

La Petite Mosquée dans la prairie
La Petite Mosquée dans la prairie décrit avec humour le quotidien d´une communauté musulmane dans le Saskatchewan.
Vidéo transcription
Opération portes ouvertes
Amaar propose une opération portes ouvertes afin d’améliorer l’image de la communauté musulmane à Mercy. Une idée diversement reçue : Yasir y voit un afflux de clients potentiels, Baber ne veut pas de «croisés» dans sa mosquée et Rayyan compte bien apporter sa contribution active en tant que femme…
Année de production: 2007
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La lampe qui allume l'entrée de la mosquée de la petite ville de Mercy clignote pendant la nuit. Le lendemain à la station de radio, l'indicatif musical de l'émission de Fred annonce le début de son émission. Dans le studio, Fred parle au micro.
VOIX MASCULINE
♪ Fred Tupper ♪
FRED
Et vous écoutez
Réveille-toi bon peuple.
Chers amis, tout le monde
sait que Freddy Tupper
a tout fait pour avoir une bonne
opinion de vous musulmans,
mais ça ne veut pas dire
tout se permettre.
Saviez-vous que les lumières
de la mosquée de Mercy
clignotent sans arrêt
toute la nuit?
Est-ce qu'ils envoient
une espèce de signal secret?
Attention, je ne dis pas ça
parce que je verse
dans la parano.
Mais combien de temps
va-t-il se passer
avant que tous ici,
on parle musulman?
Ouvrez bien l'oeil.
YASIR est dans son bureau dans les locaux contigus à la mosquée. Il écoute l'émission de Fred pendant qu'il est au téléphone. AMAAR, l'imam, entre dans le bureau.
FRED
(Parlant à la radio)
Ne baissez pas votre garde.
Et réveille-toi, bon peuple.
CLIENTE AU TÉLÉPHONE
C'est sûr?
FRED
(Parlant à la radio)
Il est temps de réagir.
YASIR
Oui, oui, oui, Mme Birchwood.
Bien sûr, merci.
AMAAR
(Pointant le poste de radio en s'adressant à YASIR)
Vous entendez ça?
YASIR
Hein? Ah, oui, oui.
Jolie musique.
AMAAR
Non!
Fred Tupper!
Il répand sa haine
et il parle des lumières
qui clignotent.
Et c'est une raison de plus
pour que vous répariez
l'installation.
YASIR
C'est en tête de mes urgences...
pour la semaine prochaine.
AMAAR
Je voudrais que ça passe en tête
de vos urgences déjà réglées.
YASIR
Alors, considérez
que c'est déjà réglé!
Mais d'abord, il faut que je
voie un client très important.
AMAAR
Attendez, avant de partir,
j'envisageais
de faire une opération
portes ouvertes
la semaine prochaine.
Et j'aurais besoin de votre aide.
YASIR
J'ai dit que j'étais libre?
AMAAR
Pas encore. En fait...
YASIR
C'est parce que
je ne le suis pas.
AMAAR
Ça ne vous intéresse
pas d'améliorer un peu
l'image de la communauté
musulmane?
YASIR
Bien sûr que si...
Oui, mais pendant mes vacances.
AMAAR
Ça ne vous intéresse pas
de pouvoir rassembler les gens?
YASIR
Ce sera génial
comme passe-temps,
mais une fois à la retraite.
AMAAR
Hé! Ça ne vous intéresse pas
de rencontrer des clients
potentiels pour votre affaire?
YASIR
Comme je vous le disais,
j'ai beaucoup de temps libre
pour votre opération
portes ouvertes.
Qu'est-ce que je peux faire?
Un grésillement accompagne le clignotement des lampes à l'intérieur de la mosquée. AMAAR lève les yeux au ciel.
YASIR
Je répare l'électricité.
Titre :
La petite mosquée dans la prairie
AMAAR rend visite à la mairesse de Mercy. SARAH et ANN le reçoivent à la mairie.
SARAH
Alors, quand pensez-vous faire
ces portes ouvertes?
AMAAR
Aussi vite que possible.
ANN
Ça pourrait être
un grand coup de pub.
Et vous savez ce que je pense
des coups de pub.
SARAH ET ANN
Bravo, les coups de pub!
SARAH s'assoit sur le fauteuil de la mairesse.
ANN
Il faut que
je m'absente souvent...
ANN jette un regard désapprobateur à SARAH.
SARAH
Oh, je suis désolée.
ANN
... de la ville
au milieu du mois.
Alors, dimanche, non?
AMAAR
(Regardant son agenda)
Euh... Parfait.
SARAH
La célébration
de la diversité.
AMAAR
Ce sera le slogan
de l'affiche!
