.
(Prenant BABAR par l’épaule)
Viens voir, la touffe.
(montrant une affiche)
Tu vois là?
Eh bien, là,
c'est moi.
(Montrant un album)
Puis là aussi, c'est moi,
mais en plus petit.
Et ta graine de potence
était pas encore plantée
que je faisais
un malheur au Bus.
En première partie
des Chats Sauvages.
BABAR
Quel bus?
SIMONE
Quel bus?
Bus Palladium, hé, tronche.
Qu'est-ce qu'on t'apprend
dans ton lycée technique?
BABAR
Je sais pas, ils m'ont viré.
LUCIE
N'empêche que
vos fringues,
c'était vachement
branché, hein.
BILLY
Pourquoi que tu rejoues
pas dans un groupe?
SIMONE
Avec le look que j'ai,
bonjour le fan-club.
SIMONE se prend une bière au frigo.
SIMONE
On peut pas être et avoir été.
BILLY 2
Tiens, Simone.
(Lui tendant la guitare)
Viens montrer à Babar
ce que tu sais faire.
SIMONE
Ah non, hé, pas
à cette heure-ci...
LUCIE
Allez, Simone!
BILLY ET KID
Allez, vas-y, allez!
SIMONE
Bon, d'accord,
vous l'aurez voulu.
TOUS
Ouais!
SIMONE
Vous viendrez pas vous
plaindre après, hein!
SIMONE
Tiens! Et toi,
fais gaffe à tes cheveux,
et c'est pas du
Richard Clayderman.
Attention, tout
ce merdier, là. Tiens, Lucie?
SIMONE prend sa guitare pendant que les jumeaux prennent place pour l’accompagner. BABAR, lui, s’est emparé de la bière et s’assoit près de LUCIE.
LUCIE
Ouais?
SIMONE
Tu peux pas brancher le bazar?
S'il te plaît.
BILLY 2
Allez, Simone!
SIMONE
Voilà.
BABAR
Allez, chauffe, Simone.
SIMONE joue quelques notes sur sa guitare.
SIMONE
(S’adressant à LUCIE)
Tu chantes avec moi?
LUCIE
Non, non, non.
C'est toi la star.
SIMONE
OK. Ça, c'est bon. Allez.
Un, deux, trois, quatre!
SIMONE
(Chantant)
On se retrouvait
tous les samedis
Dans les surprises-parties
Sur le Teppaz
chantait Johnny
Qui voulait retenir la nuit
Scooter et Vespa
Les couettes à Sheila
Les chaussettes à Eddy
Qu'est-ce que c'était bien
mais c'est déjà loin
Je rêve encore de mes idoles
Je rêve encore de mes idoles
Je rêve encore de mes idoles
Bye bye mes années folles
Je rêve encore de mes idoles
Je rêve encore de mes idoles
Bye bye mes années folles
On vivait nos
histoires d'amour
Au rythme des grands tours
Et puis on se quittait
un peu tristes
À la fin du twist
Salut les copains
Et siffle le train
Tapez dans vos mains
Qu'est-ce que c'était bien
mais c'est déjà loin
SIMONE joue un solo de guitare.
SIMONE
(Chantant)
Où sont passés
les pénitents
Les pirates ont sombré
Les champions ont
jeté le gant
Et je reste seule à twister
Le Mashed Potatoes
Les fans à Clo-Clo
Flirtaient sur le slow
Qu'est-ce que c'était bien
mais c'est déjà loin
Je rêve encore de mes idoles
À l’extérieur les voitures brûlent. Le bûcher est ardent, les sirènes de pompier résonnent dans le quartier. ROBERT un voisin est chez lui. Il tient sa fille, LULUBELLE dans ses bras. Il va à la fenêtre et pousse le rideau pour regarder le feu en souriant.
ROBERT
On vit une époque formidable.
JOJO
Tu viens jouer, papa?
ROBERT s’approche de la table où un jeu d’échecs est déposé. Son fils, JOJO, regarde le jeu.
ROBERT
Ça finira mal un jour.
JOJO
Ah, s'ils sont assez cons
pour se faire gauler,
ce sera pas volé.
ROBERT
Lucie est avec eux?
JOJO
Tu sais bien.
ROBERT
Elle a mangé au moins?
JOJO
(Montrant une boîte vide)
Cadbury.
Bon, tu joues?
ROBERT
Et maman, elle t'a
pas dit où elle allait
quand elle est partie?
JOJO
J'étais pas là.
ROBERT
Quand même...
elle aurait pu prévenir.
JOJO
D'habitude,
elle prévient pas non plus.
J'ai pris ta tour.
ROBERT
Dis-moi quand même si tu sais.
JOJO
Lucie dit que c'est un CRS.
ROBERT
Ah.
JOJO
T'inquiète pas, c'est
une compagnie de Paris.
Il va la plaquer
quand ce sera fini ici.
Échec et mat.
ROBERT
Quoi? Je suis pas
mat, je suis pat.
Je peux pas bouger là,
je suis pat, je suis pas mat.
JOJO
Commence pas à tricher,
t'es pas pat, t'es mat.
Tu pourrais bouger là
si t'étais pas échec,
mais il y a ma dame. T'es mat.
ROBERT
Ah, merde.
JOJO
On en refait une autre?
ROBERT
Non. Tu m'écoeures.
Tu sais Jojo, hein,
ta mère, il faut pas
lui en vouloir.
Tu comprendras un jour.
JOJO
Ah, t'inquiète pas,
on a compris.
ROBERT
Moi, je suis pas ce qu'on
fait de mieux, tu comprends.
JOJO
Et elle, elle était comment?
ROBERT
On s'est connus dans
un concours d'accordéon.
On était finalistes
tous les deux.
Sur un mur, la photo de mariage du couple. Chacun tenant son accordéon.
ROBERT
Je me suis planté exprès
pour qu'elle gagne.
Bon. Il faut
coucher Lulubelle.
(Parlant de la grand-mère qui dort dans son fauteuil roulant)
Tu t'occupes de Mémé, hein.
T'éteindras la télé.
JOJO
D'accord.
ROBERT se dirige vers les chambres avec la petite dans ses bras.
JOJO s’approche de MÉMÉ qui dort la bouche ouverte et la tête renversé. Il prend un paquet de bonbons et en verse dans sa main. Puis, il en lance un dans la bouche de la vieille qui mâche spontanément. Il rit en silence. Puis, il dépose une bassine aux pieds de la vieille. Il ferme la télé, puis éteint la lumière et se dirige à son tour vers les chambres.
Au matin, dans la cour devant les immeubles de la cité, les jeunes sont de nouveau rassemblés. Ils crient.
JEUNES
CRS SS! CRS SS!
Un camion de l’unité des CRS sort de la cour en même temps qu’une vieille deux-chevaux arrive en klaxonnant.
JEUNES
Simone! Simone!
JEUNE
Simone!
Sur un balcon, un enfant asiatique regarde la scène de loi. Dans la maison un adolescent de la même famille regarde par la fenêtre.
SIMONE gare sa voiture sur un sentier. Elle descend et s’approche de LULUBELLE qui joue à la poupée en bordure du sentier des voitures.
SIMONE
Tu veux pas t'asseoir
dans l'herbe, toi?
LULUBELLE
Il y a des crottes
dans l'herbe.
SIMONE
Réponse à tout, hein?
SIMONE embrasse la petite et continue son chemin.
SIMONE
(Apercevant LUCIE qui embrasse BABAR.)
Oh...
(Imitant un roucoulement de pigeon)
Salut, les pigeons!
Hé! Laisse-le pas t'embrasser,
il s'est pas lavé
les dents depuis Noël!
BABAR
Et mon cul, tu veux voir
s'il est propre?
SIMONE continue son chemin et se dirige vers la tour à logement. Elle entre chez ROBERT.
ROBERT
Alors, grand-mère,
pas encore morte?
VOIX MASCULINE DANS LA TÉLÉ
Bonjour!
SIMONE
Ah! En tout cas,
il commence à faire beau, hein?
Eh bien, on a réussi à passer
l'hiver une fois de plus.
Comme quoi.
À la télé, une émission de divertissement joue. SIMONE met des lunettes noires à la vieille.
SIMONE
Entracte.
(Se penchant)
Ah non, t'as encore fait
sur toi, ma cochonne!
Ah, mais t'es pire qu'un chat.
SIMONE va à la cuisine et fait couler de l’eau dans un seau pour nettoyer les dégâts de MÉMÉ.
SIMONE
Si j'avais pas du coeur, tiens!
C'est le nez dedans
que je te mettrais!
Oh, si c'est pas malheureux.
SIMONE revient au salon avec le seau.
SIMONE
Ah bon, bien...
Ah, bien c'est que ça!
SIMONE retire la couverture et se rend compte que c’est plutôt la bouillotte qui a fui.
SIMONE
Écoute, je retire
ce que j'ai dit, grand-mère.
(Poussant le fauteuil roulant)
Tiens, pousse-toi.
Et voilà, il est bien loti,
le pauvre Robert
avec deux femelles
qui peuvent pas se retenir.
Et l'autre, là, ta fille
qui sait faire que lui ramener
des échantillons
de toutes les marques.
Bon, il est bien trop bon.
Si j'étais que lui...
Sans compter qu'après, on vient
pleurer à la mairie, hein.
Et qui c'est qu'on envoie
pour récurer tout ça?
Hein?
Je te le demande!
Ah, bien va falloir
en trouver une autre, hein.
Parce que... ce soir
(Sifflant)
il n'y a plus d'aide-ménagère.
C'est fini, Simone.
En voiture, Simone.
Trois heures de train
et quinze heures chez Pierrot.
(Soupirant)
À Paris.
Peinard.
Ah, je les aurai pas volées
mes vacances, hein.
SIMONE va chercher l’aspirateur et repousse le fauteuil de MÉMÉ.
SIMONE
Tiens, pousse-toi.
Tiens, pendant ce temps-là,
tu pourrais tâcher
d'aller à Lourdes.
Hein? Des fois que...
(Observant la vieille)
Ça te fait rire, hein?
Tiens, bien rigole.
Ah, puis tu m'agaces.
SIMONE repousse le fauteuil roulant jusqu’au mur. Elle va sur le balcon et appelle en criant.
SIMONE
Lucie!
Lucie, laisse tomber
ce frimeur et rapplique ici.
(Parlant de la bécane de BABAR)
C'est pas une Yamaha, sa meule!
LUCIE
Quoi?
LUCIE prend la main de sa sœur LULUBELLE.
BABAR
Hé, qu'est-ce qu'elle a dit,
la vioque? Elle me cherche?
LUCIE
D'abord, c'est pas une vioque.
Et puis, c'est vrai, ta meule,
c'est vraiment
de la merde, hein.
BABAR
Et tu sais ce qu'elle
te dit, ma meule?
LULUBELLE
Pédé!
Les filles marchent vers l’immeuble.
Dans le salon, SIMONE passe l’aspirateur. LUCIE entre dans le salon avec LULUBELLE.
LUCIE
Qu'est-ce que tu veux?
SIMONE
(Parlant de la vieille)
Emmène ça!
(Criant par dessus le son de l’aspirateur)
Débarrasse-moi le plancher
avant qu'elle pisse
dessus pour de bon.
LUCIE
(Parlant des lunettes noires)
Pourquoi tu lui
as mis ça?
SIMONE
Parce qu'elle arrête
pas de me mater
en rigolant pendant
que je me crève!
Elle se paye ma tête,
je suis sûre.
(Fermant l’aspirateur et parlant normalement)
Mais pourquoi il la remet
pas à l'hosto, Robert?
Elle était bien là-bas.
LUCIE
Ils n'en veulent plus.
Ils disent que ce
n'est plus la peine.
SIMONE
Bien, et l'hospice? Je peux
en glisser un mot à la mairie.
LUCIE
Bien... ça coûte.
SIMONE
Ça coûte, ça coûte.
Pas tant qu'à moi.
SIMONE fait la poussière sur les cadres en frappant la photo de la femme de ROBERT à grands coups de chiffon.
Dans le couloir, près de l’ascenseur, deux enfants en bas âges regardent une revue porno.
PETIT
Oh, regarde,
Julien, les fesses.
LUCIE passe avec MÉMÉ assise dans son fauteuil roulant. Elle la pousse dans le corridor. LULUBELLE la suit.
LULUBELLE
Pourquoi qu'on
lui met pas
des couches avec
un élastique là?
SIMONE
Parce qu'il y avait
pas la taille.
