

ONFR
Restez à l'affût des dossiers chauds à Queen's Park et dans la francophonie ontarienne et canadienne.
Vidéo transcription
Vingt ans après la saga Montfort
Le 22 mars 1997, quelque 10 000 personnes se rassemblaient pour s’opposer à la fermeture de l’Hôpital Montfort. Vingt ans après jour pour jour, #ONfr revient sur ce grand ralliement avec une émission spéciale. L’occasion de revivre les enjeux de cette crise avec des employés de l’établissement de l’époque, mais aussi l’avocat de SOS Montfort, Ronald Caza. Autour de notre animateur Étienne Fortin-Gauthier, trois acteurs de cette crise s’expriment dans une table ronde : la militante Gisèle Lalonde, le docteur John Joanisse, et Hagan Riglin, alors étudiant au secondaire.
Réalisateur: Michel Plaxton
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Titre :
#ONFR
Émission spéciale
La crise de l'hôpital Montfort
20 ans
Des manifestants marchent dans les rues en criant des slogans.
MANIFESTANTS
S.O.S. Montfort! S.O.S.
Montfort! S.O.S. Montfort!
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER (Narrateur)
Nous sommes le 22 mars 1997,
des milliers de francophones
se rassemblent à Ottawa pour
exiger la survie du seul hôpital
universitaire francophone
en Ontario: un cri du coeur
qui résonne dans toute
la francophonie canadienne.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER, animateur et reporter, s'adresse au public dans les corridors de l'hôpital Montfort.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Bienvenue à cette édition
spéciale de #ONfr entièrement
consacrée à la crise
de l'Hôpital Montfort.
On se trouve dans cet hôpital,
exactement 20 ans après le grand
rassemblement. L'Hôpital
Montfort est devenu depuis
un symbole pour les francophones
de l'Ontario, mais aussi
de tout le pays. Au cours de
cette émission, nous allons vous
rappeler certains des moments
les plus marquants de la crise
avec des acteurs qui étaient
aux premières loges.
Des extraits d'archives illustrent le propos.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER (Narrateur)
La crise éclate le 24 février
1997. La Commission
de restructuration des services
de santé de l'Ontario
recommande alors la fermeture
pure et simple de l'Hôpital
Montfort.
Pendant les extraits d'archives, le texte suivant apparaît : «L'Hôpital Montfort fermera le 30 juin 1999.»
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER (Narrateur)
Il faut dire que le gouvernement
conservateur de Mike Harris est
à la recherche d'économie
à grande échelle. Le choc est
palpable dans la population
franco-ontarienne, mais aussi
pour les centaines d'employés
de l'hôpital qui pourraient
perdre leur emploi
du jour au lendemain.
La mobilisation commence.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER, animateur et reporter, s'adresse au public dans les corridors de l'hôpital Montfort.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Mon collègue Benjamin Vachet
est allé à la rencontre de trois
employés qui étaient présents
à l'Hôpital Montfort lors
des événements et qui y sont
toujours. Vingt ans plus tard,
ils se rappellent, mais
constatent aussi tout le chemin
parcouru par l'institution.
Plusieurs images montrent ce qu'est devenu l'hôpital Montfort au fil des ans. Des extraits d'archives sont insérés pour documenter le propos. Sur les images, le texte suivant apparaît : «24 février 1997. Les hôpitaux Riverside et Monfort cesseront de fournir des soins hospitaliers. L'hôpital Riverside fermera le 30 juin 1998 et l'hôpital Montfort fermera le 30 juin 1999.»
BENJAMIN VACHET (Narrateur)
L'Hôpital Montfort a bien
changé. Menacé de fermeture
le 24 février 1997, il compte
aujourd'hui quelque 1800
employés contre 600 à l'époque.
Sa superficie a plus que
doublé depuis l'inauguration
du Nouveau Montfort en 2010.
Mais le souvenir de l'annonce
de la Commission
de restructuration des services
de santé de l'Ontario reste
vif chez plusieurs employés.
La Dre LYNE PITRE, directrice du programme de médecine familiale témoigne.
DRE LYNE PITRE
J'étais assise à mon bureau
pour écouter les nouvelles.
Mon collègue et moi, on s'est
mis à pleurer tout de suite
en sachant que l'endroit où on
travaillait déjà depuis neuf ans
devait fermer. Alors, on s'est
embarqués, parce que c'est pas
ça qu'on voulait, parce que
je suis franco-ontarienne
et j'aimais l'Hôpital Montfort.