ANN
Ce ne sera pas un
de ces banquets multiculturels
avec de longs discours
et de mauvaises attractions.
Sans vous vexer.
AMAAR
J'annule la balade en chameau.
ANN
La balade en...?
SARAH
Il plaisante.
ANN
Je sais.
AMAAR
Je vais rassembler les idées
de tous et fondre le tout
dans ma présentation
de dix minutes.
ANN
Oh, je peux glisser
les brochures
sur mes projets d'imposition?
AMAAR
Je ne vois pas
ce que les impôts
viennent faire avec l'islam.
ANN
En y repensant, je vais avoir
beaucoup de difficulté...
pour ce dimanche!
AMAAR
En y repensant,
les enfants adorent
les brochures sur les impôts.
ANN
Vous auriez fait
un bon politicien.
SARAH
(Chuchotant en direction de AMAAR)
C'est parfait.
AMAAR
Oui.
YASIR est avec un client, M. BIRCHWOOD, dans son bureau.
M. BIRCHWOOD
J'aime bien ce travail
que vous avez fait
dans notre salon, Yasir.
YASIR
Ma devise, c'est: «Toujours
faire ce qu'il y a de mieux.»
M. BIRCHWOOD
Je croyais que c'était:
«Fabriquer pas cher»?
YASIR
C'est que je n'ai de la place
que pour une seule devise
sur mon camion.
M. BIRCHWOOD
Il y a juste un problème:
l'éclairage.
Il est un peu trop... moderne.
YASIR
Je pourrais utiliser
des trucs vieillots
parce que je garde tout.
Mais si Mme Birchwood
veut des prises différentes,
il y a aucun problème,
ça ne coûtera rien.
M. BIRCHWOOD
Qu'est-ce qu'elle a,
votre lumière?
YASIR
J'ai dit à mes électriciens de
réparer ça aussi vite que possible.
Quand ils auront fini chez vous.
M. BIRCHWOOD
Voilà ce que j'aime entendre!
Bon, madame veut
une atmosphère plus chaude.
Elle a vu quelque chose
dans un hôtel en Provence et-
YASIR
Quelle province?
Manitoba ou Saskatchewan?
M. BIRCHWOOD
(Riant faussement)
Vous êtes un marrant.
J'aime ça.
La Provence en France.
YASIR
Les importations en provenance
d'Europe coûtent une fortune.
M. BIRCHWOOD
Un coup de chance que vous
acceptiez de payer la différence.
YASIR
Oui, c'est ce que
j'ai dit, c'est vrai.
M. BIRCHWOOD
Oui, c'est vrai.
Encore autre chose.
Toute l'installation doit être
absolument faite pour dimanche,
l'anniversaire de ma femme.
YASIR
Celui-ci?
M. BIRCHWOOD
Je suppose que ce
n'est pas un problème?
YASIR
Deux fois plus de temps
qu'il ne m'en faut.
M. BIRCHWOOD
Donnez-moi donc des cartes,
je les donnerai aux clients.
YASIR
Le country-club?
M. BIRCHWOOD
Hum-hum.
YASIR
Ne les gaspillez pas
avec les caddys.
M. BIRCHWOOD
Hum, ne vous en faites pas,
je ne parle jamais aux caddys.
À l'heure de la prière, BABER discute avec FATIMA et SARAH.
BABER
Une mosquée n'est pas
une attraction touristique.
Je n'aiderai pas
l'opération portes ouvertes.
SARAH
Tu veux pas aider la lutte
contre l'ignorance et la haine?
BABER
Oh, je l'aiderais bien sûr,
si la population blanche
n'était pas si ignorante et
haineuse.
RAYYAN se joint au groupe.
FATIMA
Mais, les gens ont peur des choses
qu'ils ne comprennent pas.
RAYYAN
C'est très juste. C'est pour
ça que j'ai peur de ma mère.
BABER
Tous ces étrangers
qui vont débarquer.
On va avoir besoin
de service de sécurité,
de détecteurs de métaux et puis
des chiens pour renifler-
SARAH
Mais c'est du délire.
AMAAR et YASIR s'arrêtent pour écouter la discussion.
AMAAR
D'accord, si vous avez peur
pour votre sécurité,
vous n'avez qu'à rester
à la maison dimanche.
YASIR
Ce dimanche-là?
Ah, non, non, non,
c'est impossible.
J'ai dit que je réparerais
les lumières avant l'opération
portes ouvertes. J'ai promis.
AMAAR
Et...?
YASIR
Deux fois plus de temps
qu'il ne m'en faut.
Les femmes sortent de la mosquée après la prière.
SARAH
(S'adressant à RAYYAN)
Tu seras rentrée pour dîner?