Dehors sur un banc, ROBERT joue de l’accordéon. Sur un écriteau près de lui, il est écrit: «Aidez un chômeur et ses cinq enfants».
Une femme passe devant lui avec un gros panier d’épicerie bien plein. Puis un jeune commis pousse une rangée de paniers vides vers le supermarché. JOJO marche vers son père.
ROBERT
Alors, ça mord, fiston?
JOJO
(Sortant de sa veste une calculatrice)
Tiens, regarde
Texas Instrument.
Il y a même
les logarithmes dessus.
ROBERT
Ouais, c'est pas
Texas machin
qui va faire
la soupe de ce soir.
JOJO
Billy et le Kid
s'en occupent.
ROBERT
On les voit jamais
passer ces deux-là.
T'as pas vu maman?
JOJO
Je te l'aurais dit.
JOJO s’éloigne en admirant sa dernière trouvaille.
ROBERT
Ça fait deux
jours quand même.
ROBERT reprend son air d’accordéon.
JOJO croise LUCIE, MÉMÉ et LULUBELLE.
JOJO
Au fait, Lucie,
t'as dit à Simone
de pas toucher
à mon pieu?
LUCIE
Pourquoi, t'as peur qu'elle
trouve tes cartes de France?
LULUBELLE
C'est quoi des
cartes de France?
LUCIE
C'est rigolo, c'est pas cher
et ça peut rapporter très gros.
ROBERT
(Voyant le filles approcher)
C'est gentil de
venir applaudir papa.
LULUBELLE regarde l’argent amassé par ROBERT.
LULUBELLE
C'est tout?
ROBERT
Oui, c'est tout et en plus,
c'est moi qui les ai mises.
LULUBELLE
Ouais, bien tu devrais
changer de répertoire.
ROBERT
(Parlant des lunettes noires de MÉMÉ)
C'est toi qui
lui as mis ça?
LUCIE
(Retirant les lunettes de MÉMÉ)
Non, c'est Simone.
ROBERT
Fais voir.
LUCIE
Bon, tu viens, Lulu?
LULUBELLE
Non, je reste avec papa!
ROBERT enfile les lunettes et embrasse la petite pendant que LUCIE s’éloigne.
ROBERT
T'as raison.
(Criant vers LUCIE)
Et maman est pas rentrée?
LUCIE
Non!
ROBERT
Si tu vois les jumeaux, Lucie,
dis-leur de me prendre
des lames Gillette!
LULUBELLE
T'es malheureux quand
elle est pas là, maman?
ROBERT
Mais non, presque
pas parce que...
de toute façon,
elle revient toujours.
ROBERT fait un câlin à sa fille et se remet à jouer de l’accordéon.
Dans le supermarché, LUCIE fait les allées avec MÉMÉ. Elle en profite pour subtiliser quelques items qu’elle cache sous la couverture de la vieille. Près des caisses enregistreuses, BILLY, un des jumeaux fait quelques tours de passe-passe auprès des clientes négligentes.
BILLY
Attendez,
je vais vous aider.
CLIENTE
Oh, merci!
BILLY
De rien.
CLIENTE
(S’adressant à la caissière)
Je vous dois combien?
CAISSIÈRE
694,55 francs.
Pendant que la femme cherche son argent dans son porte-monnaie, BILLY part avec le panier d’épicerie plein à ras bord. KID, son frère jumeau prend sa place.
CLIENTE
Mon caddy?
KID
Mais il était là.
CLIENTE
On m'a volé mon caddy!
KID
C'est une femme, elle est
partie par là. Elle a cru
que c'était son caddy.
CLIENTE
Oh, c'est pas vrai!
La cliente part sans payer. La caissière lui court après.
CAISSIÈRE
Madame!
Au retour à la cité, toute la famille court vers l’immeuble en traversant un terrain vague et en poussant le fauteuil de MÉMÉ. Les cinq enfants de ROBERT crient de joie. LUCIE pousse le panier d’épicerie. SIMONE qui nettoie les fenêtres sur le balcon se retourne pour les voir venir.
SIMONE
Ces petits cochons,
on les mange pas, ceux-là.
Vous avez bien vérifié
la monnaie, au moins?
KID
Crédit total.
BILLY
Et livraison à domicile!
KID
Déconne pas!
LUCIE
(Poussant la couverture de MÉMÉ)
J'espère que j'ai rien oublié!
Sous la couverture se trouvent des articles de toilette.
LUCIE
Hé, je peux la rentrer,
maintenant?
SIMONE
Non, laisse la dehors,
elle est aussi bien
à sécher au soleil.
Les jumeaux tentent de montrer sur le balcon en grimpant.
SIMONE
Hé! Hé, vous deux,
vous faites le tour!
Hein, parce qu'ici,
c'est propre. Hein?
BILLY
Ouais, ouais, d'accord.
JOJO
On a compris.
SIMONE rentre à l’intérieur et aussitôt, les garçons grimpent la balustrade. SIMONE revient en criant.
SIMONE
Ah non, vos pieds,
tas de cochons!
KID
Envoyez le fret!
SIMONE
Oh, merde!
BILLY
Ça roule!
LUCIE et KID vident le panier d’épicerie et les autres font la chaîne pour entrer le tout dans la maison.
KID
Allez, allez, allez!
Plus vite que ça, allez.
SIMONE
C'était bien la peine.
KID
(Retenant son frère de ressortir)
Laisse tomber, il n'y a plus
rien, il n'y a plus rien.
LULU lave les fenêtres à l’intérieur. Il fait la gueule.
BILLY
Tiens, Lulu, des chamallows.
SIMONE
Elle est venue.
LUCIE
Qui ça?
SIMONE
Ta mère.
Et elle est repartie
avec ses affaires.
LUCIE
Qu'est-ce qu'elle a dit?
SIMONE
Est-ce que je sais, moi?
J'ai rien demandé, hein.
Oh, elle devait quand même pas
se sentir bien propre, hein.
Il a fallu que j'en entende.
Et la vie qu'elle a eue ici,
et la vie qu'elle aura à Paris.
Évidemment, Paris, c'est pas
les Glycines, hein. Ça!
BILLY
Ah parce qu'elle
s'en va à Paris?
SIMONE
Paraîtrait que c'est
l'autre qui l'oblige.
BILLY
C'est con, ça, pour papa.
LUCIE
Et elle a rien dit pour papa?
SIMONE
Elle a dit qu'elle lui
laissait l'accordéon.
Avec ça, ça lui fait
une belle jambe.
LULUBELLE
Faut pas le dire à papa.
KID
T'inquiète pas,
Lulubelle, t'inquiète pas.
LUCIE
Merde, c'est vrai, ça,
comment on va lui dire?
JOJO
Il y a qu'à lui dire
qu'elle est partie en voyage
et puis... on sait pas
pour combien de temps.
Peut-être qu'après,
il n'y pensera plus.
SIMONE
Je m'en charge.
À midi, c'est
son anniversaire.
BILLY
Mais non,
c'était à Pâques.
SIMONE
T'occupes! On dit que
c'est son anniversaire. Ah!
Quand il rentre, on le gave
et on lui bourre la gueule.
LULUBELLE
Oui!
LUCIE rigole.
Au bistro du coin, le tenancier valide des billets de loterie.
TENANCIER DE BISTRO
Alors, Robert,
qu'est-ce que tu fais
des millions si tu gagnes?
ROBERT
D'abord, je te paie
mon ardoise,
que tu ne m'emmerdes
plus, et le reste...
TENANCIER DE BISTRO
S'il en reste.
ROBERT
... je m'achète
un hôtel à Honolulu
j'emmène ma femme sous
les cocotiers et les gosses
parce qu'ils ont jamais
eu de vacances.
C'est toujours leurs dates
de naissance que je joue.
TENANCIER DE BISTRO
Les cocotiers, pour
les gosses, je dis pas.
Mais… ta femme...
ROBERT
Ouais...
elle rêve que de ça.
Tu sais, les machins
exotiques, quoi.
Ce qui la change
de l'ordinaire.
TENANCIER DE BISTRO
Justement,
cet après-midi,
ils ont fait la malle,
les CRS.
ROBERT
Et alors?
TENANCIER DE BISTRO
Rien...
Tout à l'heure, j'ai servi
l'un d'entre eux qui était là.
C'était une femme
qu'il attendait.
ROBERT
Dis donc, toi, qu'est-ce
que tu cherches à dire, là?
TENANCIER DE BISTRO
Bien, rien! Je peux
me tromper, remarque.
Mais, pour la femme...
ROBERT
Quoi, la femme?
TENANCIER DE BISTRO
Bien... elle ressemblait à...
ROBERT
Qu'est-ce que tu dis?
Répète ce que tu dis.
TENANCIER DE BISTRO
Si ça se trouve,
c'était pas elle, hein.
ROBERT
Tu mens! Tu mens
comme un arabe!
TENANCIER DE BISTRO
Mais je te jure, Robert!
ROBERT attrape le tenancier par le col et veut le battre.
ROBERT
Tu mens, salopard de melon!
TENANCIER DE BISTRO
Mais je te jure, Robert!
ROBERT
(Criant)
Tu mens!
TENANCIER DE BISTRO
Mais je te jure, Robert.
Une jeune arabe s’approche.
JEUNE ARABE
(S’adressant à ROBERT)
Comment t'as dit, là? Tu vois
des salopards de melons ici?
(Se tournant vers les autres clients)
Hé, il voit des
salopards de melons.
TENANCIER DE BISTRO
Ho, ho! J'offre
la tournée.
ROBERT
(Hurlant)
Je vois que ça!
Je vois que ça, des melons!
Les enfants attendent leur père à la maison, mais ROBERT ne revient pas.
LUCIE
Bien, bonjour, l'anniversaire.
SIMONE
Ça, c'est réussi.
C'était bien la peine.
Il doit être froid,
mon gigot, maintenant.
JOJO
J'ai faim.
SIMONE
Eh bien. Mange, tant pis!
JOJO
Je préfère les olives.
SIMONE
(S’adressant à LUCIE)
Bien mange donc toi aussi,
que ça va pas se perdre!
LUCIE
Ah, j'ai pas faim.
SIMONE
Eh bien, force-toi!
Oh et puis les jumeaux
qui rentrent pas.
Il est bientôt 3 heures, c'est
quand même inquiétant.
LUCIE
Il est peut-être
allé à Lyon.
SIMONE
Oh, quoi faire à Lyon?
LUCIE
Je sais pas, moi,
voir les putes?
SIMONE
Bien, allons donc,
il vous l'aurait dit.
JOJO tente le coup des bonbons dans la bouche de MÉMÉ, mais avec une olive.
SIMONE
Oh, là, là, là...
JOJO lâche l’olive dans la bouche de la vieille, mais elle ne mâche pas comme d’habitude. Elle reste sans bouger.
JOJO
Ça ne marche plus!
SIMONE
Qu'est-ce qui ne
marche plus encore?
JOJO
Bien, d'habitude, elle gobe
tout en dormant. Regarde.
JOJO lâche une seconde olive.
JOJO
Ça ne marche plus.
SIMONE
Eh bien, enlève
les noyaux, au moins!
LUCIE
Voilà, si ça se
trouve, c'est toi
qui l'as fait s'étrangler
avec tes conneries.
JOJO
Elle était déjà comme ça.
LUCIE
Voilà...
SIMONE se lève et touche la main de MÉMÉ.
SIMONE
Oh, c'est curieux,
elle est toute froide.
Mémé?
(Secouant un peu la vieille)
Mémé?
Hou, hou, mémé?
Mémé!
LUCIE
Qu'est-ce qu'elle a?
SIMONE
Ah, bien je sais pas, moi.
JOJO
En tout cas,
c'est pas de ma faute.
SIMONE se penche et pose l’oreille sur la poitrine de la vieille.
SIMONE
On n'entend plus rien.
LUCIE touche la vieille à son tour.
LUCIE
Dis donc, c'est vrai
qu'elle est froide.
SIMONE
Ah oui, ça, pour être
froide, elle est froide.
LUCIE
Hum. Tu crois
qu'elle est...
SIMONE
Ah bien ça,
je suis pas toubib.
Mais enfin,
ça m'en a tout l'air.
Les jumeaux entrent dans l’appartement.
KID
Ça y est,
on sait où il est!
SIMONE
Eh bien, pourquoi
vous l'avez pas ramené?
BILLY
Il y a eu un baston
général au Ruby.
Et à voir les dégâts,
ç'a dû chauffer.