BENOIT DUVAL, administrateur en imagerie diagnostique témoigne.
BENOIT DUVAL
Lorsqu'on nous a annoncé cette
nouvelle-là, on nous a réunis
premièrement dans la cafétéria,
et le choc était encore
plus grand parce que
des mois précédents,
on nous avait annoncé
qu'on était parmi les plus
performants au Canada. Donc,
on s'attendait vraiment pas
à ce type d'annonce là.
JUDITH BOILEAU, éducatrice clinique, témoigne. Les témoignages sont accompagnés de quelques extraits d'archives.
JUDITH BOILEAU
Les gens étaient incertains.
Moi aussi, j'étais incertaine.
Je savais pas si j'aurais
un travail. J'avais un travail
à temps complet. Je travaillais
dans ma langue.
Je travaillais à l'urgence
où j'aimais mon travail.
Et c'était vraiment à savoir
que ce serait à recommencer, ce
serait à recommencer où, parce
qu'on n'avait aucune réponse par
rapport à des options ou quoi
que ce soit. C'était juste:
"On va vous fermer."
Quelques extraits datés du 26 février 1997 illustrent le propos.
BENOIT DUVAL
Au moment de l'annonce, il y a des gens
qui gardaient un espoir,
il y a des gens qui étaient
prêts à se battre. Et il y en a
d'autres qui ont tout simplement
décidé d'abandonner le bateau et
qui sont partis à ce moment-là,
et c'était "comprenable".
Personne pouvait les blâmer.
D'autres extraits portant la date du 22 mars 1997, Centre Civic d'Ottawa illustrent le propos et accompagnent les témoignages.
BENJAMIN VACHET (Narrateur)
Le gros rassemblement du
22 mars 1997, au Centre Civic
d'Ottawa, tous s'en souviennent.
L'événement a été un moment
essentiel de la lutte
pour la survie de l'hôpital.
BENOIT DUVAL
Il y avait une foule
incroyable qui était survoltée
et c'était drôlement marquant
comme moment dans l'histoire.
Pour moi, ça a été
un moment magique.
JUDITH BOILEAU
C'est une énergie, c'est la
masse et ce qui est important,
c'est vraiment l'énergie
collective de tous ces gens-là.
Donc, on ressentait... C'était
comme un manifeste incroyable.
Les gens étaient coude à coude.
Vraiment, une vraie solidarité.
DRE LYNE PITRE
Je n'ai jamais été aussi fière
d'être franco-ontarienne.
Puis je suis allée à quelques
concerts rock vraiment le fun,
l'ambiance était meilleure là,
beaucoup plus d'émotions que
n'importe quel concert que j'ai vu.
C'était fascinant de voir
des gens parler. On a une de
nos résidentes, Dre Auger, qui,
à ce temps-là, on doit réaliser
que le résident qui décidait
d'appliquer à Montfort
pour faire sa résidence, mettait
en jeu la possibilité de faire
une résidence dans un hôpital
qui n'existait pas. Alors, on a
eu beaucoup de ces apprenants-là
qui sont venus nous valider
l'importance d'avoir un hôpital
francophone pour leur éducation.
BENOIT DUVAL
On se dit: Il y a toute cette
foule-là qui est en arrière
et qui pousse le gouvernement.
Ça va pas être accepté,
une fermeture. Donc, les gens
avaient à travailler
et à trouver d'autres solutions
et c'est ce qui a été fait.
BENJAMIN VACHET (Narrateur)
Aujourd'hui, Montfort n'est
plus le même et beaucoup de
personnes qui ont connu la crise
et le 22 mars 1997 sont parties.
BENOIT DUVAL
Les gens comme moi qui sont
ici depuis très longtemps,
on s'en souvient, mais comme
on a évolué beaucoup, l'hôpital
s'est agrandi, il y a plein
de nouvelles personnes qui,
je pense, sont au courant de ce
qui s'est passé dans le passé,
mais moins touchées que
ce qu'on a pu vivre nous autres.
BENJAMIN VACHET (Narrateur)
Cette saga a toutefois
changé le regard de
celles et ceux qui l'ont vécue.
JUDITH BOILEAU
Montfort, pour moi, je peux
dire que je l'ai dans mes
tripes, c'est-à-dire que je suis
fervente. Je vais toujours
défendre l'Hôpital Montfort.