RAYYAN
Sûrement. Que prépares-tu?
SARAH
Du couscous, du poulet
au curry, des légumes grillés.
RAYYAN
Maman! Tu deviens
enfin ambitieuse.
Bien, dans ce cas,
je serai certainement là.
Je vais chercher mon sac.
SARAH
D'accord.
(S'adressant à FATIMA)
Tu auras tout préparé
pour moins le quart, n'est-ce pas?
FATIMA
Oui, bien sûr.
SARAH
Bien.
SARAH s'éloigne vers l'extérieur pendant que RAYYAN revient dans le vestibule.
RAYYAN
(S'adressant à FATIMA)
Rassure-moi,
c'est toi qui cuisines?
FATIMA
Ah oui, bien sûr.
RAYYAN
Merci, mon Dieu.
Dans le bureau de YASIR, AMAAR tente de convaincre BABER.
AMAAR
Vous devenez paranoïaque.
Il n'y aura pas d'incident
pendant l'opération
portes ouvertes.
BABER
Ah ça, il n'y aura pas
d'incident.
Il y aura même rien du tout
s'il ne répare pas les lumières.
AMAAR
Il en a fait la promesse.
BABER
Les promesses ne représentent
rien pour lui.
YASIR
Mes promesses représentent
tout pour moi.
J'ai promis de trouver
une mosquée pour le ramadan,
j'ai en trouvé une.
J'ai promis de trouver
un imam qui travaillerait
pour presque rien-
AMAAR
Dites-nous juste quand
les lumières seront réparées.
YASIR
Je vais les réparer.
Les lumières clignotent en grésillant.
AMAAR
Vous n'arrêtez pas de dire
que vous allez les réparer.
YASIR
Oui, mais je vais vraiment
les réparer.
AMAAR
Ces problèmes d'électricité
me rendent fou.
J'ai l'impression d'être
dans le couloir de la mort.
Soudain tout devient noir. Les plombs ont sauté.
YASIR
Ce sera pas
la chaise électrique.
YASIR travaille dans la boîte électrique, équipé d'une lampe frontale. AMAAR le rejoint.
AMAAR
Yasir!
Dérangé par AMAAR, YASIR accroche un fil et un éclair sort de la boîte électrique.
AMAAR
Vous n'y connaissez
strictement rien.
Quel genre d'entrepreneur
êtes-vous donc?
YASIR
Je suis un excellent entrepreneur.
Et en tant qu'excellent
entrepreneur, je peux dire
que je ne m'engagerais jamais
pour réparer ces fils.
AMAAR
Faites venir un
de vos électriciens ici.
C'est pour ça que vous avez
ce bureau gratuit.
YASIR
C'est la première
de mes priorités.
AMAAR
Alors, ça devrait être...
La sonnerie du téléphone de YASIR interrompt la conversation. YASIR tend ses outils à AMAAR pour prendre l'appel.
AMAAR
(Prenant les outils)
Bien sûr.
YASIR
Oui? Entreprise Hamoudi?
Mme Birchwood.
Comment allez-vous?
AMAAR
(Pour lui-même)
Non, mais je rêve?
YASIR
(S'éloignant)
Oui, j'arrive tout de suite.
Plus tard, AMAAR est dans son bureau et regarde l'affiche publicitaire pour la journée portes ouvertes de la mosquée.
RAYYAN
(Frappant en entrant dans le bureau de AMAAR)
Assalamu alaykoum.
AMAAR
Alaykoum salam.
AMAAR montre l'affiche publicitaire pour annoncer la journée portes ouvertes.
AMAAR
Pas mal, vous ne trouvez pas?
RAYYAN
Magnifique.
C'est pour ça que je suis là.
Je veux pas que les gens
repartent après cette opération,
en pensant que l'islam
traite les femmes
comme des citoyennes
de seconde zone.
AMAAR
Complètement d'accord. Et
j'aimerais votre contribution.
Je crois que vous avez une façon
unique d'aborder le sujet.
RAYYAN
Unique? C'est vrai?
AMAAR
Mais oui. Je suis persuadé
que les gens vont être surpris
de découvrir
une féministe musulmane.
RAYYAN
Les gens ne pourront pas
le croire.
C'est comme trouver
un... un Torontois amical.
Ils voient le foulard
et ils pensent oppression.
AMAAR
Ils ne peuvent pas
se l'enlever de la tête.
RAYYAN
Vous avez vraiment
besoin d'un coup de main.
AMAAR
Oui.
En ville, FATIMA épingle l'affiche dans son restaurant.
AMAAR
Merci de nous aider à parler
des portes ouvertes.