KID
Les flics ont
embarqué tout le monde.
BILLY
Paraîtrait
qu'il y a eu des blessés.
SIMONE
Il ne manquait
plus que ça.
LUCIE
Grand-mère est morte.
KID
Oh?
BILLY
Qu'est-ce que tu racontes,
toi? C'est une blague?
LUCIE
Bien, demande-lui.
BILLY
Oh merde!
SIMONE
Quand je pense,
la pauvre vieille.
Comme ça, sans dire «ouf».
Il y a pas cinq minutes,
on aurait dit qu'elle
allait tous nous enterrer.
BILLY
Qu'est-ce
qu'il faut faire?
JOJO
Faudrait peut-être
appeler le docteur?
LUCIE
Et avec quoi qu'on va
la payer la visite, hein?
SIMONE
Bon, allez, le mieux,
c'est de l'emmener à l'hôpital.
BILLY
Ça sert à rien,
puisqu'elle est morte.
SIMONE
Ça sert que c'est eux qui
s'en occuperont, parce que moi,
j'en ai assez fait
comme ça pour aujourd'hui.
JOJO
Il faudrait
peut-être attendre papa?
BILLY
S'il est au frigo, ils vont
pas le relâcher comme ça.
KID
Bon, bien alors, allons-y.
SIMONE
Oui, allons-y, allons-y.
LUCIE
Bon, bien moi,
je garde Jojo et Lulubelle.
Les jumeaux commencent à pousser le fauteuil de MÉMÉ vers la sortie, pendant que SIMONE prend ses affaires.
SIMONE
Quelle journée!
Et mes valises qui sont
même pas bouclées!
Si je rate pas mon train,
moi, ce soir!
Dans un couloir de l’hôpital, un gendarme s’occupe des clients du bistro et les questionne. Il attrape un des clients par le col.
GENDARME
Mais enfin, nom de Dieu! Il
y en a bien un qui a commencé!
CLIENT
C'est pas moi, ça.
GENDARME
(S’adressant à un autre client)
Toi. Fais voir
ta carte de séjour.
JEUNE ARABE
J'en ai pas, chef.
GENDARME
Comment, t'as pas
de carte de séjour?
JEUNE ARABE
Enfin, c'est-à-dire,
je suis né ici.
Je m'excuse.
Un médecin passe dans le couloir de la gendarmerie.
GENDARME
Hé! Et les deux, là,
vous me les rendez quand?
J'aurais deux mots
à leur dire, hein.
MÉDECIN
Oh là là, oh là là,
faudrait vous mettre à l'eau
du robinet, vous, hein.
Vous êtes tout
pâlichon, là.
C'est sérieux
la santé, hein.
Le médecin entre dans une pièce et pose deux radiographies de crâne sur le tableau lumineux.
MÉDECIN
Ah!
Meilleur état que les originaux
les copies, hein.
Sur le lit d’examen, le TENANCIER du bistro et ROBERT son assis dos à dos
TENANCIER DE BISTRO
Ça, c'est rien. On m'a démoli
tout mon tabac, à cause de lui.
Et ce n'est pas
la première fois.
MÉDECIN
Pour une fatma?
TENANCIER DE BISTRO
Ouais, pour une fatma.
Parce que certaines préfèrent
l'uniforme exotique
aux chômeurs
de longue durée.
Et que... monsieur
éborgnerait ses amis
plutôt que de voir
la vérité.
ROBERT
Quelle vérité? Qu'est-ce que
tu sais, toi, de la vérité?
Le CRS l'a peut-être tout
juste raccompagnée à la gare.
Et puis, si ça se trouve,
c'était un cousin.
MÉDECIN
Ah, c'est sûrement un cousin!
Bon, c'est comme le reste,
ça cicatrise, hein.
Bon. Euh, je vais vous donner
une ordonnance, des bricoles.
Mais si vous préférez
l'escalope...
Bon, maintenant,
vous pouvez partir, hein.
TENANCIER DE BISTRO
Ça, c'est pas sûr.
Ils sont là encore les képis?
MÉDECIN
Ah, je vois ce que c'est.
SIMONE et les jumeaux arrivent à l’hôpital.
SIMONE
Vous, vous la bouclez
et vous me laissez faire, OK?
Sinon, demain, on y sera encore.
BILLY
De toute façon,
nous, on sait rien.
KID
C'est vrai en plus.
dans le corridor de l’hôpital, le MÉDECIN discute avec le gendarme.
MÉDECIN
Écoutez... Je sais pas si
je vais pouvoir les sauver.
GENDARME
Et comment ça?
Ils se battaient
encore dans le fourgon.
MÉDECIN
C'était le dernier
sursaut avant la mort.
SIMONE et les jumeaux arrivent et aperçoivent le gendarme. SIMONE bloque la route au jumeau pour qu’ils ne s’avancent pas avec le fauteuil et MÉMÉ.
SIMONE
Toujours là quand
il faut pas, ceux-là.
BILLY
Qu'est-ce qu'on fait?
On va tout de même pas
la ramener.
SIMONE
Ah, non, on la laisse!
Pour elle, ça change rien.
Mais nous, on va droit
au sac de noeuds, là. Tiens.
Pousse-la discrètement.
BILLY
Mais où?
SIMONE
Où, où? Mais là!
Pousse-la où? Là!
(S’adressant à KID)
Robert viendra s'expliquer
demain, parce que...
BILLY pousse MÉMÉ lentement dans le corridor.
MÉDECIN
Pas de problème, je vous
envoie les certificats de décès.
GENDARME
Quand même,
ça m'épate.
Soudainement le fauteuil avance tout seul entre les deux hommes qui discutent dans le corridor.
MÉDECIN
Ah! Excusez-moi,
une urgence.
Pendant ce temps, SIMONE et les JUMEAUX courent vers la deux chevaux pour prendre la poudre d’escampette. La voiture démarre et repart vers la cité.
SIMONE
Ah, les heures sup
que je mérite. Sans compter
qu'il faut que je ramène
la deuche pour la remplaçante.
C'est qu'ils sont capables
de me lourder à la mairie.
Ah, je le retiens, Robert.
Oh, je le retiens.
BILLY
(Pointant dehors)
C'est lui!
ROBERT et OMAR, le tenancier du bistro s’enfuit à travers le terrain vague.
KID
Ouais, ouais!
C'est Robert! Avec Omar!
SIMONE
Oh, attends un peu, mon cochon.
SIMONE se dépêche de rattraper les deux hommes en voiture. Elle klaxonne.
ROBERT
Hé! C'est Simone!
SIMONE
(Sortant de la voiture)
Hé bien, d'où
vous sortez comme ça?
ROBERT
De l'hosto!
OMAR
On s'est tiré
à cause des flics.
SIMONE
Hé bien, dans quel état!
Que tout le monde se faisait
un sang d'encre!
Pendant que vous faisiez
les marioles!
Parce qu'il s'en est
passé des choses ici!
BILLY
Maman s'est tirée.
KID
Et grand-mère est morte.
ROBERT
Je sais.
OMAR
Ah, tu vois que
c'était pas du boniment!
SIMONE
Non mais,
comment ça, vous savez?
ROBERT
Omar l'a vue partir.
SIMONE
Pas la grand-mère,
tout de même.
OMAR
Euh... Vaut mieux
ne pas rester là.
Si les flics reviennent...
SIMONE
Oui, il a raison.
Allez, montez, je vous
ramène aux Glycines.
Tous montent dans la deux chevaux.
ROBERT
(S’adressant à SIMONE)
Elle a rien dit?
SIMONE
Qu'est-ce qu'elle
aurait pu dire?
Elle a passé qu'on s'en
est même pas aperçu.
BILLY
C'est Jojo, le premier.
KID
À cause des olives.
ROBERT
Elle a pas laissé un mot?
SIMONE
Oh...
Pardon. J'étais
avec la grand-mère.
On n'était pas branchés
sur la même chaîne.
ROBERT
Elle a dit quelque chose, ou?
SIMONE
Euh...
Oui. Oui, oui.
Elle a dit qu'elle vous
laissait l'accordéon.
Encore heureux.
ROBERT
C'était le sien.
SIMONE
Ouais.
La grand-mère et les gosses
aussi, c'était les siens.
ROBERT
Le mien, je l'ai vendu
pour acheter un congélateur.
Bien, c'est mieux comme ça,
parce que comme ça...
quand je joue de l'accordéon,
c'est comme si
je l'avais dans mes bras.
SIMONE
Si c'est pas malheureux
de s'accrocher comme ça.
Que tous vos malheurs
sont à cause d'elle.
ROBERT
Oh, c'est de ma faute.
Avec un autre, elle aurait
pu devenir quelqu'un.
SIMONE
Mais non!
On devient pas autre chose
que ce qu'on est.
Avec un autre,
ç'aurait été pareil!
Si je peux dire
ce que je pense.
ROBERT
Belle comme elle était,
avec le goût qu'elle avait,
elle aurait pu être...
Yvette Horner.
Avec une piscine...
salle de bain en marbre.
SIMONE
Moi, je crois que ce je vois
et ce que je vois,
c'est pas du marbre.
La voiture s’arrête près des tours à logements. Tout le monde descend.
BILLY
Bon, bien, nous,
on prévient Lucie.
SIMONE
En fin de compte, tout ça,
c'est peut-être tant mieux!
C'est vrai, vous voilà avec
des coudées franches maintenant.
Et puis un homme de votre âge,
bien ça peut refaire sa vie.
ROBERT
Jamais.
Jamais!
Et puis, c'est pas
la peine d'essayer
de me faire changer d'avis.
OMAR
Mais oui, Robert,
te fâche pas, elle reviendra!
ROBERT
Même si elle revient pas,
moi, j'irai la chercher
jusqu'aux Malouines.
Et à genoux, s'il faut!
SIMONE
Bon, bien d'accord, mais
c'est pas la peine de hurler
et rameuter tout
le quartier comme ça. Hé!
ROBERT
Parce que c'est pas
son CRS, hein,
qui ira avoir les intentions
que je j'ai eues
de lui emmener son petit
déjeuner au lit tous les midis.
Crois-moi que... eh!
Elle comprendra vite, quoi.
SIMONE
Oui, oui. D'accord,
mais en attendant
d'aller aux Malouines,
le mieux, c'est d'aller
dans votre lit, hein?
Dans votre état.
Vous y verrez plus clair
demain et puis c'est tout.
OMAR
Elle a raison Robert.
Va te reposer, va!
Tout ça, ça vaut pas
le mauvais sang que tu te fais.
ROBERT
Qu'est-ce que t'en sais, toi?
D'abord, je n'ai plus de sang,
moi, quand elle est pas là.
Je n'ai plus de sang.
SIMONE
Allez, venez, Lucie
va vous faire un grog.
Allez!
OMAR
Et puis, si ça peut
te consoler, il n'y a pas
que toi qui es cocu
dans l'affaire, hein.
LUCIE
(Courant vers son père)
Ça va, papa?
ROBERT
Non, ça va pas, non.
Il y a monsieur qui fait
des sous-entendus.
SIMONE retient ROBERT de retourner se chamailler avec OMAR.
SIMONE
Ah, bien non!
ROBERT
Mais si.
Hein?
(Empoignant OMAR par le col)
Mais si.
OMAR
Mais non.
J'ai rien dit!
SIMONE
Mais non, il a rien dit!
OMAR
Mais, tout de même...
ROBERT
Quoi, tout de même?
OMAR
Eh bien, il y a
des ressemblances
qui parlent pour moi.
ROBERT se retourne et regarde les jumeaux et LUCIE.
SIMONE
(Se braquant entre les deux hommes)
Ah non, vous allez
pas remettre ça!
ROBERT frappe et cogne SIMONE plutôt que OMAR.
SIMONE
(Roulant par terre)
Putain... Oh, le con.
Oh, le con!
Oh, le con!
(Se tenant un œil en chialant)
Ah, le con!
LUCIE
Oh là là, fais voir.
SIMONE
Je suis borgne!
Il m'a éborgnée, ce con!
OMAR
Borgne, peut-être pas,
mais c'est le coquard assuré.
BILLY
Tiens, tes lunettes.
Les jumeaux et LUCIE aident SIMONE à se relever.
SIMONE
Lâchez-moi,
foutez-moi la paix!
Bande de dingues!
LUCIE
Mais il l'a pas
fait exprès, écoute.
SIMONE
Mon oeil, pas fait exprès!