L'élément de dire qu'on peut,
tous les jours, côtoyer des gens
dans les corridors, en réunion
ou quoi que ce soit, dans notre
langue maternelle, je trouve ça
extrêmement important.
DRE LYNE PITRE
Il y a un avant et après Montfort.
Avant, je pense qu'on
était très modeste. On était
notre petit hôpital, on faisait
nos petites choses. On était
bien, mais on n'osait pas
trop... On était les David
contre Goliath. On n'osait pas
trop se vanter. Après, on a
réalisé que oui, on avait
une place dans la société,
oui, on avait une place
pour l'éducation. Alors, on est
devenu responsable du volet
francophone de la faculté
de médecine pour le sous-gradué.
On a un programme de résidence
qui avait trois résidents
en 1997 et maintenant, on en a
26 en médecine familiale.
On a des résidents maintenant
en obstétrique, en médecine
interne, en psychiatrie,
sans compter toutes les heures
d'enseignement qu'on fait pour
les professionnels de la santé
qu'on se valorisait pas.
On se pétait pas les bretelles
pour dire qu'on est bon. Là,
maintenant, on est fier de dire:
"Regarde, nous autres aussi,
on joue dans la cour des grands
et on est très bon dans ce qu'on
peut faire pour l'enseignement."
BENJAMIN VACHET (Narrateur)
Ironiquement, c'est donc
peut-être la crise de 1997
qui a facilité l'écriture d'une
nouvelle page de l'histoire
de l'Hôpital Montfort.
De nouveaux extraits du 24 février 1997 défilent accompagnés du texte suivant sur des propos en anglais : «Les hôpitaux Riverside et Montfort cesseront de fournir des soins hospitaliers et l'hôpital Montfort fermera le 30 juin 1999.»
MANIFESTANTS
Montfort fermé?
Jamais!
Dans un extrait d'archives, on assiste à une assemblée pour sauver Montfort.
INTERVENANTE
Pourquoi, dans un pays
comme le Canada, les minorités
francophones à l'extérieur
du Québec doivent-elles encore
lutter jour après jour
pour survivre dans leur langue
et leur culture officielles?
MANIFESTANTS
Montfort!
Montfort! Montfort! Montfort!
S.O.S. Montfort!
S.O.S. Montfort!
Lors d'une assemblée, GISÈLE LALONDE s'adresse aux manifestants.
GISÈLE LALONDE
Nous avons laissé savoir
au pays, au monde,
que nous étions là pour rester,
pour grandir et pour vivre!
La date du 22 mars
sera dorénavant pour nous
le jour du grand ralliement.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER, animateur et reporter, s'adresse au public dans les corridors de l'hôpital Montfort.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Le grand rassemblement
du 22 mars 1997 a été un moment
charnière dans la lutte pour
la survie de l'Hôpital Montfort.
Plusieurs extraits d'archives accompagnent le propos.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER (Narrateur)
10 000 personnes ont participé
à la grande marche dans les rues
d'Ottawa et au rassemblement qui
a suivi au Centre Civic. Pour
de nombreux Franco-Ontariens,
cette journée a fait figure
d'électrochoc. Ils ont réalisé
le pouvoir du nombre.
Nous avons réuni autour d'une
même table trois acteurs qui
ont vécu la crise de Montfort à
leur façon. Gisèle Lalonde a été
le visage de la cause et a porté
le flambeau de Montfort sur la
place publique. Pour sa part, le
Dr John Joanisse était médecin
en chef lors des événements
au sein même de l'hôpital,
alors que Hagan Riglin a vécu
le grand rassemblement
comme étudiant au secondaire.
Voici notre entretien.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER, animateur et reporter, reçoit GISÈLE LALONDE, le Dr JOHN JOANISSE et HAGAN RIGLIN dans les studios d'ONfr.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Bonjour, bienvenue. Merci
d'avoir accepté notre invitation.
DR JOHN JOANISSE
Ça nous fait plaisir.
HAGAN RIGLIN
Heureux d'être là.
GISÈLE LALONDE
Mais oui.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Il y a 20 ans, Dr John Joanisse,
vous étiez là lors de l'annonce
de la fermeture et
vous avez même dû l'annoncer à
plusieurs membres de l'hôpital.
Dites-moi, quel était
l'état d'esprit à ce moment-là?
DR JOHN JOANISSE, premier directeur académique de l'hôpital Montfort témoigne en studio.