FATIMA
C'est le moins
que je puisse faire...
pour un client qui paie.
AMAAR
Oh, bien sûr.
(S'assoyant)
Je voudrais une assiette de frites.
Vous devez avoir
des tonnes d'informations
sur l'influence de l'islam
en Afrique.
FATIMA
Oui, mais d'un point
de vue purement africain,
vous n'entendez parler que
de la position du missionnaire.
AMAAR rit, mais FATIMA ne se rend pas compte de ses propos.
FATIMA
Quoi?
AMAAR
On oublie.
FATIMA
Les hommes...
De retour à la mosquée, BABER et quelques autres bénévoles travaillent pour aménager les lieux.
AMAAR
Ça a l'air bien.
BABER
Amaar, mon frère, j'ai pensé
qu'on pourrait apprendre
un peu d'arabe à ces infidèles.
AMAAR
Avant les portes ouvertes
de dimanche,
vous pourriez trouver un
meilleur mot que «infidèles»?
BABER
Vous préférez «athées»?
AMAAR
Non.
BABER
Les croisés?
AMAAR
Non.
BABER
Les sans foi?
AMAAR
Cherchez encore.
BABER
D'accord. Je vais
trouver quelque chose.
Que pensez-vous de ça?
Le minbar sera le pupitre.
Et puis peut-être un grand
écriteau Masjid égale mosquée.
AMAAR
Chouette. C'est comme dans
Rue Sésame.
Aujourd'hui, Kermit vous
raconte l'histoire du prophète.
BABER
Ça me fait penser:
vous avez le détecteur
de métal ou pas?
AMAAR
Arrêtez ce numéro de paranoïa
ou passez à la radio.
BABER
Ça y est, j'ai le mot.
Les barbares!
AMAAR hoche la tête, découragé.
Le RÉVÉREND MCGEE joue à un jeu vidéo dans son bureau. AMAAR le surprend à jouer à un jeu de guerre.
VOIX DE GUERRIER
Debout et bats-toi, l'humain!
RÉVÉREND MCGEE
Un de mes derniers péchés
véniels, j'en ai bien peur.
AMAAR
En tout cas, il y a
de l'électricité.
RÉVÉREND MCGEE
Yasir était au courant
des problèmes électriques
quand il a signé. Il a dit
qu'il allait réparer.
AMAAR
Il va le faire
pour les portes ouvertes.
Je suis juste venu ici
inviter votre congrégation
à se joindre à nous dimanche.
RÉVÉREND MCGEE
Ah. Oui. Euh...
Oui, oui, oui. J'ai bien peur
que plusieurs de mes ouailles
soient quelque peu gênées
par la présence de la mosquée
dans leur voisinage.
Fred Tupper fait
trop monter la sauce.
AMAAR
Hum. À propos de sauce, c'est
Fatima qui fera la cuisine.
RÉVÉREND MCGEE
Oh! Bon, ça attirera
le troisième âge,
à condition de servir
le dîner avant 4h30.
AMAAR
Génial.
Le personnage du jeu vidéo émet un rire sadique.
AMAAR
Bon, je vous laisse
retourner à votre...
péché véniel.
RÉVÉREND MCGEE
Oh, c'est une pure distraction.
Je ne m'y consacre pas
sérieusement.
VOIX DE GUERRIER
Bats-toi, lamentable humain!
RÉVÉREND MCGEE
Crève, pourriture d'alien!
De retour à la mosquée, les préparatifs vont bon train.
RAYYAN
Voilà.
J'ai trouvé celle-là
à la clinique:
«Pourquoi est-ce que vous,
les musulmanes,
vous priez tout le temps?» Hum?
BABER
D'accord. Que pensez-vous
de ça, hum?
En fait, mon brave ami blanchâtre,
je vais vous expliquer:
dans la prière,
tous les muscles et tous les os
de votre corps
rejoignent l'esprit et l'âme,
dans la gloire et la vénération
d'Allah!
RAYYAN
Non. Ça paraîtrait
trop bizarre
pour nos visiteurs chrétiens.
BABER
Bizarre? Ils boivent
le sang de Jésus, voyons.
AMAAR
Baber, je vous en prie,
ne parlez pas de choses
que vous ne pouvez pas
comprendre.
RAYYAN
Dans ce cas,
il ne dirait jamais rien.
FATIMA
Amaar, vous pouvez nous aider?
Nous répétons nos sermons
pour les portes ouvertes.
AMAAR
Des sermons? Vous n'avez pas
à faire de sermons.
C'est le travail d'un imam
d'expliquer les choses.
RAYYAN
Donc, on a pas à encombrer nos
jolies petites têtes avec ça.
AMAAR
La tête de Baber
n'est pas très jolie. Oui.