BILLY
Tu veux pas qu'on
t'emmène à l'hôpital?
SIMONE
Oh, foutez-moi
la paix!
Mais qu'est-ce que je suis venue
foutre dans cette galère, moi?
Ras la soupière des cas sociaux!
Il y aurait pas une échelle
de Richter aux Glycines
pour balayer tout ça?
Parce que moi, c'est fini,
hein, je me tire!
Je me tire!
SIMONE ouvre sa portière pour monter dans sa voiture et revient aussitôt.
SIMONE
(Hurlant)
Mes lunettes!
(Ramassant ses lunettes tombées par terre)
Enfoirés!
SIMONE retourne à sa voiture et démarre en trombe.
Plus tard, SIMONE est assise dans une cabine de train. Un homme passe sur le quai avec des skis. Il s’arrête et dévisage SIMONE qui tente de masquer le coquard avec du fard. Elle ferme la fenêtre pour empêcher l’homme de la regarder.
SIMONE
Ah! Il m'a arrangée, le salaud.
ROBERT arrive dans le couloir du train. Il porte un complet cravate et ouvre la porte du compartiment. SIMONE dresse la revue qu’elle tient à hauteur de son visage pour ne pas être reconnue.
ROBERT
C'est libre là, madame?
Sans attendre la réponse, ROBERT entre et place sa valise sur le porte-bagage.
ROBERT
Pardon.
(S’assoyant)
Excusez-moi.
SIMONE
Qu'est-ce qu'il a fait
des gosses, ce tordu?
Il les a pas laissés
tout seuls tout de même?
CHEF DE GARE
Attention, s'il vous plaît!
Le train à destination de
Paris-Gare de Lyon va partir.
SIMONE, toujours cachée derrière sa revue, sent le train qui quitte la gare.
SIMONE
Dans deux minutes,
j'ai la conjonctivite.
Ça peut pas durer
jusqu'à Paris, hein.
Je sens la crampe
qui vient, là.
ROBERT
Hum... Excusez-moi?
Ça vous dérangerait pas
de me prêter votre journal
quand il sera fini?
Parce que...
c'est chez moi
que ça s'est passé.
Sur la page couverture, une photo des voitures incendiées à la cité fait la Une.
SIMONE
J'ai pas fini!
ROBERT
Prenez votre temps, hein.
Il y a pas le feu au lac.
(Riant et toussant)
Vous allez trouver
que j'abuse, mais...
quand vous êtes montée
dans le train,
vous auriez pas aperçu une
petite dame un peu boulotte?
Avec des cheveux...
carotte.
Et un oeil amoché, peut-être.
Je vous demande ça, c'est
parce que c'est une amie à moi,
puis il faut absolument
que je la retrouve avant Paris.
Parce que sans ça, je...
ce soir, je saurai pas où loger.
SIMONE
(Retirant son journal)
Alors, ça, faut pas y compter!
Et d'abord, ils sont
où les gosses?
ROBERT ne dit rien.
SIMONE
C'est du propre de laisser cinq
enfants tout seuls aux Glycines.
Sans même de quoi manger
si ça se trouve.
ROBERT
Puis de toute façon,
dans deux trois jours,
j'aurai ramené
leur mère à la maison.
SIMONE
C'est ça, compte là-dessus
et bois de l'eau.
Et quand bien même!
D'ici là, avez-vous
seulement pensé
à ce qui pourrait
leur arriver?
LULUBELLE joue avec une peluche de E.T. dans une cabine de train. Ses frères, les jumeaux KID et BILLY et LUCIE sont aussi dans la cabine.
KID
Tu vas complètement
le bourrer ton E. T.
BILLY
Putain, le pied. C'est
quand même autre chose
que de glander
au domicile, non?
LUCIE
Moi, ça me fait
tout drôle.
KID
Quoi donc, ma puce?
LUCIE
Bien, tout ça, de partir!
C'est la première fois.
JOJO arrive de l’allée du train pour avertir la famille.
JOJO
Hé, chaud devant!
Voilà les casquettes!
LUCIE
Bon bien, plan ORSEC.
Allez, grouillez-vous, sortez.
Tout le groupe sort, sauf LUCIE. Le contrôleur du train fait le tour des cabines pour valider les billets.
CONTRÔLEUR DU TRAIN
(Souriant à LUCIE)
Billet, s'il vous
plaît, mademoiselle.
Merci.
Pendant ce temps, les trois frères et LULUBELLE sont cachés dans les toilettes.
LULUBELLE
Pipi.
BILLY
Chut!
Le CONTRÔLEUR écrit son numéro sur un bloc-notes et déchire la page pour la donner à LUCIE.
CONTRÔLEUR DU TRAIN
Donc, c'est juré,
tu m'appelles?
LUCIE
Oui, oui, je t'appelle.
CONTRÔLEUR DU TRAIN
OK.
LUCIE
Excuse-moi, maintenant,
faut que j'aille au petit coin.
CONTRÔLEUR DU TRAIN
(Frappant à une autre cabine)
Billet, s'il vous plaît.
LUCIE se dépêche de rejoindre la famille. Pendant ce temps, le CONTRÔLEUR rejoint un second contrôleur et tous les deux quittent le wagon.
Un garçon se présente à la porte des toilettes. C’est fermé, il attend. La porte s’ouvre et LUCIE sort, puis ses frères et sa sœur. Tous retournent à la cabine.
LUCIE
Il était vachement sympa.
Il a cru que
j'étais antillaise.
LUCIE accroche à un crochet la culotte mouillée de LULUBELLE.
LUCIE
Là, ça va sécher.
BILLY
Alors, comme ça,
il t'a draguée?
LUCIE
Il m'a pas draguée.
Il m'a invitée
à sortir en boîte.
Pour boire de la biguine.
KID
(Riant)
De la bibine, tu veux dire.
LUCIE
Non, de la biguine.
C'est du punch.
JOJO
Espèce de gourde, c'est pas
du punch, la biguine.
C'est une danse
de bamboula.
LUCIE gifle son frère.
LUCIE
Répète ça encore
une fois, cul de singe.
Et je fais changer la couleur
de la peau des fesses.
LULUBELLE
Où ça, des singes?
Le train entre en gare.
ROBERT veut prendre la valise de SIMONE pour l’aider à descendre.
SIMONE
Non, ne touchez
pas ma valise.
ROBERT
Laissez-moi vous aider.
SIMONE
Non, ne touchez pas
à ma valise!
ROBERT
Mais, donnez...
SIMONE descend du train en portant sa valise. Elle marche d’un pas vif.
ROBERT
C'est pas seulement pour moi,
hein, que je veux la retrouver.
C'est pour les gosses aussi.
Ils ont besoin d'elle.
SIMONE
Arrêtez, je vais
pleurer... de rire.
Et puis, d'abord, pourquoi
vous allez pas chez le CRS?
S'il en loge une,
il peut bien loger l'autre.
ROBERT
(Pointant l’oeil blessé de SIMONE)
Il va beaucoup
mieux, votre oeil.
ROBERT
Mais c'est juste
pour cette nuit.
SIMONE
C'est pas chez moi!
De toute façon,
c'est trop petit.
ROBERT
Bien, je prendrai
pas de place.
SIMONE
Écoûtez, lâchez-moi
le burnous, hein,
je suis blindée.
Alors, démerdez-vous.
Les ponts, c'est pas ça
qui manque à Paris!
Je suis pas l'Armée
du Salut, non?
LULUBELLE se heurte sur SIMONE en marchant vers son père.
SIMONE
Ah non, toi, c'est pas
le moment, hein.
Soudain, SIMONE s’arrête se rendant compte que LULUBELLE vient de la heurter. Elle la regarde grimper dans les bras de son père. Puis, elle se retourne et voit le reste de la famille sur le quai.
SIMONE
C'est pas vrai.
Ah non, c'est pas vrai.
Plus tard, tous sont dans le métro de Paris. SIMONE fait la gueule.
SIMONE
Ça va bien que Pierrot travaille
la nuit, mais tout de même.
LULUBELLE
C'est qui Pierrot?
SIMONE
C'est mon frère.
Parce que c'est pas la colo,
hein, son deux pièces.
Et pas question de faire tourner
mes vacances en eau de boudin.
Alors, demain matin,
vous rembarquez tout ça, et hop!
(Sifflant)
... aux Glycines.
Garde tes volailles.
Ah, parce qu'il faut
être réalistes.
Autant chercher
dans une meule de foin.
Si ça se trouve, après
les Glycines, le CRS,
il est parti faire
le sauveteur à Palavas
ou à Concarneau, hein?
Allez savoir.
Vous allez tout de même pas
faire le tour de France
avec cinq lardons
à la traîne.
Sans compter les chances
qu'il l'aurait larguée
en route, son CRS.
Et qu'à l'heure qu'il est,
elle est peut-être
déjà retournée aux Glycines
avec la queue entre les jambes.
Si je peux m'exprimer ainsi.
Ah bien, c'est là
qu'on descend.
Allez.
SIMONE, ROBERT et la marmaille marchent dans un quartier de PARIS. Un homme-orchestre fait un spectacle de rue. JOJO, LULUBELLE et les autres s’arrêtent pour regarder.
SIMONE prend la main de la petite et empêche les enfants de regarder pour continuer leur chemin. Plus loin, sur la rue, un cracheur de feu. Ensuite, une violoniste. Cette fois, SIMONE s’arrête un peu avec les enfants. Puis, le groupe se retrouve sur une passerelle.
LUCIE
Oh, la vache!
Qu'est-ce que c'est que ça?
Les enfants regardent une construction tout illuminée.
LULUBELLE
C'est la maison de E.T.
LUCIE
C'est génial!
SIMONE
Une horreur, ouais.
C'est le musée à Pompidou.
ROBERT
Ah.
Ils l'ont mis dans un musée?
LULUBELLE
Je veux aller dormir
dans la maison de E.T.!
SIMONE
Mais on peut pas!
D'abord, c'est fermé.
(Soulevant la petite)
Tiens, regarde.
Tu vois bien? Allez.
LULUBELLE
C'est pas vrai! Je veux
aller dans la maison d'E.T.!
SIMONE
Écoute, pleure pas,
grosse bête.
Hein? C'est tout près
de chez Pierrot.
On ira demain dans
le bazar de ton rat.
LUCIE
Je t'emmènerai, moi, juré.
ROBERT
Quand même,
ils auraient pu lui faire
quelque chose
de mieux à Pompidou.
SIMONE et la famille de ROBERT marchent dans une rue étroite. Un chien commence à aboyer. Ils entrent dans la maison où loge PIERROT, le frère de SIMONE.
SIMONE
Faites pas attention,
elle est sourde comme un pou.
SIMONE frappe à la porte de l’appartement de la logeuse.
VOIX DE LA LOGEUSE
Qu'est-ce que c'est?
Qu'est-ce que c'est?
SIMONE
(Criant)
C'est Simone,
la soeur de Pierrot!
Vous me remettez?
LOGEUSE
Ah bien, elle est pas
là à cette heure-là.
SIMONE
Je sais, mais il a dû
laisser des clés pour moi!
LOGEUSE
Quoi?
SIMONE
(Criant plus lentement)
Il a dû laisser
des clés pour moi!
LOGEUSE
Elle a rien laissé!
SIMONE
Mais pourtant,
dans ma lettre,
je lui ai dit
le jour que je venais!
LOGEUSE
Elle a dû oublier.
VOIX D’UN VOISIN
C'est pas bientôt
fini en bas, non?
Ah et bon!
SIMONE
Ah, c'est malin.
Il va falloir courir
au diable vauvert maintenant
puis pour la récupérer.
LOGEUSE
Qu'est-ce que vous
dites, là, dans mon dos?
SIMONE
(Criant)
Je dis rien du tout!
Je dis qu'on doit
retourner à Boulogne!
LOGEUSE
Mais elle ne
travaille plus là-bas!
Elle travaille au niveau
de la Traversière maintenant.
Ah puis, ne m'en demandez
pas plus, hein,
parce qu'avec elle, alors...
Allez, allez, allez.
SIMONE
Mais au Traversière,
c'est là où on était,
c'est près de la gare de Lyon.
Tous ressortent dehors.
SIMONE
(Criant)
Merci quand même!
LUCIE
Hé... pourquoi qu'elle disait
«elle» en parlant de Pierrot?
SIMONE
Elle fait exprès.
La vieille morue!
C'est parce que Pierrot est
un peu à voile et à vapeur, bon.
Mais à part ça,
c'est une crème d'homme.