DR JOHN JOANISSE
On est entré dans la salle,
au Westin, je crois, et puis on
s'attendait à des modifications,
mais jamais de la vie on n’aurait
pensé qu'on nous fermerait.
D'ailleurs, c'était pas clair
dans l'énoncé qu'on nous
fermait. Et puis, lorsqu'on est
sorti, il a fallu qu'on s'assoie
dans la voiture et qu'on dise:
"Je pense qu'on vient de nous
annoncer qu'on se fait fermer."
Puis là, tout d'un coup, ça nous
a frappés. Mais là, on était
en route vers l'hôpital
pour en faire l'annonce.
Parce que c'était...
C'était fermé, cette salle-là.
Pour en faire l'annonce,
évidemment, aux médecins, aux
travailleurs de Montfort même.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et comment est-ce qu'ils ont
réagi, tous ces travailleurs-là?
DR JOHN JOANISSE
Avec des larmes, avec...
Ils étaient totalement surpris.
Beaucoup de silence. Nous,
d'ailleurs, on est allé dans
le bureau de M. Savoie, le PDG,
et on a dit: "Comment est-ce
qu'on va faire cette annonce-là?
Il faut le faire tout de suite,
mais il faut avoir un plan pour
organiser. Il va falloir qu'on
prenne ça en main, sans quoi,
on va perdre le contrôle
de la situation."
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et c'était le choc, c'était la consternation?
DR JOHN JOANISSE
Complètement.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et Gisèle Lalonde, vous,
comment est-ce que vous l'avez
appris et comment vous avez
réagi à cette nouvelle-là?
GISÈLE LALONDE, ancienne présidente, SOS MONTFORT, témoigne dans les studios de ONfr.
GISÈLE LALONDE
Moi, je suis arrivée
de Floride et on annonçait:
(Propos en anglais)
"Montfort Hospital will be closed."
Oh mon Dieu, j'ai
dit, qu'est-ce qui se passe?
Alors, finalement, après
les avoir appelés, j'ai su que
le lendemain, il y aurait une
réunion de toute la communauté
qui serait... Bien, les chefs
de la communauté qui seraient
invités à Montfort. Et puis là,
on déciderait qu'est-ce qu'on
fait. On laisse pas notre hôpital
comme ça. J'ai dit: "Écoutez, il faut
faire quelque chose. Alors,
il va falloir commencer par se
réunir. Puis pas des affaires de
200 et de 300, là. Ça nous prend
des milliers de personnes." Et
là, tout le monde me regardait
en voulant dire: Elle est folle?
J'ai dit: "Ça nous prend
une dizaine de milliers
de personnes."
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Il fallait organiser
la mobilisation.
GISÈLE LALONDE
Pour vraiment faire
bouger ce gouvernement-là.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et Hagan Riglin, vous étiez
en 11e année, 16 ans. On peut
penser qu'à cet âge-là, on n'est
pas très politisé, pas très
intéressé par les questions
sociales, mais malgré tout,
ça a été, pour toi aussi,
un peu une surprise et un choc.
HAGAN RIGLIN, travailleur social témoigne à son tour dans les studios de Onfr.
HAGAN RIGLIN
Bien, une surprise
et un choc... Je pense, comme
francophone, à ce moment-là,
même si j'étais pas vraiment
sensibilisé à la cause
des francophones en milieu
minoritaire, je pense,
je reconnaissais quand même...
Ma mère venait du Québec
et on connaît les mouvements,
au Québec, où on se bat un peu
pour la langue là-bas. Ça fait
que cette idée-là, d'essayer
de revendiquer la culture,
revendiquer la langue, c'était
déjà un peu imprégné en moi.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
La survie d'un hôpital,
on peut penser que c'est pas
nécessairement dans les tâches
habituelles de se battre pour
la survie d'un hôpital, c'est
pas dans les tâches habituelles
d'un médecin, habituellement,
mais vous vous êtes dit:
Il faut faire quelque chose.
Il faut rallier le personnel à l'interne.
DR JOHN JOANISSE
En effet, j'ai regardé
mon contrat de médecin-chef
et il y avait pas de mention de
fermeture de Montfort là-dedans.
Alors, justement, on avait vu,
par contre, une année
ou deux précédemment, en
Colombie-Britannique où on avait
visé une fermeture d'hôpital
dans six mois ou un an. Les
médecins sont tous partis avant
ça et l'hôpital s'est autofermé.