RAYYAN
Mais que savez-vous
des femmes musulmanes?
FATIMA
Oui, ou des femmes musulmanes noires?
BABER
Ou des hommes musulmans?
Il ne porte même pas la barbe.
Si j'ai pas besoin
de parler, j'abandonne.
Je savais que c'était
une mauvaise idée.
FATIMA
Je marche avec Baber.
Nous... Quel est le mot déjà?
BABER
Boycottons.
FATIMA
J'allais dire qu'on balançait
tout, mais oui, on va boycotter.
AMAAR
Je crois qu'il ne reste plus
que vous et moi.
FATIMA
Cette fois, frère Amaar,
vous n'avez qu'à moitié raison.
AMAAR se retrouve seul dans la mosquée.
ANN et SARAH sont dans le bureau de la mairie. À la radio, FRED fait des commentaires.
FRED
(Parlant à la radio)
Et dois-je vous rappeler,
chers amis,
que notre illustre
«belle-maire»,
Conrad Popowicz,
s'est encore fait rouler
dans la farine par son cerbère
en relations publiques,
Sarah Hamoudi.
Remarquez la consonance
musulmane.
ANN
«La belle-maire»?
Qui a osé écrire ce texte?
SARAH
Oh, laissez tomber.
Il m'appelle Florence d'Arabie.
ANN
Il faut arrêter cet abruti.
SARAH
Oui.
FRED
Bien, nos amis musulmans font
une journée portes ouvertes.
Je suppose que
les kamikazes vont vendre
des gâteaux de dattes
et les enfants vont
se balancer des grenades.
SARAH ferme le poste de radio.
SARAH
Vous, vous devriez aller
à son émission.
ANN
Vous savez ce qui serait
encore mieux?
SARAH
Une flèche empoisonnée?
ANN
Vous avez de la répartie,
allez-y.
SARAH
Moi?
ANN
Trouillarde!
SARAH
Non.
Si.
Non. Je m'en occupe.
ANN
Bon, mais...
commandez des flèches
empoisonnées pour l'achever.
AMAAR est assis dans le bureau du RÉVÉREND MCGEE.
AMAAR
Maintenant, ils vont
tous boycotter
les portes ouvertes
parce que je ne
les laisse pas parler.
RÉVÉREND MCGEE
Si vous ne vouliez pas
qu'ils parlent, où ont-ils eu
l'idée qu'ils allaient
faire des sermons?
AMAAR
Aucune idée. Sûrement de moi.
Écoutez, j'ai été avocat.
Je suis pas toujours
génial avec mon prochain.
Qu'est-ce que je dois faire?
RÉVÉREND MCGEE
Vous pourriez commencer
par supplier.
AMAAR
Vous croyez?
RÉVÉREND MCGEE
Une belle tradition
ancestrale des chrétiens.
Les musulmans
ne supplient jamais?
AMAAR
Oh, on est très forts pour ça.
On implore le pardon d'Allah
à longueur de temps.
Pour les gens, je ne sais pas
trop comment faire.
Comment je procède?
RÉVÉREND MCGEE
Comme un homme.
Rampez.
YASIR règle des problèmes depuis son bureau, au téléphone.
YASIR
Oui. Oui, Mme Birchwood. Vous
parlez d'une lumière plus...
MME BIRCHWOOD
(Parlant au téléphone)
Plus chaude.
YASIR
Oui, mais votre mari voulait
un style provençal.
Alors, je me demande où je peux
aller chercher une idée...
MME BIRCHWOOD
En Italie.
YASIR
En Italie. Oui, oui, oui.
J'adore l'Italie.
Oui, oui. Je vous assure que
vous aurez tous les électriciens
de la ville chez vous
dans une heure.
MME BIRCHWOOD
C'est trop long.
YASIR
Oui, dans une demi-heure.
MME BIRCHWOOD
Au revoir.
YASIR
Merci. Oui, oui.
SARAH entre dans le bureau avec un paquet.
YASIR
Pourquoi les femmes ne savent
pas prendre de décisions?
SARAH
Je n'en ai aucune idée.
(Sortant des vêtements de son paquet)
Alors, qu'est-ce que je dois porter
pour l'émission de Fred?
YASIR
Et tu as fait du shopping.
J'adore celle qui est
la moins chère.
SARAH
Celle-là me donne
l'air plus futé
et celle-là est plus coquine.
Qu'en dis-tu?
J'arrive pas à décider.
YASIR
C'est de la radio. Personne
ne verra ce que tu portes.
SARAH
Fred le verra. Cette larve.
YASIR
C'est très important d'être
à son avantage quand
on va voir une larve.