SIMONE et la famille traversent PARIS à pied.
LUCIE
À quoi il ressemble,
ton frère?
SIMONE
Un peu racho,
tiré à quatre épingles
avec une petite
moustache.
Le groupe traverse un quartier chaud de PARIS.
SIMONE
Tu parles que c'est facile
de s'y retrouver là-dedans.
ROBERT
S'il est tellement connu,
on pourrait peut-être
demander à l'intérieur.
SIMONE
Ah, ouais, c'est pas con, ça.
Devant un bar, ROBERT et ses enfants s’arrêtent pendant que SIMONE se dirige vers l’entrée en tenant LULUBELLE qui dort dans ses bras. SIMONE entre et finalement la famille la suit. C’est un bar de danseuses. SIMONE s’avance vers le bar et interpelle deux danseuses.
SIMONE
Pardon, mesdames,
vous savez pas, par hasard,
où je pourrais
trouver Pierrot?
DANSEUSE
(Avec un accent russe)
Pierrot? Quel Pierrot?
Il y a pas de Pierrot ici.
Il y a que des Colombines!
TRAVELO
Et qui c'est, celle-là?
LULUBELLE est réveillée et SIMONE l’a déposée par terre.
SIMONE
(Prenant LULUBELLE par la main)
Viens, Lulubelle.
Près de l’entrée, la patronne du bar aperçoit la marmaille.
PATRONNE DU BAR
Eh bien. Mais qu'est-ce
que vous fabriquez là?
C'est pas un endroit
pour vous ici.
SIMONE
(Se dirigeant vers les jumeaux)
Ça va pas, non? Bon, allez,
hop, tout le monde dehors.
PATRONNE DU BAR
(S’adressant à SIMONE)
Dis donc, pot à tabac,
On n'est pas au jardin
des plantes ici.
SIMONE
C'est qui le pot
à tabac? Pouffiasse...
PATRONNE DU BAR
Simone!
Simone...
Tu ne reconnais
plus la famille?
La PATRONNE DU BAR est en fait PIERROT, le frère de SIMONE qui s’approche pour l’embrasser.
SIMONE
Pierrot.
C'est toi, Pierrot?
PIERROT/RITA
Enfin, évidemment.
Qui veux-tu que ce soit?
(Apercevant l’oeil de SIMONE)
Dis donc, qu'est-ce
qui t'es arrivé, toi?
Hein?
T'aurais pu maquiller
les deux pareils!
(Parlant de la famille de ROBERT)
C'est à toi, tout ça?
SIMONE
Hein? Non. Non, non.
Enfin. Ça, c'est Robert.
PIERROT/RITA
Bonjour.
Bonjour, monsieur...
Euh, mademoiselle.
SIMONE
Jojo, les jumeaux,
Lucie, Lulubelle.
PIERROT/RITA
Mais qu'est-ce qu'elles sont
trognonnes ces deux-là.
SIMONE
On est venus à cause des clés.
T'as pas reçu ma lettre?
PIERROT/RITA
Mais si! Mais
qu'est-ce que tu veux,
avec la vie de folle
que je mène.
SIMONE
T'aurais pu me
prévenir, quand même!
PIERROT/RITA
Bien, j'ai voulu te faire
une petite surprise.
SIMONE
Eh bien, c'est réussi!
Pour une surprise,
c'est une surprise!
PIERROT/RITA
(Riant)
Écoute,
j'ai franchi le pas, voyez.
Tout mon livret A y est passé.
Comment tu trouves
ta nouvelle Rita?
SIMONE
Parce que c'est Rita?
ROBERT
Non, mais, Rita,
c'est bien. C'est sympa.
PIERROT/RITA
Mais oui, je trouve aussi.
Bon, j'ai longtemps hésité,
je me suis dit: je vais
prendre le prénom de maman.
En souvenir.
SIMONE
Eh bien,
elle aurait préféré
que tu viennes à
son enterrement, maman.
PIERROT/RITA
Alors, vous allez
tous rester à la maison?
SIMONE
Hé, non! Eux, c'est
juste pour une nuit, hein.
Enfin, si ça te dérange pas.
PIERROT/RITA
Bien non, bien sûr
que ça me dérange pas.
Je rentre à l'aube.
Et encore, quand je rentre!
BILLY
De toute façon, nous,
on a nos duvets, hein.
PIERROT/RITA
Tant mieux. Alors,
les clés sont sur la porte.
Vous entrez, vous faites
comme chez vous.
Je me ferai une joie de vous
apporter des croissants.
(S’adressant à LULUBELLE)
Tu aimes les croissounets,
mon bichon?
LULUBELLE
Oui, madame.
PIERROT/RITA
Ah, bien non, pas madame.
Appelle-moi Rita
maintenant, hein? Tata Rita.
ROBERT
Rita, c'est... c'est bien.
Non, c'est vrai.
Une fois chez RITA, toute la famille est endormie.
SIMONE dort dans un lit avec LUCIE. Elle rêve.
SIMONE
Pierrot...
Le rêve de SIMON évoque une autre époque. Elle et son frère prennent la pose devant Notre-Dame. PIERROT porte un costume de marin.
SIMONE
Pierrot? Pierrot?
Soudain, PIERROT se transforme en RITA.
SIMONE
Hein! Non! Non!
(Criant dans son sommeil)
Non, non!
RITA prend SIMONE par le bras, puis elle tente de l’embrasser sur la joue, mais SIMONE réagit et se retire.
SIMONE
Non! Pierrot? Non!
Pierrot? Non... Non...
Non... Non... Pierrot...
Le rêve se termine. Pendant que tout le monde dort dans l’appartement de RITA, ROBERT marche à pas de loup avec ses affaires sous le bras. Avant de déposer une lettre sur la table, ROBERT la relit.
VOIX DE ROBERT
Mes petits enfants,
pardon de partir et
de vous laisser encore,
mais je suis sûr
que vous comprendrez.
Je vous confie à Simone
qui s'occupera bien
de vous, je suis sûr.
Dès que j'aurai
retrouvé maman,
je reviendrai
vous chercher
et on retournera tous
à la maison comme avant.
RITA rentre au petit matin. En montant vers son appartement, elle croise ROBERT.
RITA
Eh bien, vous partez?
ROBERT
Non.
Oui. Je...
Ils dorment tous, j'ai laissé
un mot sur la table.
ROBERT s’apprête à descendre, mais RITA le retient.
RITA
Mais attends,
vous allez où?
Oh là, j'ai l'impression
que ça tourne pas rond, là.
Non. Avant de faire des
bêtises, asseyez-vous. Allez.
RITA et ROBERT s’assoient dans les marches.
RITA
(Soupirant)
Faut tout raconter à Rita.
Hein? D'homme à homme.
Dans la cuisine, SIMONE lit le mot de ROBERT.
VOIX DE ROBERT
Je lui jure qu'un jour,
je lui rembourserai tout ça.
Et ses lunettes aussi.»
RITA entre dans la cuisine. Elle remarque SIMONE.
RITA
Ah, tu es là, toi?
SIMONE ne dit rient et retourne à la lettre.
VOIX DE ROBERT
Je vous embrasse
tous comme je vous aime.
RITA
Pourquoi es-tu déjà levée?
SIMONE
Le salaud, il s'est tiré!
Tiens, lis ça!
Il s'est tiré en douce
en me collant sa smala
par-dessus le marché.
Pour changer.
RITA
Oui, je sais, Simone.
Il m'a tout raconté,
je viens de le croiser
dans les escaliers.
SIMONE
Quoi? Et tu l'as
laissé partir?
SIMONE se précipite pour rattraper ROBERT, mais RITA la retient.
RITA
Oh, écoute, calme-toi!
Enfin, Simone.
Fiche-lui la paix.
Laisse-le aller jusqu'au bout.
C'est le seul moyen
pour qu'il accepte.
SIMONE
Indécrottable, oui.
Tu lui mettrais le nez dedans
que ce serait pareil.
RITA
Tu veux que
je te dise, Simone?
Si je rencontrais
un homme comme ça,
je l'épouserais
tout de suite.
SIMONE
Bien, il ne manquerait
plus que ça.
LUCIE est réveillée et entre dans la cuisine avec LULUBELLE.
LUCIE
Qu'est-ce qui se passe?
SIMONE
Il y a que ton père
s'est encore tiré.
SIMONE donne la lettre à LUCIE. LULUBELLE s’approche de SIMONE.
SIMONE
Qu'est-ce que tu veux
encore, toi?
LULUBELLE
Un câlin.
SIMONE
Ça, il faut demander à Pierrot
puisqu'elle est si maline.
RITA
Mais, viens, ma pupuce.
Tata Rita qui va te faire
un bon petit chocolat.
(Embrassant la joue de LULUBELLE)
Hein?
LULUBELLE
Tu piques.
RITA
(Riant)
Allez, va voir Simone.
Devant une caserne des CRS, ROBERT fait le tour des policiers pour leur montrer une photo. ROBERT s’adresse à tous les CRS qu’il rencontre.
SIMONE est avec les enfants au cinéma.
LUCIE
C'est comment la Guadeloupe?
JEAN-MARIE, le contrôleur du train, est avec LUCIE. Ils sont ensemble dans l’appartement de JEAN-MARIE.
JEAN-MARIE
C'est comme toi.
... avec la mer
autour et le soleil.
LUCIE
Tu m'emmèneras?
JEAN-MARIE
C'est juré.
Enfin, encore un an.
Et si ton père est d'accord.
LUCIE
Hum, ben...
Il est pas rentré.
Ça fait dix jours
maintenant.
JEAN-MARIE
C'est con, ça, qu'est-ce
que vous allez faire?
LUCIE
Bien, rentrer
avec Simone.
Elle commence à en avoir
sa claque, je crois.
JEAN-MARIE
Remarque, avec la smala
sur le dos toute la journée...
LUCIE
Mais non, elle a
que Lulubelle.
Les jumeaux, ils se
démerdent et puis,
Jojo, il décolle pas
du Pays de la découverte.
Et moi...
JEAN-MARIE
Et toi, tu couches
avec un nègre.
SIMONE déambule dans PARIS avec LULUBELLE au milieu des voitures, Place de l’étoile. Elles croient des Asiatiques.
SIMONE
Eh bien, c'est
les vacances à Pékin.
J'espère qu'il est
pas Chinois, le CRS.
Parce que...
d'ici qu'il lui complète
son lot, à Robert.
LULUBELLE
Pourquoi tu te maries
pas avec Robert, toi?
SIMONE
Parce qu'il y pense pas, ce con.
LULUBELLE
(Passant devant une affiche du film E.T.)
Je veux retourner voir E.T.!
Je veux retourner voir E.T.!
SIMONE
Ah, non! Tu fais chier,
Lulubelle, hein.
Trois fois, ça suffit.
D'abord, moi,
j'ai à faire. Allez, viens.
SIMONE entre dans un bar. Une FEMME la reçoit.
FEMME
Hé!
L'orthopédiste, c'est à côté.
SIMONE
Il est toujours là, Gégène?
FEMME
Vous avez rendez-vous?
SIMONE
Quand j'aurai besoin d'un
rendez-vous pour voir Gégène,
t'auras la couverture
de Vogue. Pauvre conne.
LULUBELLE
Pauvre conne.
Dans un studio d’enregistrement, une jeune femme est assise devant un micro et chante. Du côté de la console, SIMONE entre avec LULUBELLE.
CHANTEUSE
(Chantant)
Quand je suis près de toi
Une folie monte en moi
Retiens-moi retiens-moi
INGÉNIEUR DE SON
Qu'est-ce que vous foutez là?
T'affole pas, coco.
C'est pour Gégène.
GÉGÈNE est devant la console et semble s’ennuyer.
GÉGÈNE
Hé, c'est pas fini
le bordel, là?
SIMONE
Salut, vieux pochard!
GÉGÈNE
Oh, nom de Dieu, Simone!
SIMONE
En mémère et en os!
GÉGÈNE
(Embrassant SIMONE)
Ah, bien merde alors.
Mais d'où tu sors comme ça?
SIMONE
Eh bien, du Père-Lachaise.
GÉGÈNE
Alors là,
si je m'attendais.
SIMONE
T'aurais bouclé
ta porte, sans doute!
GÉGÈNE
Oh non, déconne pas.
Non, je ressuscite.
Alors, raconte,
qu'est-ce que tu deviens?
SIMONE
Oh, tais-toi.
J'aime mieux pas le savoir.