Alors, il fallait absolument
éviter ça à Montfort.
Alors, du début, la journée
même de l'annonce, on a réuni
les médecins, le conseil
des médecins et on leur a dit
les faits tels quels et on est
allé chercher leur opinion.
Mais c'était 100% universel:
on se fait pas fermer. Ce qu'ils
veulent nous donner, c'est
un centre ambulatoire. Ça n’a pas
de sens, etc. Et on a eu, de ce
moment-là, en partant, on avait
l'appui du corps médical à 100%.
On n'a pas perdu de médecins
à travers tout ça.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Pendant ce temps-là, à l'extérieur,
la mobilisation s'organisait.
Là, vous, vous avez tenté
de rallier la population. Est-ce
que ça s'est fait facilement?
GISÈLE LALONDE
Ça s'est fait facilement, oui.
Vous pouvez pas vous imaginer
les gens comment est-ce qu'ils
ont du coeur. Je croyais
vraiment qu'on était pour avoir
tout le monde, les francophones
étaient pour nous suivre.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et le 22 mars 1997, donc, il y
a ce fameux grand rassemblement.
Qu'est-ce que vous avez ressenti
en voyant ces 10 000 personnes
devant vous?
GISÈLE LALONDE
Oh, ça fait chaud au coeur.
Mais j'étais tellement contente
que j'ai pas pleuré, moi.
Il y en a bien, des femmes, qui
pleurent, mais moi, je pleurais
pas. Au contraire, je regardais
tout le monde puis je souriais
parce que je les connaissais
presque tous, il me semblait.
Et puis, il y avait des petits
jusqu'en avant, et des bébés
avec "Je suis né à Montfort."
C'était tellement beau.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et dans la foule,
il y avait notamment des jeunes
comme Hagan. Vous étiez
aux premières loges, 16 ans.
Qu'est-ce que vous ressentiez
dans cette foule-là, immense?
HAGAN RIGLIN
Une détermination, une
énergie. Le monde avait hâte de
dire un peu leur mot. On voyait
en effet les drapeaux, le monde
qui balançait leur drapeau, les
affiches. Tu sais, c'était même
pas commencé et c'était fort,
c'était bruyant. Le monde
faisait du bruit.
GISÈLE LALONDE
Et il y en avait de tout âge.
Nous autres, ça nous faisait
tellement plaisir
de voir ces jeunes-là.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Les gens criaient:
"Montfort fermé, jamais", hein?
Vous vous souvenez de ça?
GISÈLE LALONDE
Ensuite, on a des gens,
les plus importants, on va dire,
au niveau santé, qui sont venus,
comme Dr Joanisse et puis
les universités et tout ça.
Ils sont tous venus dire un mot
à l'avant. Et leur mot, c'était
rien qu'à peu près trois, quatre
lignes, mais c'était
tellement touchant. Vous savez,
ça nous faisait mal au coeur
tellement que c'était beau.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et de voir l'appui
de la population lors du grand
rassemblement, qu'est-ce que
vous ressentiez comme médecin?
DR JOHN JOANISSE
Alors, on était sur la scène.
C'était comme un gros concert
rock. C'était incroyable,
l'énergie qu'on sentait venir
de la population devant nous.
On avait des personnes
de partout comme vous avez dit.
J'avais de mes anciens patients
du Nord ontarien, du Nord-est
ontarien, qui étaient là,
et je regardais dans la foule
et je reconnaissais M. Chose,
Mme Chose et puis l'enfant
qui venait de l'école.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Ils venaient de Kapuskasing.
DR JOHN JOANISSE
De Kapuskasing, justement,
mais de Fauquier,
de Mattice, de Val Rita.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Il y a quelque chose qui a
changé, cette journée-là.
Au-delà du symbole,
le chapitre Montfort a changé
quelque chose dans la communauté
franco-ontarienne?
GISÈLE LALONDE
Définitivement.
D'abord, la communauté a réalisé
qu'on n'avait pas ce qu'il fallait
pour sauver notre hôpital.
Il fallait faire beaucoup,
beaucoup de choses.
Et puis, on a vu aussi qu'il
fallait se rassembler souvent.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et pour les jeunes, Hagan,
pour toi aussi, ça a changé
quelque chose. Au niveau
individuel, il y a eu
un avant et un après-Montfort.
HAGAN RIGLIN
Bien, oui. Je pense que pour moi,
ça a éveillé un peu en moi...