SARAH
Tu ne comprends rien.
AMAAR arrive à son tour dans le bureau de YASIR.
AMAAR
Je suis content que vous soyez
là. Nous avons une crise.
SARAH
D'accord. Laquelle?
(Montrant les vêtements)
La futée, la coquine?
AMAAR
Chacune a sa forme de vanité,
donc il est difficile
de choisir.
SARAH
Je vous en prie.
Moins imam et plus Armani.
AMAAR
C'est pour quoi en fait?
SARAH
Je vais à l'émission de Fred.
AMAAR
Ah, dans ce cas,
j'irais plutôt pour
un gilet pare-balles.
(S'adressant à YASIR)
Nous avons un problème
avec les portes ouvertes.
YASIR
On sait, on sait.
Bon, Sarah va s'en occuper.
Je te dépose, chérie?
YASIR et SARAH sortent du bureau.
AMAAR
Sarah va s'occuper de quoi?
SARAH est à la radio locale avec FRED.
FRED
Alors, Mme Hamoudi, pourquoi
le bureau du maire est-il
si désireux de se mettre au lit
avec des terroristes?
SARAH
Vous croyez réellement
que tous les musulmans
sont des terroristes?
FRED
Et vous, vous dites qu'aucun
musulman n'est terroriste?
SARAH
Vous savez très bien
que non, mais--
FRED
Mais vous êtes
le porte-parole de la maire
et votre mari est un
arabe libanais musulman.
Coïncidence?
SARAH
Oui.
Vous savez qui est
Angus Birchwood, hein?
FRED
Un des citoyens le plus
respectés de cette ville.
SARAH
C'est un homme intelligent.
FRED
Bien entendu.
Quoi? Non, non, non.
Vous me pousserez pas
à dire du mal de M. Birchwood.
SARAH
Est-ce qu'il engagerait
un terroriste?
FRED
Bien sûr que non.
SARAH
Eh bien, mon mari,
un musulman, fait
des travaux dans sa maison.
CQFD: ce n'est pas
un terroriste.
FRED
Vous vous prenez pour la plus
maligne des poulettes, hein?
SARAH
C'est la robe, oui.
FRED
Et j'ai l'oeil sur vous tous.
Mercy a le droit
d'être informée.
SARAH
Oui, bien sûr.
Alors, je vous demande
de venir aux portes ouvertes
et vous verrez.
FRED
Ne vous adressez pas
à mes auditeurs.
SARAH
Ne laissez pas
cet homme vous mentir.
Réveillez-vous, bon peuple!
FRED
Attention, c'est mon titre
et je l'ai déposé. C'est:
Réveille-toi, bon peuple.
SARAH
(Imitant FRED)
Réveille-toi, bon peuple.
AMAAR entre au restaurant de FATIMA où BABER et RAYYAN prennent un thé au comptoir.
AMAAR
Assalamu alaykoum.
TOUS
Alaykoum salam.
SARAH
Je suis heureux que vous soyez
tous là. J'ai quelque chose
d'important à dire.
RAYYAN
J'allais m'en aller.
BABER
Moi aussi.
FATIMA
Il faut que j'aille vérifier
ma soupe.
AMAAR
S'il vous plaît, attendez.
Je sais que vous êtes
fâchés après moi,
parce que je refuse de vous laisser
parler aux portes ouvertes.
RAYYAN
Je choisis:
énoncer une évidence.
C'est mon dernier mot,
Jean-Pierre.
BABER
Vous voulez enfoncer
le couteau dans la plaie?
AMAAR
Non, au cours
du sermon de vendredi,
c'est mon rôle de parler
au nom de toute la congrégation.
Mais pour dimanche,
j'ai besoin de vous.
Vous voulez que je vous supplie?
TOUS
Hum-hum.
AMAAR
S'il vous plaît,
je vous en supplie.
Vous devez mettre fin
à cette idiotie.
BABER
Maintenant, on est des idiots.
AMAAR
Faites pas ça.
J'ai besoin de votre aide.
S'il vous plaît, pardonnez-moi.
RAYYAN
Amaar, arrêtez
de ramper comme ça.
C'est pas sexy du tout.
Mais étrangement satisfaisant.
AMAAR
Donc, le boycott est mort?
RAYYAN
D'accord.
FATIMA
Oui.
La journée portes ouvertes commence. Des membres de la communauté arrivent avec des spécialités culinaires. YASIR teste les interrupteurs électriques. BABER rend grâce.
BABER
Ah! Abdul Illah
C'est fabuleux,
la lumière est enfin réparée.
J'aurais cru qu'ils trouveraient
Ben Laden avant.
AMAAR
Votre électricien a fait
un bon travail, Yasir.