CHANTEUSE
(Chantant)
Retiens-moi
retiens-moi pour toujours
retiens-moi mon amour
SIMONE
(Riant en écoutant la chanson)
C'est ce qui se fait
de bon en ce moment?
GÉGÈNE
Oh là là, la soupe.
SIMONE
(Riant)
Un conseil, retire-la du feu,
elle va passer par-dessus.
GÉGÈNE
(Riant)
T'as raison.
(Se penchant sur le micro)
Jaja, on arrête cinq minutes,
puis on reprend.
(Montrant une bouteille)
Hé, c'est de la soupe,
mais arrosé quand même.
LULUBELLE
Elle est belle
la chanteuse.
GÉGÈNE
Oui? C'est
une fausse blonde.
(Parlant de la petite)
Dis donc, c'est à toi, ça?
T'es venue pour me
donner des regrets?
SIMONE
Non. Ça,
c'est pas à moi, ça.
Non, je suis venue
pour que tu m'aides
à ... à faire
monter une sauce
qui devrait te changer
du potage Royco.
GÉGÈNE
Ça s'appelle
comment, ta recette?
SIMONE
La smala.
ROBERT est toujours dans la rue, il traîne son accordéon. Il attend près de la maison de PIERROT pour entrer sans se faire voir. Il monte sous les combles et dépose son accordéon. Puis il retire ses chaussures avant d’entrer dans l’appartement de PIERROT. À l’intérieur, un dessin animé joue à la télé. RITA est couchée, elle dort. ROBERT s’assure qu’elle dort vraiment et aperçoit LULUBELLE qui dort aussi dans le salon. Puis, il cherche dans la maison, histoire de trouver une cachette d’argent. LULUBELLE se réveille et se dirige vers la cuisine où ROBERT continue ses recherches.
LULUBELLE
Tu cherches
le porte-monnaie?
ROBERT sursaute et fait tomber quelque chose. Il craint que le bruit ne réveille RITA.
ROBERT
Chut!
(Chuchotant)
Parle tout bas.
Il faut pas réveiller Rita.
ROBERT ferme la porte de la cuisine.
LULUBELLE
Tu l'as pas
retrouvée, maman?
ROBERT
Tu sais où il est?
LULUBELLE
Quoi?
ROBERT
Le porte-monnaie.
LULUBELLE
(Pointant du doigt)
Ici.
ROBERT fouille dans le four et LULUBELLE s’approche de lui.
LULUBELLE
Tu l'as retrouvée, maman?
ROBERT
Presque.
Il y a rien dans le four.
LULUBELLE
C'est dessous.
ROBERT
T'en sais
des choses, toi.
LULUBELLE
T'as besoin de sous?
ROBERT
Oui. Il faut le dire
à personne, hein?
Hé, même pas
que je suis venu, hein?
Juré, Lulubelle?
LULUBELLE
Tu vas repartir?
ROBERT
Écoute-moi bien.
Je vais te confier un secret.
Dans les rues de PARIS, une voiture étrange circule, avec des cornes de bélier sur le radiateur. C’est la camionnette de GÉGÈNE qui freine.
GÉGÈNE
Et voilà, les petits loups!
Et encore, là, j'ai pas forcé.
Dans la voiture, les jumeaux accompagnent SIMONE.
SIMONE
Eh bien, moi, si.
Mais sur ta poignée.
GÉGÈNE
Oh, merde.
SIMONE
(Soupirant)
Pfiou...
KID
Wow!
Génial! C'est une caisse
comme ça qu'il me faut.
BILLY
Et euh... Elle coûte
combien celle-là?
GÉGÈNE
Oui, bien fait d'abord
un tube et tu pourras
peut-être te payer
la première traite.
SIMONE rigole.
KID
Bien quoi? C'était bien
ce qu'on a fait quand même.
GÉGÈNE
Hé, demain, c'est
pas de l'à-peu-près
qu'il me faut, moi.
C'est du pur jus.
SIMONE
Ouais, bien on
en a assez fait
pour aujourd'hui, hein.
GÉGÈNE descend de sa camionnette.
SIMONE
Hé, tu m'ouvres?
GÉGÈNE
Ouais, je t'oublie pas...
GÉNÈNE contourne le devant de la camionnette et ouvre la portière pour faire descendre SIMONE.
SIMONE
Tu montes boire un godet?
Tu verras Pierrot.
GÉGÈNE
Qui c'est ça, Pierrot?
SIMONE
Ma soeur.
Les jumeaux et LUCIE sont aussi descendus de la camionnette etmontent vers l’appartement de PIERROT ou RITA.
Dans l’appartement, ROBERT explique encore à LULUBELLE ce qu’elle ne doit pas dire.
ROBERT
Tu as bien compris,
hein, Lulubelle?
LULUBELLE
Fais-moi un bisou.
ROBERT serre sa fille contre lui et l’embrasse.
ROBERT
Je t'aime, tu sais?
ROBERT sort sur le palier et s’aperçoit que ses chaussures ont disparu.
ROBERT
(À voix basse)
Merde, mes pompes.
Des pas dans l’escalier attirent l’attention de ROBERT.
ROBERT
On m'a piqué mes pompes.
SIMONE
(Parlant dans l’escalier)
Allez, au premier étage!
ROBERT referme la porte et court se cacher sous les combles. SIMONE remarque la clé dans la serrure.
SIMONE
Tiens, mais il y a la clé,
comment ça se fait?
(Se tournant vers les jeunes)
C'est vous qui l'avez oubliée?
LUCIE
Rita doit être debout.
GÉGÈNE
Qui c'est ça, Rita?
BILLY
C'est son frère.
Le groupe entre dans l’appartement.
RITA
Oh, bordel, j'ai dormi
comme une bûche.
SIMONE
On t'a pas réveillée
quand même?
RITA
Si, mais enfin,
fallait bien que je me lève.
SIMONE
Hé, j'ai dit à...
(Se tournant vers GÉGÈNE)
Bien viens!
SIMONE
J'ai dit à Gégène
de venir prendre un godet.
RITA
(Tendant la main pour un baisemain)
Oh, bonjour.
GÉGÈNE
(Serrant la main)
C'est vous, Pierrot?
SIMONE
(Riant)
Non, non,
c'est une vieille blague.
Quand on était gosses.
Hein, Rita?
RITA
(Riant)
Oui!
SIMONE
Au fait, c'est toi qui as
laissé les clés sur la porte?
RITA
Non, Simone,
je suis pas sortie.
ROBERT voit la voiture de GÉGÈNE devant la maison. Il est toujours en chaussette.
SIMONE
C'est bizarre, ça.
Lulubelle? C'est toi
qui as touché la clé?
Lulubelle, c'est toi?
LULUBELLE
C'est Robert.
SIMONE
Quoi?
(Se penchant vers LULUBELLE)
Il est venu, Robert?
LULUBELLE
Il a pris des sous
dans la cuisinière.
RITA
Hein?
Il a trouvé ma planque!
Oh là là!
SIMONE
Qu'est-ce que
tu racontes, toi? Hein?
LUCIE
T'as vu Robert, Lulu?
GÉGÈNE
Hé, qui c'est ça, Robert?
JOJO, LUCIE ET LES JUMEAUX
C'est Robert!
SIMONE
Mais quand est-ce
qu'il est venu, dis?
Qu'est-ce qu'il a dit?
BILLY
Il est reparti?
SIMONE
Hein, où ça? Où ça?
LULUBELLE
J'ai promis de pas le dire.
RITA
Eh merde! Il m'a
piqué 2000 balles.
SIMONE
Allons bon.
(Montant le ton vers LULUBELLE)
Mais parle, toi, bourrique!
Où est-ce qu'il est Robert?
Il t'a bien dit quelque chose?
LULUBELLE
C'est un secret.
GÉGÈNE
(Tentant sa chance avec LULUBELLE)
Hé...
Je le connais pas, moi,
Robert. C'est ton papa?
LULUBELLE
Oui.
GÉGÈNE éteint la télé.
GÉGÈNE
Si je rallume la télé,
tu me dis tout à moi?
Dépêche-toi, tu vas
rater la fin du film.
LULUBELLE
Il m'a donné un papier
pour cacher jusqu'à demain.
C'est pour Simone
s'il revient pas.
SIMONE s’apprête à faire parler la petite, mais GÉGÈNE l’arrête d’un claquement de langue.
GÉGÈNE
Et... où il est, le papier?
LULUBELLE soulève sa robe et sort le papier de sa petite culotte. Elle le tend à GÉGÈNE.
GÉGÈNE
On devrait interdire
la télé aux enfants.
GÉGÈNE tend le mot à SIMONE.
SIMONE
Qu'est-ce que c'est que ça?
JOJO
Lis tout haut.
SIMONE
C'est une adresse.
Chez Yvon Le Gouadec, 14,
Allée du Stade à Trappes.
BILLY
C'est là qu'elle doit être.
LUCIE
Bien, pourquoi il est reparti
alors qu'il sait
très bien où elle est?
RITA
Avec mon blé en plus.
SIMONE
Bien, est-ce que je sais moi!
GÉGÈNE
Eh bien, ça sent le brûlé.
SIMONE
Qu'est-ce que tu veux dire?
GÉGÈNE
Je sais pas, moi,
mais, avec 2000 balles,
on peut acheter
un fusil à pompe au BHV.
RITA
Avec mon blé, en plus.
À la télé, des coups de feu sont échangés.
SIMONE
Ah, nom de Dieu.
Le soir venu, GÉGÈNE roule vers l’adresse de la note de ROBERT.
GÉGÈNE
Je vous préviens,
100 mètres de plus
et je rentre à cale sèche, moi.
SIMONE
On n'a pas idée de rouler
avec un soiffard pareil aussi.
GÉGÈNE
Évidemment. Ça fait une heure
qu'on tourne en rond.
(Arrêtant la voiture)
Alors, c'était ça, l'Allée
du Stade, nous voilà rendus
dans une gare de triage.
Alors, c'est où?
SIMONE
C'est où, c'est où,
j'y suis pas née!
En plus, il y a même pas un rat
crevé pour nous renseigner.
KID
Mais il s'est peut-être
gouré dans l'adresse, Robert.
GÉGÈNE
Peut-être que quand
il aura fini de courir,
il va rentrer
tout seul au bercail.
SIMONE
Ah, t'es gonflé.
Qui c'est qui nous l'a mis
dans la tête, le fusil à pompe?
Hum?
KID
Remarque, s'il avait
tué tout le monde...
BILLY
Il y aurait eu
des flics partout.
LUCIE
Et Jean-Marie qui devait
me prendre à 10 heures.
KID
C'est vrai. Rita
aussi va s'inquiéter.
BILLY
Faudrait peut-être prévenir
la police, je sais pas, moi.
SIMONE
C'est ça, il est
fada, mais quand même.
C'est pas John Wayne.
Au loin dans la gare de triage se produit une explosion.
GÉGÈNE
Merde!
Voilà autre chose.
ROBERT joue de l’accordéon près des rails. Dans sa roulotte un homme se tient dans la porte et gueule vers ROBERT.
HOMME DE LA ROULOTTE
Mais tu vas te
tirer, connard?
T'as pas compris
que t'étais cocu?
Tire-toi ou je t'en balance
une autre sur la gueule!
ROBERT continue de jouer pendant que le véhicule de GÉGÈNE arrive tout près. SIMONE se précipite dehors.]
SIMONE
Robert! Robert,
qu'est-ce qu'il vous a fait?
JOJO
Papa!
SIMONE
Restez pas là,
ça va mal tourner!
HOMME DE LA ROULOTTE
Deuxième service!
L’HOMME de la roulotte lance un bâton de dynamite sur le sol. Les jumeaux courent éteindre la mèche. LUCIE tente de persuader son père.
LUCIE
Papa, viens!
GÉGÈNE
Salaud, c'est
des lacrymogènes!
SIMONE
Mais arrête, merde!
On y va. Ça suffit comme ça!
JOJO et LUCIE crient pendant que les jumeaux se ruent sur la roulotte et cherchent à y entrer. ROBERT continue de jouer de l’accordéon, comme dans un état second. Les fumées de la bombe lacrymogène font leur effet.
KID
Fumier!
Sac à merde!
BILLY
Bonjour, maman!
LUCIE
Mais papa, laisse-la
avec ce taré, cette conne!
Tu vaux mieux
que ça, je te jure!
GÉGÈNE
(S’étouffant)
Elle a raison,
mon vieux! Dans un mois,
elle n'aura plus que
ses yeux pour pleurer.