... le vouloir de m'identifier
avec une culture qui avait
tellement un riche historique
de revendications
et une culture qui était forte,
malgré qu'elle était
en situation minoritaire.
Et je pense que le ralliement,
ça m'a montré à quel point
les personnes francophones en
Ontario tenaient à leur langue,
tenaient à leur culture
et tenaient à leurs services
aussi, en français. Et ça m'a
beaucoup parlé. C'est à peu près
à ce moment-là que moi-même,
tu sais, étant né à l'extérieur
de l'Ontario et j'avais déménagé
pas longtemps avant ça,
c'était la première fois,
à peu près, après ça,
que je commençais à m'identifier
comme Franco-Ontarien. Parce que
la force de cette communauté-là
me parlait beaucoup.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et aujourd'hui, vous êtes
travailleur social dans
une école. Vingt ans plus tard,
est-ce qu'il reste quelque chose
chez les jeunes de ce Montfort-là,
de cette crise, de ce combat?
HAGAN RIGLIN
Bien, je dirais que dans
les écoles où je travaille,
c'est pas comme si les élèves
se promènent dans le corridor
en chantant: "S.O.S. Montfort."
Mais je pense que ça fait partie
des cours d'histoire. Je sais,
entre autres, que la FESFO fait
un grand travail pour promouvoir
la culture et l'historique
franco-ontarien dans les écoles
et on voit les affiches
dans les écoles qui parlent,
justement des affiches avec Mme
Lalonde, avec S.O.S. Montfort,
où on continue de sensibiliser
les élèves des écoles
quant à notre histoire.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Donc, c'est encore là.
DR JOHN JOANISSE
C'est une tradition verbale,
un peu de bouche à oreille
d'une génération à l'autre.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Et ça a changé quelque chose
d'ailleurs aussi
dans la communauté médicale
franco-ontarienne.
Il y a eu un avant et un après.
DR JOHN JOANISSE
Bien, je pense que ça revient
au fait que Montfort avait
commencé à recevoir des
résidents en médecine familiale
et qu'on voyait que c'était le
futur de la médecine en français
en Ontario. Donc, c'était
pas simplement la fermeture d'un
autre hôpital comme les autres
qui voulait rester ouvert,
mais c'était plutôt la fermeture
de quelque chose qui commençait
à prendre racine et qui pouvait,
à un moment donné, répondre
aux besoins des Franco-Ontariens
de se faire traiter
dans leur langue. C'est ce qu'on
entendait continuellement:
"Je veux être capable de
m'exprimer, me faire comprendre
dans ma langue, parce que quand
je suis malade, c'est le
français dont je veux me servir.
Ce sera pas une autre langue,
une langue seconde.
Je serai pas en mesure de
vraiment m'exprimer." C'est ce
qu'on a entendu comme médecins.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Après, Mme Lalonde, est-ce que
vous pensez qu'aujourd'hui,
les élus anglophones respectent
davantage les francophones?
GISÈLE LALONDE
Oh oui, définitivement.
On voit qu'ils commencent
à parler beaucoup plus
des francophones et à être
au courant de nos problèmes.
Et puis, même, ils vont
se servir de nous pour essayer
de gagner leurs élections.
Montfort était devenu une maison
qui nous appartenait et c'était
chez nous. Alors, c'est encore
comme ça. Alors, on y va
et on n'est pas gêné. On parle
à ces gens-là et c'est comme
si c'était tous nos parents.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Ça demeure encore votre maison,
la maison des francophones.
GISÈLE LALONDE
Ça demeure encore notre
maison. Et les nouveaux médecins
qui arrivent, même du Québec,
partout, bien, on voit
que ça prend pas de temps qu'ils
deviennent comme les nôtres.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Merci beaucoup de vous être
souvenu de ces moments marquants
et de voir, aujourd'hui, quel
impact ça a pour la communauté
franco-ontarienne. Ça a été
un grand plaisir de vous avoir
avec nous aujourd'hui.
GISÈLE LALONDE
Merci beaucoup
de nous avoir invités.
De nouveaux extraits d'archives défilent.
INTERVENANT
Il est impensable
de fermer Montfort.
ME RONALD CAZA
Parce que la cause
qui est devant la cour,
c'est une cause qui est réelle.
INTERVENANTE
C'est parce que le gros
bon sens, c'est de garder
Montfort...
MANIFESTANTS
Ouvert! Ouvert!