Merci d'avoir réparé
les lumières.
YASIR
Mais de rien.
AMAAR
Baber...
YASIR vérifie encore les lumières, sachant qu'il n'a envoyé personne.
BABER
Qu'est-ce qu'il y a? Hé!
Ça suffit! Tu vas me faire
avoir une attaque.
YASIR accueille ANN, la mairesse.
YASIR
Comment ça va,
madame le maire?
ANN
(S'adressant à AMAAR)
Où voulez-vous
que je me tienne?
AMAAR
Pourquoi pas ici?
ANN
D'accord. Merci.
SARAH
Ah! Nos premiers
visiteurs. Entrez.
ANN
Sarah? Réveillez-vous, Sarah.
SARAH
Oui, c'est moi.
AMAAR
Je vous en prie, entrez.
SARAH
Bonjour!
JOE arrive et entre dans la salle des prières avec ses chaussures.
SARAH
Vous pouvez enlever
vos chaussures, monsieur?
Vos...
Vos chaussures, monsieur.
AMAAR
Bienvenue dans la mosquée.
SARAH
Bonjour, bienvenue.
Des kiosques sont installés dans la salle. Sur un panneau on peut lire : Délices musulmans.
BABER
L'islam a cinq piliers
qui sont...
JOE remarque un lutrin portant le coran. Une affiche indique : Minbar.
JOE
Vous avez un minibar
à la place du pupitre?
Où vous mettez
vos bouteilles de vin?
BABER
C'est un minbar,
pas un minibar.
Les musulmans ne doivent pas
boire d'alcool.
JOE
Quoi, même pas de petites
chopes pendant un match?
BABER
Jamais.
JOE
Pas une goutte?
Je devrais prier cinq fois
par jour moi aussi.
RÉVÉREND MCGEE
Je ne crois pas que Joe soit
prêt à se convertir à l'islam
dans un délai très court.
AMAAR ET RÉVÉREND MCGEE
Non.
RAYYAN montre les différentes façons de porter le voile à son kiosque.
JEUNE FEMME
Si vous êtes féministe,
pourquoi couvrir vos cheveux?
RAYYAN
C'est une question
de modestie.
Les cheveux font partie
de notre sexualité.
Donc on ne doit les montrer
qu'aux femmes.
JEUNE FEMME
Donc, vous êtes gaie?
RAYYAN
Non! Non, nous les
montrons à nos maris.
JEUNE FEMME
Ah, donc, vous êtes mariée.
RAYYAN
Non.
Pas encore.
JEUNE FEMME
Vous pouvez les montrer
à votre petit copain?
SARAH
Les musulmanes ne sortent pas
avec des garçons.
RAYYAN
Maman, arrête.
Bien sûr qu'on sort.
SARAH
Tu appelles ça sortir?
Ça ressemble plus
à un entretien d'embauche.
RAYYAN
Non. Ce serait comme
du lèche-vitrine plutôt.
On n'a pas besoin
de goûter le gâteau
pour savoir qu'il va être bon.
SARAH
Oh, bien sûr que si, voyons.
Un gâteau peut sembler bon,
mais être loupé.
Ou il peut s'agir d'un cake.
Et vous savez ce qu'on en pense.
RAYYAN
Maman. Tu veux bien
oublier les métaphores?
SARAH
D'accord, d'accord. Si ça peut
te faire plaisir. Oui.
RAYYAN
D'accord. Enfin, bref--
JEUNE FEMME
Je crois que je vais
aller parler à votre...
révérend ou prêtre.
Le rabbin, quoi.
Merci.
RAYYAN
Je vous en prie.
Merci beaucoup.
SARAH
T'as vu? C'était super--
RAYYAN
Tu vois? Non, c'est pire.
M. BIRCHWOOD
(S'adressant à YASIR)
Beau travail.
YASIR
M. Birchwood,
c'est un grand honneur de vous
voir dans notre petite mosquée.
M. BIRCHWOOD
C'est un peu miteux.
Si seulement
ils vous laissaient un peu
utiliser de la magie
Hamoudi par ici.
YASIR
C'est ce que j'arrête pas
de leur dire.
Je vous offre
quelque chose? Pas d'alcool.
M. BIRCHWOOD
Je crois que je vais
goûter un peu de ce curry.
Il paraît délicieux.
YASIR
Absolument.
FATIMA
(Animant son kiosque africain)
Et ensuite, les descendants
des compagnons du prophète
finissent par atteindre
l'Afrique.
Et ceci nous amène
à la fin du VIIIe siècle.
FEMME
C'est incroyable.
Je n'en reviens pas.
ANN
Ça alors!