SIMONE
On les a déjà, les yeux
pour pleurer! Allez, viens!
De leur côté, les jumeaux balancent des poubelles sur la voiture du propriétaire de la roulotte.
BILLY et KID
CRS SS!
SIMONE
Déconnez-pas, les jumeaux!
L’HOMME de la roulotte rouvre la porte et cette fois il tient un fusil. Il tire en l’air.
SIMONE
Oh, le con!
GÉGÈNE
Ah, nom de Dieu!
LUCIE
Les jumeaux!
Les jumeaux courent vers la camionnette.
KID
Il va nous flinguer!
GÉGÈNE est déjà au volant et fait vrombir le moteur.
LUCIE
Les jumeaux, vite! Vite!
SIMONE
Dépêchez! Montez,
nom de Dieu, montez!
Les jumeaux courent et sautent à l’arrière de la camionnette par les portières arrière encore ouvertes.
L’HOMME tire un dernier coup et brise la vitre de la portière qui vient tout juste d’être fermée.
De retour à la maison, SIMONE dépose douille sur la table.
SIMONE
Et voilà où ça mène,
les bêtises.
JOJO
C'est une vraie?
GÉGÈNE
Eh bien, tu parles,
une balle à ailettes.
RITA
Oh, mais avec ça, il aurait
pu tuer quelqu'un, ce con.
SIMONE
Bien, tiens. Il s'en
est fallu d'un poil.
Heureusement que Gégène avait
sa roulotte blindée de moquette.
LULUBELLE
Qu'est-ce qu'il a fait, papa?
LUCIE
Rien, Lulu,
mange ta crème.
ROBERT
C'est de ma faute tout ça.
LUCIE
Ça...
GÉGÈNE
Oh, et on n'en
parle plus.
J'ai juste à changer
la vitre arrière, moi.
ROBERT
Elle a raison, Simone.
Elle est fada...
Croire que j'allais la ramener.
SIMONE
Bof, c'est pas
une grosse perte.
RITA
Qu'est-ce qui s'est
passé avant, Robert?
Hein?
Comment vous l'avez retrouvée?
ROBERT pleure. Il a la mine basse.
ROBERT
J'ai cherché
pendant huit jours.
RITA
Oh, huit...
ROBERT
J'ai fait toutes les
compagnies avec sa photo.
Ça les faisait
rigoler, hein.
J'ai dormir avec des clodos,
j'ai fait des kilomètres.
RITA
Piou.
ROBERT
J'ai fini par
la trouver, hein.
Puis vous avez vu, hein...
la gare de triage...
c'est pas mieux
que les glycines, hein.
SIMONE
Bon, ça, elle sera
pas dépaysée.
ROBERT
Quand j'ai frappé... chez eux,
c'est lui qui m'a ouvert.
Elle, j'ai pas
pu lui parler.
Mais, je suis sûr
qu'elle était derrière la porte,
même qu'elle lui soufflait.
SIMONE
Ah oui, ça,
c'est bien son genre.
RITA
Et mes 2000 balles, Robert?
C'était pour quoi?
Non, parce que, on a tous
cru que vous alliez
acheter un fusil
à pompe pour les...
ROBERT
Je vous demande pardon, Rita.
ROBERT sort une bague de sa poche.
RITA
Wow!
ROBERT
Je l'ai achetée
pour elle.
Elle n'a même pas
voulu la prendre.
SIMONE
A-t-on idée!
LUCIE
Elle est jolie, papa.
C'est vrai,
elle est très jolie.
RITA
Oui.
ROBERT tend la bague encore dans son écrin à RITA.
RITA
Oh là là...
(Enfilant la bague dans son majeur)
Oh, regarde, Simone.
RITA montre la bague en tenant le majeur bien droit.
RITA
C'est pile ce dont
j'ai toujours rêvé.
RITA embrasse ROBERT.
RITA
Merci. Simone, regarde.
SIMONE
Pour une fausse,
on dirait une vraie.
GÉGÈNE
Bien alors,
tout s'arrange, hein.
Bon, bien demain, on passe
aux choses sérieuses, alors.
La sonnette de la porte tinte.
LUCIE
Ah, c'est Jean-Marie!
ROBERT
(Se tournant vers SIMONE)
Qui c'est?
SIMONE marmonne quelque chose d’inaudible.
JEAN-MARIE entre dans la pièce.
JEAN-MARIE
Salut, ça va?
BILLY
Salut.
LUCIE
Papa, c'est Jean-Marie.
JEAN-MARIE
(Serrant la main de ROBERT)
Salut.
ROBERT
Hum, veuillez
excuser ma tenue.
LUCIE
(S’adressant à son père)
Euh, il devait
nous emmener
dans une boîte antillaise
avant qu'on parte.
JOJO
On peut y aller
quand même, papa?
ROBERT
Bien, si c'était prévu.
GÉGÈNE
Bon, bien alors, j'emmène tout
le monde dans la diligence.
(Parlant à RITA)
Vous aussi!
On va laisser
Simone border Robert.
Puis, de toute façon,
il doit avoir les crocs.
SIMONE
Je vais d'abord le
savonner, parce que d'ici
qu'il nous ait
ramené des puces.
RITA
Oh, Simone!
Dites-moi, Robert,
pour vous changer,
il y a tout ce qu'il
faut dans ma garde-robe.
Je n'en ai plus
besoin, Dieu merci.
Dans la boîte caribéenne, toute la famille s’amuse et danse. LUCIE danse avec JEAN-MARIE, RITA avec GÉGÈNE et les jumeaux ensemble. Même JOJO danse avec une jolie femme, la tête à la hauteur de ses seins. LULUBELLE boit un jus avec plusieurs pailles.
Dans l’appartement de RITA, SIMONE discute a ROBERT, après qu’il ait pris une douche.
SIMONE
Ça va mieux?
ROBERT
Oui.
SIMONE
Le ragout, il y a
que ça de vrai.
Au lieu de courir le ventre
vide après des Chimène.
ROBERT
Maintenant,
c'est bien fini.
J'ai mis du temps,
mais j'ai compris.
SIMONE
Eh bien, tant mieux.
ROBERT veut ramasser la vaisselle.
SIMONE
Non, non, non,
restez assis.
ROBERT
C'est une femme comme vous
qu'il m'aurait fallu, Simone.
SIMONE en échappe l’assiette qu’elle est en train de laver.
SIMONE
Ça, ça tient qu'à vous.
ROBERT
Quoi?
SIMONE saute sur ROBERT et l’embrasse.
À la fin de la soirée, GÉGÈNE ramène la marmaille à la maison. Les jumeaux sont éméchés.
GÉGÈNE
Et hop! Tout le monde au pieu.
Puis, tâchez d'être à l'heure
au studio demain,
il n'y aura qu'une séance.
BILLY
Hé! Chiche qu'on réveille
Simone et qu'on y va maintenant.
Avec la pêche qu'on a,
on torche ça en cinq minutes.
GÉGÈNE
Ouais, ouais,
va cuver d'abord,
t'es incapable d'aligner
deux accords, là.
KID
T'as tort! Trois, je peux.
RITA fait descendre les plus jeunes par l’arrière.
RITA
Allez, toi. Tsss...
(Prenant la petite LULUBELLE)
Oh, elle est chaude comme
une brioche, celle-là.
(S’adressant à GÉGÈNE)
Bon et vous, pas de panne
d'oreiller, hein.
LUCIE et JEAN-MARIE restent dans la camionnette.
KID
(S’adressant à sa sœur)
Et vous, pas de touche pipi
avant le mariage, hein?
LUCIE
Plutôt deux fois
qu'une, oui.
BILLY
Ah, jeunesse!
Et tout ça pendant
que les parents dorment.
RITA envoie des baisers à GÉGÈNE qui s’éloignent dans sa camionnette.
SIMONE et ROBERT sont endormis ensemble, nus et dans le même lit.
SIMONE
(Se réveillant)
Robert, les voilà! Lève-toi!
Lève-toi! Allez,
Robert, lève-toi!
Robert!
ROBERT dort à poings fermés. RITA entre à pas feutrés et chuchote aux jumeaux.
RITA
La porte.
SIMONE
Ah, c'est vous.
Les jumeaux sont morts de rire en voyant SIMONE tenter de s’enrouler dans une couverture.
SIMONE
Ah bien, quelle heure
il est donc?
RITA
Bien il est déjà 4 heures, hein.
SIMONE
Oh...
BILLY
Ah, purée! On s'est
bien marrés, hein.
SIMONE
Ah, bien je vois ça.
KID
Le jus d'ananas,
je t'en parle pas.
RITA
Euh...
Il est où, Robert?
ROBERT se tortille dans un drap et s’approche pendant que SIMONE tend la couverture pour lui servir de paravent.
SIMONE
Attends.
ROBERT
Oh, mais c'est toi.
SIMONE
Oui.
ROBERT
C'est quelle heure?
SIMONE
Il est 4 heures.
Bien, elle est
où Lucie?
RITA
Avec Jean-Marie.
SIMONE
Ah. Bon, bien, allez vous
coucher, parce que dans l'état
où vous êtes, c'est
pas un tube qu'on va faire,
c'est une chanson à boire.
Les jumeaux se retiennent de rire en se dirigeant vers l’autre pièce. SIMONE regarde RITA, attendant une réaction.
ROBERT
Tu veux que
je récupère le canapé?
RITA
C'est une très
bonne idée, Robert.
SIMONE
Bien, bonne nuit.
RITA
C'est ça, oui.
RITA
Merde. Dans mon lit en plus.
RITA couche LULUBELLE dans son lit.
RITA
Pauvre chérie.
KID
Ils s'excitent,
le troisième âge.
Le lendemain au studio, GÉGÈNE prépare la console pour l’enregistrement
GÉGÈNE
Bon, on va y aller.
Bon, Robert, c'était bien
le petit truc à l'intro, hein,
tu... tu changes rien,
c'est très bien.
RITA est debout juste à côté de GÉGÈNE. Ils se font des petits jeux de mains.
SIMONE
Et pour moi, ça allait?
(Voyant que personne ne répond)
Et pour moi, ça allait?
GÉGÈNE
Hein? Ah, oui, oui, non,
toi, tu changes rien!
Ah, Lucie, par contre, non,
t'oublies pas que c'est live!
Tu lâches tout.
LUCIE
Je sais, mais je suis
morte de trouille.
GÉGÈNE
Eh bien, relaxe, minou,
c'est pas le bac!
Comment tu fais, quand
tu mords Jean-Marie?
RITA glousse.
GÉGÈNE
Eh bien, tu chantes comme ça.
LUCIE
OK.
GÉGÈNE
On y va.
ROBERT joue du piano. Les jumeaux sont à la batterie et à la basse. SIMONE joue de la guitare et LUCIE chante.
LUCIE
(Chantant)
Shoot au béton
ligne de bitume
La dope télé trip HLM
Crime de sale gueule
flic aux talons
Futur taulard
ou balle perdue
Shoot au béton
ligne de bitume
La dope télé trip HLM
Overdose
J'ai ma dose
Je veux partir
Je veux sniffer de l'oxygène
Je veux partir
Je veux planer
au soleil aussi
M'éclater
Comme une bulle
en plein ciel
Voyager
Sur ta peau
si tu m'aimes aussi
Emmène-moi
Shoot au béton
ligne de bitume
La dope télé trip HLM
Crime de sale gueule
flic aux talons
Futur taulard
ou balle perdue
Shoot au béton
ligne de bitume
La dope télé trip HLM
Overdose
J'ai ma dose
Je veux partir
Je veux sniffer de l'oxygène
Je veux partir
Je veux planer
au soleil aussi
M'éclater
Comme une bulle
en plein ciel
Voyager
Sur ta peau
si tu m'aimes aussi
Emmène-moi
Je veux partir
Je veux sniffer de l'oxygène
Je veux partir
Je veux planer
au soleil aussi
M'éclater
Comme une bulle
en plein ciel
Voyager
Sur ta peau
si tu m'aimes aussi
Je veux partir
Je veux sniffer de l'oxygène
Je veux partir
Je veux planer
au soleil aussi
Plus tard chez RITA, LUCIE pleure.
RITA
Mais enfin...
Mais te bile pas, ma grande.
Hein? T'es bien
trop belle pour ça.
Allez.
SIMONE
Qu'est-ce qu'il
fabrique, Gégène?
RITA
Non, mais il va pas tarder,
Simone. Moi aussi, je l'attends.