GISÈLE LALONDE
Restons unis, marchons
la tête haute et le combat
ne fait que commencer.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER, animateur et reporter, s'adresse au public dans les corridors de l'hôpital Montfort.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Si la mobilisation populaire
a joué un rôle important
dans le recul du gouvernement
dans le dossier de Montfort,
ce sont les tribunaux
qui ont mis un terme définitif
aux ambitions gouvernementales.
Des extraits d'archives illustrent le propos.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
En 2001, Montfort signe
une victoire ultime devant
la Cour d'appel de l'Ontario
en s'appuyant sur
la constitution et la protection
des minorités linguistiques.
Tout au long de ces démarches,
c'est Me Ronald Caza qui défend
Montfort face au gouvernement.
Mon collègue Sébastien Pierroz
l'a rencontré.
SÉBASTIEN PIERROZ, premier rédacteur - reporter aux affaires francophones, rencontre en entrevue, Me RONALD CAZA, avocat. Pendant l'entrevue, quelques extraits illustrent le propos.
SÉBASTIEN PIERROZ
M. Caza, bonjour.
ME RONALD CAZA
Bonjour.
SÉBASTIEN PIERROZ
On est aujourd'hui 20 ans
après le grand rassemblement
du 22 mars 1997.
Première question: où étiez-vous
ce fameux 22 mars?
ME RONALD CAZA
Bien, moi, je peux te dire
que le 22 mars, j'étais,
en 1997, j'étais finalement
au Centre Civic.
Et ce que je peux vous dire,
on était là peut-être une heure
et demie, 90 minutes, peut-être
deux heures avant le spectacle.
Et puis, écoute, il y avait
personne qui s'en venait.
Comme, je me souviens qu'on se
disait: Écoute, est-ce que
le monde va venir? Parce que,
écoute, il y avait toutes sortes
d'engagements, il y avait toutes
sortes de choses qui sont
arrivées. Et à peu près une
heure avant ou 50 minutes avant,
les autobus pleins ont commencé
à arriver de partout. Les gens
ont commencé à tous rentrer tous
en même temps. Et puis, écoute,
avant qu'on commence finalement
l'événement, la salle était
pleine et il y avait bien
des jeunes, il y avait
des pancartes, il y avait
du monde de partout.
SÉBASTIEN PIERROZ
On sait qu'il y a eu plusieurs
étapes jusqu'en 2001, date
à laquelle la Cour d'appel
de l'Ontario a reconnu
la protection juridique dont
jouissait l'Hôpital Montfort.
En quoi Montfort a fait jurisprudence?
ME RONALD CAZA
Que la décision Montfort est
une décision où on a affirmé que
la communauté franco-ontarienne
avait un droit d'être protégée,
finalement, d'être protégée
et de promouvoir, finalement,
que le gouvernement avait
cette obligation-là.
Puis le fait que c'est un hôpital,
bien, c'est une coïncidence
que nous autres, c'est un hôpital.
On a utilisé le même argument
dans d'autres provinces
à travers le pays
où c'était pas un hôpital,
c'était une autre institution,
c'était une autre organisation,
c'était un autre droit.
Quand on regarde
des situations, l'éducation,
le système d'éducation
en Colombie-Britannique,
il y a eu des grosses décisions,
dernièrement. Puis on regarde le
fondement de ces décisions-là et
les principes qui l'ont fondé,
un des principes,
c'était finalement le fait qu'il
est essentiel aux minorités
linguistiques de survivre.
SÉBASTIEN PIERROZ
On a vu, il y a quelques mois,
l'affaire du campus de l'Hôpital
général de la baie Géorgienne,
c'est à Penetanguishene, où
finalement, il y a eu une alerte
et l'hôpital a dû fermer.
Cet hôpital était protégé
en vertu de la Loi
sur les services en français.
Est-ce que, malgré
la jurisprudence énorme
qui a succédé à Montfort,
tous les établissements peuvent
être aujourd'hui protégés
comme il se doit?
ME RONALD CAZA
J'ai pas été impliqué
dans ce dossier juridique là.
J'étais pas impliqué.
Mais ce que je peux vous dire,
la réponse, c'est oui.