(S'adressant à AMAAR)
Je croyais que c'était
vous qui deviez parler.
AMAAR
C'est politique. Je suis sûr
que vous me comprenez.
ANN
Pas vraiment. Moi, j'arrive
toujours à ce que je veux.
(Distribuant des feuillets)
Les impôts! Prenez-en deux.
FEMME
Merci.
YASIR s'adresse à un homme en complet.
YASIR
Vous savez que le commerce
a une place importante
dans l'islam?
Même le prophète était
un homme d'affaires.
Alors, si vous avez besoin
de faire des travaux chez vous,
vous savez qui appeler.
L'HOMME prend une carte d'affaires et s'en va.
AMAAR
On a dit bâtir un pont et
pas des maisons. N'oubliez pas.
YASIR
Amaar, regardez
autour de vous.
Vous n'avez pas de soucis
à vous faire.
Vous pouvez même être satisfait.
L'opération portes ouvertes
s'est passée sans aucun accroc.
Soudainement, des grésillements et de la fumée jaillissent des murs, pendant que les lumières éclatent.
JOE
C'est une embuscade!
Les visiteurs s'enfuient.
FEMME
Suivez-moi! Suivez-moi!
YASIR
Sortez! Sortez tout de suite!
SARAH
Venez, venez!
YASIR
Tout le monde dehors!
Sortez!
Allez, dehors, s'il vous plaît.
Dehors, sortez.
Tout le monde dehors.
Tout le monde dehors.
L'alarme incendie sonne
AMAAR
Oui, d'accord. On peut
appeler ça un léger accroc.
AMAAR
Léger?
Le lendemain, FRED profite des ondes pour cracher son venin radiophonique.
FRED
Je déteste l'idée
d'avoir à vous dire
que je vous l'avais
dit, peuple de Mercy,
mais je vous l'avais dit,
peuple de Mercy.
En fait, vous, vous essayez
d'aider votre prochain.
Et eux, ils essaient
de vous faire exploser.
On peut au moins remercier
notre bonne étoile
que cette espèce
de bande de djihadistes
ne soit pas capable de fabriquer
une bombe qui fonctionne.
Très bien. Prochain sujet:
apprendre à connaître son chien.
C'était Fred Tupper.
À la mosquée, YASIR constate l'ampleur des dégâts causés par l'incendie électrique. Plusieurs membres de la communauté participent à la corvée de nettoyage.
BABER
Ces infidèles ont voulu
nous réduire en poussières!
C'est notre 11 septembre à nous,
je vous le dis.
AMAAR
Ne dis plus jamais ça.
BABER
Mais c'est vrai.
YASIR
Du calme, du calme.
C'était que de la fumée.
Il n'y a pas eu de blessés.
BABER
Abdul Illah
YASIR glisse sur un papier, tombe et se relève.
YASIR
C'est bon, je vais bien.
Ça va.
On aurait jamais dû faire
appel aux pompiers.
Regardez-moi les dégâts
qu'ils ont faits.
AMAAR
Yasir, il y a eu
une explosion.
BABER
La pièce était pleine de fumée.
YASIR
C'était une petite anicroche
électrique. Mais rien de plus.
AMAAR
Vous avez essayé de réparer
ce compteur vous-même, c'est ça?
BABER
Je le savais.
YASIR
C'est votre faute. Oui.
Vous m'avez fait promettre.
Je suis un homme de parole.
Et c'était le seul moyen de
réparer dans les délais prévus.
BABER
Enroulez-moi ces tapis. Ils
commencent à empester. Allez!
YASIR
(Ramassant des cartes détrempées)
Regardez mes cartes de visite.
Devant la porte de la mosquée, le RÉVÉREND MCGEE discute avec AMAAR.
RÉVÉREND MCGEE
Je suis sûr que Yasir
ne voulait pas.
AMAAR
Il n'a pas fait ça tout seul.
Je l'ai aidé.
RÉVÉREND MCGEE
Pour les fusibles?
AMAAR
J'ai essayé de tout réparer.
Faire la paix,
créer la confiance.
RÉVÉREND MCGEE
Et là, vous découvrez
que vous n'êtes qu'un homme.
Ça prouve une fois encore
que seul Dieu est parfait.
Vous pouvez pas empêcher
la méfiance et la suspicion
de se répandre.
(Pointant les tapis roulés sur la pelouse)
Ça me fait penser
que vous devriez demander
à votre équipe d'emporter
le cadavre là-bas.
Le RÉVÉREND parle fort pour s'assurer que les passants l'entendent.
AMAAR
Oh, il plaisante.
C'est un tapis.
Juste un tapis. Quoi?
Le RÉVÉREND MCGEE rigole.
Générique de fermeture