KID
Euh, nous, on n'est pas
pressés de rentrer, hein.
SIMONE
Ouais, et bien, il y a pas
que les dimanches dans la vie.
Il faut savoir reprendre
le collier aussi, tiens
Tiens, mon petit Pierrot,
la bise. Toujours ça de fait.
SIMONE embrasse RITA ou PIERROT.
RITA
Ça m'aura fait plaisir
de vous voir, hein.
ROBERT
Bon, bien...
RITA
Et puis alors, à la noce
maintenant, hein?
BILLY
Hé, ho, avant,
il y aura le disque d'or
si Gégène nous
dégote un produc.
SIMONE
Ouais, bien rêve
pas trop, toi.
C'est déjà bien beau
qu'on ait fait une maquette.
Tiens, allez dire
merci. Allez.
Les garçons embrassent RITA.
RITA
De rien, mon grand.
Allez, de rien, mon grand.
RITA
(S’adressant à LUCIE)
Oh, tu l'embrasseras
pour moi, ton contrôleur.
Hein? Bien,
mouche-toi ma grande.
Mais à 17 ans, qu'est-ce que
c'est qu'un an à attendre?
Regarde-moi, il m'a
fallu des années
avant de rencontrer Gégène.
SIMONE
Bon, allez, en route,
vous deux.
JOJO et LULUBELLE sont encore assis devant le téléviseur.
JOJO
Attends, ils parlent
des Glycines.
SIMONE
Hein?
BILLY ET KID
Euh, c'est Omar!
SIMONE
Bien, qu'est-ce qu'il fout
dans la télé, celui-là?
OMAR
(Levant son verre)
Tchin!
RITA
C'est qui, cet Omar?
REPORTER TÉLÉ
Monsieur Ben Youssef,
vous êtes l'heureux gagnant
de la super cagnotte du loto.
SIMONE
Oh, le cocu, oh.
RITA
Bien dis donc, c'est pas
sur moi que ça tomberait.
KID
Eh bien, le voilà,
notre producteur!
OMAR
Parce qu'ici, il faut s'y
faire, ça fait 22 fois
qu'on m'a cambriolé mon tabac.
BILLY ET KID
23.
Sans compter les bagarres,
il y a pas 15 jours,
on m'a démoli tout le tabac
pour une histoire de fesses.
C'est des sauvages, vous savez.
REPORTER TÉLÉ
Qu'allez-vous faire
de tout cet argent,
vous allez quitter les Glycines?
OMAR
Un peu que je me tire.
Et pas plus
tard que ce soir.
SIMONE
Tu parles!
OMAR
Je ferme le bistrot et je
m'achète un hôtel à Honolulu!
Tout blanc,
avec des cocotiers.
Un grand hôtel!
Avec au moins
deux étoiles.
Pendant qu’OMAR parle, ROBERT fouille son porte-monnaie. Il devient tout pâle.
OMAR
Tchin!
ROBERT
C'est mon loto.
SIMONE
Qu'est-ce que tu dis?
ROBERT
Le milliard...
SIMONE
Quoi?
ROBERT
Le loto, c'est
à moi le milliard.
La grille, je l'ai posée sur
le bar juste avant la bagarre.
C'est facile à vérifier...
Le numéro, c'est leurs
dates de naissance.
RITA
Mais qu'est-ce
qu'il raconte?
LUCIE
C'est pas vrai?
ROBERT
C'est ma grille.
Lui, il joue jamais.
SIMONE
Oh, le con.
Oh, le con!
Dehors, GÉGÈNE attend près de sa camionnette. RITA et SIMONE débarquent avec les autres et poussent GÉGÈNE vers sa camionnette.
SIMONE
Ah, te voilà, toi!
GÉGÈNE
Mais qu'est-ce qu'il y a?
Il y a pas le feu!
SIMONE
Mais si, justement!
GÉGÈNE
Non, mais qu'est-ce
qui se passe?
RITA
Prend le volant et fonce!
GÉGÈNE
Mais qu'est-ce qui se passe?
SIMONE
C'est une question de vie
ou de mort! Alors, grimpe!
Mais grimpe, nom de Dieu!
GÉGÈNE
Non, mais qu'est-ce
qu'il y a?
(Se tournant vers RITA qui monte aussi)
Hé, qu'est-ce qui
se passe, enfin?
RITA
Oh, mais ta gueule, avance!
La camionnette prend la route.
RITA
Gégène, plus vite, bordel
de merde, on y sera jamais.
SIMONE
Je croyais qu'on arriverait
avant le TGV avec ta chignole.
GÉGÈNE
Euh, je suis à fond,
hein, je suis à fond.
BILLY
Ça, il va pas
nous attendre, Omar.
LUCIE
Tais-toi,
j'en suis malade.
Et Jean-Marie qui doit
me chercher dans le train.
KID
Avec tout ça,
on a complètement
oublié la grand-mère.
BILLY
C'est vrai, ça. Qu'est-ce
qu'ils ont pu en faire?
JOJO
Te casse pas, ils ont dû
la mettre dans le formol.
SIMONE
On parle pas comme ça de
sa grand-mère qui est morte.
ROBERT
C'est ma faute.
J'ai posé mon loto
sur le bar et puis...
SIMONE
Tu sais que si on arrive
trop tard, je divorce, hein.
La camionnette arrive aux Glycines.
CLIENT
Salut, le milliardaire.
OMAR, qui est en train de verrouiller la porte vitrée de son bar, voit arriver toute la smala. Il panique et se dépêche d’aller se cacher.
SIMONE
Omar, on t'a vu!
KID
Oh, le salaud, il a bouclé.
BILLY
Il est planqué
derrière le bar!
SIMONE
Ouvre, mon cochon,
on sait que t'es là!
LUCIE
Salaud!
ROBERT
Omar! C'est Robert,
allez, ouvre.
GÉGÈNE
Tu parles qu'il va ouvrir.
SIMONE
T'as pas le droit, c'est
le loto à Robert que t'as volé!
RITA
Enculé!
LUCIE
C'est pas vrai!
Salaud, voleur!
LULUBELLE
Pourquoi tu casses
pas la porte?
ROBERT court et se met derrière le volant de la camionnette. Il fonce tout droit dans la vitrine du bar.
ROBERT
Barrez-vous! Barrez-vous!
OMAR voit la voiture arriver et se recache derrière son bar.
SIMONE
Robert!
La famille se précipite vers le bar.
BILLY
Oh, merde!
ROBERT enjambe le bar.
OMAR
Attends, attends, Robert.
ROBERT
Après! D'abord,
je te tue!
SIMONE
Ça va, Robert,
t'es pas coupé au moins?
ROBERT
Ta gueule, toi!
OMAR
T'avais disparu!
Je l'avais touché pour toi.
ROBERT
Tu l'avais touché pour moi?
Je te jure que je savais
pas que c'était ton loto.
LUCIE
Menteur! T'étais bien placé
pour les connaître, les numéros!
OMAR
Justement, c'est les dates
des jumeaux qui ont gagné.
T'as pas le droit de tuer
le... le père de tes enfants.
SIMONE
Il a raison, arrêtez
vos conneries, merde!
GÉGÈNE
(Parlant de sa camionnette)
Hé, il a pris un pet, là.
JOJO
Où ça?
OMAR
D'autant que, sans moi,
(Pointant les jumeaux)
t'aurais jamais
gagné ce milliard.
ROBERT
Nom de Dieu!
ROBERT saute sur OMAR.
SIMONE
Mais arrêtez!
GÉGÈNE regarde sa camionnette amochée.
GÉGÈNE
T'inquiète pas,
je te réparerai ça,
j'ai bossé dans un garage.
SIMONE
Omar, lâche ça!
Séparez-vous!
OMAR
Oh, pardon, Simone.
Mes lunettes!
Dans un cimetière, un curé fait une prière pendant qu’un enfant de chœur se décrotte le nez.
PRÊTRE
Nous aussi, comme Marie,
nous accompagnons un être
cher qui vient de mourir
et nous nous tournons ensemble
vers Dieu pour implorer.
Seigneur,
accorde ta miséricorde à celle
qui, chaque jour de sa vie,
t'a rendu grâce dans
l'espérance et dans la foi.
OMAR renifle tout autour de lui. SIMONE et ROBERT sont tirés à quatre épingles et semblent attendre le prêtre.
PRÊTRE
À celle qui nous a aimés
comme nous l'avons aimée.
OMAR
(Reniflant vers la tombe)
Hé, ça sent
encore le formol.
PRÊTRE
À celle qui t'a aimé,
Seigneur, comme tu l'as aimée.
OMAR
Hé, dis donc, ça a dû
te coûter la peau
des fesses, tout ça.
Parce que t'en as
récupéré de la vieille.
ROBERT
Je te dis pas, hein.
On n'a pas lésiné non plus
pour ta façade, hein.
PRÊTRE
N'est-ce pas?
Après les peines et les larmes
qui ont obscurci ses yeux...
LUCIE est avec son JEAN-MARIE.
LUCIE
Il est quelle heure là-bas?
JEAN-MARIE
Midi.
SIMONE
Chut!
PRÊTRE
Après la joie et l'amour
qui ont illuminé sa vie...
BILLY
(S’adressant à LUCIE)
Elle est comment,
l'eau, là-bas?
PRÊTRE
Accorde-lui, Seigneur...
KID
Tiède.
JOJO
Combien de temps
il met, l'avion?
JEAN-MARIE
Sept heures
SIMONE
C'est tout?
PRÊTRE
Accorde-lui, Seigneur,
de contempler ton visage.
ROBERT
On vit une époque
formidable.
PRÊTRE
Après le péché...
le péché qui a terni son regard,
accorde-lui, Seigneur,
de contempler ton visage.
Amen.
Le prêtre tend un maillet à la petite pour qu’elle asperge a tombe d’eau bénite. Un klaxon au loin résonne.
JOJO
Hé, c'est Gégène!
Tous se mettent à courir vers la camionnette, oubliant le reste de la cérémonie funèbre.
PRÊTRE
(Courant derrière les enfants de chœur)
Les tombes!
Pas sur les tombes!
Nom de... Ah, là, là!
GÉGÈNE donne la maquette aux jumeaux.
BILLY
Ah, c'est super!
ROBERT
Où sont les gosses?
OMAR
Ils sont là, tes fils. Tiens,
il y en a un là, puis un là.
GÉGÈNE
T'aurais pas pu aller
plus vite, hein, ils sont
encore tout chauds.
C'est super.
LUCIE
On me voit pas
beaucoup, quand même.
KID
Oh, arrête,
t'es en plein milieu.
JOJO
Et toi, t'es à côté
de Billy avec la batterie.
GÉGÈNE
(Remontant dans la camionnette)
Allez, vous écouterez
ça sous les cocotiers.
On est à la bourre!
RITA
Bon, les valises sont déjà
dedans. Hé, magnez-vous!
OMAR distribue des disques de la Smala.
OMAR
Tiens, tiens, tiens.
Hé, monsieur le curé,
les deux jumeaux, là,
c'est eux qui ont fait
le disque. C'est mes fils!
RITA
Omar!
OMAR
Bientôt, on va
les voir chez Drucker.
Allah est grand!
Allah est grand!
PRÊTRE
(Reprenant les disques aux enfants de choeur)
Donnez-moi ça, donnez-moi ça!
Qu'est-ce que c'est que ça?
Pas de ça ici!
SIMONE
Hé, Robert, embrasse-moi.
ROBERT
Non, plus tard, on n'a
pas le temps. Et hop!
PRÊTRE
Ah, elle est jolie,
la France.
La camionnette démarre.
Un tampon postal sur une carte est identifié: Pointe à Pitre, Guadeloupe.
VOIX DE LUCIE
(Chantant)
partir
Je veux sniffer de l'oxygène
Je veux partir
Je veux planer
au soleil aussi
M'éclater
Comme une bulle
en plein ciel
Voyager
Sur ta peau
si tu m'aimes aussi
Emmène-moi
Shoot au béton
ligne de bitume
La dope télé trip HLM
Crime de sale gueule
flics aux talons
Futur taulard
ou balle perdue
Shoot au béton
ligne de bitume
La dope télé trip HLM
Overdose
J'ai ma dose
Je veux partir
Je veux sniffer de l'oxygène
Je veux partir
Je veux planer
au soleil aussi
M'éclater
Comme une bulle
en plein ciel
Voyager
Sur ta peau
si tu m'aimes aussi
Emmène-moi
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