Les obligations en vertu
de la Loi sur les services
en français, ces obligations-là
continuent et ça, c'est
une loi qui est provinciale
en Ontario. C'est que c'est
des obligations finalement
que les gouvernements se doivent
de respecter et s'ils ne les
respectent pas, on peut se
présenter devant les tribunaux
pour les forcer à respecter
ces obligations-là. Et le seuil
qu'est, finalement, le seuil
que le gouvernement doit
rencontrer pour manquer
à ces obligations-là pour dire:
"Écoute, on le fera pas",
est extrêmement élevé
à cause de la décision
de la Cour d'appel de l'Ontario.
SÉBASTIEN PIERROZ
On sait qu'il y a beaucoup de dossiers
pour les Franco-Ontariens,
pour ne citer que l'université
franco-ontarienne ou encore le
projet d'Ottawa Ville Bilingue.
Est-ce qu'on a besoin
de ce genre de ralliement
pour mobiliser et pour pousser
ces dossiers encore davantage?
ME RONALD CAZA
Ce que le ralliement fait,
c'est un rappel que quand
on se met ensemble et on est
en mesure de démontrer comment
c'est important pour nous une
institution ou un amendement
ou un règlement ou un changement
ou la création d'une institution
comme ça, c'est important pour
nous. Bien, savez-vous quoi?
Quand on se met ensemble, on est
capable de réussir à l'obtenir.
C'est ça que le 22 mars 1997.
Parce que c'est là où
la communauté franco-ontarienne
s'est mise ensemble. On s'est
mis ensemble et on a réalisé
des grandes choses.
SÉBASTIEN PIERROZ
Est-ce qu'on pourrait,
aujourd'hui, avoir un ralliement
avec 10 000 personnes comme
c'était le cas il y a 20 ans?
ME RONALD CAZA
Bien, écoute, je pense que
la réponse est clairement oui
et je dirais même probablement
plus que 10 000 personnes.
Et une des raisons, je pense,
c'est que si on va dans les
écoles secondaires, aujourd'hui,
je parle aujourd'hui en 2017.
Vingt ans finalement... Quand
on est allé en 1997, il y avait
plusieurs écoles qui étaient là.
Une des différences,
c'est les jeunes depuis, eux,
ils apprennent à l'école comment
qu'ils ont réalisé quelque chose
d'absolument extraordinaire
avec la décision Montfort.
SÉBASTIEN PIERROZ
Vous êtes, aujourd'hui,
l'une des figures de proue
franco-ontariennes.
Est-ce que le cas Montfort
a changé votre carrière?
ME RONALD CAZA
À cause que j'ai eu
l'opportunité, parce que c'est
une opportunité que j'ai eue
de plaider le dossier Montfort,
j'ai été invité à poursuivre
toutes sortes d'autres litiges
et d'autres, finalement, combats
un peu partout dans la province.
On a des chefs de file dans tous
les coins de la province. On a
des hommes et des femmes qui,
chaque jour, font des choses
extraordinaires pour sauver
la communauté ou s'assurer que
la communauté franco-ontarienne
peut se continuer à grandir et
finalement devenir plus forte.
Puis, ce que ça va donner,
c'est l'occasion de travailler
avec toutes ces personnes-là,
parce que, finalement, j'ai eu
l'occasion... Ils ont retenu
mes services, j'ai pu aller
travailler avec eux et ensemble,
finalement, on a réalisé
des grandes choses dans toutes
ces places-là, sauf que, moi,
ce qui était extraordinaire
pour moi, c'est de rencontrer
toutes ces personnes-là.
Puis, c'est pas évident, pas
avoir un dossier comme Montfort,
comment tu te retrouverais
dans toutes ces communautés-là,
travaillant avec toutes
ces personnes extraordinaires,
là. Ça, j'en serai toujours reconnaissant.
SÉBASTIEN PIERROZ
M. Caza, je vous
remercie beaucoup.
ME RONALD CAZA
C'est moi qui vous remercie.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER, animateur et reporter, s'adresse au public dans les corridors de l'hôpital Montfort.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
La mobilisation autour de
l'Hôpital Montfort a été
un moment névralgique dans
l'histoire de la francophonie
de l'Ontario.
Les adresses suivantes apparaissent : www.TFO.ORG/ONFR, Facebook tfoONfr et Twitter @Onfr_TFO
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
De cette crise est
né un mouvement de solidarité
sans précédent qui résonne
encore aujourd'hui dans
la communauté franco-ontarienne.
C'est sur cette note que se
termine cette édition spéciale
de #ONfr. Merci à toutes
les équipes qui ont permis sa
réalisation, et à vous d'avoir
été là. À très bientôt.
Générique de fermeture
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